e t’inquiète pas Kira j’ai un plan ! Il est simple comme tout. » sourit-elle, sûre d’elle.

Malta secoua sa tête avant de lever les yeux en l’air dans un geste de frustration et que grogner quelque chose. Evidemment elle connaissait le plan de Laurel et évidemment un plan de Laurel ne présageait rien de bon. Cozamolotl au contraire ne semblait pas perturbé, posé sur le sol a côté d’Hématite il attendait patiemment que sa dresseuse explique son absurde idée.

« Alors, l’idée c’est que pour s’infiltrer chez les Démolosses il faut être FORTS ! » Pyrite poussa un petit rugissement, imité par Laurel. « Et COURAGEUX ! » Komodo bomba le torse en plissant ses yeux reptiliens comme le fit Laurel. « Mais aussi avoir l’air MECHANTS ! » Proto remua et Laurel ondula avec ses bras et son corps. Son sourire s’agrandit et elle se tourna vers ses pokémons les pointant du doigt. « Voilà, exactement comme ça ! Vous avez tout compris. Si on se déplace comme des baggaïds, je te promets on va se fondre dans la masse ! »

« Oui, fondre. C’est ce que vous allez faire sous les flammes des Démolosses. » grogna Malta.

« Du coup, je disais. » l’ignora Laurel, son sourire ne vacillant pas d’une once. « On est forts, courageux et méchants et en plus, on a une armée ! » Les pokémons de Jeanne firent du bruit en secouant leurs pattes. La ranine les applaudit joyeusement. « On envoie notre armée menée par Âtre et Invar dans le camp des Démolosses. Ils se battent. Y’a des griffes, du feu, du sang, c’est la guerre ! Et les Démolosses sont là et pensent. » Elle fit une tête bizarre prenant une voix encore plus étrange. « Il y a une armée a nos portes ! Oh non ! Il faut se concentrer dessus ! Mettons toutes nos forces dans la bataille ! » Elle changea de position se courbant légèrement en chuchotant sur le ton de la confidence. « Mais ils n’avaient aucune idée de ce qui allait les attendre ! »

Pyrite sautilla joyeusement tenant les pattes de son frère. Le plan était génial ! Elle adorait ce plan ! C’était le meilleur plan au monde parce que c’était le plan de Laurel ! Falot aussi sautillait avec elle mais plus parce qu’il trouvait ça amusant. Kita préférait lancer des regards inquiets à Falkor qui se contenta d’hausser les épaules. Laurel était tellement enthousiasmée à l’idée de retrouver celle qu’elle aimait que, pour quelques jours elle en avait oublié d’être triste et terrifiée par tous les changements qu’elle avait déclenché avec Kira.

Laurel fit un large geste avant de mettre son doigt comme un attention. « Pendant ce temps, nous on va s’infiltrer en mangeant du miel, c’est important, grâce à un tunnel creusé par Malta. Et ressortir en plein milieu du camp des Démolosses ! » Petits applaudissements de l’audience. « Ils ne s’attendaient pas à ce qu’on vienne dans leur camp ! Ils pensaient qu’il y avait une armée aux portes !! Du coup on attrape Jeanne et Tourmaline très rapidement et on repart. Fini ! »

Laurel s’arrêta avec tadaa !, les bras écartés avec fierté. Pyrite fit des petits bonds en tourant sur elle-même avant de prendre la même pause que Laurel. Proto se transforma aussi en Laurel pour prendre la pause de Laurel, c’était un final grandiose. Digne d’un plan infaillible.  

« Est-ce qu’il y a un point faible ? » demanda la joaillière pour faire bonne mesure.

« Notre plan. » souffla Malta.

Laurel ramassa une poignée de sable pour lui jeter dessus. La carmache se secoua avec un sourire avant de lancer un jet de sable sur Laurel qui se fit renverser par l’attaque. Malta savait que la ranine faisait de son mieux pour garder le sourire malgré l’angoisse qui la taraudait. Tous les pokémons l’avaient compris. Sauf peut-être Proto. Le fait est, que le futur est incertain. Impossible de savoir comment était Jeanne ou si elle était partie volontairement. Et dans ce cas là… quoi ? Devaient-ils l’abandonner et respecter sa décision ? Ou se battre pour la récupérer ? C’était des choses auquel Laurel ne voulait pas penser alors suite à la proposition de Pyrite et Plante, traduite très aimablement par Cozamalotl, le groupe décida de formuler un plan en mélangeant les idées de tout le monde.

C’était une manière de s’occuper pendant les quelques jours de préparation. Sinon l’impatience de Laurel les aurait menés droit dans la gueule des bêtes. C’était aussi une bonne idée pour garder son esprit concentré. Il lui était arrivé de cracher des flammes quelques autres fois et il avait fallut tout l’amour d’Hématite pour la calmer. Malta sentait bien que Laurel la regardait différemment depuis le cataclysme. Elle faisait de son mieux pour garder la tête haute et l’ignorer mais son trésor avait tendance à la dévisager ou se reculer légèrement en sa présence. Elle ne le faisait pas tout le temps bien sûr et ce n’était peut-être pas conscience mais… si la carmache était franche avec elle-même cela lui faisait du mal.

Malta préférait donc rester silencieuse la majorité du temps, suivant l’exemple de Falkor en apprenant à communiquer avec son regard et son corps. Elle était néanmoins jalouse du fait que cet oiseau de malheur puisse communiquer sans problème avec sa dresseuse. Pourquoi en était-il autrement pour elle ? Était-ce parce que les dragons ne sont normalement pas supposés communiquer avec les humains ? Pourtant c’était tout ce qu’elle avait voulu. Pouvoir dire à Laurel à quel point elle comptait sur elle, pouvoir veiller sur elle et être écoutée. Elle se disait parfois qu’elle ferait mieux d’être comme le Tyran, une brute sans cervelle avec une force sans égale. Au moins elle serait toujours utile à Laurel sans souffrir de sa peur.

Hématite caressa doucement les écailles de Malta avec un doux sourire. La gravalanch travaillait dur pour maintenir la cohésion du groupe, veillant à ce que chacun puisse trouver une oreille attentive qui garderait leurs secrets telle une pierre tombale. Comme quasiment tout le monde ici, elle espérait que retrouver Jeanne permettrait de remettre de l’ordre dans leur petite famille. Heureusement, en attendant, elle pouvait compter sur Kira pour agir comme la voix de la conscience et le ciment qui les gardait unis. Hématite respectait énormément la petite dont la force de caractère la surprenait toujours.

Laurel se tourna vers Kira, les poings sur les hanches et le regard déterminé. Il était temps de mettre en place le plan et de récupérer son autre moitié. Ça faisait trop longtemps que Jeanne n’était plus avec elle, elle avait tellement hâte de la prendre dans ses bras et de finalement relâcher toute la tension accumulée.

« Tu as pu prendre les armures au cas où ? Âtre et les autres je vous laisse ouvrir le chemin. Pyrite et Komodo vous restez avec moi, Nival aussi. » Elle fit signe à Proto qui se transforma en un ruban qu’elle attacha dans ses cheveux. Cozamalotl se rapprocha des deux femmes, il ne quittait pas Laurel. « On est prêts à partir. »

Elle donna les instructions aux autres pokémons qui pouvaient se résumer à : restez cachés le temps qu’on creuse le tunnel, vous attaquerez lorsqu’on vous donnera le signal. Les pokémons disparurent dans les rochers. Âtre avait donné les instructions pour se rendre au camp à Nival et Malta. Cette dernière était elle aussi partie en éclaireuse pour commencer à creuser le trou. Aussi stupide que soit le plan de Laurel, c’était aussi le seul qu’ils avaient. La ranine se tourna ensuite vers Kira lui lançant un sourire timide.

« Tu vas bien ? Tu as l’air fatiguée. Tout va bien se passer t’inquiète, Jeanne est super forte, si on est dans le pétrin elle nous sortira de là. »

Elle lui tendit sa main pour l’inviter à la suite dans une autre de ses rocambolesque aventures. Cette fois-ci, elles en sortiraient victorieuses. L’échec n’était pas une option.

HS
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aurel fit un bond. Manquant tout juste de se vautrer par terre lorsque Kira la tira brusquement derrière elle. Entre la voix sortie de nulle part et la réaction atypique de son amie, la ranine sentit l’anxiété monter. Une femme était apparue de nulle part, les cheveux d’un blond sablé coupés court et un regard saisissant qui lui fit questionner sa santé mentale. Elle voyait des traces de Jeanne partout depuis sa disparition. Mais peut-être bien que pour la première fois depuis des mois, c’était avec raison.

La femme tenait plus de l’abo, ce vicieux pokémon au poison foudroyant, que de l’humain. Ses pas frappaient la pierre au rythme de la queue à sonnette du serpent des sables. Un avertissement avant l’attaque mortelle. On disait que lors qu’un pokémon sauvage devenait agressif qu’il valait mieux ne pas bouger et surtout ne jamais le regarder dans les yeux. La démarche chaloupée de la femme était presque hypnotisante dans sa beauté mais Laurel n’avait d’yeux que pour son visage, son regard fixé dans ses deux orbes brunes aux accents familiers. Un murmure comme dans un songe de similitudes suffisamment suggérées pour faire crier son cœur à l’agonie. Pyrite s’accrochait aux jambes de sa dresseuse, son petit museau frémissant, elle cherchait désespérément à démêler les odeurs familières de celle agressive des chiens de feu. L’inconnue empestait le démolosse.

« Son nom est Jeanne. » gronda Laurel, les dents serrées.

Quelques volutes de fumées s’échappaient de la commissure de ses lèvres sans qu’elle ne s’en rende compte. Cette femme, connaissait sa bien-aimée, pire encore, elle savait où elle était.


Laurel prit une inspiration, le regard sombre. Il y’avait trop d’information à digérer en même temps. Le plus inquiétant restait le fait qu’ils se soient déjà fait prendre. Le plan était parti en fumée avant même d’avoir été mis en action. Il était peut-être encore temps de reculer pour que Kira puisse sortir d’ici vivante… La ranine lâcha un grognement. Au diable le plan ! On ne s’interposait pas entre elle et Jeanne !

« Non je la connais pas mais elle sait où est Jeanne, il faut que je la sauve, coûte que coûte. » répondit-elle à Kira avant de reporter son attention sur la femme. « Qu’est-ce que tu lui a fait ?! T’es une Démolosse c’est ça ? » Sa mémoire chercha vainement le nom d’une Démolosse d’Yveltal, Jeanne lui avait parlé d’elle, son nom c’était… « Erica ? »

Elle se baissa pour faire monter Pyrite et Komodo sur ses épaules, les deux petits lézard enfoncèrent leurs griffes dans sa peau pour se stabiliser. Il fallait qu’elle la distraie. Elle attrapa la main de Kira dans la sienne. Son esprit fixé sur un unique objectif. Cozamalotl pris son envol.

« Tiens-toi prête à courir. Changement de plan on charge dans le camp. » Chuchota-t-elle à Kira.

Un vent se mit à souffler dans leur sens, vers la Démolosse.

« Pyrite, kof kof ! »

La petite salamèche ouvrit brusquement la gueule pour cracher une épaisse buée noire que le vent porta rapidement sur la Démolosse et son pokémon. D'un même geste Laurel tira brusquement sur le bras de Kira pour qu'elle parte dans sa direction.

« COURS ! »

aurel courait à en crever. Son bras était tiraillé par l’action contraire de Kira qui n’allait pas assez vite et son dos brûlait des lacérations que les deux petits salamèches gravaient dans leur panique. Malgré tout cela, son rythme endiablé et le terrain accidenté, elle n’avait pas le souffle court. Elle aurait rajouté Kira sur ses épaules s’il le fallait. Chaque pas la rapprochait de Jeanne et l’euphorie s’emparait d’elle. Nival galopait à ses côtés, résolut et vaillant malgré le sol cramoisi de Ran qui brûlait ses coussinets.

« Je crois qu’on l’a semée ! Malta ne doit plus être très loin ! »

La ranine ne s’arrêtait plus. Jeanne semblait à portée de main, elle pouvait presque l’imaginer au tournant, prête à se jeter dans ses bars. Puis une apparition vint réduire ses espoirs en éclats. Le rugissement du dragon lui vrilla les tympans. Ses bottes glissèrent sur les graviers faussant son équilibre. Comment avait-elle fait pour les rattraper aussi vite ? Quelle était cette folie ? Son regard se posa sur le pokémon lame à côté d’elle. Téléport. Merde. Elles étaient cernées, où qu’elles aillent la démolosse les attendrait. Sans téléporteur pour contrecarrer le gallame ils étaient fichus. Pourquoi alors la femme n’avait-elle pas prévenu la garde ?

La drattak grogna, faisant claquer ses mâchoires et battre ses ailes, les narines fumantes. Elle connaissait suffisamment les réactions de Malta pour y voir la colère. Venant d’une bête capable de leur arracher la tête d’un coup de griffe cela n’avait rien de rassurant. Laurel lâcha sa main pour la poser sur la garde du cimeterre de Jeanne.

« Si ça dégénère, tu fonces chercher Jeanne pendant que je l’occupe. » demanda-t-elle à Kira.

La femme était furibonde, toute sa rage était transmise dans ses cris aigus et ses yeux noirs de colère. Laurel encaissa le choc. Serre d’Or. La mère de Jeanne. Elle carra ses épaules pour paraître légèrement plus grande. C’était idiot mais même dans une telle situation elle voulait laisser bonne impression. Ce qui était visiblement plutôt raté vu la tête de la femme devant elle. Malheureusement, elle n’avait pas prévu de thé pour ce sauvetage, ni n’avait franchement l’envie d’en boire. Tant pis, elle n’aurait qu’à courber l’échine plus tard pour recoller les morceaux, pour l’instant seule Jeanne comptait et elle était sur le chemin.

Elle grimaça légèrement devant les insultes mais ne protesta pas. Elle-même se posait tous les jours ces mêmes questions. Comment avait-elle fait pour gagner le cœur de quelqu’un aussi merveilleux que Jeanne ? Comment avait-elle fait pour se mari- QUOI ?

« Attendez de qu- »

La bague ricocha sur le sol.

Laurel inspira.




Le monde entier s’était figé dans une cacophonie assourdissante. Elle n’arrivait pas à comprendre. Cette bague était un secret bafoué et jeté dans la boue. Laurel se baissa pour la ramasser, la prenant délicatement dans sa main. Elle souffla doucement sur le sable, n’osant pas refermer ses doigts sur le métal. C’était trop précieux, trop fragile. Elle avait l’impression de tenir le cœur de Jeanne dans sa main. Brillant, unique, parfait.

Serre d’Or avait volé à Jeanne la chance de faire sa déclaration. Cette dernière l’aurait certainement faite au pire moment, durant un combat contre des rattatacs armés de poignards ou dans des marais puants. Elle aurait même pu la faire… à Enogen, pendant qu’elles mangeaient des crêpes au pied d’une fontaine, alors qu’elle-même essayerait de retenir le sucre glissant sur les genoux de sa bien-aimée. Ça n’aurait même pas eu besoin d’être romantique parce que ça aurait eu le simple mérite d’exister. Sauf que le moment avait été bafoué par cette femme.

« Oui. » souffla Laurel, laissant glisser une larme, répondant à la promesse que portait cette bague. « Je le veux. »

Elle embrassa tendrement l’alliance avant de la glisser à son doigt. Le dragon d’argent était à sa place.

Le regard qu’elle leva vers Serre d’Or était noir de haine. Et la femme ne faisait qu’aggraver son cas. Chaque mot qu’elle prononçait enfonçait un peu plus le clou. Laurel listait leurs crimes dans sa tête. Un. Ils sont responsables pour tous les démons de Jeanne, ses ombres qui la torturent et hantent ses nuits. Deux. Ils l’ont faite souffrir, physiquement comme mentalement, la torturant avec leurs dogmes fanatiques. Trois. Ils lui avaient arraché la seule chose qui lui appartenait encore, lui avait retiré toute liberté et bafoué son âme en modifiant sa mémoire. Quatre. Ils l’avaient envoyé mourir dans la toundra. Cinq. Ils l’avaient séparée de sa famille, de ses pokémons. Six.

Elle continua ainsi, tout le long du monologue de Serre d’Or. Les crimes s’accumulaient, croupissant dans un puits sans fond d’horreurs qui avaient traumatisés sa bien-aimée. Et ils en étaient fiers. Ils revendiquaient leurs méfaits et l’accusaient elle de tous les maux de Jeanne. Laurel lui aurait sauté à la gorge mais la bague pesait lourd à son doigt. Lourde du poids des sentiments inavoués et d’un futur assombri.

Laurel choisissait chaque jour en se levant d’être une bonne personne. Elle choisissait de sourire, de jouer, de garder son imagination et son âme d’enfant. Lorsque la cruauté du monde refermait ses griffes autour de sa gorge, elle faisait le choix de l’ignorer en faisant des bêtises. De se rire de ses erreurs et de moquer ses blessures. Parce que c’était ça un Chevalier. Un héro, qui à travers l’adversité ne perdait pas espoir. Quelqu’un qui voyait tout le mal du monde et se refusait à l’accepter. Mal, tu m’attendras peut-être mais, tu ne me marqueras pas, parce que je refuse d’être définie par toi.

Dans son enfance elle répétait ça. Je ne suis pas manchot. Elle avait juste un bras si incroyable qu’il ne pouvait être vu. C’était sa force, comme il n’était pas vraiment là, ça voulait dire qu’il pouvait être tout ce qu’elle voulait qu’il soit. C’était comme ça qu’elle gardait le sourire devant les messes basses des adultes et les provocations des enfants. Elle avait passé vingt-huit année de sa vie à se construire une idylle.

Cette dernière année l’avait changée. Elle s’était trouvé ce bras magique dont elle avait tant rêvé dans son enfance. Elle avait trouvé l’amour. Sous toutes ses formes. Elle avait connu la peur, celle qui vous dévore les entrailles et déchire vos nuits. Elle avait connu le désespoir, celui si profond qu’il vous suffoque, vous engloutit tout entier pour ne laisser qu’une carcasse vide. Elle s’était noyée dans le Mal du monde. Elle avait coulé.

Laurel se releva.

« Non. »

Elle fixait, Serre d’Or Eladan. La mère de deux des plus grandes merveilles de ce monde. Elle n’était rien d’impressionnant. Elle avait vu pire. Elle s’était vu tous les matins pendant cinq mois, se dégradant au fil des jours, rongée par la culpabilité. Elle avait vu mieux. Elle avait vu Kira et sa bonté, ses encouragements, sa présence perpétuelle à ses côtés, un miroitant l’éclat du soleil.

« Non, je ne partirais pas, Serre d’Or. » elle cracha ce dernier mot d’une voix vibrante.

Pyrite feula sur son épaule. Sautant sur le sol pour défier le gallame, son frère à ses côtés. Nival pas loin derrière. Les démolosses n’avaient rien d’une famille. Ils n’étaient qu’un amalgame de cancrelats cousus ensemble par la violence et les mensonges, une illusion déformée d’un amour malsain.

« Que son nom soit Jeanne, Croc Bleu ou Vagabonde, elle reste celle que j’aime. Et je l’aime tout entière. Ses défauts, son passé et ses erreurs. J’aime sa colère bouillonnante qui menace de tout détruire mais qui jamais ne le fait. J’aime ses qualités, son présent et ses exploits. La manière dont elle prend soin de ses pokémons et la manière dont nous passons nos nuits unies. »

Un grondement monta dans sa gorge.

« Vous ne la méritez pas. Vous n’êtes qu’une bande de vauriens, sans cœur ni âme ! La seule chose que vous connaissez c’est ce que vous voulez posséder et ce que vous ne possédez pas vous détruisez. Je ne vous laisserais pas détruire celle que j’aime. Jeanne devrait être libre, libre comme un oiseau, comme le vent qui souffle dans la toundra, comme le feu qui brûle le sable. »

Cozamalolt déploya ses ailes faisant danser les couleurs de ses plumes. Un chevalier avait besoin d’une armure. Une aura luminescente se forma autour de Laurel. Armure éthérée à l’image de la création de Kira. Armure magique protégeant des ténèbres.

« Et pourtant vous vous entêtez à lui mettre des chaînes !! Et bien je les briserais toutes ! Peut importe le temps que cela prendra ! Peut importe les sacrifices ! Je créerais un monde ou Jeanne pourra être heureuse de vivre. Que vous soyez dedans ou non, ne dépends que de vous. »

Elle s’avança vers la femme. Cette mère de demi-amour, cette femme qui avait choisi une fille parce qu’elle n’était pas capable d’aimer l’autre assez. Quel genre de mère était-ce ? Quel genre de monstre ?

« Et vous savez quoi Serre d’Or ? Vous avez raison, je suis sotte. Je n’ai aucune jugeote, ni la moindre idée de ce que je fais. Et ça me va parfaitement, parce que chaque jour est une aventure que je vivrais avec Jeanne. »

Le rugissement de Malta résonna tel un cor. La carmache jaillit de par le sol, infernale chasseresse des sables, et s’abattit violement sur le drattak. Ses crocs s’enfoncèrent dans ses écailles. Au même moment que le sol sous les pattes du pokémon ailé s’était mis à trembler, Laurel détachait le ruban dans ses cheveux, le jetant en l’air. Leur synchronisation était parfaite. Il était après tout, comme une part d’elle-même.

Proto l’idiot se transforma, suivant les indications de sa dresseuse. Il ne comprenait pas tout, l’amour c’était un concept compliqué pour lui. Il savait juste qu’il aimait Laurel et le miel. Et Laurel mettait du miel dans sa tisane. Du coup Proto aimait aussi Jeanne et la tisane. Et la madame avait bobo a Jeanne, du coup plus de tisane et comme Laurel était triste, le miel aussi c’était fini. Alors Proto laissa pour la toute première fois de sa vie une étrange émotion l’envahir. Une émotion qui pouvait se traduire en une simple phrase. Proto pas content.

Un gallame atterrit juste devant Laurel au même moment où la carmache bondissait hors du sol. Fier, fort et définitivement Proto. Exactement comme on les aimait. Serre d’Or pouvait se téléporter partout grâce à son gallame et telle était sa force. Laurel n’était pas forte mais, elle était pleine d’idées farfelues. Où donc le drattak allait-il bien pouvoir faire un tour ? Ce serait à Proto de le décider.

Au même moment où Malta atterrissait sur le puissant dragon de Serre d’Or, Proto étendait sa main verte et un mouvement vif se téléporta, le dragon ailé avec, dans le pire lieu qu’il puisse choisir. Ou peut-être le meilleur. En plein dans la jolie chambre de madame Aryël qui fait de gentils câlins. Parce que Proto n’était pas content et il n’aimait pas ça. Et quand Laurel avait été pas contente elle avait eu le droit à un câlin, est-ce que lui et le dragon pouvaient en avoir aussi pour ne plus être pas content ?

Malta rugit avec joie, peut-être un peu trop tôt malheureusement. Parce que Serre d’Or avait plus d’un tour dans son sac et tous ces rugissements, ça commençait à faire du bruit.


Un peu plus loin un groupe de pokémon disparate s’échangeaient des regards curieux.

« Tu crois que c’est le signal ? » « C’est quoi le signal ? » « Je sais pas Laurel ne l’a pas dit. » « On charge ? » « Attends peut-être un peu… »


HS
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erre d’Or était visiblement déboussolée par la tournure des évènements. C’était parfait et exactement ce dont Laurel avait besoin, comme quoi, l’improvisation avait du bon. La ranine fit fi des protestations de la femme, sûre d’elle et de ses sentiments. Elle avait pu voir Jeanne pleurer comme personne, s’accrocher à Laurel avec tout le désespoir du monde parce que le simple fait de lui avouer qui elle avait été la déchirait. Les mots de la mère Eladan n’était que des fabulations, des mensonges qu’elle se répétait pour calmer ses doutes. La joaillière en était certaine. Les Démolosses ne pouvaient apporter rien de bon à Jeanne. C’était cette certitude qui la poussa à continuer ses assauts malgré le cri désespéré de Kira. Aveuglée par la colère.

Les lames s’entrechoquèrent. Cimeterre contre dague. Le combat aurait pu sembler gagné d’avance, ça n’en était nullement le cas. Si les coups de Laurel étaient violents, ils la laissaient ouverte à des attaques de précision. Une opportunité que Serre d’Or ne laissait jamais passer. Si ce n’était pas pour l’armure éthérée de Cozamalotl, la ranine aurait succombé aux coups agiles et vifs de la femme. Laurel grogna, parant un coup visant à lui arracher l’œil. Elle répliqua avec un enchaînement de pas durement travaillés. Une botte secrète comme elle s’amusait à l’appeler. Les oreilles sifflantes des rugissements des pokémons et du choc des lames, elle vit seulement la femme brune reculer de quelques pas en plein milieu d’une parade. D’un geste souple Laurel abattit son cimeterre. Elle hoqueta de douleur et surprise. Sa lame vibrante dans ses mains, un gout pâteux dans la bouche. Ses lèvres lâchèrent le mot avant même que son cerveau ne le pense.

« Jeanne ! »

Sa bien aimée se tenait devant elle, la fureur marquée sur son visage. Ses doux cheveux blonds dansant dans le vent, armes dégainées. D’un enchaînement rapide de coups elle désarma Laurel en voyant voler sa lame qui se ficha dans le sol quelques pas plus loin. Elle était à la merci de Jeanne, les lames pressées contre son cou. Pourtant elle n’avait pas peur. Pas quand elle était là.

Elle vit son visage passer de la colère à l’horreur, la surprise puis l’incompréhension et finalement l’espoir. Son propre visage devait refléter les mêmes émotions. Elle tremblait, n’osant même pas la toucher de peur qu’elle ne s’effrite sous ses doigts. Ses mots résonnaient à ses oreilles et se figeaient dans son cœur comme des poignards. Elle aurait hurlé à l’agonie si son corps lui avait permis de faire le moindre geste. Serre d’Or n’avait pas menti. Jeanne l’avait oubliée. Elle les avait tous oubliés. Cela ne faisait qu’alimenter sa haine des Démolosses.

Laurel regarda la femme qu’elle aimait plus que tout redécouvrir sa famille. Komodo s’accrochait désespérément à elle, comme une bouée à la mer. La ranine lui laissa du temps, pour chaque membre présent. Parce qu’elle voulait la laisser profiter mais aussi parce qu’elle ne savait pas quoi dire. Comment partager son amour à une inconnue ? C’était ce qu’elle était pour Jeanne. Une femme parmi tant d’autres. Ses yeux ne pouvaient se détacher d’elle et pourtant son âme lui criait de chercher une réponse chez Kira. La forgeronne avait toujours les mots justes et l’esprit clair, elle pourrait… elle pourrait l’aider à trier ses pensées, mettre un nom sur ses sentiments et la rassurer que tout allait bien et qu’elles allaient pouvoir reconstruire, parce que tout n’était pas perdu.

Les mots de Jeanne la brisèrent. Evidemment qu’elle était Laurel ! Mais la réalité était autre. Pour la femme qu’elle aimait elle était plus qu’un « vous » à peine murmuré, un doute au fond de son esprit. Pourtant Laurel était là et elle l’aimait plus que tout. La joaillière écoutait à peine ses propos, tentant de lutter face aux larmes et aux cris. Il semblait que son corps ne savait plus réagir autrement qu’en déchirant tout sur son chemin, elle avait été habituée au deuil ravageur et au désespoir étouffant. Comment pouvait-elle réagir autrement ? Elle en avait presque oublié le goût de ses lèvres.

Laurel prit une inspiration. Comment répondre à cette question ? Comment ne pas hurler ? Elle ne voulait que l’enlacer et ne plus jamais la lâcher. Lui dire que tout allait bien et qu’elle était là maintenant, qu’elle ne l’abandonnerait plus jamais. Elle ne voulait pas la brusquer non plus, y aller doucement, la prendre par la main pour lui montrer ce qu’elles avaient vécus. Elle devait être douce, patiente et attentionnée.

« Je… oui c’est moi. Jeanne, Ô combien tu m’as manquée j’ai cru que tu étais morte ! » s’écria-t-elle la prenant dans ses bras.

Elle s’accrochait désespérément à elle, secouée de sanglots. Incapable de tenir une seconde de plus sans sentir sa peau contre la sienne et son odeur sur ses vêtements.

« Je t’aime, je t’aime tellement fort ! » répéta-t-elle désespérément. « Je suis désolée, c’est ma faute, j’aurais dû mieux te protéger, j’aurais dû être meilleure et- Oh Jeanne, je t’aime ! »

Toutes ses bonnes intentions volaient en éclats. Elle l’avait tant cherchée, tant pleuré. Il fallait maintenant qu’elle puisse la sentir à ses côtés. Peut-être que Jeanne avait raison, que tout cela n’était qu’un rêve, une désillusion. Peut importait, du moment qu’elle pouvait l’avoir à ses côtés.

combien il était doux d’entendre le son de sa voix et de sentir sa peau contre la sienne. Laurel aurait pu se perdre dans ce moment, sombrer à jamais dans la douce euphorie qui s’emparait de ses membres et allégeait son esprit. Le reste du monde aurait tout aussi bien pu ne pas exister, car elle avait retrouvé le sien, de monde. Jeanne. Son amante, sa fiancée. Sa moitié perdue et maintenant retrouvée. Alors qu’elle pouvait sentir toute la tension de relâcher et ses muscles se défaire, la voix acide de Serre d’Or ramena bientôt le couple à la réalité. Ici, rien n’était acquis.

Malta dévoila ses crocs dans un grondement menaçant pendant que Serre d’Or tirait Jeanne à l’écart. Pas une seule seconde elle ne détacha son regard des deux femmes. Un faux geste et elle réduirait en charpie la femme brune. Laurel vint se blottir contre sa dragonne. Epiant avec elle les réactions de Jeanne. Tout avait été trop simple depuis leur arrivée ici. Jeanne était tombée dans leur bras sans aucun conflit. Et même si la guerrière avait beaucoup perdu, ce n’était rien qu’elles ne puissent pas reconstruire. Ensemble avec Tourmaline, Malta et Kira. Malgré tout, la joallière la voyait passer par tous ses états avec une inquiétude grandissante. Qu’est-ce que cette sorcière de mère était-elle en train de lui raconter pour susciter de telles réactions ? Devait-elle les interrompre ?

La ranine s’était décidé à intervenir lorsque finalement les deux femmes se décidèrent à revenir vers le groupe. Le regard de Laurel était assombri par la suspicion mais elle était soulagée de retrouver Jeanne à ses côtés. Elle s’interposa néanmoins entre la mère et la fille, lançant un regard entendu à Kira. Elle ne faisait nullement confiance à ce qu’elle voyait. Elle voulait juste s’assurer que si Serre d’Or décidait de jouer un mauvais coup, qu’elle pouvait compter sur la rouquine. Selon elle, Serre d’Or n’était qu’une pathétique excuse de mère qui était responsable de tous les tourments qu’avait subit Jeanne. Si par amour cette dernière pouvait lui pardonner, Laurel elle n’avait que de la rancœur et des préjugés pour obstruer sa vision. La paix ne viendrait pas si facilement. Mais à vouloir la guerre, on en paye le prix.

« Oui, nous partons. » répéta-t-elle, sa main se glissant dans celle de Jeanne.

Elle voulait la tirer loin d’ici le plus vite possible. Laurel avait déjà fait son deuil des étendues désertiques de Ran. Elle avait gravé dans sa mémoire les teintes rouges du grand canyon et la brûlure du soleil. A jamais elle aimerait son pays, ses couleurs, ses épices mais elle ne pouvait rester en son sein. Ran serait à jamais sa patrie, son premier amour. Mais elle savait reconnaître une tragédie et comme les héroïnes de ces pièces elle devait faire. C’était Ran ou Jeanne. Ce choix elle l’avait déjà fait, elle ne le regretterait pas. Elle paierait le prix du destin en quittant le royaume désertique. Si seulement c’était le prix que le destin demandait.

« Je sais pas où est votre dragon. » elle se retint d’ajouter plus de venin dans ses paroles. « Vous la retrouverez bien un jour. Si elle vous aime un minimum. »

Elle ne pouvait pas se soucier moins que cela de ce qui était advenu du pokémon. Elle savait que d’une manière ou d’une autre Proto reviendrait à ses côtés. Elle avait confiance en cette petite gelée sans cervelle. Elle n’avait pas non plus conscience de la violence de ses paroles ni de la vérité qu’elles cachaient.

Malta redressa brusquement la tête. Un sifflement résonnait dans la grotte. Long et fort. Tel le hurlement d’un démolosse. Laurel ne pouvait pas deviner ce que cela signifiait mais les réactions de Jeanne et Serre d’Or en disaient long. Elle serra ses doigts autour de ceux de sa bien-aimée, une sensation d’horreur se figeant dans son ventre. Elle voyait à l’horreur sur le visage de la femme brune et la manière dont le corps entier de Jeanne s’était tendu que la situation était critique. Malta réagit plus vite et sauta en avant, d’un bond elle se positionna entre les femmes et le couloir qui menait au camp des démolosses.

« Qu’est-ce qu’il se passe ?! » s’écria Laurel.

« Ennemis ! » gronda Malta.

Déjà le tambourinement des pas sur la pierre et le choc des armures pouvait se faire entendre. Les aboiements des chiens des enfers résonnèrent dans la grotte, voraces et colériques, ils en appelaient au sang car l’un des leurs était en danger. La première bête déboucha sur le couloir, galopant à toute vitesse la salive bouillonnante au coin de ses lèvres. La carmache s’abattit sur lui comme un coup de fouet, ses crocs s’enfoncèrent dans sa chaire et firent éclater ses os. Dans un gémissement le pokémon feu rendit son dernier souffle. Déjà l’ombre d’autres bêtes se profilait sur les parois. L’humaine et le pokémon échangèrent un regard. La vie était pavée de sacrifices. Elles s’étaient promis de vivre l’une avec l’autre, de retrouver Jeanne et de la ramener vivante au sein de leur famille.

« Quel qu’en soit le prix. » prononça la carmache.

Les paroles étaient un mauvais augure. Au lac elles avaient bien failli les détruire. Laurel retint les larmes qui menaçaient de couler. Forçant un dernier sourire pour sa compagne.

« Je t’aime Malta. »

« FUYEZ ! » rugit la dragonne.

Laurel tira brusquement sur le bras de Jeanne. Cozamalotl descendit en piquet sur Komodo pour le prendre dans ses serres, emportant le petit lézard au loin malgré ses protestations. L’oiseau coloré fit souffler un vent qui entraîna le groupe vers l’avant, vers la sortie. Laurel poussa Kira, l’encourageant à avancer. Qu’elle courre elle aussi où ils allaient tous trépasser. Le temps était compté. Pyrite s’élança vers la carmache, s’accrochant à sa patte. La tirant vers le groupe avec l’énergie du désespoir.

« Viens avec nous ! » gémit sa petite voix.

La dragonne la repoussa brusquement. Sifflant avec colère. La salamèche s’effondra, les yeux écarquillés de terreur. C’était le Tyran qu’elle avait cru voir dans ces yeux dorés. Le regard de Malta s’adoucit. De son museau elle releva la petite salamèche qui tituba sur ses jambes. Elle tremblait de la tête aux pieds, ses yeux écarquillés d’angoisse.

« Tu es forte. » l’encouragea Malta.

Pyrite écarquilla les yeux. Secouant violement sa tête. Non ! Non elle n’était pas forte ! Elle ne l’avait jamais été ! Toujours à dépendre des autres, se faire sauver par les autres ! Sans son frère elle n’était rien ! Sans Laurel elle était morte ! Elle n’était pas forte, elle était faible et petite et triste et terrifiée. Le monde était trop grand, trop vaste pour qu’elle puisse l’appréhender. Il était sans fin, une tourmente continuelle. Elle avait besoin de son héro. Elle avait besoin des autres elle ne pouvait pas être forte !

« Cozamalotl prends Pyrite ! » appela Laurel.

La petite lézarde se sentit tirée en arrière. Elle enfonça ses griffes dans le sol alors que le son des hommes se faisait insurmontable. Elle refusait d’abandonner la dragonne. Son rugissement désespéré raisonna sur les parois comme l’écho d’un cœur brisé. Ses pattes décollaient du sol malgré ses efforts et elle tendit une griffe vers la dragonne qui lui adressa un dernier regard.

Dans un soubresaut désespéré Pyrite poussa un râle venu du fond de sa gorge. Une plainte comme aucune autre. Les flammes s’échappèrent de son corps crépitant avec agonie et l’enveloppant toute entière d’une lueur éthérée. Ses griffes s’enfoncèrent encore plus dans la terre alors qu’elle luttait vainement contre la force psychique de l’oiseau gardien. Son corps répondait à son appel, trouvant en lui-même une force qu’elle ne soupçonnait pas. Comme pour lui prouver qu’elle n’était pas aussi faible qu’elle le croyait. Comme pour lui donner ce fébrile espoir qu’elle pouvait changer le cours des choses.

« MALTA ! » pleura la reptincel.

La carmache ne se retourna pas pour faire face à sa protégée. Elle le savait. Elle avait senti son évolution au plus profond de son cœur. Elle ne devait pas la décevoir. Une flèche vint percer ses écailles, d’autres se brisèrent dessus. Malta rugit, fracassant le sol de sa lourde queue. Cueillant au vol un chien enflammé qui se retrouva empalé sur sa griffe. Un sourire mauvais étira son visage alors que sa langue fourchue sifflait dans l’air.

« Venez pauvres fous et goûtez à votre fin ! » gronda la carmache.

Cozamalotl força à nouveau, arrachant griffe après griffe, l’emprise que Pyrite avait sur le sol. La reptincel pleurait, hurlait au désespoir. Rien n’y faisait. Laurel gardait le poing serré autour de celui de Jeanne. La trainant de toute sa force malgré ses protestations. Elle savait que son oiseau emporterait avec lui tous les pokémons qui voudraient rester derrière. Pour les protéger. Elle savait que Malta donnerait sa vie pour permettre leur fuite. Elle le lui avait dit, dans le creux de la nuit, juste avant l’attaque. Un murmure, une promesse. Ils ne reviendraient pas indemnes, elles l’avaient su. Ca ne rendait pas la réalité plus acceptable, simplement plus cruelle.

« Kira, avance je t’en prie, cours ! Ouvres le chemin ! » supplia la ranine au bord des larmes.

Dans leur dos la bataille était engagée. Des pokémons passaient entre les griffes de Malta. Des lames dépassaient de ses écailles ensanglantées. Elle arrivait à peine à les contenir. Elle n’était pas assez grande, ni assez forte pour leur faire face. Pourtant elle mettait toute son énergie à en faire tomber le plus possible, pour pas qu’ils ne rattrapent son trésor. Une lance vint s’enfoncer dans sa gorge. La carmache hurla à l’agonie, vacillant sur ses appuis. Elle pouvait entendre les cris des humains. Croc Bleu, Croc Bleu, Croc Bleu ! Son corps bascula à la renverse. Elle pouvait voir les formes sombres de sa famille disparaître dans la lumière. Loin du sang qui voilait sa vision et assaillait ses narines. Loin du goût amer de la mort et la défaite. Les hommes armés et leurs démolosses passaient à ses côtés sans qu’elle ne puisse les arrêter. Elle avait dû les retenir juste le temps nécessaire. Juste assez. Ses yeux menaçaient de se clore, son corps entier s’engourdissait. Dis Laurel ? Est-ce que j’étais un bon pokémon ? Est-ce que tu étais fière de moi ?

Ses lourdes paupières se fermèrent. Elle avait été de nombreuses choses dans sa vie. Une déception pour ses parents, un ennui pour ses frères, une paria pour son peuple. Mais aussi une amie, un mentor, un leader. Elle avait été Malta Senjak. Elle avait bien vécu.

« T’AS PAS INTERET A MOURIR AVANT MON MARRIAGE MALTA ! » hurla Laurel.

La dragonne rentrouvrit ses yeux lourds, son corps entier protestait. Son humaine, son trésor se tenait à la limite de la lumière. Elle arrivait à peine de définir les traits de son visage, ce n’était pas grave, elle les connaissait par cœur. Les chiens des enfers avaient atteint le groupe, ils se battaient face aux pokémons, cherchant à enchaîner Jeanne une nouvelle fois. Le reste suivrait. Elle avait échoué.

Non.

Un grondement guttural et bouillonnant naquit de sa résolution. Elle brisa la lance, se redressant. Le sang de ses blessures éclata, tâchant le sol en écarlate. Son corps s’illumina de toute parts, éblouissant la cave d’une douce chaleur. Son crâne serpentin racla contre le sommet du tunnel, secouant le sol tout entier. Ses pattes broyèrent les corps qui trainaient, sa queue fouettait l’air, fauchant les pauvres fous qui ne s’étaient pas éloignés. Elle était la force des sables, celle qui frappe sans pitié ni morale. Le chasseur du désert. Carchacrok.

Malta se fracassa contre le plafond de la grotte. Des rochers s’écroulèrent, la terre crissa de douleur, la poussière envahit l’air. Son rugissement fit trembler les mœurs et gémir les pokémons. La carchacrok échangea un dernier regard avec sa dresseuse, les mots n’avaient été leur force. Puis fit s’écrouler un pan entier du tunnel. Emportant hommes et pokémons sous les décombres.


Laurel regardait les pierres entassées qui avaient mené jusqu’au camp des démolosses. Elle attendait le retour de son amie. Elle savait qu’elle reviendrait. Il lui fallait juste un peu de temps. Cozamalotl tira sur sa manche. Les Démolosses d’Yveltal approchaient, ici dans les escarpements on ne pouvait leur échapper. Il fallait fuir vers le désert, vers la ville. Quitter Ran le plus rapidement possible et ne jamais revenir.

Hématite et les autres arrivaient en courant, la vieille pierre était inquiète, tourmentée. Elle avait senti la terre s’ouvrir et la vie disparaître. L’absence de la carmache était monumentale. De sa main rocailleuse elle tira Laurel, elle prit Jeanne dans l’autre et Kira dans la troisième, entrainant ses protégées loin du carnage. Elle serait la pierre qui garderait la troupe soudée, la fondation de leur survie. Au loin les appels des Démolosses pouvaient se faire entendre. Des cris de rage, de désespoir et de mort. Ils avaient perdu leur famille, leurs amis.

Pyrite se blotti contre son frère. Trop grande. Trop gauche. Trop différente. Pourrait-elle être à la hauteur ? Elle suivit le mouvement du groupe, perdue et désespérée. Son regard se porta sur Laurel dont le visage entièrement fermé ne laissait deviner aucune émotion, puis sur Jeanne qui l’avait à peine reconnue, la mémoire arrachée par ces démons à l’apparence d’hommes. Alors elle se tourna vers Kira, sa patte griffue s’entoura autour de sa main. Elle pouvait l’atteindre sans qu’elle n’ait à se baisser. La reptincel se redressa, sur ses pattes qui n’étaient plus petites, allongeant son corps qui n’était plus frêle. Non loin d’elle un autre dragon doré était là. Aussi petite qu’elle l’avait été mais dans son regard brûlait une rage de vivre. Pyrite détourna ses yeux. Comment pouvait-elle faire face à ce qu’elle aurait dû être ?

Laurel se laissait guider, résolument, stupidement. Elle ne cessait de se retourner avec espoir. Malta viendrait. Elle viendrait. N’est-ce pas ? Ses pas la menaient de plus en plus loin de la tombe de pierre. Même lorsqu’elle disparu de sa vue elle continua à se retourner.