L’île était des plus magnifiques. Mila n’en revenait toujours pas tant l’endroit était enchanteur. Malgré la nuit, ils pouvaient voir parce que… Des fleurs luisaient ? Cela devait être une espèce des plus incroyables qui ne fleurissaient qu’ici, et peut-être même qu’à cet instant de l’année. Pour être honnête, les plantes n’étaient pas la tasse de thé de l’érudite qui leur préférait les Pokémon Légendaires. Le spectacle n’en était que plus impressionnant pour des néophytes. La jeune femme n’avait jamais entendu parler de cela… L’îlot c’était une chose, sa beauté en était une autre. Au final, elle était vraiment heureuse d’avoir bravé le brouillard et les rumeurs pour arriver ici. Et ce, tenez-vous bien, même si ce n’était finalement le lieu du rendez-vous. Car oui, ce mystérieux sifflement n’était pas anodin selon Mila… Elle s’attendait à trouver le Masqué d’un instant à l’autre.

Lorsque Balthial arrive, il n’y avait pas un instant à perdre. Lui aussi était impressionné par les lueurs et le sens irréel du bosquet. C’était presque comme un lieu sacré que personne n’avait le droit de fouler… Mais Mila croyait en la volonté de Zekrom sur ce coup-là. Seul un dieu aurait voulu qu’elle se retrouve ici. Ou alors, un homme avec un masque de chien des enfers… Cela n’avait que peu d’importance car de nouveau, le sifflement. Cette fois-ci, il était tout à fait distinct. Aucun doute possible, celui ou celle qui faisait cela était ici, dans le bosquet de rêve. Mila avait donc définitivement raison. Cela dit, il n’y avait pas le temps d’être fière ou autre. Il fallait faire sortir de sa cachette l’oiseau moqueur…


Pour ce qu’elle en savait, cela pouvait tout aussi bien être un Pokémon et en particulier un type Spectre. Ou encore une plante ? Voire même un ermite vivant sur l’île depuis un long moment et qui attirait les voyageurs ici… Pour leur montrer des merveilles, ou pire. C’était encore assez flou comme piste, mais cela était bel et bien une piste. L’érudite n’attendait donc qu’une chose, que la chose qui siffle se révèle, qui qu’elle soit. Néanmoins, la patience de Mila serait encore mise à rude épreuve pour le moment. Le silence fut sa seule réponse. Elle se tourna donc vers Baal, quelque peu dépitée. C’était la désillusion après l’émerveillement. Heureusement, il se produisit ensuite quelque chose. Une voix s’éleva. Mélodieuse.

« ♫ Bienvenue, bienvenue,
Jeune ingénue.




C’était une chanson en son honneur ? Non, il était trop tôt pour le dire. Dans tous les cas, ce n’était pas l’individu masqué du canyon… La voix était plus douce que la sienne, quoiqu’un peu étouffée. Peut-être que…

« ♫ Que viens-tu faire,
Ce ne sont pas tes affaires.




Ces rimes étaient bien jolies, mais Mila ne les appréciait pas. Elle retenta alors sa chance une nouvelle fois, haussant le ton.


La mélodie lui répondit.

« ♫  Quelle impatience,
Pour une fille de science.

Mais je te dois des réponses.



Curieuse, Mila tendit l’oreille. Pourtant, elle n’entendait pas le vent. Les brises ne devaient pas pouvoir traverser les feuillages du bosquet. Pour ainsi dire, même en pleine journée, il devait faire sombre ici… Sauf bien sûr avec les fleurs brillantes qui apportaient de quoi voir comme dans la pénombre naissante. Alors quoi ? Qu’est-ce que cette chanson pouvait bien vouloir dire, ce dernier vers ? Puis, comme pour répondre à sa question, la Bleuette entendit enfin le vent… Cependant, c’était d’une façon très inhabituelle. Comme si l’air était fendu… Comme si…

Un sifflement rapide et puissant passa juste à côté de l’oreille de Dame Valni, lui arrachant quelques cheveux bleus au passage.

Choquée, la demoiselle se retourna dans un geste lent et calculé… Dans le tronc derrière elle, elle vit ce qu’elle redoutait. Une flèche. Ce bâton surmonté d’une plume taillée était planté derrière. Pour peu, elle lui aurait transpercé le crâne. Mila déglutit difficilement. Cela lui coupa le souffle. Elle aurait pu mourir ici, sous le regard impuissant de son ami de Ran… En parlant de lui, Balthial allait certainement avoir son mot à dire à présent.

Mila était tétanisée. Une flèche venait de frôler son visage. Elle avait pu entendre distinctement ce fameux sifflement dont parlait la chanson… Ainsi, ce nouvel inconnu avait plus d’un tour dans son sac. Non seulement il avait réussi à attirer ces deux-là dans le bosquet grâce à ses sons, mais en plus de cela, il avait réussi à faire baisser sa garde à la demoiselle, avec ses vers étranges. Elle s’en voulait d’être tombée dans un piège pareil. Bien sûr, il y avait de la sophistication, ce n’était pas un vulgaire piège, mais tout de même… Le résultat était le même. Ils étaient en danger sur cet îlot, et ce par la faute de l’érudite. Sa joie d’avoir trouvé un lieu aussi féérique se dissipa très rapidement. Heureusement, Mila n’était pas seule dans cette aventure, même si elle s’en voulait d’avoir traîné Balthial ici… Le jeune homme prit sa défense lorsqu’il s’approcha des arbres. Peut-être qu’il avait vu d’où venait la fameuse flèche…

La suite fut assez surprenante. Le Ranin secoua l’un des arbres, avant d’exprimer sa colère. Il gardait néanmoins un certain sang-froid, ce qui étonna la Bleuette dans un sens… Cela dit, cet effort semblait vain tant il ne se passa rien par la suite. Ce n’était pas la bonne solution. Leur ennemi caché n’avait pas l’air d’être aussi agressif que le Démolosse… Peut-être un peu plus fourbe et plus joueur ? La manière forte devait bien le faire rire alors Mila s’approcha de son ami. Elle posa délicatement une main sur son épaule, lui indiquant qu’il valait mieux se calmer. Balthial aurait peut-être l’occasion d’en découdre plus tard, pour le moment, ils devaient voir qui chantait.


L’assurance de Dame Valni avait de quoi surprendre. Il fallait à présent espérer que le cavalier comprenne son plan. En fait, l’idée était tout simplement d’ignorer l’individu des arbres et de faire mine de partir… Ce n’était pas vraiment recherché, mais la demoiselle n’avait pas envie de jouer. Ou de prendre une flèche dans le corps, comme elle venait de le dire. D’ailleurs, pour éviter un quelconque problème, la douce fit appel à Garuda. L’Airmure appréciait beaucoup d’être sur le devant de la scène. Si Mila l’avait choisi, c’était parce qu’elle avait le regard agile et de bons réflexes. Elle verrait une éventuelle flèche venir et elle pourrait ainsi protéger son humaine. Suite à cela, la dame se dirigea tout simplement vers la sortie du bosquet.

Dès lors, un sifflement retentit. Ce n’était pas le vent fendu d’une flèche, mais bel et bien celui d’un humain. Celui du chanteur. Apparemment, le plan était en bonne voie…

Un autre sifflement, mais cette fois, il fut accompagné du bruissement des feuilles. Ce fut suffisant pour stopper la Bleuette dans sa course. Elle ne se retourna pas cependant.



Allons bon, pour qui il se prenait celui-là ? Mila se retourna, la colère pointant dans ses beaux yeux bleus. L’homme inconnu ricana et ce fut la surprise pour l’érudite. Lui aussi portait… Un masque Pokémon. Celui-ci n’était pas un Démolosse en revanche. Il s’agissait d’un Feunard.

La désinvolture de l’individu était vraiment dérangeante. Encore une fois, l’esprit chevaleresque du fils Zajin devait se réveiller. Cela dit, il faudrait qu’il fasse preuve de retenue désormais… Ce nouveau Masqué semblait être un peu moins axé sur le combat que le chien des enfers. Il était presque… Fragile peut-être ? Mila secoua la tête. Non, c’était son ennemi et rien d’autre. Elle n’hésiterait pas à le combattre pour obtenir ses réponses. Simplement… Son instinct lui dictait de retenir ses ardeurs pour le moment. La violence ne lui apporterait pas que du bon.


La Bleuette avait fait mouche. Le Feunard se mit à rire aux éclats. Sa voix cristalline perçait la quiétude du bosquet magique.


Théâtralement, l’homme s’approcha de la dame et lui attrapa une main doucement. Son masque de renard était décidément troublant vu de près… Mais d’une magnifique facture. Cela devait aussi être le cas du Démolosse, mais Mila n’avait pas eu le loisir de le contempler. Non pas qu’elle le voulait cependant !


Pour peu et le Feunard finissait avec une lame sous la gorge. Soit celle de la jeune femme, soit celle de son ami… Mais il avait eu l’intelligence de faire quelques pas en arrière au moment importun.


L’évocation d’Ayden mit une claque mentale à l’érudite. Elle s’était presque perdue entre le paysage de rêve et le beau parleur. Lui, il était son ennemi, et il détenait des informations sur sa moitié de fratrie. Au diable les beaux mots !



Mila n’avait jamais été aussi impatience et aussi autoritaire. Elle ne plaisantait pas, alors que l’homme qui lui faisait face aimait bien rire. Tant pis, elle n’était pas là pour se faire un ami. Cela dit, elle allait peut-être un peu vite en besogne car le Feunard humain ricana de plus belle. Il secoua ensuite la tête, avant d’encocher une flèche et de pointer le visage de Mila avec.


La Bleuette garda son calme, mais la parole ne lui vint pas. Avec un arc bandé non loin d’elle et dont elle était la cible, il valait mieux choisir ses mots correctement. Néanmoins, Balthial était là lui aussi. C’était peut-être une épreuve à passer pour lui cette fois… Mila coula donc un regard dans sa direction, lui indiquant presque de ne pas faire tout dégénérer. Garuda était là, elle pourrait aider son humaine au cas où. Le fils Zajin, lui, pouvait peut-être faire changer d’avis le Masqué du bosquet par la parole.

Mila était tenue au silence par la flèche qui menaçait de partir au premier faux pas. Ne plus poser de question était problématique pour elle… Cette espèce de Don Juan n’avait pas l’air prêt à coopérer. Pour être honnête, Mila considéra l’attaque l’espace d’un instant. Ils étaient deux contre un… Certes, la méthode était contestable mais à quoi bon ? La jeune femme voulait des réponses correctes cette fois. Elle voulait revoir son frère plus que tout au monde, alors pourquoi ces individus masqués se contentaient d’être énigmatiques ? C’était une situation terriblement oppressante pour la demoiselle aux cheveux bleus. Elle n’avait pas envie de s’abaisser à faire des coups-bas, mais elle devrait y avoir recours si Feunard tenait sa langue… Quant à Balthial… Son calme était des plus exemplaires en ce moment-même. Finalement, Don Juan était peut-être réellement en train de le jauger au travers sa menace.

D’ailleurs, le cavalier avait besoin de s’exprimer à son tour. Après tout, son amie était dans une situation délicate, alors il comprenait que son aide était enfin requise. Du moins, c’était ce qu’espérait la jeune noble. Balthial tenta un coup de bluff, ou plutôt, cela ressemblait à une provocation. Celui-ci, Feunard avait fait exprès de rater sa cible la première fois… Ainsi, il ne tirerait pas sur l’érudite. Mais Mila n’en était pas si certaine, et finalement, le Ranin préféra parait à toute éventualité en servant de bouclier. La Bleuette voulu râler, lui dire de sortir d’ici, mais Baal n’en avait pas fini avec Don Juan. Il insinua qu’Ayden était en réalité le chef des hommes masqués. L’idée n’était pas idiote, mais Mila n’avait pas envie d’y croire… Ayden devait connaître ces hommes, oui, mais il ne pouvait pas être de mèche avec eux ! Quel plaisir aurait-il à avoir à torturer sa jeune sœur de cette façon ?

Néanmoins, cela n’était pas le plus préoccupant. Balthial était prêt à prendre une flèche pour elle, et vu l’attitude de Feunard, elle pouvait perdre son ami en une seconde… Le cavalier de Ran avait l’air convaincu que l’homme qui lui faisait face ne tirerait pas, mais…


L’arc toujours bandé, Feunard avait l’air de sourire derrière son masque imposant.


La flèche fut lâchée à peine la phrase terminée. Heureusement, les doutes de Mila avait permis d’éviter la mort au Ranin. Elle s’attendait à ce que Feunard lui tire dessus, après tout, le cavalier n’était rien pour lui. Ainsi, d’un regard, Garuda avait su quoi faire. Protégeant Baal avec l’une de ses ailes, la flèche ricocha sur le métal et tomba au sol, lamentablement. Là, Feunard baissa son arc et se mit à rire.


Digne de quoi exactement ? Le Masqué restait mystérieux. Mais ce n’était pas tout. Mila tremblait. Elle avait tout de même eu très peur pour le fils Zajin. Si Garuda n’avait pas été assez rapide, il aurait eu le crâne transpercé… Cela dit, la jeune femme avait fait confiance à son oiseau et le résultat fut très probant. Balthial était encore en vie, c’était un miracle.
L’homme claqua des mains, apportant encore plus d’ampleur à ses félicitations. Mila avait vraiment du mal à le cerner, celui-là… Un coup il chantait et il était doux. L’instant d’après, il était prêt à les tuer… Pour finalement faire des éloges au Ranin. Enfin, c’était toujours mieux que de devoir le combattre, non ? Car oui, le Don Juan n’avait vraiment pas l’air près à leur bondir dessus…


Au moins, ce n’était pas une question et cela avait le mérite d’être clair. Il était temps pour le Masqué d’en dire plus.


L’homme siffla. Ce bruit insupportait la jeune femme à présent. Elle avait vraiment envie de lui clouer le bec, malgré sa voix magnifique. En tout cas, ce sifflement attira un Pokémon. C’était un Feunard, et il avait un bout de papier attaché autour de son cou. Cela piqua instantanément la curiosité de l’érudite. Cela pouvait être une lettre d’Ayden peut-être ? Mais l’attention de Mila fut tirée sur l’homme au masque, lorsqu’il attrapa une nouvelle flèche. Sur ses gardes, la demoiselle lui défendit de pointer son arme sur elle de nouveau. Cela dit, elle fut ignorée royalement. Feunard, l’humain, offrit une caressa rapide à son Pokémon avant de prendre le papier. Il sembla faire ensuite ce qui ressemblait à un clin d’œil… Avant d’attacher le petit papier à l’une de ses flèches. Au moins, il ne voulait pas viser la dame encore une fois apparemment… D’ailleurs, il fit pivoté le bout de bois entre ses doigts, avant de l’offrir à Mila, pointe tournée vers lui. La jeune femme prit l’objet délicatement et coula un regard inquiet et curieux vers Feunard.


Dit-il en haussant les épaules. La Bleuette s’exécuta. Sur le papier, il n’y avait qu’une chose d’écrite : « Pics de Sakai. » Ce n’était pas vraiment ce à quoi la jeune femme s’attendait, si bien qu’elle demanda des explications.



Enfin… Cet homme n’avait aucune raison de lui mentir. Pas après toute cette mise en scène. Et puis, ce Feunard avait réellement un lien avec Ayden. S’il arrivait quelque chose à Mila en chemin, son frère le tuerait, elle le savait.


Avant que Mila ne puisse protester, l’homme siffla et le Feunard cracha un brouillard chaud et qui, surtout, bloquait la vue. Une fois la chose dissipée, l’homme au masque n’était évidemment plus là. Mila resta silencieuse pendant un instant, avant de s’effondrer sur ses genoux. Les mains au sol, elle éclata en sanglot soudainement…

En larmes, Mila était secouée de spasmes légers. Son corps refusait de lui obéir, mais avait-elle seulement l’envie de lutter en ce moment-même ? Finalement, non. Cela faisait du bien de pleurer un bon coup et de relâcher la pression. Surtout après une rencontre aussi déstabilisante et étrange. Ce Don Juan possédait une voix douce et enjôleuse, mais son regard était froid comme l’acier d’une lame et il avait l’esprit suffisamment aiguisé pour tendre des pièges redoutables. Il n’avait pas non plus de pitié, apparemment… En quelques secondes, le cavalier, ce fameux cavalier, aurait pu perdre la vie. Tout cela pour quoi ? Protéger la demoiselle en détresse qui n’était rien d’autre que cela. Elle s’en voulait, une fois de plus, d’être faible au point que l’on ressente le besoin de s’interposer devant elle et son ennemi. Ce n’était pas la première fois que Balthial prenait sa défense. En réalité, cela devenait une habitude. Si le surnom de « Bouclier » sonnait mal aux oreilles de l’érudite, elle devait bien avoué que le Feunard était dans le vrai. Le Ranin était son bouclier humain, qu’elle le veuille ou non… Si bien que le jeune homme pourrait finir par croire qu’il n’était que cela, une simple protection.

Il avait même la gentillesse d’essayer de consoler un peu Dame Valni, dans un geste simple mais affectueux. Il s’excusa, alors que c’était à elle de s’excuser. Mila serra les dents, alors que les larmes roulaient jusque dans sa bouche, laissant alors un goût d’amertume et salé. Cela dit… La demoiselle avait tout de même quelque chose à reprocher à son ami. Il prenait beaucoup trop de risques pour elle, comme si sa vie importait peu. Mais c’était faux. Balthial était attendu chez lui, ou dans l’armée. Que dirait sa cheffe s’il finissait par périr en Sakai, loin de sa patrie ? De toute façon, au diable l’armée, en tant qu’être humain, il méritait la vie… S’enfermant dans le silence, le fils Zajin ne laissait plus rien paraître. C’était donc au tour de Mila d’agir. Elle se redressa, tout en laissant son visage dans un affreux état. Cela n’avait pas d’importance actuellement.

Elle se retourna ensuite, pour faire face à Balthial. Celui-ci reçut une bonne claque au visage… Le geste était tout de même retenu, faire du mal n’était pas l’intention. En revanche, le restant du message devait être clair. Ce geste qu’a fait le Ranin était impardonnable. La Bleuette voulait s’assurer qu’il ne recommencerait plus, alors elle ouvrit la bouche, toujours en sanglotant.


Bien entendu, Mila avait déjà une partie de la réponse en tête. Elle disait cela surtout dans un but d’engager la conversation douloureuse à venir. Elle secoua la tête, encore sous le choc.


La jeune femme éclata en pleurs une nouvelle fois. Elle se cacha ensuite le visage dans le creux de ses mains, non pas parce qu’elle voulait cacher cet affreux visage. Mais parce qu’elle voulait cacher sa honte d’être encore faible et de ne pas avoir assez prêté d’attention à Balthial. Peut-être se sentait-il obligé de prouver sa valeur. Que ce soit en tant que cavalier, ou en tant qu’ami, cela importait peu.


Elle avait vraiment beaucoup de mal à garder son sang-froid. Mais il ne fallait pas en vouloir à Mila. Car après tout…


La voix tremblante de l’érudite retentissait à chaque mot. Garuda et ses autres Pokémon avaient vraiment mal pour Mila. La femelle d’acier se déplaça d’ailleurs doucement jusqu’à son humaine. Elle plaça ensuite son aile métallique au-dessus de la jeune femme, en guise de protection et de réconfort. Cela eu un effet positif sur Dame Valni qui commença, finalement, à respirer plus calmement. Elle resta ainsi pendant quelques temps, avant d’enlacer son grand oiseau de proie. L’armure avait beau être froide, elle faisait un bien énorme à Mila. Mais l’Airmure n’était pas la seule à pouvoir offrir de l’aide… Le Bleuette la remercia entre deux sursauts et elle se dirigea vers Balthial. Ce dernier pouvait se préparer pour une nouvelle claque au visage ! Mais il n’en fut rien. Plutôt, la demoiselle enlaça à son tour le cavalier, plongeant son visage dans le tissu bleu.


…

Enfouie contre Balthial, la demoiselle s’accrochait à lui. Cela signifiait qu’elle ne voulait pas qu’il disparaisse. Pas maintenant. Ils avaient encore de nombreuses aventures à vivre alors il n’était pas question pour le cavalier de se sacrifier inutilement… Sa demande pouvait être compliquée pour Balthial. Son sens du devoir était tel qu’il aurait envie de briser cette promesse à chaque escarmouche. Ainsi, s’il répondait par l’affirmative, le Ranin serait obligé de s’y tenir ou de briser sa parole. Mila imaginait qu’il avait assez d’honneur pour ne jamais avoir à le faire. Néanmoins, elle s’attendait aussi à ce qui arriva…

Le Bleuté ouvrit sa bouche sèche et de sa gorge nouée sortirent les premiers mots. Il avoua ne pas être en mesure de promettre une telle chose. Mila s’enfonça encore plus profondément (si cela est possible) dans le torse du jeune homme. Ce n’était pas ce qu’elle voulait entendre. Ce n’était pas son désir… Mais de quel droit pouvait-elle se permettre d’être égoïste ? Aucun bien sûr. Mais ce n’était pas dans son intérêt cette fois, mais dans celui de Balthial. Pourtant, le cavalier ne reviendrait pas sur sa décision et l’érudite le savait très bien. En fait, elle savait d’avance que la promesse ne serait pas faite. Elle connaissait le fils Zajin à force de passer du temps ensemble. Aussi, elle ne pouvait pas lui en vouloir pour cela. Mila elle-même aurait refusé de faire pareille promesse quand son cœur lui dicte de faire ce qui est juste… Même lorsque cela implique un sacrifice. Mais peut-on toujours parler de justice dans ce cas ? Sauver quelqu’un parce qu’on en a envie, parce que c’est notre façon de faire, oui. Mais c’est ce qui vient après qui est difficile. Et qui, au bout du compte, est injuste. Laisser une personne seule après avoir volontairement donner sa vie est un acte à double-tranchant, qui ne laissera que désespoir…

Balthial s’était ensuite écarté de son ami. La Bleuette resta debout, comme si elle était devenue un enfant perdu. Elle s’enlaça elle-même, pour se réconforter. Le jeune homme avait autre chose à dire. Quelque chose qui pesait sur son cœur depuis un moment déjà… Après une pause, il avoua ses sentiments à la demoiselle aux yeux bleus. Cette dernière ne réagit pas dans un premier temps. C’était à se demander si elle avait entendu quoi que ce soit. Mais il ne faisait aucun doute que les mots du cavalier étaient parvenus jusqu’à Mila. Elle choisissait d’ignorer cette révélation, peut-être. Car elle la faisait souffrir. De nouveau de l’égoïsme, mais elle ne pouvait pas y remédier. Pas pour le moment en tout cas. Si le courage de Balthial était exemplaire, la Bleuette ne pouvait pas lui rendre justice.

C’était à son cœur de pleurer désormais. Les larmes ne coulaient plus des yeux, mais la jeune femme pleurait de l’intérieur. Qu’est-ce qu’elle pouvait répondre à une déclaration d’amour ? Bien sûr, elle n’était pas dupe. Depuis leur première rencontre au pays du sable, elle savait. Elle savait qu’un lien spécial était né entre eux. Néanmoins, Mila se sentait incapable de donner suite. La souffrance était terrible. Il faudrait qu’elle soit délicate pour ne pas briser le cœur du Ranin en mille morceaux. Elle ne voulait pas lui faire subir cela, surtout pas après qu’il voulait donner sa vie pour elle. Cependant, il était inconcevable de lui mentir. En fait, cela serait la pire des choses à faire. Ainsi, Mila se retrouvait dos au mur. La demoiselle resta silencieuse un bon moment, et même Garuda commençait à s’inquiéter pour l’humaine. La tête basse, elle regardait l’herbe en mouvement. Ce mouvement était doux, subtile… Finalement, il y avait bien du vent qui passait par ici. Une brise si discrète qu’il fallait vraiment se couper du reste du monde pour la ressentir. Ou pour voir la danse des brins. Coupée du monde, c’était ce qu’était l’érudite.

Un conflit interne se jouait en elle.

Pourtant, il y avait une décision à prendre. Qu’importe laquelle, personne n’en ressortirait pleinement heureux. Un peu comme cette histoire de sacrifice… Si le sauvé doit se réjouir de vivre, il doit composer avec la mort de l’autre. Quant à celui qui s’est sacrifié, sans vie, il n’a évidemment pas de quoi se réjouir… Ainsi, c’était identique pour Mila. D’un côté, elle voulait répondre par un mensonge pour ne pas froisser Balthial. Néanmoins, elle se sentait incapable de jouer la comédie et encore moins de devoir dire la vérité un jour. Cela serait bien trop douloureux et dévastateur. Alors ne restait que la Vérité. Celle qui blesse et qui ouvre les yeux. Celle qui fait mal, mais qui apaise sur le long terme. En théorie.

Suivre ses idéaux et mentir ? Ou avouer la Vérité ?


Le visage rougit par les pleurs et la gêne, la Bleuette s’avança légèrement, la main sur le cœur. La tête toujours basse, elle ne pouvait affronter le regard de son partenaire de voyage.


Secouant doucement la tête, Mila rassembla son courage pour donner son choix au cavalier.

Une pause et un soupir las.

La Bleuette se dirigea vers Garuda, puis posa l’une de ses paumes sur le bec de la créature d’acier. L’Airmure observa son humaine d’un air triste et compatissant. Elle comprenait le choix de Mila, mais le principal intéressé, le pouvait-il seulement ? Trop tard. Le mal était fait.

Tout ce qui se passa par la suite fut tel un tourbillon infernal dans l’esprit de l’érudite. Balthial avait répondu, comme s’il ne voulait rien laisser paraître. Mais sa voix le trahissait lourdement. De toute façon, il ne fallait pas être un génie pour comprendre que son cœur venait d’être réduit en cendre par celle-là même qu’il souhaitait protéger au péril de sa vie… Mila s’en voulait terriblement, c’était un moment très difficile à passer pour elle. Entre cela et ses rencontres des plus irritantes, elle avait envie de tout laisser tomber. De baisser les bras. Néanmoins, elle n’en avait pas le droit. Ils étaient si près du but qu’il serait impensable d’abandonner maintenant. Cela dit, elle avait beaucoup de mal à retenir ses émotions. Que ce soit des pleurs ou de la colère, la jeune femme était à bout. Elle ne voulait qu’une chose, mettre fin à ce périple pour prendre un repos bien mérité. Bien sûr, elle n’oubliait pas le cavalier. C’était lui qui souffrait le plus actuellement. Son courage venait d’être balayé comme une feuille par le vent. Mila ne se pardonnerait jamais ses paroles. Mais il fallait en passer par-là. Pour eux deux.

Finalement, le Soleil perça le feuillage touffu, comme un signe d’espoir peut-être ? La Bleuette n’en savait trop rien. En fait, elle trouvait cela ironique. L’îlot qu’elle pensait coupé de tout s’avérait en fait touché par la caresse du vent et par les rayons solaires… Elle avait eu tort de penser que le lieu était intouchable. Le rêve perdait soudainement de son éclat. Cela dit, à quoi bon continuer de rêver après avoir brisé le cœur de quelqu’un qu’on apprécie ?
Balthial, lui, se fichait bien de la lumière. Il suivait les recommandations de Mila et il enfourcha l’Airmure, prêt à partir. La femelle ne lui tint pas rigueur de son comportement, tant elle comprenait que le moment serait mal choisi. Ce fut ensuite à la demoiselle de monter et le Pokémon oiseau s’envola, avec un peu de difficulté. Ils quittèrent l’îlot mystérieux, puis le lac. Après tout, le jour se levait et il y avait déjà moins de brouillard. L’orientation était plus simple.

Le duo, avec Garuda, regagna donc les deux montures qu’ils avaient laissées à l’entrée du Lac Noctali. C’était le moment de reprendre la route et de laisser cet épisode derrière soi. Mila avait le cœur serré, surtout en voyant la Zéblitz tentait un geste de réconfort envers le Ranin. Cependant, ils avaient encore beaucoup de route à faire pour atteindre leur objectif. La jeune femme enfourcha le Bourrinos qu’elle louait, puis elle s’installa, mal à l’aise. Balthial ouvrit la voie, sans un mot et la Bleuette le suivit, tout aussi accablée par le silence. Elle regarda ensuite la flèche que lui avait confiée ce maudit Feunard. L’objet était vraiment magnifique… Mais utilisé par un sombre crétin. L’érudite étudia ensuite le papier, puis l’écriture. Il lui sembla alors que… C’était l’écriture de son frère. En quelque sorte. Si ces souvenirs étaient bons, il y avait une chance que le mot soit bien d’Ayden, et dans ce cas… Le Masqué n’avait pas menti. Les Pics seraient enfin le lieu de délivrance. Le lieu de la fin de ce voyage qui prenait des tournures de plus en plus étranges.

La demoiselle dévisagea la flèche pendant encore quelques secondes, avant de la ranger précieusement dans son bagage. Elle tomba alors sur la Captis Ball d’Amarok en même temps. Son Pokémon avait-il envie de revoir son frère ? Non, plus important. Partageait-il les choix de Mila ? Torturée, elle ne voulut pas en savoir plus et elle retira la main de son sac. Elle regarda ensuite à l’horizon. De grandes montagnes semblaient toucher le ciel et le mordre. Alors voilà leur prochaine destination. Elle semblait inaccessible à cette distance. Et surtout… Le trajet jusqu’aux sommets serait-il semer d’embuches ? La jeune femme espérait de tout cœur que, pour une fois, tout se passerait… Bien…