La chaleur de Ran est toujours aussi écrasante que dans mon souvenir, spécialement dans cette partie-ci du royaume. J’ose un regard vers le soleil,me rassure toutefois en me disant qu’il ne devrait pas tarder à disparaître derrière l’une des énormes parois du canyon. Alors, la fraîcheur devrait retomber, et le voyagement se fera plus facile, bien que je commence à fatiguer. Il y a maintenant plusieurs jours que j’ai quitté Vénovos, voyageant de village en village, en traversant d’abord Kuni de bord en bord, pour ensuite voyager à travers Mido, et maintenant, je me trouve devant la dernière ligne droite, à traverser le canyon de Ran. Chevropolis ne se trouve plus très loin. Pour avoir fait le voyagement à de nombreuses reprises déjà, je sais que j’atteindrai la grande ville du Sud aux petites heures du matin si je garde ce même rythme.

Mais je doute pouvoir garder ce rythme encore bien longtemps. Mes jambes se font molles, et je me sens complètement épuisé. Le voyagement vers ma ville natale se fait un peu plus difficile à chaque année qui passe, et à voir comme ce dernier aura été difficile, je me questionne quant à savoir si je pourrai vraiment continuer à le faire pendant encore longtemps. À chaque fois que je traverse ainsi Ekoe, il me faut un peu plus de temps pour m’en remettre que le voyage précédent. Et je crains que cette fois, le coup soit difficile. Et je sais très bien qu’à mon retour, Mouë sera là pour me gronder de ne pas avoir fait plus attention. Depuis de nombreuses années maintenant, elle me voit quitter notre petit nid pour retourner sur ma terre natale, et passer quelques semaines avec mes parents qui sont toujours de ce monde, avant de revenir à la fois tout sourire, et tout endolori par le voyagement. Cette année, elle a tenté de me convaincre qu’acheter un Ponyta à l’un des éleveurs de Vénovos serait une bonne alternative, comme elle sait très bien que jamais du vivant de mes parents je ne manquerais un voyage. Pourtant, j’ai refusé. Pas que l’idée n’était pas bonne, mais ce voyage, c’en est un que j’ai toujours fait. Alors, l’idée de ne plus être capable de le faire m’est très difficile à accepter. Ainsi j’ai insisté pour faire le voyage à pied, non sans compter sur l’aide des voyageurs et de leurs Pokémon ici et là, et me voici, épuisé, mais toujours en train de marcher, gardant ma destination bien en tête. Un sourire vient se hisser sur mon visage épuisé, alors que je m’imagine déjà passer le cadre de la demeure familiale. Je vois déjà ma mère poser sa pelote de laine et ses aiguilles pour venir me prendre dans ses bras, et m’offrir une tasse de thé ainsi qu’un petit gâteau comme seul elle sait les faire. Et mon père, lui, sera probablement déjà affairé à me préparer la chambre qu’ils ont toujours gardé pour moi. Ils me poseront probablement mille et une question sur la vie à Vénovos, ainsi que sur Mouë, qu’ils n’ont encore jamais rencontré, mais qu’ils aiment pourtant à distance comme si elle était leur véritable petite fille.

-Allez mon vieux, tu y est presque…

Je cherche à m’encourager à poursuivre ma route. Un vent s’est levé, venant me rafraîchir, ce qui n’est pas de refus. Mais ayant grandit dans la région, je reste méfiant face aux bourrasques du canyon. Il peut sembler plaisant pour les voyageurs de sentir cette fraîcheur contre notre visage, mais je ne connais que trop bien les risques que cette dernière peut attirer. Et comme de fait, alors que je plisse les yeux pour observer au loin, je peux voir une énorme masse brune se former, et se mettre à avancer à toute vitesse en ma direction.

-Eh merde, manquait plus que ça…

Une tempête de sable, avançant rapidement en ma direction. Rapidement, je me met à observer les alentours, à la recherche d’une cachette où m’abriter en attendant que la tempête ne passe. Sachant les pires tempêtes pouvant durer des jours dans la région, je ne tiens pas à être à découvert lorsqu’elle m’atteindra. Mais elle se rapproche rapidement. Malgré la fatigue, je me met à courir en direction des parois abruptes du canyon. Au loin, je peux apercevoir une petite caverne qui fera amplement l’affaire. Mais alors que j’ai le regard rivé vers cette dernière, je ne remarque pas un Chevroum fuyant la tempête, accompagné de ses deux petits Cabriolaines. À la dernière seconde, je parviens à éviter l’imposante femelle, mais l’un des petits me fonce directement dans la jambe droite, m’entaillant profondément au niveau de la cuisse de sa corne. Je pousse un grognement sonore alors que je m’effondre contre la poussière. Une douleur vive me traverse la cuisse de bord en bord, alors que le sang se met à jaillir de la plaie. Gémissant, je tente de peine et de misère de contrôler le saignement de mes mains, mais je sais qu’il me faudra un bandage. Toutefois, avec la tempête qui approche, je sais que je n’aurai pas le temps de me soigner avant de me retrouver à sa merci.

-À l’aide! Quelqu’un! N’importe qui! Aidez-moi!

Ma respiration est haletante. Je n’ai croisé personne dans depuis maintenant plusieurs heures, et ainsi, je doute qu’on ne m’est entendu. Je tente de me redresser pour tenter d’atteindre la caverne, mais je retombe aussitôt. Sans aide, je ne sais pas comment je pourrai m’y rendre à temps…

L’imposant nuage de sable se rapproche à bonne vitesse, et bientôt, je sais que je serai pris par la tempête. Et alors, des milliards de grains de sables viendront me fouetter de part et d’autre, et envahirons mes poumons. Et si tout ceci n’est pas suffisant pour faire de moi un homme mort, je sais très bien que la poussière s’incrustera dans la plaie me déchirant la cuisse, et alors, l’infection sera assurée. Et pourtant, bien que ma vie soit ici en jeu, c’est plutôt vers ma fille que sont tournées mes pensées. Je songe à elle, seule à la maison, attendant avec impatience mon retour, bien qu’elle doit être en train de profiter de mon absence. Comme à son habitude lorsque je la laisse seule, Mouë aura probablement laissé la maisonnée dans un désordre total, et ne se mettra à ramasser qu’une fois qu’elle me verra m’approcher, par la fenêtre. Sauf que cette fois, dans la position où je me trouve, je ne peux pas assurer qu’il y aura un retour.

Je tente une nouvelle fois de me redresser, refusant d’abandonner avant de véritablement avoir tout essayé. Mais encore une fois, je m’effondre contre le sol dur, poussant cette fois une longue plainte de douleur. Le poid de mon corps exerce une pression sur la plaie, qui échappe cette fois une large flaque de liquide d’un rouge vin. La tache est rapidement aspirée par le sol toujours aussi sec du canyon, et bientôt, une mince couche de sable vient l’effacer pour de bon.

De toute évidence, me relever n’est pas une option. Alors, je m’empresse de me mettre à ramper lourdement vers l’antre de la caverne, qui me semble soudainement bien loin. Je n’ai toutefois pas le temps de ramper bien loin qu’un bruit de sabots me pousse à me retourner, juste à temps pour qu’une silhouette s’élance vers moi pour m’agripper avec force, et me remettre sur pieds. Je pousse un nouveau hurlement alors que la douleur me poignarde une nouvelle fois, et pourtant j’obtempère, et me met à sautiller d’un pas rapide, guidée par celle qui me tient toujours, ainsi que sa monture qui nous protège à présent des minuscules cailloux venant nous écorcher les joues. Mon regard est rivé vers l’entrée de la caverne alors que nous nous approchons d’elle, et lorsque finalement nous sommes protégés par ses paroies de roc, je me laisse tomber contre le sol frais, pris par une quinte de toux occasionné par la poussière.

La luminosité dans la caverne est considérablement réduite par la tempête faisant rage à l’extérieur, mais je tente tout de même de discerner les traits de ma sauveuse, alors que celle-ci s’adresse à moi. Il s’agit d’une jeune femme à la chevelure pâle, à moins qu’il ne s’agisse de la poussière étant venu lui recouvrir le crâne. Elle me semble familière, mais je n’ai pas vraiment le temps de creuser dans mes souvenirs pour tenter de retrouver une potentielle connexion entre nous, car bientôt, la jeune femme s’attaque à un sujet bien plus important: ma blessure. J’ose un regard vers cette dernière, simplement pour constater que la plaie, en plus de toujours saigner abondamment, est maintenant couverte de sable. La poussière s’est installée, et si nous ne trouvons pas un moyen de stériliser le tout bientôt, la tempête à l’extérieur pourrait bien devenir le moindre de mes soucis. Et comme je ne sais pas pendant combien de temps nous serons coincés ici, attendre de rejoindre Chevropolis avant de nous occuper de la blessure n’est même pas envisageable.

-Je n’en doute pas une seule seconde…

J’hoche la tête tout en prenant une grande inspiration. Le coeur battant, je déchire le lambeau de mon pantalon recouvrant encore la plaie, avant de m’emparer d’une vieille branche traînant contre le sol et la glisser entre mes dents. Le regard résigné, je fais signe à ma compagne de caverne qu’elle peut y aller.

Je tente de détourner le regard, en songeant que l’expérience sera d’autant plus désagréable et douloureuse si je devais en plus regarder la scène. Je tente de me dire que ce sera terminé avant même que je n’ai le temps de véritablement sentir la douleur. Je tente d’abord de porter mon regard sur le Zéblitz reposant dans un coin. Je me concentre sur les traits qui me sont encore perceptibles malgré la pénombre qui nous entour. Et cherchant à fuir mentalement la caverne et tout ce qui s’y trouve, je tente de m’imaginer comment serait la vie si je possédais moi-même un Pokémon comme celui-ci. Je me dis qu’une telle monture pourrait définitivement m’aider à transporter les imposantes feuilles de cuir que je dois me procurer pour mon travail, en plus de pouvoir m’assister dans de nombreuses autres tâches. Bien qu’en réalité, si je possédais un Zéblitz, je me doute bien que je n’y aurais pas souvent accès, puisque Mouë serait probablement toujours rendu sur son dos, à voyager un peu trop loin à mon goût.

Je suis brutalement ramené dans la caverne alors que la jeune femme s’étant porté à mon secour se met à faire rincer ma plaie à grande eau. La procédure m’arrache un grognement de douleur, qui s’emplifie alors que la jeune femme se met à éponger ma blessure d’un tissu. Chaque contact est extrêmement douloureux, et me donne l’impression qu’elle me transperce la jambe d’une lame, et je dois me concentrer de toutes mes forces pour éviter de lui arracher la main alors qu’elle procède. Heureusement, son intervention ne dure pas bien longtemps, et ainsi, rapidement elle finit par recouvrir ma plaie d’un lambeau de vêtement relativement propre. Ce n’est définitivement pas un bandage digne d’un véritable professionnel, mais cela fera l’affaire. Alors que la jeune femme s’éloigne de moi une fois le travail accompli, je me permet enfin de porter mon regard sur le résultat, et constate avec satisfaction que le saignement n’a pas déjà envahi le morceau de tissu, ce qui me signifie que le saignement est contrôlé. À présent, il ne me reste qu’à espérer que la blessure ne s'infecte pas malgré les bons soins de ma bienfaitrice.

-Merci, je ne sais pas ce qu’il en serait devenu de moi si vous ne m’aviez pas trouvé....


Je lui adresse un sourire, certain qu’elle saura en discerner les contours malgré la pénombre. À vrai dire, je n’ai véritablement que ça pour la remercier, ne transportant jamais rien de valeur durant mes voyages. Je me sens d’ailleurs un peu coupable de ne pas pouvoir la remercier comme il se doit, à l’aide de quelques pièces ou quelques objets de valeurs. Mais j’ai appris avec les années à voyager léger lors de mes traversées.

Toutefois, au lieu de venir quérir une quelconque récompense pour son geste héroïque, la jeune femme vient plutôt m’offrir sa gourde, que je tente d’abord de refuser, sachant à quel point ce bien peut être précieux dans les contrées asséchées de Ran.

-Je vous en pris, gardez-là. De toute manière, j’ai ma propre…

Je m'interromps dans mes paroles alors que je porte une main à mon sac, pour constater que ma propre gourde n’y ai plus attaché. Elle a dû se détacher lorsque nous nous sommes dirigés vers la caverne. Et à présent, avec la couche de sable qui se sera accumulé à l’extérieur suite à la tempête, il pourrait bien m’être impossible de la retrouver.

-Je… Je suis vraiment désolé de vous causer autant de soucis…

De nouveau, je baisse le regard en attrapant l’eau que me tient toujours ma bienfaitrice. Je suis honteux à l’idée de lui créer autant de difficultés. Car comme si elle n’en avait pas déjà assez fait en me sauvant de la tempête et en pansant mes blessures, la voilà maintenant en train de m’offrir les dernières gouttes d’eau qu’il lui reste. Mais je sais qu’il s’agit de la manière de faire à Ran. J’en aurais d’ailleurs moi-même fait de même sans hésiter une seule seconde.

La dénommée Aryël ne semble pas s’en faire plus qu’il ne le faut. Elle se présente ainsi que sa jeune compagne, une petite créature rose que je n’ai pas l’habitude de croiser très souvent. Elle s’intéresse ensuite à moi, d’une question bien simple en apparence, et qui pourtant pour moi possède une certaine lourdeur. Je reste pensif un instant, histoire de faire le tri dans mes pensées et déterminer ce que je pourrais bien lui offrir comme réponse, sans pour autant me retrouver à lui conter la totalité de ma vie.

-Mon coeur appartiendra toujours à Ran, bien que ma vie soit maintenant à Kuni.

Un élan de nostalgie s’empare aussitôt de moi, alors que j’évoque ma terre natale. Tant de merveilleux souvenirs me rapportent vers ce lieu. J’y ai vécu ma jeunesse, j’y suis tombé amoureux, je m’y suis marié, et j’y ai vécu mes plus belles années. Pourtant, à présent, il m’est impensable d’abandonner ce que j’ai construit à Kuni pour y revenir.

-Le chemin entre Vénovos et Chevropolis est loin, mais il faut avouer que les galettes de Ran en valent la peine!

J’échappe à mon tour un rire, beaucoup plus détendu qu’il y a quelques minutes. “Parlez-moi de nourriture, et j'oublierai tous mes maux”, comme avait l’habitude de dire Magda. Elle avait parlé ainsi jusqu’à son dernier souffle, et avait par la même occasion gardé le sourire jusqu’à la toute fin.

-Et vous, très cher? Que fait une jolie jeune dame comme vous dans un endroit si peu accueillant?

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'R - Escarpements ' :

Je regrette quelques peu ma questions, à peine l’ai-je posée. Si elle m’a parut comme tout à fait inoffensive alors qu’elle quittait mes lèvres, je réalise à présent qu’elle pourrait sembler intrusive pour Aryël, dont je ne connais encore pas grand-chose, hormis qu’elle soit originaire de la région, et qu’elle soit foutrement courageuse pour s’être portée à mon secour. Mais c’est que j’ai toujours eu l’amitié et la confiance facile. Peut-être s’agit-il de l’éducation que m’ont offert mes parents, jamais j’ai toujours été ainsi, à faire confiance, et à m’ouvrir sans craindre que l’autre utilise ces informations contre moi. Sauf que je sais très bien que tous ne pensent pas ainsi. Je sais que certains sont réticents à se confier tel je le fais, et ça, je l’ai toujours respecté. C’est à croire que par cette plaie béante à ma jambe s’est écoulé tout mon savoir vivre.

Heureusement, la jeune femme ne semble pas s’offusquer de ma question, et y répond bien simplement, sans me sembler craintive de se révéler. D’ailleurs, celle-ci laisse glisser dans son discour un détail qui accroche mon attention. Je l’observe en silence alors qu’elle baisse le regard, me demandant si je devrais investiguer sur cette révélation, où si je devrais simplement m’en tenir à ce qu’elle m’offre. Serais-je trop gourmand d’en redemander aussi brusquement? D’un autre côté, il y a chez cette jeune femme une certaine familiarité, et j’aimerais bien tenter de deviner d’où elle peut bien me venir.

Mais je n’ai pas le temps de me questionner bien longtemps sur la manière de procéder, puisque rapidement, la Ranine reprend la parole, pour m’avouer d'étonnement, elle semble elle aussi retrouver chez moi cette familiarité, bien qu’elle ne semble pas non plus complètement en mesure de mettre le doigt dessus. Je m’apprête à lui répondre, réalisant non sans éprouver une certaine honte que depuis le moment où la jeune femme s’est portée à mon secours, je ne me suis toujours pas présenté. Mais alors que je m’apprête à corriger la situation, un bruit se fait entendre au fond de la caverne, me faisant sursauter. Si Aryël s’est redressé d’un bond, prête à nous défendre une fois de plus, je prends pour ma part bien plus de temps, toujours endolori par ma blessure. Je dois d’ailleurs m’accoter contre la paroi de roc, encore incapable de mettre du poids sur ma jambe.

Je fini par me redresser juste à temps pour appercevoir deux Pokémon s’avancer vers nous ; une Coupenotte et un Débugant. Et si la Coupenotte ne m’intimide pas aux premiers abords, ce n’est définitivement pas le cas du Débugant, qui s’est mit à se cogner les poings l’un contre l’autre, signe qu’il cherche la bagarre. Je tente néanmoins de rester de marbre, histoire de ne pas l’encourager.

-Ne faites pas de mouvements brusques, Aryël, ça lui démontrerait que vous répondez à sa provocation.

Je jette un coup d’oeil à la jeune femme un bref instant, pour m’assurer qu’elle n’attaque pas. Si je n’ai aucun doute qu’elle serait en mesure de nous défendre convenablement, je préfère ne prendre aucun risque. Avec ma jambe en mauvais état, il nous serait difficile de fuir, si les choses devaient mal tourner. De plus, puisque j’ai préféré laisser les Pokémon à la maison pour défendre Mouë si jamais c’était nécessaire, je n’ai aucun allié avec moi. La jeune femme se retrouverait ainsi seule pour combattre deux Pokémon, et peut-être même plus, qui sait ce qui se cache plus loin dans la caverne.

-Nous ne vous voulons aucun mal, alors s’il-vous-plaît, laissez nous tranquille et nous en ferons de même. Pas vrai?

J’ose un nouveau regard vers Aryël, espérant qu’elle suivra mon exemple.

À mon grand soulagement, Aryël obtempère, et évite ainsi de répondre à la provocation du Débugant. Elle se recule tel que je lui ai indiqué, signe que le Pokémon combat semble interpréter telle de la soumission. Et si, l’espace d’un instant, je commence à craindre que cette interprétation ne nous mène vers un combat inévitable, la situation finit par se régler d’elle-même, grâce à la Ptiravi de ma compagne de fortune. Dans un langage que seule elle et l’autre Pokémon ne peuvent comprendre, elle semble parvenir à convaincre ce potentiel agresseur de nous laisser en paix, et ainsi, sans plus de menaces, le Pokémon s’éloigne. Je pousse un soupir de soulagement, non sans jeter un dernier regard au petit dragon afin de m’assurer que celui-ci ne nous cause pas plus de problème. De toute évidence, vu ses ronflements, cela ne devrait pas se produire!

Je m’apprête à me laisser glisser vers le sol à nouveau, histoire de reposer ma jambe déjà endolorie par ces quelques minutes à me tenir debout, quand je suis interrompu par Aryël. Et alors que je prépare déjà une réplique afin de lui faire comprendre que je n’ai vraiment aucun mérite dans cette histoire, elle reprend la parole, cette fois pour m’avouer ce qui trottait déjà dans nos esprits respectifs, mais que nous n’avions jusqu’alors pas encore réussit à identifier. Et si cet aveu me parait bientôt comme une évidence, il n’en est pas moins un choc. À la mention d’Érikon, mon cœur se serre, dans un mélange semi-amer de tristesse et de nostalgie. Je revois comme si c’était hier ce bon ami que je voyais malheureusement trop peu souvent. Lorsqu’il était de passage en ville, l’orfèvre ne manquait pas une occasion pour venir nous rendre visite, à Magda et moi. C’était un homme profondément bon, et nous partagions nombreux intérêts. Nous avions échangé plusieurs discussions qui me reviennent encore en tête, même aujourd’hui. Il avait pour habitude d’amener sa fille, à l’époque beaucoup plus jeune, bien que le regard de la petite fille dont je me souviens soit encore le même aujourd’hui.

Un sourire triste se hisse sur mon visage, alors que je me remémore la douceur avec laquelle Magda accueillait la petite Aryël, lorsque le duo venait nous rendre visite. Elle avait cette puissante pulsion de maternité en elle, qui la poussait à prendre soin de chaque enfant. Elle aurait fait une mère absolument incroyable, si seulement nous avions pu accomplir ce rêve que nous chérissions tous les deux.

-Je me souviens de lui comme si c’était hier. C’était l’un de mes amis les plus chers.

Ses funérailles avaient été un moment bien triste pour ma femme et moi. C’était quelques temps avant qu’elle ne tombe malade. Une épreuve difficile à passer, et qui m’avait, tristement, préparé à ce qui allait suivre. Jusque dans sa mort, Érikon avait sû m’accompagner dans ma vie.

-Te revoir aujourd’hui m’empli de joie pour mon vieil ami tu sais…

Je m’empare à mon tour des mains de la jeune femme, avec douceur afin d’éviter de trop la surprendre.

-Ton père serait incroyablement fier de ce que tu es devenue.

Ça, je n’en ai aucun doute. Je suis convaincu que depuis là où il est, il doit être en paix, à savoir sa fille devenue une jeune femme forte, et prête à tout pour aider son prochain.

Maintenant que ce qui nous unis tous les deux s’est révélé, il ne fait plus aucun doute pour moi ; à travers la jeune femme, je peux sans difficulté reconnaître mon vieil ami. Elle partage ses traits, bien qu’elle ait de toute évidence su se créer sa propre personne. Je retrouve chez elle la même bonté que son père, et la même vitalité d’esprit. Puis, elle a cette émotivité que je n’ai pas connue chez son paternel. Peut-être un trait qu’il ne gardait que pour sa vie familial, ou peut-être un trait spécifique à la jeune femme. Malgré la situation périeuse dans laquelle nous nous trouvons, je me surprends à vouloir en découvrir plus sur la jeune Ranine, et à travers elle, retrouver une partie de ce très cher ami nous ayant quitté beaucoup trop tôt.

-Il en est de même pour moi très cher…

J’accepte sans rien dire son aide pour me rasseoir, ce qui me fait le plus grand bien. La plaie a beau avoir cessé de saigner de par le bandage la recouvrant, elle est toujours aussi douloureuse, et même si je n’en laisse rien paraître pour l’instant, histoire de ne pas ruiner ces retrouvailles émouvantes, ceci m’inquiète tout de même. Le chemin vers ma terre natale n’est plus bien long, mais je ne peux m’empêcher de me demander comment je suis sensé parcourir le reste du chemin me séparant de la demeure de mes parents, chez qui j’irai me reposer jusqu’à mon départ. Départ qui d’ailleurs m’inquiète tout autant. Mouë étant resté à Vénovos, je ne peux me permettre de passer plus que quelques jours auprès des miens avant de prendre le chemin du retour. Bien que le jour du départ soit encore dans un petit moment, je sais qu’il me faudra dès mon arrivée en ville me renseigner afin de trouver un moyen de transport qui me permettra de rentrer en sécurité.

Mais pour l’instant, cette planification peut attendre. Après tout, avant de songer à mon retour, il me faut encore prévoir mon arrivée. Arrivée qu’Aryël s’empresse de dessiner pour moi d’une manière plutôt surprenante. La surprise au visage, je l’écoute me mentionner le Palais d’Or, un endroit que tout résident de Ran connaît tel cet endroit réservé à la plus haute société. Ayant connu Aryël et Érikon comme une simple famille vivant de la passion du père, je ne peux m’empêcher de me demander comment la jeune femme a pu s’y retrouver en tant que membre à part entière.

-Eh bien de toute évidence je ne suis pas le seul qui aura à raconter les dernières années!

De toute évidence, la fille de mon défunt ami a parcouru tout un chemin depuis notre dernière rencontre, il y a de cela bien des années. Si j’ai moi-même vécu mon lot d’émotions et d’aventures, Aryël semble en avoir vécu tout autant, malgré son jeune âge. De toute évidence, mes années loin de mon chez-moi ont laissées trace, puisque visiblement, j’ai manqué de grands bouts de l’actualité de ma nation. Tout en laissant parler la jeune femme, je ne peux m’empêcher de formuler certaines hypothèses en silence, qui pourrait expliquer ce changement radical dans la vie de l’Eldan. La plus plausible me semble être celle d’un mariage au sein du Palais d’Or. De toute évidence, une mise à niveau serait à me prescrire, afin de mettre à jour mes connaissances politiques et sociales. Dans tous les cas, je découvrirai bien le tout une fois arrivé en ville, et pour ce qui est du reste, je suis certain que ma mère se fera un plaisir de me détailler tout ce qu’il y a à savoir.

-J’ai définitivement hâte de découvrir tout ceci, et j’apprécie vraiment l’invitation, il me fera plaisir de partager un repas à tes côtés et aux côtés de ta nouvelle famille. Mais je ne pourrai m’éterniser au Palais, même si cela est très tentant...

Mes parents se faisant vieillissant, je souhaite passer le plus de temps possible à leurs côtés avant que cela ne soit plus possible. Lors de mon dernier séjour auprès d’eux, il y a déjà plusieurs mois de cela, je n’ai pas manqué de remarquer que mon père se faisait plus faible, et plus fatigué qu’à son habitude. Il ne me serait pas étonnant que son état se soit empiré depuis la dernière visite, et si tel est le cas, je crains qu’il ne puisse s’agir de nos derniers moments ensemble. Et si tel est le cas, je veux pouvoir profiter du temps qu’il nous reste.

Je m’apprête à justifier ce refus malgré la grande hospitalité de ma jeune compagne, puisque je crains qu’elle ne le prenne mal, mais au moment où je me met à chercher les bons mots pour me justifier, un bruit se fait entendre depuis le fond de la caverne, me faisant craindre le retour du Débugant de plus tôt.

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