Le silence du Grand Canyon de Ran était perturbé par le bruit des roues de bois et le clap-clap répétitif des sabots sur le pierre. Gouffre profond aux milles merveilles, il était source de vie et donneur de mort. Si les roches friables n’avaient pas raison de vous dans un éboulement, c’était les bandits qui y trouvaient refuge qui l’auraient. Façonné pendant de longues années grâce à l’érosion de la roche, le Canyon prenait des courbes et des tournures propices pour les guet-apens. Il y avait aussi le problème des nombreux terriers creusés par les pokémons sol vivant dans la région qui trouaient la roche rouge comme un gruyère. Mais ce qui rendait se passage tout particulièrement mortel était le vent violent qui s’engouffrait entre les fissures, arrachait les toiles des caravanes et emportait sable et tissus sur son passage. Plus d’un téméraire s’était approché trop près du bord pour impressionner quelque demoiselle et avait fini par dessus bord après une puissante bourrasque.

Malgré cela, le Grand Canyon restait l’une des voies de commerce la plus emprunté de la région. Chaque convoi avait ses propres routes désignées, choisie spécialement dans le but d’éviter les passages les plus difficiles. Ils passaient par là en revenant de Chevrolis remplis d’or et de nourriture ayant vendu la majorité de leur marchandises là bas. La plus part des caravanes se dirigeaient vers le nord en direction de Sakai pour troquer minerais et tissus raniens contre le papier et l’encre du royaume voisin. D’autre préféraient continuer vers le sud pour rejoindre les rares campements et tribus nomades qui s’étaient installées dans le désert et la savane.

Laurel était justement dans l’un de ces convois. Alors agée de 19 ans, elle s’était rendue à Chevrolis pour parfaire son apprentissage de la joaillerie auprès d’un maître de l’art. Elle rentrait de temps en temps chez elle, lorsque que son senior lui laissait du temps libre. Si elle adorait l’échoppe et la vie grouillante et colorée de la capitale, sa petite famille lui manquait. Elle avait acheté quelques jouets en bois pour son petit frère, un Bourrinos et un Rototaupe, et mourrait d’impatience de voir la tête qu’il allait faire en les voyant.

Le voyage s’était pour l’instant déroulé sans encombres. Les quelques pokémons sauvages qui s’étaient approchés trop près avaient été chassés par les mercenaires engagés par le chef du convoi. Les mercenaires avaient, si elle se fiait aux dires de ses compagnes de route, une assez bonne réputation. Ils portaient une armure verte faite à partir d’écailles de Tyranocifs pour se protéger du sable et étaient donc facilement reconnaissables. Néanmoins, il fallait tout de même reconnaître que, plus que protéger le convoi, c’était séduire les jolis filles qui voyageaient dans les caravanes qui les intéressaient.

Duc s’ébroua. Laurel avait récupéré le Bourrinos de sa mère quelques semaines auparavant. On lui avait remis des fers, ces derniers s’étant abîmés à force de voyages. C’était un animal lourd et assez placide qui traînait sa charrue avec l’expertise des années. La Ranine avait grandit auprès de se cheval géant et adorait le gâter avec des baies. Il avançait d’un pas serein le long de la corniche. C’était toujours un passage délicat. Généralement les marchants mettaient des œillères à leurs bêtes pour éviter qu’elles ne prennent peur et ne basculent par dessus bord dans la panique. Heureusement, il y avait une grande ouverture quelques mètres plus loin. Si avant l’espace avait été tout juste suffisant pour faire passer les carrioles, maintenant on pouvait au moins en mettre quatre côte à côte sans soucis.

La tension accumulée dans le convoi sembla se relâcher d’un coup une fois cette ouverture atteinte. Assise à l’avant de sa caravane, Laurel sorti un livre. Elle n’avait plus besoin de se concentrer sur la route. C’était un des nombreux romans d’aventure d’Amun son oncle adoptif. Il le lui avait prêté pour le voyage. Ce n’était pas de grande littérature et le bouquin était bien abîmé par les années mais cela restait l’un des livres préférés de la Ranine. Elle en était au passage où l’héroïne se retrouvait nez à nez avec son père qu’elle croyait mort et découvrait qu’il était en réalité son ennemi de toujours, le Roi Sombre. Laurel agita ses jambes, toute excitée, c’était son moment préféré.

Un peu plus loin, un groupe de ménestrels avaient commencé à jouer de la musique. C’était un petit spectacle improvisé mais déjà les caravanes aux alentours se mettaient à claquer leurs mains au rythme de la musique. Quelques mercenaires se rapprochèrent pour pouvoir profiter de la prestation. C’était une belle journée qui avait bien commencé et qui, on l'espérait, allait bien se finir.

Spoiler:

Laurel tapait du pied sur sa cariole au rythme de la musique, n’écoutant que d’une oreille les interprétations des différents chants raniens. Elle chantait aussi bien qu’un Ramboum parlait doucement donc elle n’essaya même pas de se joindre à la petite troupe rassemblée autour des ménestrels qui était partie dans une énième reprise de « Lyra de l’eau douce. ».

L’esprit et les yeux occupés par les pages du livre, elle ne vit pas les ombres passer avant que les premiers cris ne se fassent entendre. Après, ce fut la panique. Des bandits jaillirent de toute parts pour encercler le convoi. Leurs cris de guerres raisonnaient dans le canyon avec fracas. Leurs lames brillantes en avant, prêtes à faire couler le sang. Leurs pokémons, les crocs dénudés grognaient avec fureur.

Un à un les mercenaires tombèrent. Leur armure offrant une piètre protection face aux lames courbes des dagues qui se faufilaient avec précisions dans les défauts de la cuirasse pour couper les artères. Les marchands hurlaient de panique, certains couraient se cacher dans leur caravanes d’autres se mettaient à genoux pour prier alors que quelques fous téméraires sortaient des cimeterre et des arbalètes pour tenter de protéger leurs lots.

Les bandits fonctionnaient avec une précision froide. Quiconque s’opposait venait rougir en écarlate le sable de canyon. Rares mercenaires restant tombèrent sous les lames dansantes d’une femme dont la grâce n’avait d’égal que son adresse. Les armures s’éventraient sous l’assaut de ses coups, les corps tombaient au sol pour venir rejoindre la pile grandissante de cadavres. La bonne humeur et les chants avaient été remplacés par la peur et l’odeur prenante du sang.

Laurel s’accrochait tant bien que mal sur Duc qui ruait, complètement paniqué par le sang et les aboiements des bêtes. Elle l’avait détaché de la carriole dès qu’elle avait compris qu’ils se faisaient attaquer. Trop souvent elle avait entendu des histoires de marchants qui passaient dessus bord avec leur marchandise parce que leur Rhincorne paniqué par une attaque de bandit avait foncé droit dans le gouffre. Elle essayait de contenir le Bourrinos mais le Demolosse aboyant ne faisait qu’empirer la chose. Un bandit s’approcha, l’arme dégainée. Avec un peu de recul, Laurel aurait pu comprendre qu’il venait l’aider à calmer la monture comme ses compagnons le faisaient pour les autres pokémons. Mais dans la panique elle ne vit que la lame sanglante et aiguisée. Ses oreilles endolories n’entendaient plus que les grognements aigus du chien des enfers, trop près et trop violent.

D’un geste répété une centaine de fois, elle détacha la dernière sangle qui retenait Duc et s’agrippa à son encolure avec désespoir. Le Bourrinos poussa un fort hennissement, se cabra et abattit violemment ses sabots sur le bandit qui approchait. Aussitôt le Demolosse bondit, la gueule enflammée prêt à déchiqueter sa proie. Ses crocs s’enfoncèrent dans la chair du pokémon sol, qui se secoua violemment. Laurel s’accrochait tant bien que mal son corps valdinguant dans tous les sens tel une poupée désarticulée. Duc rua, envoyant valser le Demolosse contre la falaise. Il s’écroula avec un glapissement.

D’autre bandits commencèrent à encercler le pokémon terrifié. Duc bondit. Il chargea la foule qui s’écarta pour éviter de se faire écraser par un cheval paniqué. Le Bourrinos remonta tout le convoi au galop, Laurel toujours accrochée à lui.

Il y avait un rassemblent à la tête du convoi. La femme d’auparavant avec le maître de la caravane maintenu fermement entre deux bandits. Duc fit un brusque écart pour les éviter. Laurel ne s’attendait pas à cela, le vif changement de trajectoire la projeta à terre. Légèrement sonnée, elle vit le Bourrinos continuer à travers le canyon, aucun doute qu’il rentrait à la ferme. Elle fut prise d’une angoisse violente. S’il parvenait à la ferme, ses parents allaient s’inquiéter pour elle et allaient peut-être venir pour la trouver. Ils allaient peut-être tomber sur les bandits. La ranine se releva en titubant.

« Oh merde. » murmura-t-elle.

Elle était nez à nez avec la guerrière qui avait tué les mercenaires comme s’ils n’étaient qu’une formalité. Et probablement qu’ils l’étaient pour elle. Laurel jeta un coup d’œil au maître de caravane, un viel homme bourru qui avait parcouru cette route depuis des années. Il avait le respect des marchands et, la Ranine l’espérait, l’habitude de négocier avec les bandits. Il n’avait cependant pas vraiment l’air d’être plus rassuré qu’elle. L’apprentie joaillière se tourna vers la femme et avec le sourire le plus crispé du monde lança d’un ton qu’elle voulait assuré :

« Hey ! Jolie coupe, j’aime beaucoup votre cimeterre. Très … euh, sanglant… Sinon tout va bien ? »

Okay, maintenant Laurel en était sûre, elle allait mourir.

Spoiler:

Laurel avala difficilement sa salive. Le regard fixé sur la lame contre sa gorge. Elle se tenait droite. Trop droite. Un peu comme une caricature de ces soldats que l’on trouve devant le Palais d’Or. En entant l’ordre elle avait presque levé sa mains à sa tête mue par un réflexe développé après de longues heures d’insolence envers l’autorité parentale. Heureusement pour elle, sa main n’avait fait que tressaillir et était restée bien sagement à ses côtés.

Son cœur battait à toute vitesse dans sa poitrine à tel point qu’elle se demandait si la femme n’allait pas la tuer simplement parce que son cœur faisait trop de bruit. Ses mains étaient terriblement moites et elle était quasiment sûre d’avoir perdu quelques teintes. Tomber sur des bandits était la pire chose qui puisse arriver à une caravane de marchands. Bandit était synonyme de faillite et de mort. Si tu étais chanceux tu repartais vivant mais son un rond et si la chance n’était pas de ton côté tu ne repartais pas du tout. C’était pour cela que les convoi engageaient des mercenaires. Malheureusement, certains bandits étaient mieux entraînés que d’autre.

Laurel avait du mal à croire que les mercenaires étaient tombés aussi facilement. Elle les avait vu se vanter, rouler leur muscles et parader avec assurance quelques jours plus tôt. Elle les avait repousser avec aise des pokémons sauvages qui bloquaient le chemin. Les voir tomber aussi rapidement en disait long sur la force de ces bandits. Ils n’étaient pas seulement bien organisés, ils étaient mortels.

La Ranine ne comprenait pas bien le blabla sur les élus d’Yveltal. Déjà, pourquoi Yveltal aurait-il des élus ? Deuxièmement, cela voulait-il dire qu’ils étaient des prêtres ? Qui attaquent des convois ?? Avec des armes ? Et ils voulaient ses bijoux, pour un dieu piaf géant de la mort et la destruction ? Qu’est-ce qu’Yveltal allait faire de ses colliers ? Les mettre autour des dents ? Ça n’avait aucun sens. Mais Laurel n’était pas prête de questionner la dame. Pas quand la dame en question peut vous découper en rondelle pour vous manger au petit déjeuner.

« Madame Épée, si votre temple a besoin de charité je ne suis pas sûre que ce soit la bonne manière de procéder mais ! Vous pouvez prendre mes bijoux, si vous me permettez de les enlever ? »

Lentement Laurel leva ses bras pour enlever colliers, bagues et bracelets. Le maître marchand s’empressa de faire de même et commanda au autre de suivre l’exemple. Pour la Ranine ce n’était pas une perte si terrible que ça. Des bijoux, elle pouvait s’en refaire, ceux qu’elle portait actuellement étaient des prototypes qu’elle avait réalisé il y a quelques jours. Ils étaient assez brut contrairement d’autre œuvres plus travaillées. Le reste de ses affaires étaient dans la carriole qui était restée plus loin. C’était principalement de la nourriture. Malheureusement il y avait toujours le livre préféré d’Amun et sa bourse.

Le vrai problème actuellement était de savoir si les bandits allaient s’emparaient des vivres. Autant les tuer immédiatement si c’était le cas. Il était impossible de survivre dans le désert sans eau ni nourriture. Du coin de l’œil, Laurel pouvait voir quelques enfants et femmes pleurer alors qu’ils donnaient pièces et parures aux assaillants.

« Juste- » Laurel se tut. Elle avait parlé trop vite, mais la question lui brûlait les lèvres. « Pourquoi ? Pourquoi Yveltal a-t-il besoin de nos biens ? »

Laurel se mordit la lèvre. La situation était terrible mais elle avait lu dans les livres qu’il fallait faire monologuer les méchants pour s’en sortir. Il n’y avait plus qu’à croiser les doigts pour que ça fonctionne. Avec un peu de chance un héro sur un fier destrier allait venir les sauver.

Laurel pouvait difficilement imaginer quelle genre de bénédictions pouvait offrir un dieu de la mort. Des malédictions semblaient plus probables. Elle n’était pas vraiment croyante. Bien sur elle avait ses propres superstitions et il lui arriver d’adresser quelques prières aux dieux de temps en temps mais elle n’avait jamais compris comment quelqu’un pouvait dévouer sa vie entière à quelque chose qu’il n’avait jamais vu. Remercier la pluie pour la bonne récolte, blâmer le soleil pour la sécheresse ou bien maudire le temps qui passe étaient des actions sensées. Ce qu’elle avait du mal à accepter c’étaient ces prêtres avec leurs robes albâtres et leur richesses qui parcourraient les rues pour rependre la « parole » divine. Bien sûr, les prêtres apportaient beaucoup à la ville, ils offraient éducation et hospices aux plus démunis mais c’était des actions indépendantes de leur divinité.

Amun avait bien essayé de lui expliquer que la religion n’était pas seulement une croyance aveugle, mais c’était aussi un code moral. Des lignes de conduites, un espoir. Que la religion avait la chance d’être accessible à tous quelque soit leur condition, c’était un métier qui ne discriminait pas selon la naissance. Cela Laurel pouvait le comprendre.

Le soleil brûlait la peau, complètement indifférent à la situation dans laquelle se trouvaient les marchands. Les bandits fouillaient les caravanes avec un fougue non contenue, arrachant vases et tissus brodés des carrioles. Certains avaient même commencé à retirer quelques lattes à la recherche des trésors cachés des marchands. Quiconque voyageait dans les contrées arides de Ran savait qu’il valait mieux posséder deux bourses. L’une que l’ont perd en cas de pillage comme aujourd’hui et l’autre cachée sous une semelle ou sous un faux plancher de sa carriole. Cela permettait de ne pas se faire égorger tout en ne perdant pas la totalité de ses gains.

Il y avait plusieurs endroits où on pouvait cacher ses pièces. Nombreux étaient ceux qui préféraient les garder sur soi. Pour cela des poches étaient couses à l’intérieur des vêtements, on portait des vêtements amples pour cacher la bosse, des turbans sur la tête et de lourdes écharpes. Une autre solution consistait à dissimuler des pièces d’or ou des diamants dans les semelles de ses bottes ou dans un œil de bois. Enfin, il était aussi très rependu d’installer un compartiment sous la carriole pour y cacher un coffre, ou creuser des trous dans les roues pour y planquer quelques sous.

Laurel avait deux avantages. Le premier était sa prothèse. Le second était Duc, le Bourrinos. La ranine avait caché quelques petites pépites dans les articulations du bras mécanique. Généralement les gens évitaient son appendice en métal par dégoût ou pudeur elle ne le saurait jamais. Ce n’était pour elle après tout, qu’un outil. L’épaisse crinière pleine de terre du Bourrinos avait l’avantage d’être très compacte en plus d’être sombre. Sa mère, Attica avait l’habitude d’y glisser ses broches à cheveux le temps qu’elle coiffe ses cheveux. Les broches pouvaient rester en place pendant des lustres, à tel point qu’il leur était arrivé d’en retrouver datant de quelques mois. Laurel avait donc glissé quelques écus dans cette masse de crins et de boue en prévision du voyage.

Les marchands étaient souvent sous estimés. Il était vrai qu’ils n’avaient pas la force, ni le courage des soldats. Ils n’avaient pas la beauté, ni l’agilité des troubadours. Et il n’avaient pas non plus le respect et la crainte de la populace comme les banquiers et loueurs. Mais il avaient un talent, la magouille. On plaisantait souvent dans les rues que les marchands de Ran seraient capables de vendre du sable à des nomades. C’était une exagération bien sûr mais il y avait tout de même une leçon à en tirer. N’importe qui peut se faire embobiner par un marchand.

Et c’était dans un sens ce qui était en train de se passer. Pendant que les larmes coulaient, factices ou réelles, impossible à devenir, les vieux dealers de trucs et bidules savaient qu’ils n’avaient pas tout perdu. Après tout, si un brocantier perdait tous ses écus en plus de ses biens pour chaque attaque de bandits qui avait lieu (et il y en avait beaucoup) alors le commerce itinérant serait mort depuis longtemps. Mais, tout comme les voyous s’adaptent à leur cible pour mieux les détrousser, les vagabonds au poches remplies de trésors s’adaptent à ces hors-la-loi pour mieux les duper. Les mercenaires n’étaient que la partie visible du système de défense contre les pillages.

Laurel souffla un bon coup lors que finalement le cimeterre s’éloigna de sa gorge nue. Elle avait le cœur serré à la vue de ses précieux bijoux entre les griffes de ces vauriens. Elle avait passé tellement d’heures dessus sous la chaleur de la forge et les cris de son enseignant que de se faire voler ses créations, même rustres et grossières, l’emplissait d’un mélange de colère et de désarroi. Il n’y avait vraiment rien à faire face à des pilleurs que de courber l’échine en attendant que ça passe.

Elle trouvait cela horrible, ce sentiment d’impuissance. Si ça avait été un de ses romans, elle aurait dégainé son épée légendaire offerte par Arceus lui-même, aurait invoqué son fidèle compagnon un puissant Drattak et repoussé les bandits avec force et courage puis elle aurait embrassé sa dulcinée et serait partie dans le soleil couchant vers d’autre aventures. Sauf que ce n’était pas un roman. Et qu’elle était réellement en danger de mort. Cela était d’autant plus vrai qu’un groupe d’assaillant s’approcha de la Femme avec les corps brisés d’un homme et son chien infernal.

Le même homme qui était passé sous les sabots de Duc.

Et le même Demolosse qui avait été fracassé contre le mur.

« Oh merde. » murmura-t-elle les yeux écarquillés.

Elle détourna rapidement ses yeux, le regard fixé vers le sol. Elle était responsable de la mort de cet homme et son pokémon. Un frisson glacial lui parcouru l’échine, elle sentit la bile lui monter à la gorge. Fuck. Elle était responsable de la mort d’un homme. Un assassin peut-être mais, un homme tout de même. Elle avait envie de vomir.

Les Demolosses se turent dans un silence respectueux. Les marchands se lançaient des coups d’yeux perturbés. Ces voleurs, cette bande de vauriens qui venait tout juste d’égorger une vingtaine d’hommes s’arrêtaient en plein pillage pour procéder à des rites funéraires ? Cela n’avait aucun sens. Pour certains, c’en était presque odieux. Un homme se leva, furieux.

« Un Hommage ? UN HOMMAGE ?! Vous n’êtes qu’une bande de salauds, vous avez tué ma femme et vous voulez qu’on respecte vos morts ? » Il cracha au sol.

Laurel le reconnaissait comme l’un des ménestrels suivant le groupe. Sa femme était l’une des mercenaires chargé de la protection de la garnison. Elle était l’une des premières à être tombée, à peine consciente qu’elle mourait, son regard fixé sur son époux qui lui jouait une ode. La ranine appréciait le couple. La femme l’avait laissée essayer son armure et jouer un peu avec son épée et elle avait passé une partie du trajet à échanger des blagues avec l’époux. Elle était morte et lui allait la rejoindre.

Il se tenait fier et droit, les yeux rougis par les larmes, prêt à accepter la lame qui sûrement mettrait fin à sa vie. Laurel fit quelques pas dans sa direction en s’écriant à l’adresse les bandits :

« NON ! Ne faites pas ça ! »

Effort futile que de tenter d’arrêter l’inévitable. Les bandits s’étaient montré implacables et violents dès le début de l’attaque, n’hésitant pas à assassiner quiconque se révélait être un tantinet menaçant. Les marchands avaient pu observer leurs protecteurs tomber les uns après les autres comme des mouches. La femme n’avait elle-même montré aucune hésitation à mettre fin à la vie d’hommes et femmes innocents. Alors, pourquoi aurait-elle hésite à mettre ses menaces à exécution. Après tout, l’homme se tenant devant elle n’était un pitoyable ménestrel trop désespéré pour imaginer vivre sans sa moitié, alors qu’elle était chef de ces voleurs. Un tel affront ne pouvait rester impuni sans mettre à mal son autorité. C’était la loi du plus fort, et cette femme là méritait sa couronne.

Laurel s’accrochait à la chemise du ménestrel et tentait de lui faire changer d’avis. D’autres marchands se joignaient à sa voix, plaidant la pitié pour l’un des leurs. Trop de sang avait coulé aujourd’hui, le sable était imbibé de rouge et les pilleurs avaient eut ce qu’ils voulaient. Mais leurs prières tombèrent face à un mur de cruauté et de traditions. Dame Chance n’était pas de leur côté aujourd’hui.

Sur le signe d’un bandit, un immense Dracaufeu apparu. Ses ailes projetant une ombre sur les voyageurs terrifiés. Il fit quelques cercles au dessus de leurs tête, goûtant avec plaisir à la panique qu’il suscitait avant de se poser avec grâce à côté de la chef. Toute son attention était portée sur la femme. Pendant qu’elle donnait ses instructions ses babines se retroussèrent pour dévoiler des crocs inégaux aussi gros que des poignards. Il semblait presque se moquer du destin funeste qui attendait l’effronté.

Le maître de caravane s’élança pour attraper Laurel par la taille et l’éloigner du ménestrel qui avait perdu toute son assurance.  La joaillière se débattit à peine le regard fixé sur les pupilles fendues de la bête. Dans un rugissement tonitruant le dragon s’élança. Il happa le ménestrel qui se mis à hurler avant de décoller à la verticale. Ses puissantes ailes soulevèrent sable et gravats et lui firent rapidement gagner de l’altitude. Retenu mollement par les serres de la bête, l’homme se balançait au grès des bourrasques et coups d’ailes, complètement impuissant. En quelques secondes l’imposant pokémon feu avait disparut derrière la falaise. Et seulement quelques secondes plus tard, le cri à peine humain du ménestrel raisonnait dans la roche et les coeurs des marchands puis ce fut la fin.

La silence qui succéda à l’horreur était aussi traumatisant que l’avait été la soudaineté de l’attaque. Tous les yeux étaient fixé sur le Dracaufeu qui revenait, seul. Il se posa comme si de rien n’était à côté de la femme qui le félicita. Elle félicita son dragon. Elle le récompensa d'avoir tué un homme bon. La colère menaçait d'emporter tout mon sens comme un torrent déchaîné arrache maisons et biens. Laurel regardait les crachats par terre, puis les formes couvertes des meurtriers. Elle voyait le luth brisé de son compagnon de route et les yeux vitreux de sa femme. Elle entendait les sanglots difficilement contenus des enfants derrière elle. Elle sentait l'horreur rance du sang versé. Comment pouvait-on faire cela ? Comment pouvait-on réaliser un tel carnage et en être fier ? Comment osait-on réaliser un acte aussi immonde et s'en vanter ? Elle s’élança vers les assassins avec un cri de rage mais le maître de caravane la retenait fermement.

« Laurel, il y a eu assez de morts, ça n’en vaut pas la peine ! » il fut rejoint par un autre marchand parce que la joaillière se débattait trop.

« MONSTRE ! »

hurla-t-elle à l’adresse de la femme « Vous n’êtes que des monstres ! »

Une petite voix dans sa tête lui dit : « Toi aussi tu as tué. » Elle ne l’écouta pas. Trop enragée par la situation. Il n’y avait-il donc pas de justice pour les innocents ? Pas de chevalier en armure pour vaincre ce mal ? Elle avait laissé un homme mourir et tué un autre. Si elle avait été plus forte, elle aurait pu faire quelque chose. Elle aurait pu se battre. Peut-être même qu’elle aurait pu le sauver.

« Les Chevaliers vous retrouverons ! Je vous souhaite de croupir en Enfer pour toute l'éternité ! » continua-t-elle furieuse.

Le maître de caravane tira d’un coup sec et parvint à lui faire perdre l’équilibre. Une fois à genoux, lui et son collègue parvinrent à la maîtriser totalement. Tous les marchands pensaient la même chose. Monstre. Injustice. Barbare. Crève. Mais tous se taisaient. Ils avaient vu l’un des leurs mourir en un claquement de doigts, il n’y avait rien à faire face à ces ennemis. Plus tard, lorsqu’ils reviendraient en ville, ils parleront de ces Demolosses, les dénonceront à la garde afin que Ran puisse envoyer des soldats dans le Canyon pour les chasser. Mais pour l’instant, ils ne pouvaient rien faire. Rien faire d’autre que d’essayer d’empêcher une autre mort.

Laurel continuait à se débattre face à l’emprise des deux hommes. Sa rage se transformant lentement en désespoir. Voilà la femme qui venait, certainement pour l’achever. La joaillière ne serait qu’un peu plus de sang versé dans cette journée macabre. Une tête de plus dans la liste certainement très longue de victimes. Elle allait mourir pour une bravade qui au final n’avait rien changé. Les morts étaient morts. Il n’existait pas de solution miracle à la fin. Pas de claquement de doigt magique et pas de dieu pour rétablir les tords. Juste une vie à peine esquissée qui s’achève.

La ranine ferma les yeux.

A côté d’elle les deux hommes de tendirent. C’était comme si le canyon entier avait retenu sa respiration en attente du coup fatidique. Laurel pouvait sentir le soleil sur sa nuque et la sueur qui gouttait le long de sa peau. Elle pouvait se sentir respirer. Expiration après inspiration. Elle pouvait entendre les grondements des bêtes infernales. Mais elle ne pu pas sentir le coup car, il ne vint pas.

A la place d’une lame aiguisée, ce fut les mots cassants de la femme encapuchonnée qui vinrent frapper la ranine. Elle s’exprimait d’un ton presque moqueur. Il semblait que les deux femmes ne pouvaient se comprendre. L’une croyait en l’omnipotence divine alors que l’autre plaçait sa foi dans les actions des Hommes. C’était comme si deux mondes différents s’étaient heurtés. Si aucune n’avait voulu apprendre de l’autre, cette rencontre avait au moins eu l’utilité de conforter les deux femmes dans leur idéaux.

Laurel était persuadée qu’au même titre que l’ultime cri du ménestrel, les hurlements des Demolosses resteraient à jamais gravés dans son esprit comme symbole de mort. Les assassins repartirent aussi vite qu’ils étaient venus, ne laissant derrière eux que les carcasses des carrioles et les cadavres des mercenaires. Les deux hommes lâchèrent finalement qui resta immobile où elle était. La femme avait raison. Les Demolosses étaient sortis victorieux avec leur butin pendant que les marchands devaient panser leurs blessures et pleurer leurs morts.

Ils n’avaient même pas un cadavre pour honorer le ménestrel, l’absence de rites funéraires était la pire chose qu’il puisse arriver à un Homme dans la mort. Cela voulait dire que son âme ne pouvait pas partir en paix et se transformerait très certainement en esprit vagabond. En pokémon spectre.

Les marchands se mirent à rassembler leurs affaires. Il fallait faire vite avant que la nuit ne tombe. Les montures étaient terrifiées mais saines et sauves. Les avares comptaient leurs pertes pendant que les autres préparaient les tombes. Il y avait quelques pelles pour creuser, c’était un travail lent et fastidieux mais nécessaire. Ça avait aussi l’avantage d’occuper l’esprit. On ne pensait pas aux morts. Juste à soulever la pelle trop lourde, déverser le sable sur la pile grandissante, recommencer malgré les muscles qui souffrent et répéter en boucle jusqu’à ce que l’agonie remplace toute forme de pensée cohérente.

De vieux voyageurs s’étaient mis à scander des incantations pour assurer la traversée des âmes. Ils agitaient leurs encens et avaient placés les mercenaires avec leurs armes. Laurel se tenait à l’écart, les jambes pendant dans le canyon. Le maître de caravane lui avait passé un sermon sur son inconscience qui aurait pu non seulement lui ôter la vie mais aussi celle des autres membres du convoi. La ranine l’avait écouté l’esprit sombre. Elle avait agit impulsivement, elle en avait conscience mais la seule chose qu’elle regrettait c’était de ne pas avoir pu empêcher la mort du ménestrel.

La lune était haute dans le ciel, apportant avec elle la fraîcheur de la nuit. Les étoiles brillaient dans le ciel et, selon les croyances, 18 de plus venaient de s’allumer. 18 pour chaque Homme tombé aujourd’hui. Avec les ténèbres était venu l’heure du repos mais, le sommeil des marchands était tourmenté par des flash de violence et de crocs. Un galop frénétique se rapprochait du camp, réveillant ses habitants en sursaut. Duc déboula à toute allure sur son dos un vieil homme en armure rapiécée. Les marchands s’emparèrent de quelques objets pour utiliser comme arme improvisée face au cavalier solitaire. Laurel quand à elle se jeta dans les bras d’Amun.

« J’ai tué quelqu’un Amun ! » pleurait-elle dans ses bras. Il ne la serra que plus fort. « Je n’ai rien pu faire, j’avais tellement peur ! »

« Laurel, Laurel regarde moi. C’est fini maintenant. Tout va bien aller, tu es en vie c’est tout ce qui compte. » la rassura-t-il de sa voix rauque.

Amun était un mercenaire, il n'avait pas toujours combattu pour le bon côté. Il avait tué, saccagé et pillé et maintenant il se repentait auprès de cette famille haute en couleur. Il connaissait la culpabilité mieux que quiconque et refusait de laisser sa protégée se noyer dans celle-ci. Sa sagesse il l'avait apprise de ses erreurs mais Laurel n'avait pas besoin de passer par les mêmes épreuves. Il les avait subies pour qu'il puisse transmettre ce dont il avait appris sans que d'autres n'aient à souffrir.

« Tuer fait partie de la vie. On tue pour se nourrir, pour son territoire, pour se protéger. La nature ne juge pas les tueurs. Parce que les tueurs vivent, ils vivent et peuvent faire changer les choses. Alors vis Laurel et change le monde. »

Dans le canyon, les sanglots de Laurel résonnèrent tel un glas. La fin d'une innocence.