ravoure se réveilla avec un terrible mal de tête et la respiration sifflante. La journée commençait merveilleusement bien. Il lui fallut quelques secondes pour retrouver ses repères la salle dans laquelle elle se trouvait était large et sombre, la fourniture projetait des ombres inquiétantes dans la pénombre. Ce n’était pas sa chambre. Elle grogna en repoussant les lourdes couvertures de peaux. Le lit grinça, il ne servait pas beaucoup et n’était pas aussi confortable que le sien. Elle chercha à tâtons sa table de chevet qui se trouvait plus loin que prévu. Le tapis sous ses pieds était rugueux. Tout ici la faisait se sentir comme une étrangère dans son propre château. Le comble !

Elle poussa rageusement les rideaux d’un côté avant de regretter immédiatement. Par Arceus pourquoi donc s’était-elle mise du côté du soleil levant ? Les yeux plissés elle pris le temps de juger sa nouvelle chambre avec dédain. Elle n’y voyait que des défauts. La Dame s’habilla rapidement, toutes ses affaires n’avaient pas encore été descendues, le choix était limité. On toqua à la porte. Les coups étaient discrets et presque hésitants. Vengeance galopa sur les murs pour aller se glisser dans une faille de la paroi, elle pouvait voir ses petits yeux luire doucement dans l’ombre.

« Entre Sindri. » appela-t-elle.

Un rouquin aux yeux perçants entra en poussa la porte, il avait les sourcils légèrement froncés dans un air inquiet qui contrastait avec son sourire. Dans ses bras une théière fumante et quelques délices. Il referma nonchalamment la porte du pied trahissant d’une vieille habitude.

« Dame Bravoure, je vais vraiment finir par croire que vous avez des yeux dans tout le château. » déclara-t-il.

Elle attrapa la théière qu’il lui tendait, prenant le temps d’observer longuement son contenu tout en lui répondant. Il ne questionnait plus ses angoisses.

« Ce n’est pas exactement faux. »

Quelques zarbis étaient entrés à la suite du garçon et s’étaient mis à bouger dans tous les sens dans la pièce. D’habitude ils restaient sagement collés aux murs et ne quittaient pas le troisième étage du palais. Le château était aussi perturbé que les humains. Sindri poussa un œil qui commençait à renifler les pâtisseries, jetant un regard inquiet vers le plafond et ses occupants cyclopéens. S’il y avait bien une chose chez Dame Bravoure qui lui donnait la chaire de poichigeon c’était bien sa relation aux gardiens d’Enogen. Comment pouvait-elle supporter être observée de tous les côtés sans broncher.

« Je ne les ait jamais vu faire ça. Est-ce… normal ? » demanda-t-il en versant le liquide chaud maintenant que Bravoure était certaine qu’il n’ait pas été empoisonné.

« Plus rien n’est normal, mon garçon. C’est pour ça qu’il faut établir un nouvel ordre. »

Elle prit une gorgée du liquide chaud en grimaçant. Le goût amer de la médecine serait bien quelque chose auquel elle ne s’habituerait jamais.

« Désolé, Eldr vous a entendu tousser cette nuit donc j’en ai parlé à Brigit, elle a jugé plus prudent de vous donner une dose. Des serviteurs vont venir pour apporter des pokémons feu et sécher un peu tout ça. » justifia le garde.

Elle lui fit signe que ce n’était pas gênant. La journée n’avait pas commencé du bon pied de toute manière. Elle finit rapidement son déjeuner avant de filer dans le couloir à grands pas, suivit de Sindri qui trottinait derrière elle pour suivre son allure. Le Palais Obscur était en effervescence pourtant les couloirs restaient vide de vie si on ne comptait pas les zarbis paniqués. Dans la coure la l’activité était à son comble. Les soldats n’avaient pas encore commencé à déblayer les pierres du château et l’infirmerie ne pouvait plus contenir la nouvelle vague de blessés qui augmentait les heures passant.

Dons ou malédictions impossible de le savoir pour l’instant mais les avis étaient divisés. Le crépitement de ce que les érudits avaient baptisés magie emplissait l’air et rendait toutes les tâches quotidiennes plus dangereuses encore. Impossible de prédire quand est-ce qu’un éclat de magie allait surgir et tout décimer. Nombre de soldats avaient été blessés en tentant de rassurer des civils paniqués ou en activant leurs pouvoirs par mégarde. Sindri avait bien failli perdre son bras la veille lorsque celui-ci s’était soudainement embrassé. Heureusement, les pokémons n’étaient pas affectés et restaient aussi efficaces que jamais.

Bravoure s’approcha du général de l’armée, c’était une vieille dame grisonnante qui avait été au pouvoir aussi longtemps qu’elle, son vacilys dodelinait sa tête dardant ses yeux dorés sur les retardataires. Elle hurlait ses consignes et maintenait un semblant d’ordre dans les rangs. En voyant arriver la chef de Sakai, elle se raidit immédiatement pour se mettre au garde à vous. Non sans laisser trainer un regard hautain vers le rouquin qui accompagnait la Dame. Sindri avala durement sa salive et resta en retrait, le regard tourné vers ses pieds.

« Dame Bresingra, c’est un plaisir de vous voir de si bon matin. La situation est terrible mais nous faisons de notre mieux. Enogen est en train d’être stabilisée. Les villages de campagne par contre sont trop petits et trop éloignés pour que les interventions soient efficaces, mais les troupes font de leur mieux pour parvenir aux besoins de tous. »

Bravoure hocha la tête. Un compte rendu simple mais qui lui donnait l’espoir que la situation allait pouvoir s’améliorer. Si un dernier détail pouvait être résolu cela-dit.

« Mais vous êtes en manque d’effectifs. » déduit-elle.

« Ça me fait de la peine de l’avouer mais… oui. Nous avons réquisitionné d’anciens soldats et de jeunes recrues pour aider en ville pendant que l’on envoie les plus aguerris loin dans les terres mais ce n’est pas suffisant. Le problème c’est vraiment les soins. L’infirmerie ne peut plus contenir de patients. Surtout que les pouvoirs de certains d’entre-deux compliquent la tâche… »

Les regards se tournèrent vers la baraque de pierre à l’ombre du château. Des patients étaient étendus dehors et les soigneurs couraient dans tous les sens entre les différents hommes et pokémons nécessitant leur attention. Les nanméouis étaient aidés d’autres pokémons plus atypiques comme des lucarios ou des kirlias pour aider les blessés, elle vit même un scalproie penser les plaies de son dresseur. Quelques-uns des patients humains étaient mis à l’écart, elle pouvait voir de temps en temps une légère vapeur blanche émaner d’eux. Ils sécrétaient des toxines, comme elle.

« Déplacez des patients dans l’aile gauche, ça libérera de la place. Je veux que le hall reste accessible pour éviter de déranger les déplacements. Sindri, contacte l’Emissaire pour que des messagers soient envoyés pour récupérer les herbes et potions nécessaires. Demande-lui aussi de… demander à Mido s’il est possible d’être fournit le plus rapidement possible, qu’ils envoient des pokémons vol si les humains ne peuvent pas gérer les déplacements. » Elle se tourna à nouveau vers le général pendant que le rouquin filait à toute vitesse pour retransmettre l’information. « Qu’en est-il des villages du nord ? »

Le regard sombre de la vieille soldate lui appris tout ce dont elle avait besoin avant même qu’elle n’ouvre la bouche pour répondre.

« On n’a pas eu de nouvelles depuis les apparitions. Une équipe est en route vers le nord. Ce qui nous inquiète aussi c’est les pics. Le… la lumière blanche a débuté de là-bas, qui sait ce qui s’y trouve actuellement. »

« J’irais dans les pics avec Sindri aussitôt que la situation se sera calmée à Enogen. » renseigna Bravoure.

« Dame Bresingra- ! » s’opposa le général.

« Je ne sers à rien ici à rien d’autre qu’inquiéter Brigit. Le conseil sera amplement suffisant pour prendre les décisions nécessaires et le peuple sera rassuré de savoir que quelque chose est fait pour inspecter l’origine de cette diablerie. » Elle continua coupant une nouvelle fois la veille soldate. « Et vous avez dit vous-même que l’on est en sous-effectif. Sindri est plus compétent que ce que vous lui donnez crédit et je ne tolérerais pas que mon jugement soit questionné. »

Cela coupa court à toute protestation. Bravoure resta un peu plus longtemps pour finir de mettre au point les actions de l’armée avant repartir dans les entrailles du château. Si elle voulait pouvoir partir satisfaire sa curiosité aux pics elle allait devoir laisser des consignes claires pour son conseil. Elle longea l’aile ravagée pour rejoindre son bureau. Les zarbis tournaient autour du trou, nombre d’entre eux avaient disparus après la destruction d’une partie du palais. La Dame de Sakai ne prétendait pas connaître chacune de ces créatures mais quelques-unes sortaient du lot. Elle avait remarqué hier que Désir n’était plus là. Le petit zarbi ne sortait jamais de son local a poison, c’était devenu un compagnon de méfait. Malheureusement le local avait été emporté au même titre que le pokémon. Plus de poisons, plus de compagnie. Ses pas s’accélérèrent. Entre les assassins, les royalistes et maintenant les abominations il semblait que la liste d’ennemis s’allongeait au jour le jour. Et les morts avec.

« Obscur. » appela-t-elle.

La voix raisonna dans le couloir, devenant un écho désespéré avant de disparaître. Le zarbi n’était pas venu. L’inquiétude vint lui nouer la gorge quelques secondes avant qu’elle ne se décide à chasser ses doutes. Assurément, l’abomination ne devait pas avoir détruit la pierre fondatrice du Palais, le suzerain des gardiens devait seulement être occupés ailleurs.

Elle poussa la lourde porte en bois avec difficulté, le choc de l’impact l’avait fait légèrement sortir de ses gongs. Elle avait commencé à organiser le bazar causé par la chute de la créature la journée précédente mais la pièce restait dans un état déplorable. Elle s’attarda quelques secondes devant le portrait de sa mère, retrouvant de la force devant le sourire figé sur la toile de Dame Patience. Elle était la chef de Sakai et en chef elle se comporterait. Vengeance l’avait rejoint pendant qu’elle travaillait. La petite chenille s’était faufilée dans sa manche en mâchouillant un morceau de feuille. Elle semblait aussi mal à l’aise que les zarbis.

Nombre des passages secrets avaient été mis à découvert à cause de la chute de l’aile droite et la structure de la tour principale inquiétait les architectes. Elle allait devoir gérer ça, le conseil avait les fonds pour la reconstruction mais il fallait aussi penser à prévoir pour l’approvisionnement en matériel médical. Elle fit une note pour la conseillère économique.

Les pics l’inquiétaient au plus haut point. Ne pas savoir ce qui s’y passait la laissait avec un angle mort très embêtant. Aucun doute que les autres royaumes allaient aussi vouloir déterminer la source de cette lumière qui avait fait venir les abominations, s’ils n’accusaient pas une nouvelle fois Sakai. Dans tous les cas, avoir un pas d’avance était important et si elle ne trouvait rien, elle pourrait toujours faire un détour dans les villages du nord pour rassurer la population là-bas.

« Dame Bravoure ? » appela Sindri qui venait d’apparaître dans l’embrassure de la porte. « Vous voulez aller dans les pics ? »

« C’est mon intention oui. Je te laisse te charger de préparer le voyage. On fera un détour par les villages du nord au retour pour faire l’inventaire de ce dont ils ont besoin. » confirma-t-elle.

Le garçon hocha la tête avant de s’apprêter à partir mais il se retint quelques seconds avants.

« Dame Bravoure ? Je sais pas si quelqu’un a pris le temps de vous le dire mais… tout va bien aller. » Elle se retourna vers le lui surprise. « Je vais essayer de trouver votre zarbi, c’est le bleu non ? Obscur. »  Il tenta un sourire discret avant de filer en vitesse, le rouge aux joues.

Bravoure se laissa attendrir, si Obscur était bel et bien encore là, le rouquin allait avoir du mal à l’attraper. La bestiole était passée maître dans l’art du cache-cache. Hum, c’était bien dommage qu’elle soit coincée dans son bureau à régler les demandes, elle aurait bien aimé voir ça. Malheureusement le premier roucoups était déjà en train de taper contre sa vitre. Vengeance émis quelques sons dans sa manche et Bravoure esquissa un sourire.

« Tu sais qu’il va te chercher partout dans le palais ? »

La petite créature bleue qui venait tout juste de rentrer fit une pirouette pour toute réponse avant d’aller flotter autour de la tête de la Chef en essayant de défaire son chignon.

« Tu es sans pitié. » commenta-t-elle en prenant la lettre entre les mains. « J’ai cru que tu avais disparu, réponds quand je t’appelle. » gronda-t-elle doucement.

Le zarbi shiny fit d’autres tours sur lui-même avant de se décider que faire peur au roucoups était plus amusant. Le pokémon oiseau poussa un cri paniqué avant de voler dans toute la pièce laissant plus de plumes derrière lui qu'il n'y avait de fourniture intacte. Bravoure chassa le pokémon psy de sa main.

« Ah ! Tu crois qu’il n’y a pas assez de désordre comme ça ? Allez oust ! Va trouver Sindri qu’il ne perde pas son temps à te chercher. »

Obscur se tordit légèrement ce que Bravoure interprétât comme un rire avant de filer par la porte, une horde de zarbi suivant ses pas à toute vitesse. Elle put entendre le hurlement peu gracieux du conseiller économique dans le couloir. Son sourire s’élargit. Le château avait déjà retrouvé sa joie de vivre, aucun doute que le peuple suivrait.