Laurel était gelée. C’était comme si l’hiver lui-même s’était installé dans le palais, et pourtant on avait ouvert les fenêtres et fait souffler le vent. Comme s’il ne faisait pas assez froid comme ça. Malta pressait sa tête dans sa nuque mais même ses écailles habituellement tièdes ne semblaient pas pouvoir la réchauffer. Elle pouvait pourtant sentir sa chaleur contre sa peau, son souffle moite et rythmé. Peut-être qu’en réalité il ne faisait pas froid. Mais alors, pourquoi Kira la regardait-elle avec un tel visage ? Était-ce ses yeux remplis de pitié et d’horreur qui la gelaient jusqu’aux os ? Ou bien cette sensation que tout allait mal ?

Son amie n’avait pas eu besoin d’ouvrir la bouche. Tout son être criait malheur. Et Laurel savait. Elle savait. La ranine se couvrit les oreilles du mieux qu’elle pouvait, fermant les yeux, secouant la tête devant l’inéluctable. Refusant d’admettre cette réalité qu’elle savait être vrai. Non, disait-elle. Et pour une fois, il fallait que le destin l’écoute. Toutes les autres fois d’avant, elle les accepté. Dans le feu du conseil, là où la chair avait hurlé et les flammes laissé ses marques, elle avait demandé que ce soit faux mais la réalité ne l’avait pas écouté. Sur les toits d’Enogen non plus. Mais cette fois-ci c’était important. Plus important que tout, elle ne pourrait jamais survivre dans un monde sans Jeanne.

Elle voyait Kira pleurer et elle ne comprenait pas. Pourquoi c’était elle qui pleurait alors qu’elle n’avait rien perdu ? C’était le monde entier de Laurel qui s’écroulait. Laurel s’effondra dans les bras de Kira. S’accrochant à elle comme on s’accroche à un rocher dans la tempête. Elle enfouit sa tête contre le torse de son amie, se réfugiant dans cette odeur connue et pourtant si différente de celle qu’elle aimait.

« Tu le promets ? » demanda-t-elle doucement. « Tu promets qu’on va retrouver Jeanne ? »

Question aussi vide de sens que futile. Une promesse ne pouvait pas changer la réalité. Mais, elle pouvait donner un peu d’espoir.

Dame fortune dû entendre ses prières parce que l’espoir apparut sous la forme d’un oiseau de feu. Âtre arriva, fier, beau et absolument insouciant. La ceinture de Jeanne pendait tel un cadavre autour de son épaule. A ses côtés, Hématite et les deux salamèches tremblants. Pyrite gazouilla, courant dans les bras de Malta et tendant ses petites pattes vers Laurel à la recherche d’un câlin. La ranine attrapa sa petite salamèche pour la serrer dans ses bras. Elle était aussi tremblante et terrifiée qu’elle. Hématite enserra aussi Laurel du mieux qu’elle pouvait avec ses bras rocailleux. En voyant Âtre arriver sans Jeanne mais avec ses captis ball, elle avait immédiatement compris que quelque chose avait mal tourné.  

Les fantômes avaient pris Jeanne.

Ils s’étaient emparés d’elle, l’avaient arrachée pour l’emprisonner dans leur royaume des ombres.

Ils avaient dit qu’ils étaient venus pour tout détruire non ? Impossible de démêler la réalité de l’imagination mais Laurel était sûre qu’ils allaient chercher à s’en prendre aux plus puissants guerriers. Pourquoi autrement auraient-ils attaqué Dame Aryël et Jeanne ? Les deux personnes les plus grandiose qu’elle connaissait. Ils voulaient les tuer pour pouvoir les récupérer dans leurs rangs spectraux.

« Les esprits ont capturé Jeanne. » souffla-t-elle à voix haute. « Il faut que j’aille la récupérer que… Noctali. » Elle leva les yeux vers Kira. « Il faut que j’aille au Lac Noctali, il y a des fantômes là-bas, c’est ceux qui ont Jeanne, si j’arrive à les convaincre-! »

Elle se tourna vers Âtre et le reste des pokémons. L’absence de Tourmaline s’imposa comme une évidence. Une horreur s’installant dans son ventre. Elle allait devoir faire face à ses pires peurs. Mais de toute manière, qu’est-ce qui pouvait arriver de pire, elle avait déjà perdu celle qui lui était plus précieuse que tout. Elle prit la ceinture tendue par Âtre qui gesticulait et bafouillait des trucs, serrant le cuir avec désespoir. Elle n’avait pas encore perdu Jeanne. Elle pouvait marchander avec les dieux.

« Je vais aller au lac et… j’aviserais. » Elle adressa un regard perdu et triste à Kira. « Qui aurait cru qu’au lieu d’une épopée, je me retrouverais dans une tragédie ? » Elle eu un sourire vide de joie.

Pyrite la regarda avec des yeux inquiets là où le regard de Malta brulait d’une détermination féroce, la tristesse viendrait après, pour l’instant Laurel avait besoin d’une étincelle. Hématite se faisait déjà note mentale de veiller sur la santé de sa dresseuse, elle avait vu plus d’un Homme se perdre dans des quêtes sans fin.

HS
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J’espère que ça te gêne pas trop Kira ? Désolé, une grande partie de la réflexion de Laurel est intérieure, si tu as besoin de que je modifie un truc pour que tu puisses répondre plus facilement hésite pas ! PS: T'es pas obligée de suivre Laurel jusqu'au Lac !

Laurel est pas bien, elle apprend que Jeanne s'est faite kidnappée par ce qu'elle pense être un fantôme. Elle décide d'aller au Lac Noctali pour aller la récupérer dans le royaume des morts.

Laurel, étrangement n’avait jamais douté de la réponse affirmative de Kira. Elle connaissait son amie depuis si longtemps et malgré les années qui les avait séparées, il lui semblait que rien n’avait changé. Le cœur de Kira débordait toujours autant de gentillesse et compassion. Même petite, elle avait toujours été cet idéal de bonté que la joaillière admirait silencieusement.

Elle se rappelait avec un pincement au cœur l’avoir traînée dans les pires aventures. Celles pleines de boue, de cris et de rires. La rouquine avait été la voix de la raison, implacable dans sa logique comme dans sa loyauté. Elle l’avait suivi malgré tout et à travers tout puis avait brusquement disparu de sa vie. Si jamais elle ne l’admettrait à voix haute, son absence avait laissé Laurel avec le goût amer de la rancœur. Petite, elle les avait cru inséparables. La vie lui avait prouvé le contraire. Ne la laissant qu’avec des souvenirs chargés et une amie imaginaire.

Et pourtant, la revoilà. À se jeter tête la première dans une aventure sans retour. C’était naturel. Comme deux rouages retrouvant leur place originelle. La roue pouvait de nouveau tourner.

« Des petits-enfants, hein ? Et tu seras la tata avec les bons conseils ? »

Laurel s’autorisa pendant quelques secondes à se perdre dans cette douce fantaisie. Mais elle savait avec une assurance froide que deux personnes partiraient en direction du Lac et seulement deux en retourneraient. Ça lui allait. Pour Jeanne, elle sacrifierait tout.

Elle glissa la ceinture de Jeanne autour de ses hanches, évidement elle n’était pas à la bonne taille. Sa main glissa distraitement sur le métal des Captis Balls. Elle allait devoir expliquer aux autres ce qu’il s’était passé et où ils allaient devoir aller. Âtre ne semblait pas encore avoir réalisé la gravité de la situation. Ô combien elle lui enviait son innocence.

La salle qui s’était vidée des invités commença à se remplir d’armures. Les gardes étaient presque aussi frénétiques que les civils avant eux, courant dans tous les sens pour inspecter fenêtres, portes et plafond. C’était peine perdue, tout le monde savait bien que les barrières physiques n’avaient jamais arrêté un fantôme. Laurel se baissa pour ramasser Komodo, le pauvre petit était aussi secoué que sa sœur. Comment pouvait-elle rêver de petits-enfants lorsqu’elle n’était même pas capable de protéger ces deux-là ?

« Je vais rentrer il faut que… il me faut un peu de temps pour faire le point. Je partirais demain à la première heure. » Elle serra un peu plus sa prise sur les salamèches, le regard légèrement perdu. « Tout ira bien. » Mais même à ses oreilles cela sonnait vide.

Elle s’écarta doucement de Kira. Les larmes lui montant aux yeux à la simple disparition de la chaleur humaine. Elle ne voulait que retourner se blottir dans la sécurité des bras de Kira. Laurel n’avait aucune idée de comment elle allait réussir survivre. Elle savait juste qu’elle devait tenir jusqu’au Lac. Ensuite… ensuite il n’y aurait plus d’ensuite.

Hématite attrapa doucement son moignon, la guidant silencieusement en dehors de la salle de ball, puis du palais et bientôt Laurel se retrouva devant la porte de sa chambre sans même avoir réalisé avoir marché jusqu’ici. Le trajet c’était passé comme dans rêve. Ses compagnons la regardaient pleins d’inquiétude. À tâtons elle ouvrit la porte.

La pièce était froide et vide. Les pokémons se séparèrent à l’intérieur. Hématite alla directement récupérer le thé dans les affaires alors qu’Âtre fouillait la pièce à la recherche de quelque chose, ou quelqu’un. Malta attendit que Laurel franchisse le pas de la porte pour la suivre. Elle la suivait telle une ombre depuis la disparition de l’assassin. Tendue et alerte, comme si elle s’attendait à la voir s’effondrer sous l’effet du plus petit souffle d’air. Pyrite et Komodo glissèrent des bras de la ranine pour aller allumer un feu. Ils ne comprenaient pas entièrement ce qu’il se passait mais la chaleur c’était la sécurité, c’était la famille. Et Laurel semblait avoir besoin de famille.

Âtre revint les mains vides un air perdu sur le visage. Il s’était probablement attendu à trouver Tourmaline ici. Il vint tirer doucement sur la robe de Laurel pour lui demander de ses grands yeux pleins d’incompréhensions. Où est Jeanne ? Tourmaline a dit de la rejoindre à la cachette. Allons-y. Il tirait sur la robe pour l’inviter à le suivre. Laurel détacha une à une ses griffes du tissu. Secouant la tête.

« Elles ne sont pas là, Âtre. Elles ne reviendront pas. Pas tout de suite. » Elle caressa doucement la joue du pokémon feu qui semblait perdu. « Mais on ira les chercher d’accord ? » Sa voix vacilla avec son sourire qu’elle voulait rassurant. « Tout ira bien. »

Le bras de Laurel retomba à ses côtés. Le pokémon feu la regardait avec incompréhension. Il gazouilla quelques mots. Son chant mélodieux d’abord assuré puis de plus en plus silencieux devant le manque de réaction de l’humaine. Seul le crépitement du feu et l’eau du thé qui bouillait résonnait dans la pièce. Laurel n’arrivait même plus à le regarder dans les yeux. Malta poussa doucement Âtre, s’éloignant pour la première fois de sa dresseuse pour expliquer la situation à ce poussin qui avait grandit trop vite.

La main de Laurel glissa sur les couvertures, militairement pliées par Jeanne ce matin, c’était comme si personne n’avait occupé ce lit depuis des jours. Pourtant Laurel se rappelait s’être endormie dans les bras de Jeanne hier soir. Avoir calé sa tête contre sa poitrine pour se bercer sur le rythme de son cœur. Elle se traina jusqu’aux affaires de Jeanne, attrapant une chemise qu’elle pressa doucement contre ses lèvres. L’odeur de son aimée y était encore imprégnée tel un souvenir d’une époque révolue.

Laurel s’effondra.

Les sanglots ravageant son corps tremblant de tout ses membres alors que les larmes coulaient sans retenue tâchant de khôl le linge immaculé. Elle se sentait vide, Ô si vide. Quel était ce trou qui venait de remplacer son cœur ? Où était donc partie la chaleur ? Laurel hurla sa peine et sa douleur. S’accrochant à ce qu’il lui restait de son amour.

Hématite mit à infuser le dernier sachet de thé de Jane. La nuit allait être longue si Laurel ne s’écroulait pas d’épuisement avant. Feu et masques. Destruction et mort. Les ombres dansaient sous la lumière des flammes et Yveltal souriait parce qu’encore une fois,

il avait gagné.