Laurel ne pu s’empêcher de sourire en entendant la réponse de Jeanne. Évidement, elle voyait cela de manière rationnelle. C’était du Jeanne tout craché. Une espèce de mélange entre un discours encourageant et le fait de prendre les choses pour argent comptant. Dans un sens, elle dépiautait l’imaginaire de la joaillière de manière à le rendre plausible, mais c’était cela qui était sublime. Pouvoir rêver de l’impossible.

Et puis soyons franc, une armure en or ce n’est pas très pratique. Déjà ça brille tellement qu’elle aurait Malta sur le dos à longueur de temps et deuxièmement l’or est un métal assez malléable ce qui offrirait une piètre protection, sans parler de son poids. Mais mettre quelques accents dorés avec des feuilles d’or ? Pourquoi pas. Elle se rappelait de son amie d’enfance qui voulait fusionner la forge martiale avec l’art de l’orfèvre. Peut-être qu’elle y était parvenue ? Cela faisait tellement longtemps qu’elle ne l’avait pas revue.

Laurel pourrait raconter des idioties à longueur de temps si cela lui permettait d’entendre Jeanne rire. Non pas qu’elle ait besoin de se forcer. Des bêtises, elle en faisait que ce soit volontaire ou non. Elle ne se rappelait que trop bien de leur première rencontre et de la luge mortelle. Rien que pour cela, elle avait décidé de ne plus retourner à la Toundra. L’expérience avait été aussi traumatisante qu’humiliante. Laurel n’était vraiment pas douée avec les premières impressions.

Heureusement, Jeanne commençait à expliquer ses rêves pour l’avenir. Rêve qui déteignaient sur Laurel. Elle n’avait jamais pensé à devoir se construire une autre maison. Pour elle, sa maison était dans le canyon de Ran, juste à côté d’une mine abandonnée. L’idée de créer quelque chose avec Jeanne, lui plaisait énormément cependant. Elle n’était certainement pas maître dans l’art de la menuiserie mais assembler quelques bouts de bois devait être réalisable. Sans parler de l’idée d’avoir une maison dans un arbre ! Elles seraient un peu comme des oiseaux dans un nid. L’idée de la carriole relevait elle aussi du génie. Pour autant qu’elle appréciait voyager avec Jeanne, le confort des caravanes marchandes lui manquait un peu. Ce serait en plus un moyen d’établir un commerce itinérant. Que de possibilités merveilleuses !

Pour ce qui était de la suite, Laurel n’avait aucun doute sur le fait que Jeanne allait être entourée d’amis. Bon, elles étaient parties du mauvais pied avec Jolter, mais la première fois n’est pas nécessairement la bonne. De plus, ses parents allaient être plus que ravis de pouvoir rencontrer Jeanne, elle en était certaine.

« J’adore ton rêve, Jeanne. Ça me va, on ferra comme ça ! Une maison et des amis ! C’est notre prochaine quête. » commenta-t-elle.

La guerrière passa ensuite à la version farfelue de son rêve. Laurel pouvait entendre l’hésitation dans sa voix. Elle la laissa parler, curieuse de voir où elle allait en venir. Et qu’elle ne fut pas sa surprise lors que Jeanne se mit à parler d’île flottante. La Ranine essayait d’imaginer un immense bloc de terre ailé, voyageant dans le ciel au gré des saisons tel un oiseau migrateur. C’était grandiose, étrange et … inattendu. Elle aimait d’autant plus cette idée.

« Mais non c’est pas idiot ! J’aime bien. On pourrait attacher pleins de Békipan au bout d’un fil pour soulever l’île. Ou alors l’île a des ailes ? Ou c’est des pokémons psy qui la font léviter ou… ou alors c’est une île vivante, comme une de ces tortures Midoyennes géantes mais qui peut voler ? »

Jeanne passa pourtant à quelque chose d’autre, des humains ailés. A croire que Laurel n’était pas la seule à être fascinée par le ciel. L’idée était totalement absurde mais c’était ce qui lui donnait son charme. Pouvoir être libre d’explorer les confins de l’univers grâce à ces membres de chair et de plumes sonnait presque comme un rêve d’enfant. Elle rigola en voyant Jeanne mimer ses propos. Il y avait un pur bonheur dans ce geste. Laurel embrassa sa bien-aimée, émerveillée par son esprit.

« Si je peux avoir des ailes j’en veux des arc-en-ciel. Ou dorées ! Et on pourrait danser sur les nuages et toucher les étoiles. » Elle sourit. « Tu sais ce qu’on pourrait faire ? Se trouver des capes. C’est pas ailes, mais ça tient chaud et ça flotte lorsqu’il y a du vent. On pourrait les attraper et courir  très vite en agitant les bras pour prétendre qu’on vole. Comme les jeux d’enfants. T’en dit quoi ? C’est pas aussi bien que de vraies ailes mais en attendant que quelqu’un invente des ailes mécaniques on peut essayer ça. » Elle réfléchit quelques minutes avant d’écarquiller les yeux. « PROTO ! »

Laurel se leva d’un bond, trépignante. Proto pouvait prendre d’apparence d’un bras et fonctionner. Proto pouvait se transformer. C’était absurde. C’était complètement fou, c’était génial. La Ranine sautillait sur place toute euphorique, un sourire stupide sur le visage.

« On peut demander à Proto de faire les ailes ! S’il peut faire mon bras alors il peut faire des ailes aussi ! Tu pourrais avoir des ailes ! Tu pourrais voler ! » s’émerveillait-elle. Elle continue sur sa pensée. « Il faudrait qu’on rencontre des pokémons volant avec des ailes bien puissantes. Dracaufeu tu as dit ? Un Dracaufeu c’est parfait. Ce serait des ailes vivantes mais si on y arrive. C’est complètement fou mais on pourrait essayer. »

Elle bris Jeanne dans ses bras déposant un baiser sur ses lèvres.

« Tu es un génie. » Elle rigola. « Qu’est-ce que je t’aime ! Oh, je sais pas si je vais arriver à dormir maintenant. J’ai tellement envie d’essayer. » Elle laissa échapper un petit rire aigu.

C’était de la folie mais c’était ce qui rendait cela fantastique. Ce serait leur petite expérience. Il fallait juste réussir à trouver un pokémon volant pouvant porter le poids d’un humain pour que le Métamorph puisse copier ses ailes. Laurel était euphorique.

Malta au contraire appréciait un peu moins l’éclat de voix qui l’avait sortie de sa torpeur. Elle grogna avant de se retourner pour creuser un peu le sol et y enfouir sa tête en quête de silence. Les yeux de Proto tournoyaient dans la masse rose de son corps, il ne comprenait pas trop ce qu’il se passait, si ce n’était que Laurel était contente et que ça avait un lien avec lui.

Jeanne traîna Laurel dans le lit. La ranien vibrait d’excitement, un sourire idiot qui refusait de vacillait peignait son visage. Ses joues étaient crispées mais elle avait à peine conscience de sourire. La guerrière avait l’air presque aussi exaspérée qu’amusée par ses folies. Il fallait dire qu’elle avait certainement du commencer à s’habituer aux idées folles de Laurel depuis le temps qu’elles voyageaient ensemble. Heureusement d’ailleurs, Jeanne était plus douce que Malta lors qu’elle devait contrôler les bouffées d’inspirations frauduleuses de la joaillière.

« D’accord. » répondit-elle avant d’ajouter la voix tremblante d’anticipation « Oh, Jeanne, j’ai tellement hâte d’être demain ! »

Elle imaginait déjà les arbres de Mido. Sublimes géants de bois et de verdure. Des titans qui couvraient le ciel de leurs branches solides. Elle avait vu quelques meubles sculpté dans la chair de ces arbres durant ses jours au Grand Marché de Ran. Les prix étaient exorbitants mais la qualité du grain ainsi que la robe veinée aux reflets luisant témoignaient d’une marchandise de la plus haute qualité. Elle avait même pu apercevoir des boucliers réalisé avec l’écorce de ces troncs. Quelques légendes disaient que les boucliers façonnés à partir des arbres sacrés étaient indestructibles car bénis des dieux. Des œuvres de légendes, digne des plus grands héros.

Malheureusement, Laurel avait encore beaucoup de chemin à faire avant de pouvoir être considérée comme tel.

« Quoi ? Tu déconnes ? Non. Pitié Jeanne, c’est méchant dit pas ça. Je sais même pas ce que c’est un Emoplasme. Il va pas venir ? Dis-moiqu’ilvapasvenir. Jesuispasheureusejesuistresmalheureusevast’en. » trembla Laurel, toute once d’excitation évanouie en un instant.

Elle se blottissait en position fœtale dans les bras de Jeanne, les yeux fermés, osant à peine respirer de peur de faire un bruit qui n’attire le monstre. Elle était entièrement emmitouflée dans la couverture, n’osant pas laisser dépasser le moindre bout de pied ou faire le moindre geste. Elle pouvait sentir le sang battre dans ses oreilles alors qu’une sensation de terreur lui tordait les entrailles. Il faisait d’un coup très chaud sous la couette mais elle refusait d’y sortir. Elle voulait Malta à côté d’elle mais craignait d’émettre le plus insignifiant des sons. Si elle était sous la couverture et qu’elle n’ouvrait pas les yeux alors le monstre n’existait pas. Parce que s’il était vraiment là et qu’elle le voyait, elle allait hurler. Et hurler, et hurler. Et il viendrait la tuer.

« Est-ce que Malta peut venir ? » demanda-t-elle de sa plus petite voix.

Ça n’allait pas du tout. Jeanne parlait beaucoup trop fort. Elle allait attirer tous les esprits mauvais du coin. Et si on en croyait les locaux, il y en avait tout un paquet. Suffisamment pour teinter ce lieu merveilleux d’une aura de malice qui éloignait la majorité des voyageurs. Il fallait être un intrépide aventurier ou un fou pour y passer la nuit. Et Laurel était folle amoureuse de Jeanne.

La Ranine hocha la tête, timidement, ne faisant pas confiance à sa propre voix. Son adoration absolue des chansons de Jeanne surpassait sa peur des spectres. On ne chantait jamais dans sa famille, si l’on ne comptait pas les quelques notes que laissait échapper son père dans de rares moments de quiétude. Laurel connaissait très peu de chansons et encore moins des chants entiers. Les seules brides de chansons qu’elle connaissaient étaient trop grossières pour pouvoir être chantées devant sa bien-aimée. C’est ce qui arrive lors qu’on fréquente des tavernes remplies de soldats. Oh combien elle regrettait son manque de culture qui l’empêchait de chanter avec Jeanne.

Jeanne se glissa sous la couverture tendue. Laurel eu du mal à laisser un peu de mou mais elle préférait largement sentir le contact de Jeanne contre sa peau plutôt que de rester dans son cocon de noir. Et dieux, que la peau de Jeanne était douce et rassurante. Ses doigts dansaient sur sa peau en même temps que sa voix portait un chant d’amour qui résonnait dans la nuit sombre. Laurel se détendait sous les promesses des vers. Dénouant son dos tendu et ses jambes crispées. Elle pouvait prendre des inspirations plus souples pour tender de calmer son angoisse languissante.

La chanson de termina sur une note pleine d’espoir. Laurel avait retrouvé un calme apparent, son expression plus sereine. Plus que la voix de Jeanne, c’était le stress accumulé de la soirée qui commençait à peser sur elle. Peut-être que sa dulcinée n’avait pas si tord que ça et qu’il commençait à être tard. Elle avait trouvé une position agréable, la tête sur le torse de Jeanne, une jambe par dessus celles de cette dernière. Laurel hocha la tête.

« Humm. Merci. Je t’aime. » marmonna-t-elle, avant de déposer un bisou furtif sur la mâchoire de Jeanne.

Oubliés étaient les fantômes et autre revenants. Le sommeil emportait Laurel et comme l’avait promis Jeanne, il était doux et paisible.