Jeanne avait pris le visage de Laurel entre ses mains pour la rassurer. Sa voix franche et calme raisonnait avec confiance et douceur, aidant la Ranine à calmer sa respiration frénétique. La guerrière n’avait pas peur et ses pokémons non plus, leur assurance commençait à détendre l’atmosphère tendue. Voilà que Tourmaline mène une petite troupe à l’encontre du spectre, qui, impressionné par le petit groupe décide de se retirer sous le couvert des arbres. La menace immédiate ayant disparue, Malta remercie d’un signe de la tête les courageux aventuriers. Elle serait certainement la dernière à l’avouer mais elle commençait à apprécier le petit groupe. Laurel se détendit légèrement en voyant le fantôme partir.

« Je… Désolé. » murmura-t-elle, bien consciente qu’elle avait eu une réaction disproportionnée.

Elle relâcha doucement Jeanne, honteuse mais toujours sur les nerfs. Elle pouvait sentir son cœur battre à toute vitesse. La sensation de danger imminent ne l’avait pourtant pas quittée malgré la disparition des lames flottantes. Elle tenta de se calmer un peu en essayant de rationaliser le fait que l’ennemi était partie lors que deux ombres filèrent à quelques pas d’elles. Sauvages et indéniablement surnaturelles. Laurel poussa un cri et sauta sur Jeanne.

« NE LA TOUCHEZ PAS DEMONS ! » rugit-elle.

Les deux ombres se figèrent. Les deux fantômes éthérés fixaient derrière la joaillière avec des yeux écarquillés. Laurel se retourna lentement. La lune avait des yeux. La lune était petite, plate et à trois pas qu’elle. Si Proto aurait pu partir dans un rire machiavélique il l’aurait fait. A la place il roula simplement vers les deux pokémons spectres qui se mirent à paniquer sans trop savoir comment réagir. Laurel s’écarta pour éviter de ne se faire écraser par cet espèce de fromage de l’espace.

« Qu’est-ce qu- Proto !? » s’exclama Laurel.

Le pokémon roula simplement sur quelques mètres avant de tomber sur le côté. Il ne bougeait plus. Les deux pokémons spectre éclatèrent de rire et tentèrent d’imiter le changeur de forme du mieux qu’ils pouvaient, essayant de déformer leur corps éthéré pour une forme plus arrondie. Laurel ne comprenait pas. Ils n’étaient pas en train d’attaquer mais de jouer.

« P-pourquoi ils n’attaquent pas ? Ils ne veulent pas voler nos âmes ? »

Laurel était perdue. Tout ce qu’elle avait lu et entendu lui avait appris que les spectres étaient de violents monstres venus des entrailles des enfers pour y traîner les plus naïfs. Quelques soldats avec qui elle avait parlé avaient témoignés de leurs méfaits. Il y avait de nombreuses histoires d’enfants ayant perdu toute volonté de vivre ou s’étant fait remplacés par des spectres. Des petits esprits des forêts, des bougies vivantes, des ectoplasmes empoisonnés. Tout démontrait la dangerosité de ces créatures. Pourtant Jeanne était détendue.

« Je ne comprends pas. Jeanne, tu es sûre que tu vas bien ? » demanda-t-elle inquiète.

Malta avait attrapé Kurana pour le ramener dans sa Captis Ball ou il serait plus en sécurité. Elle restait sur ses gardes vis à vis des deux pokémons mais s’ils voulaient s’en prendre au truc rose elle n’allait pas les en empêcher. Elle n’aimait pas cette bestiole qui s’était mise à accaparer l’attention de Laurel et qui était franchement bizarre.

Laurel regardait Jeanne, franchement perdue. Elle commençait à réaliser qu’elle avait fait quelque chose de mal pourtant, elle ne pouvait pas se détacher de se sentiment de menace. Proto s’amusait avec les fauteurs de troubles dans un langage que eux seuls pouvaient comprendre. Il prenait leur forme puis celle d’autres pokémons comme si c’était la même chose. Et ça l’était probablement, après tout Jeanne lui avait bien dit que c’était des pokémons et non pas des monstres. Elle avait du
mal à se défaire de ce préjugé encré en elle depuis sa plus tendre enfance. Les fantômes c’est dangereux et vil. Mais, et si ce n’était pas le cas ?

Laurel ne comprenait absolument pas comment Jeanne pouvait avoir envie de faire ça avec tous ces esprits aux alentours. La jaoillière était tellement crispée qu’elle ne s’imaginait pas pouvoir faire quoi que ce soit dans cette situation. Heureusement, avec le temps elle avait fini par s’habituer au talent de sa bien aimée. Cette dernière avait le don de dire les mauvaises choses au mauvais moment. Ça pouvait être mignon parfois mais par le passé cela lui avait plutôt causé du tord.  Laurel se rappelle encore sa déclaration sur les toits. La lumière rasante et la colère bouillonnante. Elle avait jugé trop rapidement, poussée par des années de pré-conçus et une crainte infondée.  

Elle pouvait voir les pokémons jouer. Danser sur le fil tendue d’une amitié précoce malgré les différents. Elle refaisait la même erreur. Un jugement hâtif qui pourrait la couper de beaucoup. Elle avait faillit perdre Jeanne à cause de ses présomptions. Et voilà que cette dernière même essayait de l’aiguiller vers un jugement plus doux. Le monde n’était pas noir et blanc. Il était temps qu’elle essaye de s’encrer cela dans son esprit.

« Je t’aime aussi. » répondit-elle la gorge serrée, laissant Jeanne partir après que celle-ci eu déposé un léger baiser sur son nez.

Laurel n’avait pas la fringale, son estomac était trop retourner pour cela. Pourtant elle pris soin d’étendre la nappe et préparer les couverts pendant que sa bien-aimée mijotait le repas du soir. Malta suivait Laurel du regard, détachant de temps on temps ses yeux dorés de la femme pour juger les alentours. Elle avait remarqué un duo bien étrange s’approcher mais un grognement avait suffit pour les faire taire. L’épée fantomatique avait préférée se poser non loin sur l’herbe pour méditer pendant que le pokémon cyclope qui la suivait tournoyait autour du campement pour étudier l’activité humaine. Il ne parlait pas mais transmettait des ondes psychiques assez particulières.

Malgré sa volonté de surpasser ses craintes, la joaillière pris tout de même temps de ramasser une épée pour l’attacher à sa taille. Pour se rassurer plus qu’autre chose. Ce n’était pas assuré que ce soit de grand secours, après tout les fantômes étaient intangibles. Une fois cela terminé elle alla s’asseoir le dos contre Malta. Avec les bras de Jeanne c’était l’un des endroit où elle se sentait la plus sauve. La Carmache posa ta tête sur les genoux de sa dresseuse pour réclamer quelques caresses après l’épisode mouvementé. Proto semblait continuer ses bizarritudes peu conscient des états d’âme de Laurel. Étrangement, cette dernière se sentait plus calme, presque apaisée. Que ce soit l’effet des paroles rassurantes de Jeanne, de la sensation rassurante du corps chaud de Malta ou bien grâce au pokémon psy qui flottait dans les environs.

« Je suis pas mignonne. » dit-elle de but en blanc. « Toute à l’heure tu as dit que c’était mignon ce que j’avais fait mais je suis pas d’accord. » bouda-t-elle.

La dernière fois que quelqu’un lui avait dit qu’elle était mignonne c’était quand un vieux gars bourré avait essayé de l’accoster dans la rue. Ou quand son frère essayait de l’énerver.  Non, elle n’était pas mignonne. Elle était adorable !

« C’était juste … normal. Je sais pas pourquoi j’ai autant peur de te perdre. Ça ne m’a jamais fait ça avec personne. » continua-t-elle plus pensive.

Son regard se porta sur ses affaires. Laurel écarquilla les yeux. La lune était haute. Il faisait un peu frais mais les flammes de Malta réchauffaient l’air. Le lieu pouvait être vaguement considéré comme romantique avec le magnifique lac et le ciel étoilé. Mais la joaillière trouvait que cela manquait quelque peu de présentation. Comment embellir la scène ?

La réponse vint des pokémons spectres. Un espèce de chiffon venait de cracher quelques flammèches bleues pour impressionner Proto. Les flammes flottaient doucement au dessus du sol. Des feux-follets. La lueur était autant synonyme macabre qu’espoir lumineux pour les égarés. Elle allait devoir prendre son courage à deux mains. Laurel frotta ses mains moites sur sa robe brodée avant de se lever pour aller vers les fantômes. Le cyclope se mis à la suivre mollement, curieux.

La voilà devant les monstres. Ils la fixaient de leurs yeux vides, leurs corps à moitié encré dans le monde des vivants. Laurel sentit une nouvelle fois la terreur lui broyer les entrailles. Elle devait être courageuse, c’était pour la bonne cause. La Ranine posa tout de même sa main sur l’épée à sa taille. Elle fut parcourue d’un frisson d’angoisse. Puis, elle pris une grande inspiration.

« Vous êtes gentils. Jeanne a dit que vous étiez gentils donc vous êtes gentils, d’accord ? » demanda-t-elle plus pour se rassurer avec le son de sa voix qu’autre chose. Proto vint se blottir contre ses jambes. « Est-ce que vous pourriez refaire un peu de votre feu pour éclairer un peu ? Ne mettez pas le feu aux affaires ! C’est juste pour faire joli. » continua-t-elle hésitante.

Les pokémons s’échangèrent quelques regards curieux. Derrière Laurel, Malta faisait les gros-yeux. La première réaction vint de pokémon psy qui éclata en lumière tel un feu d’artifice. Cela fit sursauter Laurel qui se crispa sur la garde de l’épée avant de se rendre compte que c’était une excellente idée.

« Oui, comme ça c’est parfait merci … Truc ? » encouragea-t-elle.

Le Métamorph visiblement pressé d’aider changea sa forme en celle du pokémon noir pour faire d’autres étincelles. Bientôt les pokémons spectres se prirent au jeu. Le chiffon vert projetait des vagues arc-en-ciel pendant que les autres pokémons spectres décoraient le campement de feux bleutés.

Laurel profita de la distraction pour aller récupérer quelque chose dans son sac.  Le objet était assez petit, il tenait dans son poing fermé. Elle l’avait entouré d’un fin tissu coloré pour le protéger. Ce n’était pas la plus fine de ses créations mais c’était certainement celle où elle y avait mis le plus de coeur. Elle sa rappelait encore de la galère pour forger les pierres précieuses dans l’or sans l’aide de sa prothèse. Morganite, Grenat, Saphir, Aigue-Marine, Topaze, Améthyste, Citrine, Rubis ornaient un or tiré des plus profondes mines de Ran. C’était un cadeau de pardon et un cadeau d’espoir. Elle l’avait crée avec une seule personne en tête.

« Jeanne ? » appela-t-elle.

Laurel se rapprocha de sa bien-aimée pour l’embrasser. La guerrière resplendissait sous la multitude de couleur qui éclairait le ciel ébène de Sakai. Les pokémons se surpassaient. Malta glissa sa forme serpentine autour des deux femmes. Son trésor.

« J’avais fait cela pour me faire pardonner. Aujourd’hui je te l’offre parce que je t’aime. » déclara-t-elle en prenant la main de Jeanne pour y déposer le bijou.

L’arbre du Cerf. Symbole de vie et de bonheur avec ses huit branches ornées de joyaux et le saphir sombre qui illuminait son cœur d’un bleu profond. Une broche en or à l’image du dieu de la vie.

Jeanne portait les chaînes d’Yveltal. Il était temps qu’elle puisse arborer fièrement le blason de Xerneas.

Laurel regardait Jeanne. Il semblait que cela était ce qu’elle savait faire de mieux. Elle l’admirait de loin, comme une œuvre trop précieuse pour être réelle. Admirant, les couleurs vives se reflétant dans ses yeux sombres. La manière dont les feux-follets illuminaient différentes parties de son visage, mettant chacune d’entre elles en valeur. Elle la regardait toujours lors que son étonnement se changea en larmes qui se mirent à perler doucement le long de ses joues rosées.

Laurel sentit son cœur se serrer et fut prise d’un élan d’amour. Elle comprenait vaguement qu’elle n’avait rien fait de terrible mais voir sa bien-aimée pleurer restait chamboulant. Elle ne voulait que la prendre dans ses bras pour la rassurer et sécher ses larmes. Elle la laissa accrocher la broche sur sa chemise. Le brillant des matériaux resplendissait grâce aux éclats des capacités des pokémons. Le bijou resplendissait sur la chemise de Jeanne. Laurel se rappelait de sa rencontre avec Kira des années auparavant. Chaque bijou a un propriétaire. Le travail des joaillier consistait à trouver les paires. Elle se disait qu’elle venait peut-être d’en trouver une.

Laurel déposa un autre baiser sur les lèvres de Jeanne. Prenant son visage dans sa main pour sécher ses larmes. Voilà qu’elle aussi était toute émue de voir cette incroyable femme pleurer. La Ranine tenta te retenir son émotion en souriant. Elle était définitivement et absolument amoureuse de cette femme. Au point même où elle se demandait comment son corps faisait pour contenir autant d’émotions.

« Tu m’as déjà tant offert. Tes connaissances, tes entraînements. » lista-t-elle. « Ton amour. » ajouta-t-elle. « C’est le plus beau cadeau que je puisse recevoir. »

La Ranine avait toujours été quelqu’un d’assez matérialiste. Elle adorait les bijoux, les pierres, les cadeaux et juste le fait d’avoir quelque chose. Pourtant, avec Jeanne, cela importait peu. Juste passer du temps avec elle la comblait. Même si parfois elle aurait préféré qu’ils aillent dans des lieux normaux au lieu de lacs hantés, déserts gelés et autres territoires boueux et humides.

Un son de carillon retentit, suivit d’un croassement joyeux. Deux pokémons oiseaux semblaient se réjouir de la scène romantique. De vrai fans. Laurel ne pu s’empêcher de rigoler alors que le pokémon coloré leur faisait signe de s’embrasser. L’autre avec ses plumes noires posa une aile pour calmer sa compagne. Le petit couple plumé attendait le grand final. Tourmaline aussi pleurait d’émotion. La pauvre Evoli était décidément très investie dans leur relation.

« Il semblerait qu’on ait des spectateurs ma chère. »

Cela était d’autant plus vrai que Falot s’élançait vers deux autres intrus. Pour un lieu hanté et criant c’était quand même vachement peuplé ! Malta grogna. Elle aussi s’était un peu perdue dans l’émotion et était vexée de l’interruption. Heureusement que la petite bestiole blanche s’en chargeait, comme à son habitude.

« Tout va bien, Falot est costaud et j’ai décidé de faire des efforts vis à vis des … fantômes. » déclara-t-elle un peu moins sûre d’elle sur la fin.

Elle embrassa encore Jeanne, la serrant dans ses bras. Malheureusement son ventre se mis à grogner. Zut ! C’était maintenant au tour de Laurel de rougir furieusement de honte. A croire que le talent du mauvais timing pouvait se transmettre. Surtout que des odeurs parfaitement alléchantes s’échappaient du de la marmite de Jeanne.

Les deux pokémons oiseaux avaient un peu gazouillé en voyant les deux femmes s’embrasser avant de se frotter leurs becs. Visiblement il n’y avait pas qu’un seul couple ici. Malta se leva pour laisser un peu de place aux femmes. Maintenant que l’attention des pokémons spectres était portée ailleurs il n’y avait plus besoin de monter la garde.

« Qu’est-ce que tu nous as préparé ? » demanda-t-elle curieuse et impatiente de goutter aux plats de Jeanne.

Visiblement elle n’était pas la seule parce que Nival semblait lui aussi enchanté par le repas qu’elle avait préparé. Aucun doute que Jeanne allait faire des heureux ce soir.

Elle avait souvent entendu ses parents dire qu’il n’y avait rien de mieux que de partager un repas avec sa famille. C’était un moment de calme et de partage. Pour Laurel c’était un peu plus que cela. C’était au coin du feu qu’elle avait rencontré Jeanne pour la première fois et c’était devant un plat chaud qu’elles avaient commencé à se connaître. C’était simple, banal et pourtant, pouvoir partager un repas avec Jeanne l’emplissait toujours d’une anticipation presque enfantine.

Lorsqu’elle était petite, elle avait beaucoup de mal à apprécier les « petits moments bonheur » comme disait Amun. Trop impatiente pour se poser cinq-minutes, il fallait toujours que tout soit grandiose et épique. Comme quoi, la sagesse vient un peu avec l’âge. Ou peut-être que c’était grâce l’influence positive de sa bien-aimée qui lui remettait les pieds sur terre.

Laurel s’installa confortablement, tapotant doucement à côté d’elle pour inviter Malta à s’approcher. La Carmache en profite pour ramener Kurana qui n’était pas encore très serein. Proto les rejoignit, moitié roulant, moitié glissant sur le sol son corps se déformant comme une balle visqueuse. La Ranine avait remarqué que le pokémon mangeait plus par gourmandise que par vraie nécessité. L’inverse complet du dragon qui pouvait avaler un Bourrinos dans ses plus mauvais jours. Heureusement, le pokémon chassait en solitaire sinon quoi il aurait été bien difficile de maintenir des provisions.

L’assiette est chaude contre sa peau et la légère fumée qui s’y échappe apporte milles-odeurs alléchantes. Laurel n’avait jamais mangé aussi varié que depuis qu’elle était partie en voyage. Il fallait remercier Jeanne pour cela. La guerrière était une chef hors-norme qui semblait embellir tous les ingrédients par sa cuisine. Loin des techniques fonctionnelles mais plutôt médiocre de Laurel. Si il n’y avait pas d’épices, elle ne savait pas cuisiner. C’était aussi simple que ça. Malheureusement les condiments étaient plus chers à Sakai. Encore un atout que Ran possédait sur ses royaumes voisins. Elle attrapa un morceau de viande pleins de sauce pour le jeter dans la bouche de Malta qui le goba d’un claquement de machoire. Yes, encore un point pour Laurel. Elle devenait meilleure à ça.

Le repas était animé, les pokémons piaillaient entre-eux s’échangeant moult histoires qui n’avaient aucun sens pour les oreilles humaines. Proto faisait son comique pour impressionner la galerie ce qui avait le don d’agacer Malta. Les pokémons sauvages étaient bon publique. Laurel ne pouvait s’empêcher d’admirer Jeanne à la lumière du feu. Elle avait ce don, ce talent de fédérer les gens. Il n’y avait qu’à voir ses pokémons, leur enthousiasme et leur bonté. Sa bien-aimée resplendissait en groupe, elle semblait revivre.

« Je n’ai aucun doute là-dessus. » répondit-elle à sa remarque. Leur famille semblait s’agrandir de jour en jour. « Tu les attire. Tu as un charme irrésistible. La preuve, regarde-moi je suis gaga. » sourit-elle.

Et elle n’était pas la seule à penser cela. D’un certaine manière, Laurel pouvait comprendre pourquoi les Démolosses voudraient récupérer Croc-Bleu. Comment se passer d’un tel rayon de soleil qui brille même dans la nuit ? C’était tout bonnement impossible. Laurel se cala contre Malta, souriant avec le rire de Jeanne.

« J’ai tout fini ! » répondit-elle en levant son assiette vide pour appuyer ses dires.

Soudain, Proto se mis en alerte, tendant son corps, son regard fixé sur Jeanne. Elle venait juste de dire le mot magique. Laurel lança un regard remplis de malice vers la cuisinière.

« Miel ? » demanda-t-elle simplement. « Essayerais-tu de me corrompre ? »

Elle déposa un bisou sur l’encolure de Malta avant de se lever plus ou moins maladroitement pour rejoindre Jeanne de l’autre côté du feu. Évitant tant bien que mal les petits pokémons qui mangeaient autour de celui-ci. Proto se jeta sur le miel.

« Je sais pas comment j’ai fait pas pour ne pas écraser de queue. » commenta-t-elle en se blottissant contre Jeanne. « Tu as passé une bonne soirée ? » demanda-t-elle en posant sa tête sur son épaule.

Malta bailla, s’étirant de tout son corps. La fatigue de la journée commençait à peser. Elle alla se coucher sur l’herbe calcinée qui était encore un peu chaude, suivie tel une ombre par Kurana. Proto ne semblait pas se fatiguer de ses tentatives infructueuses d’ouverture de pot de miel. Il persistait avec courage et stupidité. Travaille plus dur et non pas plus intelligemment, semblait être son motto.  L’air était frais mais comparé aux froid mordant de la banquise ou l’humidité saisissante des marais il semblait presque bienvenu. C’était aussi la parfaite excuse pour se mettre sous la couette.

Laurel tâtonnât un peu pour trouver la couette avant de la passer autour d’elle et Jeanne. La nuit était redevenue silencieuse maintenant que les pokémons avaient bien mangé. Tous les sons semblaient exacerbés dans cette quiétude nocturne. Le bruissement des feuilles pouvait être aussi inquiétant que reposant. Si les fantômes qu’ils avaient rencontré jusque-là semblaient être assez sympathiques, il y avait toujours ce « oui, mais... » qui traînait au fond de son esprit.

« Je peux dormir avec toi ce soir ? » demanda-t-elle timidement.

Elle se rappelait l’une des rares fois où tous les adultes étaient partis de la maison familiale pour une raison quelconque. Moxien et elle avaient joué toute la journée, fiers et téméraires, se sentant pousser des ailes. Jusqu’au moment où la nuit était tombé et qu’un bruit sourd avait retentit dans la maison. Ce qui était dans leur imaginaire un bandit-cambrioleur-assassin était en réalité un pot mal placé qui avait finalement perdu son combat contre la gravité. Il n’empêche que les deux avaient fini dans le lit de Laurel, sous la couverture, tremblant et suant jusqu’à l’épuisement. Leur présence mutuelle les avait rassuré et ici et maintenant, c’était cette sécurité humaine que cherchait Laurel.

Elle savait qu’avec Jeanne elle ne craignait rien.

Jeanne avait cette manière de faire que Laurel pouvait difficilement écrire mais qui vous faisait vous sentir aimé. Peut-être cela venait-il de ses gestes intimes mais rassurants ou de son attention au moindre détail juste pour vous rendre la vie meilleur. C’était tout bête mais, une action aussi simple qu’ouvrir le pot de miel pour donner une ration a Proto témoignait de toute l’attention qu’elle portait aux personnes qui l’entouraient. Il y avait de la tendresse dans ses gestes, une tendresse qui vous fait oublier tous les tracas quotidiens pour se perdre dans une plénitude reposante.

Laurel pouvait entendre le cœur de sa bien-aimée, battant à un rythme constant. Elle aurait pu rester là à l’écouter pendant des heures, son calme seulement perturbée par un flot d’adrénaline à la pensée que c’était le cœur de Jeanne qu’elle pouvait entendre. Elle l’aimait et cela était une évidence.

« Oh, Jeanne, tu ne sais pas à quel point. » répondit-elle dans un souffle.

La couverture restait chaude et douce malgré les péripéties. Laurel était bien dans les bras de Jeanne. A rester allongée et profiter du moment. Elle pouvait s’endormir là sans crainte ni soucis. Malta ronflait un peu plus loin. La Ranine avait remarqué que le dragon s’endormait plus facilement depuis qu’Invar était là. Elle savait aussi que la Carmache bondirait au moindre bruit hors norme, contrairement à Kurana qui profitait d’une douce insouciance. Comme Proto ne pouvait pas fermer les yeux, elle n’était jamais vraiment sûre s’il dormait. La gelée rose prenait pourtant le temps de se glisser dans fiole le soir pour n’en ressortir qu’au matin. Ça devait certainement compter comme « dormir ».

La voix de Jeanne résonna une nouvelle fois dans la nuit. Le futur était un concept assez abstrait pour Laurel. Elle avait grandit dans un maison à l’écart de tout où chaque jour se ressemblait. Elle savait que son père allait être dans la forge, qu’Amun allait lire à l’ombre d’un arbre pendant que sa mère et son frère prépareraient la marchandise pour la prochaine descente en ville. Le futur dans la maison Senjak était simple. C’était un futur de paix et de tranquillité où les tâches quotidiennement apportaient bonheur et but. On ne vivait que par le simple fait d’être.

Laurel savait que c’était un choix de vie. Ses parents n’appréciaient pas les contraintes de la société  et les attentes de celle-ci. Il y avait aussi ce lourd passé qui les liait à Amun que l’aînée Senjak ne connaissait que par brides. Le futur pour elle consistait alors de savoir ce que l’on allait manger le lendemain en sachant avec certitude que dans dix ans ou vingts la maison tiendrait toujours, la forge brûlerait et les quelques plantations pousseraient.

Avec Jeanne le futur était plus incertain. C’était une aventure pleine de rebondissements. Jamais Laurel n’aurait pu imaginer se retrouver à traverser de la neige. Elle n’en avait jamais vu auparavant. Ni même n’aurait-elle pu s’attendre à faire de telles rencontres. Chez-elle, le futur était tissé selon un motifs crée d’habitudes et de traditions. Ici, dans la nature, la chance et les opportunités parsemaient la toile de nœuds et couleurs. Les deux toiles avaient leur charmes et leurs défauts. La seule chose que Laurel savait, c’était qu’elle voulait un futur avec Jeanne.

« Je pense qu’on est bien parties pour que tu doives me supporter pendant de longues années. » répondit-elle. « J’aime beaucoup imaginer des choses mais elles ne sont pas forcément réalistes. Par contre je sais ce que j’aimerais que notre futur soit. » continua-t-elle. « Nous deux, heureuses et en train de faire ce que l’on aime avec nos pokémons à nos côtés. »

Que ce soit une vie d’aventures à parcourir les régions en jouant les justiciers et protégeant les passants des bandits tel un groupe de mercenaires bénévoles. Elle avait même une idée de nom ! Les Chevaliers de Xerneas. Ça claque. Ou que ce soit dans un ferme, à chouchouter leurs pokémons, loin de l’influence des Démolosses et des dangers du combat. Tant que c’était avec Jeanne et qu’elle était heureuse cela lui allait.

« Mais… si tu veux la version imaginaire. Je me vois bien sur un dragon géant avec une armure en or et beaucoup de bijoux. Bien sûr tu serais là toi aussi avec tes fidèles pokémons et on serait glorieuses. Des héroïnes terrassant des monstres et sauvant des royaumes. Ça en jette, n’est-ce pas ? »

Elle plaisantait. A moitié seulement. Elle n’avait pas parlé du palais en or massif et des foules en délire.

« Et toi, tu vois ça comment ? je veux ta version poétique et ta version imaginaire ! » demanda-t-elle avec excitation. « Je suis sûre que si on demande à Proto il va répondre un truc du style « Moi avec du miel à l’infini !! Mwahahah » ou quelque chose du même genre. »

La dernière fois que Laurel lui avait demandé ce qu’elle voulait faire, cela devait remonter à la toundra. Jeanne n’avait pas su quoi répondre alors. Elle se demandait si cela avait changé ?