Il n’y avait rien de plus beau que lorsque la nature dévoilait ses couleurs. Le soleil rasait la forêt, serpentant entre les feuilles pour se refléter sur l’eau placide du lac Noctali. C’était un véritable miroir naturel qui illuminait la zone de teintes orangées qui rappelaient fortement les couleurs de l’ambre. Quel soulagement de pouvoir finalement voir le ciel et ses premières étoiles après avoir passé des jours prisonniers des arbres. Si elle ne pouvait pas voir l’horizon, elle pouvait au moins étendre son bras sans craindre de toucher une liane ou s’accrocher à un Séviper qui pendait de l’arbre. Plus besoin non plus se surveiller le moindre de ses pas de peur d’écraser un quelconque pokémon ou pire encore de tomber dans une flaque de vase dissimulée. Si entrer dans les marais s’était fait assez facilement, en sortir avait été plus compliqué. Elle glissait sur la mousse qui s’accrochait aux arbres, la boue alourdissait ses vêtements et restreignait ses mouvements, plus d’une fois elle avait eu besoin de Malta ou Jeanne pour l’aider à passer un obstacle. Elle était habituée à la roche sèche et érodée par le sable du désert qui possédait de nombreuses anfractuosités ou elle pouvait avoir une prise sûre pour grimper. Loin des troncs gorgés d’eau ou du sol glissant des Marais. Plus encore, elle était heureuse de laisser derrière elle la lourde humidité de la zone qui faisait un malheur de ses cheveux. Elle avait rapidement abandonné l’idée de se les coiffer à son grand désespoir parce qu’elle voulait se faire belle pour Jeanne. Raté.

Durant le trajet elle en avait aussi profité pour faire quelques tests avec Proto. Le duo avait réussit à plus ou moins coordonner les mouvement du bras mais les doigts restaient encore un mystère pour la bestiole. Elle allait devoir réfléchir à un  système de signaux pour lui fait comprendre quand fermer et ouvrir le poing. Le Métamorph s’était aussi amusé à prendre tour à tour l’apparence de chaque pokémon du groupe pour jouer avec eux avec un succès variable. De son côté Malta s’amusait à chasser les pokémons trop curieux lorsqu’elle n’était pas en train de râler parce qu’elle avait glissé dans une marre d’eau. Kurana bien sûr était aux anges et naviguait à la tête du groupe en sifflotant. Il lançait de temps en temps des regards craintifs vers Jeanne.

Laurel lâcha ses affaires sur le sol, sans aucune cérémonie, poussant un grognement. Adieu la boue, bonjour les fantômes. Au moins, elle était avec Jeanne et le lieu était magnifique. Mais elle était quasiment certaine d’avoir entendu des rires en arrivant et sentit quelque chose l’observer. Sa compagne ne semblait pas perturbée de moins du monde, donc elle mis ça sur le compte de son imagination. Soudain un plouf ! retentit, Laurel se retourna d’un bloc juste à temps pour voir Jeanne plonger dans l’eau à la suite d’Invar. Tourmaline les rejoignit tout aussi rapidement. La joaillière s’assit pour profiter du spectacle, pendant que Kurana et Proto se glissaient à leur tour dans la masse d’eau sombre. Le Métamorph avait pris l’apparence d’Invar et, avec Kurana bien accroché sur son dos, filait à toute vitesse sur le lac. Malta lança un regard au groupe avant de se rouler par-terre pour sécher les dernières boues. Pas moyens qu’elle aille faire trempette.

Il fallait avouer que tout cela avait l’air assez amusant, Laurel hésitait à la rejoindre mais, en plus proche inspection, elle pu se rendre compte que non seulement Jeanne n’avait pas pieds mais qu’en plus on ne voyait pas le fond. Très peu pour elle. Elle préférait rester sagement au bord avec sa boue séchée, les vêtements de Jeanne, Nival et le reste de la troupe. Il fallait que quelqu’un garde les affaires n’est-ce pas ? Son rôle était absolument i-n-d-i-s-p-e-n-s-a-b-l-e.

A chaque fois que Jeanne plongeait, son cœur se mettait à battre en chamade. Elle avait bien vu que sa dulcinée savait nager et qu’elle avait Invar avec elle pourtant à chaque instant où elle était loin de son regard, une panique submergeait Laurel. Et si elle était attaquée par un Léviator ? Et si elle était coincée par une algue ? Et si elle n’avait plus la force de remonter à la surface ? Et si- C’était sans fin. Puis, inévitablement, Jeanne refaisait surface, un immense sourire sur ses lèvres et la panique retombait. Laurel la regarda approcher, remerciant les dieux de lui avait offert la chance de la rencontrer.

« Nan, c’est bon. Je suis pas trop plouf plouf. » répondit-elle.

En réalité Laurel ne savait pas nager et n’avait, franchement, pas l’intention d’apprendre. C’était une fille du sable et de la terre. L’eau et elle ne faisaient pas bon ménage.

« Mais t’inquiète pas pour moi, je suis très bien là. Y a pas d’eau. Pas d’esprit non plus -pour l’instant-. Et Malta me garde compagnie. » La Carmache leva la tête en entendant son nom avant de tourner le dos à la foule. « Plus ou moins. J’suis pas trop fan de l’eau Jeanne. En plus elle est profonde. Ça va t’inquiète, amuses-toi bien je regarde. Et pas de bisous t’es trempée ! »

Le seul moyen de la faire rentrer dans l’eau c’était de l’y traîner. Chose que Malta était très fortement en train de considérer, juste pour la science. Une Laurel dans l’eau qu’est-ce que ça fait ?

Laurel éclata de rire en voyant l’expression horrifiée de sa compagne. C’était parfait. Elle avait l’air tellement choquée de ne pas pouvoir l’embrasser que la Ranine ne pouvait s’empêcher de rire. C’était tellement mignon, presque comme une enfant à qui on a refusé un bonbon avant le lit.  Elle la regarda se sécher, le regard pétillant, la laissant s’asseoir à côté d’elle.

« C’est pas tant que j’aime pas nager … c’est plus … Tu vas trouver ça débile mais, je sais pas nager. » répondit-elle hésitante. « Quand j’ai pied ça va, c’est stressant mais ça va. Là c’est juste que c’est très profond et très sombre et je vois pas du tout le fond. »

Laurel ramena ses genoux contre son menton pour éloigner ses pieds du bord du lac. Voilà qu’elle se mettait à imaginer une flopée de monstres grouillants sous l’eau avec pour seul but de lui manger les orteils. Beurk. Elle frissonnait rien qu’à cette idée. La Ranine se rapprocha un peu plus de Jeanne. Sa peau était froide au touché mais relativement sèche. Elle lui déposa un baiser sur l’épaule.

«Les esprits farceurs qui viennent que la nuit c’est absolument pas rassurant. J’ai déjà deux pokémon farceurs et ils sont à la limite du harcèlement. Mais du bon côté, je pourrais dire à Moxien, mon frère, que je me suis battue contre des revenants et ça, ça à la classe. »

Elle regarda Proto filer à toute vitesse sur l’eau. Kurana avait la langue qui pendait, il semblait à deux doigts de s’envoler du dos du pokémon mais restait, par miracle, accroché. Nyooooooooooom~

« J’aime pas le concombre, ni les betteraves. » Plaisanta-t-elle. « Tout va bien Jeanne. Tant que ce suis avec toi, ça va. Et puis, quel genre de Chevalier je ferais si je fuyais tous les trucs légèrement inconvénients. »

Elle fit glisser une mèche de cheveux mouillés derrière l’oreille de Jeanne. Elle n’était pas bien sûre d’où lui venait cette peur irrationnelle de l’eau mais elle malheureusement elle était bien présente.

« Et toi ? Qu’est-ce que tu n’aime pas ? Outre ne pas pouvoir faire de bisous bien sûr ! » Elle lui déposa un baiser sur les lèvres. « Maintenant que tu es presque sèche ça va mieux. »

Le duo de pokémon rose repassa devant elles. Nyooooooooooooooooom~ Proto sautait hors de l'eau après s'être propulsé à toute vitesse. Il semblait presque voler. Elle sourit en les regardant s’amuser comme ça dans l’eau. Elle les enviait un peu. Elle se disait que si elle le pouvait, elle adorerait pouvoir voler. Voir le monde d’en haut, sans soucis ni limites. Enogen avait été sublime du haut de la Grande Bibliothèque. C’était une manière complètement différente de voir le monde. Laurel supposait que c’était pareil sous l’eau. Un monde étrange et pleins de mystères. Si seulement ce monde ne la terrifiait pas tant, elle aurait certainement aimé le découvrir. Après tout, les coquillages et les perles qu’elle avait vu dans le marché de Ran l’avaient toujours impressionnée par leur beauté fragile.

« Est-ce qu’il y a des choses que tu aimes tout particulièrement ? Une couleur préférée, une fleur ? »

Laurel se tourna pour faire face à Jeanne, l’écoutant parler avec toute son attention. Elle comptait bien noter le moindre détail de ce qu’elle lui disait. Pour la science. Enfin, pour de futurs cadeaux surtout. Elle voulait pouvoir lui offrir pleins de merveilles. C’était un peu sa manière à elle de partager sa passion pour les bijoux. La joaillière voyait les bijoux comme des œuvres d’art qui servaient à glorifier celui qui les portait. C’est pour cela peut-être qu’elle compensait un peu une insécurité en portant de nombreux ornements. Pour Jeanne par contre ? Elle ne voulais que ce qu’il y a de plus beau pour elle.

« Je trouve que le bleu est parfait pour toi. C’est une couleur sublime qui se marie très bien avec des couleurs plus chaudes et en plus, c’est la couleur de Xerneas. Comme quoi, tu avais toujours un peu de lui auprès de toi, Croc Bleu. » commenta-t-elle en lui prenant la main.

Elle avait immédiatement compris d’où provenait l’hésitation de la femme. Elle même évitait de penser à elle entant que Croc Bleu. La connotation de ce nom était lourde de sang versé et de vies brisées. Mais Laurel voulait aussi lui montrer qu’elle acceptait qui elle avait été. Elle l’acceptait difficilement mais, elle l’acceptait tout de même. Elle avait choisi d’aimer cette femme, son passé et ses erreurs y compris.

« Tu m’aimes ? Oh, je suis flattée ! » dit-elle avec un sarcasme joueur. « Sache que je t’aime aussi. »

Elle pris note aussi de la partie sur les accessoires pour Tourmaline. Peut-être qu’elle pourrait essayer de manigancer quelque chose avec la petite Evoli. Elle était certaine que l’adorable boule de poils serait ravie de l’aider à trouver quelque chose pour sa dresseuse.

Néanmoins, la suite lui fit froncer les sourcils. Jeanne ne lui avait pas encore parlé de cette Elvira. C’était certainement une amie de chez les Démolosses. Une guerrière tout comme Jeanne ? Sa dulcinée semblait l'apprécier. Elle supposait que c’était quelqu’un de bien. Pour un bandit. Mais c’était une amie de Jeanne, donc autant partir du principe que c’était quelqu’un de bien.

« Elvira ? Elle est toujours à Ran ? Ça à l’air d’être quelqu’un d’important pour toi. Tu veux bien me parler d’elle ? Elle te manque ? On peut peut-être aller la revoir, pour lui dire que tu vas bien. Pour qu’elle ne s’inquiète pas pour toi. » demanda-t-elle.

Elle rigola un peu à la dernière remarque de Jeanne. Évidemment que ça lui manquait ! Laurel pris Jeanne dans ses bras, déposant un baiser sur ses lèvres.

« Ne t’inquiète pas pour Proto, je n’ai pas aimé non plus. Je préfère la vraie Jeanne, même si elle a les sous-vêtements trempés. »

Elle l’embrassa encore.

Peut importait le fait qu’elle l’ait déjà vue au naturel, la proposition fit quand même rougir Laurel, qui souriait bêtement. Comment avait-elle fait pour trouver une femme pareille ? Elle laissa Jeanne s’installer contre-elle, essayant de relaxer son épaule pour que la femme soit un peu plus confortable. Elle fit glisser sa mains dans ses cheveux encore mouillés. C’était étrange de la voir avec une teinte plus foncée. Elle avait toujours admiré cette qualité dans les cheveux clairs. C’était comme avoir des cheveux magiques qui changent de couleur lorsque mouillés.

« Je serais ravie qu’on s’arrange. » susurra-t-elle.

Mais le sujet était passé sur Elvira. Laurel cligna des yeux en entendant la remarque sur les doigts « agiles » et les capacités à l’« oral » mais ne fit aucun commentaire. Le fait que Jeanne ait eu une amie durant sa jeunesse la rassurait un peu. Elle se disait que, parmi toutes les horreurs qu’elle avait du vivre, elle avait au moins pu avoir quelqu’un à ses côtés. La suite cependant lui donna tord. Que la femme veuille forcer Jeanne à retourner au près des Démolosses, elle comprenait plus ou moins. Endoctrinement toussa, toussa. Qu’elle soit l’auteur de l’exil de Jeanne était en revanche révoltant. Laurel eu soudain une envie violente d’enrouler Jeanne dans une couverture et de la garder loin de tous ces gens. Elle avait fini par comprendre que les chaînes d’Yveltal étaient plus mentales que physiques et cela la terrifiait. Comment pouvait-elle protéger sa bien-aimée d’une menace invisible ? Laurel serra Jeanne un peu plus fort dans ses bras.

« Tu as ta sœur aussi. » ajouta-t-elle. « Mais c’est vrai que je suis absolument géniale. » plaisanta-t-elle.

Cette personne entourée de mystère dont l’identité lui échappait. Elle pouvait essayer de comprendre les craintes de Jeanne à son égard. Et si elle la détestait ou était morte ? C’était bien de vivre en imaginant le meilleur, il fallait juste faire attention de ne pas se brûler les ailes. Les émotions humaines étaient bien trop complexes pour les limiter à une fantaisie. Malgré tout, Laurel continuait de croire que la sœur prodige allait aimer Jeanne. C’était ce qu’elle souhaitait pour cette dernière. Stabilité et bonheur. Chose que la famille pouvait apporter.

« Oui, ils me manquent. J’ai toujours vécu avec aux donc ça me fait bizarre de temps en temps de me lever sans entendre le marteau de mon père ou les pas d’Hippodocus de Moxien dans le couloir. »

Ô combien elle voulait les revoir pour leur montrer ce qu’elle était devenue. Elle avait commencé l’entraînement aux armes et avait de nouveaux compagnons maintenant. Malta avait grandi aussi et puis … il y avait Jeanne.

« J’adorerais te présenter à eux mais… J’ai pas envie de te laisser seule. » Là était le vrai dilemme de Laurel. Elle se voyait mal emmener Jeanne jusqu'à Ran vu le risque que ça représentait. « Je t’avoue que ça ne m’a même pas traversé l’esprit que les Demolosses puissent faire un lien entre nous. Ça m’étonnerai vraiment que je les intéresse. »

Proto s’écrasa contre un tronc qui flottait paisiblement sur le lac. Se déformant lors de l’impact pendant que Kurana partait en vol plané dans l’eau. Pas sûr que ses parents apprécient les nouveaux pokémon.

« Il faudrait que je vois aussi avec Dame Aryël ce qu’il faut faire pour pouvoir devenir Chevalier. J’ai pas eu l’occasion de lui demander après l’attaque du Grand Conseil. On a faillit y passer du coup c’était pas vraiment le bon moment. Je crois qu’un de ses conseillers est mort en plus. » Laurel fronça les sourcils, frissonnant légèrement en se remémorant les hurlements de l’homme et la tourmente des flammes.

Elle avait fuit après le Grand Conseil. En y repensant elle se disait qu’elle aurait peut-être dû vérifier l’état de santé de la Chef de Ran.

Laurel était encore en train de repenser aux événements du Grand Conseil. Elle qui avait craint que le changement de Chef n’impacte les relations diplomatiques, voilà qu’une menace encore plus grande se profilait à l’horizon. Elle espérait seulement que les guéguerres politiques ne se finissent pas en guerre ce qui pour le coup impacterait la population. C’était pour cela qu’elle voulait devenir chevalier. Pour protéger ceux qui n’avaient pas le pouvoir de se défendre. Et cela allait être possible grâce à Jeanne.

En parlant de cette dernière, la guerrière se dégagea pour se retrouver face à Laurel, une expression sérieuse sur le visage. La Ranine se tendit un peu, le contact du corps de Jeanne lui manquait déjà. Elle appréhendait aussi la suite.

« Mais- » commença Laurel avant de se faire couper.

Des conditions ? Plus une demande toute à fait raisonnable et l’autre absolument absurde ! Jeanne ne s’imaginait tout de même pas qu’elle allait la laisser dans les griffes des Démolosses sans rien faire. Et même, sans compter Laurel, jamais Tourmaline et les autres n’abandonneraient leur dresseuse. La joaillière comprenant d’où provenait la demande de sa bien-aimée. Elle même s’était trouvée impuissante face aux chiens d’Yveltal il y a plusieurs années de cela. Mais aujourd’hui c’était différent, elle avait appris les bases du combat et elle avait ses propres pokémons. Plus important encore, elle avait une raison de s’opposer à eux. Elle refusait de laisser Jeanne retourner dans cet enfer.

Laurel faisait la moue. Elle voulait retourner à Ran, c’était sa patrie. Sa maison. Mais est-ce que cela valait-il réellement la peine de risquer la liberté de sa compagne ? La réponse était non évidemment. Pourtant il semblait de Jeanne avait bien réfléchit à la chose. Elle semblait déjà avoir des itinéraires en tête et son sourire ne pouvait que rassurer la joaillière.

« Jamais mes parents ne me chasseraient. Et je pense être suffisamment grande pour pouvoir juger moi-même si je suis ou non avec la bonne personne. Et laisse moi te dire que c’est le cas. » Laurel sourit. « Tu es la bonne personne. » Elle embrassa Jeanne.

Mido possédait des fruits absolument divins et on disait à certains endroits de la forêt, les arbres étaient plus grands de des châteaux. Un peu comme Ran et ses crevasses, les paysages de Mido cachaient une histoire. C'était un endroit qu'elle avait hâte de découvrir avec Jeanne.

« Tous les endroits où tu m’as menée étaient magnifique alors je dois t’avouer que la barre est haute pour Mido. Tu crois qu’il y aura encore plus d’arbres ? J’adore le vert des arbres, on a pas assez de forêts à Ran. »

Elle se mordit la lèvre inférieure en réfléchissant. Elle allait devoir trouver un souvenir pour ses parents et son frère. Proto et Kurana sortirent de l’eau, trempés mais heureux. Malta était un peu moins contente d'être dérangée par les deux pokémons roses. Soudain, un bruit de chimes retentit. Doux et gracieux. Quelques pokémons oiseaux s’étaient mis à voler au dessus du lac, leurs grandes ailes émaciées faisaient un son cristallin qui était un peu délice pour les oreilles.

« Tu sais danser ? » demanda-t-elle en se levant.

Le soleil avait presque disparu derrière les arbres. La sombre nuit commençait à s’installer mais quelques teintes rosées continuaient de persister. La lumière rasante donnait un air irréel au lieu. Laurel tendit sa main vers Jeanne, faisant une courbette.

« Il n’y a pas de robes grandioses mais j’ai une partenaire sublime qui vaut bien milles de ces tissus. Ma Dame, accepteriez-vous cette danse ? » demanda-t-elle avec un sourire remplis de malice.

Laurel ne savais pas danser. Ou tout du moins, elle savait faire tourner les gens et éviter d’écraser les pieds des gens en prétendant faire une espèce de Waltz. Elle connaissait aussi quelques danses traditionnelles que sa mère lui avait enseigné mais elle préférait de loin les grands pas et pirouettes de celles de Kuni. Elle voulait s’amuser un peu.

Laurel attrapa la main hésitante de Jeanne pour entrelacer ses doigts avec les siens. Elle l’encouragea à poser sa main sur son épaule, prenant position pour tenter de copier la prestance des nobles durant les bals. Elle pouvait sentir la tension qui émanait du corps de sa bien-aimée dont le corps était tendu comme un arc. Elle pouvait sentir ses doigts effleurer à peine sa peau comme si la guerrière avait peur de se brûler en y mettant un peu de pression. Jeanne se perdait en excuses.

« Relax, c’est juste pour s’amuser. Je sais pas vraiment danser non plus. » l’encouragea-t-elle. « Essayes juste de suivre mes mouvements. »

Elle regrettait un peu que son bras gauche soit aussi court, un vrai danseur l’aurait posé dans le creux du dos de sa partenaire pour lui indiquer les mouvements, ce qu’elle ne pouvait physiquement pas faire. Malgré cela, elle ne voulait pas impliquer Proto, c’était un moment avec Jeanne. Juste pour profiter et s’amuser. Tant pis si ce n’était pas du grand art tant que c’était fun.

Elle fit quelques pas sur le côté, la poussant à la suivre avec sa main. Quelques pas de l’autre côté. Tout doucement. Maintenant vers l’arrière, puis vers l’avant. Elle faisait attention de ne pas écraser les pieds de Jeanne en même temps qu’elle essayait de la regarder. Laurel souriait parce qu’elle était heureuse mais aussi pour montrer à la ancienne Démolosse que tout allait bien.

« Tu vois, pas besoin de livre ou de professeur. C’est pas grave si on est pas parfaitement en même temps. »

Elle repris les devants en faisant de grands pas pour dessiner un large cercle au lieu d’aller en ligne droite. Malta les regardait danser, elle avait passé sa queue autour d’Invar. Elle préférait de loin le calme pokémon oiseau aux autres troubles-fête. Ce qui n’était pas le cas pour Kurana qui se mettait à onduler un peu comme si lui aussi dansait. Proto fixait juste le couple de ses yeux gobuleux sans bouger d’un poil. Laurel sourit à Jeanne.

« Tu t’en sors très bien ! On va essayer de te faire tourner maintenant. » lança-t-elle toute excitée.

Elle adorait lorsque sa mère levait sa main au dessus de sa tête pour la faire tournoyer, c’était encore mieux avec une jupe qui pouvait se soulever mue par un courant invisible. Elle se sentait alors telle une princesse.

« Pour tourner c’est simple. Je soulève ma main au dessus de ta tête, je fais un cercle avec et tu tournes sur toi-même dans le même sens du cercle puis tu te remets en position. » expliqua-t-elle.

Elle leva ensuite la main pour encourager Jeanne à tourner.

Jeanne tournoyait. Ses cheveux volant allégrement formant un cercle autour d’elle.  Laurel était absolument ravie de la voir se détendre pour profiter du moment. Parce que justement c’était cela, un moment pris dans le temps. Sans pression, ni attentes. Juste deux femmes dansant sous les étoiles et profitant de la vie. Laurel ne demandait rien de plus. Le plaisir de partager un jeu avec la femme qu’elle aimait la comblait. Elle souriait et regardait Jeanne, les yeux emplis d’amour. Contre toute attente, venir au Lac s’était révélé être une merveilleuse idée.

Tant pokémons qu’humains semblaient se réjouir de l’instant. Tourmaline et Nival se paradaient avec énergie. Comme à son habitude l’Evoli menait la danse, alors que le Goupix tentait de suivre. Les deux pokémons étaient tout simplement adorables. Laurel adorait regarder le petit pokémon de type normal tenter d’imiter les mouvements de Jeanne, c’était un peu comme un enfant tentant de faire comme sa mère.

La Ranine enserra Jeanne dans ses bras, trop excitée pour vraiment sentir l’air frais. Elle en profita pour embrasser tendrement Jeanne, se régalant du contact de cette dernière. En même temps, qu’elle idée de piquer une tête à une heure aussi tardive ?

« Je ne suis pas quelqu’un de très raisonnable tu sais. » répondit Laurel.

Elle allait se pencher pour l’embrasser une autre fois lorsqu’un bruit sourd la fit sursauter suivit de rires machiavéliques. Laurel s’agrippa à Jeanne, cette fois ci plus de peur que d’amour pendant que les pokémons se préparaient au combat. Malta se déploya sur toute sa longue, faisant claquer sa queue sur le sol en même temps qu’un lourd grognement s’échappait de ses crocs dévoilés. L’intention était claire, qui conque s’approchait allait se faire estropier sans sommation. Kurana avait cessé de gigoter pour tenter de s’accrocher sur Invar qu’il confondait très certainement avec Proto. Le Métamorph ne semblait pas perturbé le moins du monde par les esprits et s’appliquait plutôt à fixer une lueur qui venait d’apparaître sur le lac.

« Manger !? MANGER ?!! Comment tu veux que je mange ? T’avais dis qu’ils étaient gentils, ça fait pas très gentil ça. Ça fait même plutôt méchant ! » s’écria-t-elle paniquée. « J’ai lu trop de romans pour ne pas savoir comment ça va se finir. »

Déjà Laurel appréhendait squelettes, morts-vivants et autre horreur innommables tout droit sorties du royaume de Giratina. Se battre contre les vivants c’était une chose mais personne ne pouvait gagner face aux morts. Malta n’était pas plus à l’aise que Laurel. La situation l’oppressait et cet adversaire invisible la faisait sentir impuissante. Il y eu un autre claquement. Métal sur métal. Une gerbe de feu jaillit de la gorge du dragon pour éclairer les alentours d’une vive lumière orange. Parmi les ombres, des formes se dessinaient. Des lames fantomatiques qui depuis longtemps avaient perdu les mains qui les maniaient.

« Un fantôme. » glapit la joaillière. « OHMESDIEUX ! TUE-LE ! TUE-LE AVEC DU FEU !!! »

Laurel était paniquée. Du coup Malta l’était aussi. Kurana continuait d’essayer de grimper sur Invar dans l’espoir que le pokémon eau puisse le protéger de ces monstres d’outre-tombe. Et Proto continuait son duel de regard avec la lueur au dessus du lac. Autant dire que #TeamLaurel n’était pas au top.

La Carmache feulait comme un gros chat, elle ne comprenait pas bien pourquoi Laurel était aussi terrifiée mais cela la terrifiait tout autant. La première attaque feu avait largement loupé le pokémon spectre mais avait au moins permis de mettre le feu aux bussions d’à côté ce qui illuminait la scène. Les ombres étaient larges et imposantes sur le sol, animées tels des pantins par les flammes vives. Laurel s’accrochait désespérément à Jeanne. Amun lui avait dit que les esprits venaient parfois voler l’âme de ceux qu’on aime. Quelqu’un d’autre aurait certainement rigolé à la superstition mais l’aînée Senjak respectait tellement son oncle qu’elle n’avait même pas imaginé qu’il puisse avoir tord.

« Jeanne, reste près de moi, ne t’éloigne pas, c’est dangereux. » supplia-t-elle en serrant la femme de plus belle.