J’avance. Sous mes pas la neige craque, sous mes pas la neige fond. J’avance dans ce blizzard qui me torture depuis un bon moment.

Ma peau est gelée, mon armure est plus lourde que d’ordinaire. Je me sens faiblir. Cela ne me ressemble pas. Mais je ne suis pas le seul à pâtir de la situation. Un regard en arrière m’indique que le chiot peine à garder le rythme.

C’est le moment de prendre une pause. Tandis que la tempête bat son plein, je cherche d’épais sapins. Je recherche leur protection, celle de Dame Nature.


Le chasseur prend la décision d’écouter son don pour améliorer ses recherches. S’il ne fait pas vite, le Rocabot et lui finiront par mourir de froid. Simorgh, le Minisange chromatique, est là lui aussi, bien caché dans la fourrure du blond. Il tremble mais pas question de rentrer dans sa Captis Ball.

Oui, une Captis Ball. La précédente discussion avec le négociateur de Mido a eu un effet non négligeable sur le chasseur. S’il laisse une liberté presque totale à ses amis Pokémon, il tente désormais de faire usage de ces objets pour faciliter les transports.

Quoi qu’il en soit, la magie de Plante de Wulfric finit par porter ses fruits. Dans le hurlement de la tempête, l’homme parvient à entendre un murmure. Beaucoup d’interférences ralentissent sa progression. Cependant, en cherchant bien et en se guider de la voix de la forêt, le borgne parvient à trouver ce qu’il ne voyait pas.

Un peu plus loin se trouvent des pins. Fiers conifères, intouchables dans cette toundra inhospitalière, ils sont les rois.

L’homme blond approche, une main en visière afin de protéger son œil des flocons. L’instant d’après, il s’adosse à un tronc pour bénéficier de sa protection. L’oiseau sur son épaule est plus que ravi : il gazouille un peu dans le but de rendre l’atmosphère moins oppressante.

Garm arrive juste après. En quelques bonds il rejoint son père humain. Sa truffe est couverte de glace et il ne peut empêcher un éternuement de sortir.


Il s’en est fallu de peu. Je ne connais plus la toundra comme je l’ai su. Merci Dame Nature. Merci de m’avoir répondu et d’offrir te protection à mon âme en peine et à mes Pokémon.

Garm n’est pas dans son état normal. Ce blizzard ne lui réussit pas. Ah. Ce louveteau est aussi borné que moi. Jamais il n’acceptera d’entrer dans cette Ball…

Je peux au moins lui proposer ma cape. Elle est chaude, douce et épaisse. Simorgh y est bien heureux, lui.

« Garm. Viens par ici. Il ne sert à rien de résister contre le froid, je connais ta valeur. »

Le Rocabot tourne sa tête dans ma direction, non sans difficulté. Je me mords la lèvre inférieure ; je ne ressens rien. Ce petit fait tout ce qui est en son pouvoir pour m’impressionner et pour me montrer qu’il est utile. J’ai été dur avec lui. De nombreuses fois.

« Aller. »

En insistant un peu, il finit par céder. C’est non sans précipitation que mon chiot me rejoint pour trouver une place dans la cape de mon père.

Bon.

J’observe les alentours. Rien que du blanc. Cette tornade de glace ne se termine tout simplement pas. Cet homme maudit entendra parler de moi. Quel idiot je fus de le croire sur parole ! Pas de tempête de neige, voilà ce qu’il disait.

Je suis là pour chasser le gibier. Mais dans ces conditions, je vais rentrer les mains vides et avec des gerçures au mieux. Au pire, nous ne rentrerons pas.


Après un peu de repos, Wulfric pense qu’il est temps de reprendre la route. Des villages se trouvent non loin. Il les connait déjà, il y venait toujours dans son enfance. Le passé fait fermer l’œil du chasseur. Il n’a pas envie de revoir ses anciens compagnons. Et pourtant, il n’aura peut-être pas d’autre choix que de revenir vers eux.

Que le destin peut être farceur. Ou cruel.

Une légère secousse pour réveiller le chiot de Roche. Ce dernier n’a pas envie de repartir en quête d’une proie. Pour une fois, le chasseur en lui fait sourdine. Il préfère se blottir davantage dans la fourrure de son humain…

Mais le loup solitaire qu’est Beowulf ne lui laisse pas le choix. Le chiot ne comprend pas que s’ils restent sur place, ils finiront congelés comme des Grelaçon.

Réticent, Garm lâche finalement un bâillement et quitte la chaleur des poils d’une créature inconnue pour reprendre la route.

La voix du chasseur s’élève à l’attention de ses partenaires :

« Garm, reste derrière mes jambes. Cela te couvrira au moins du vent. Sim, blottit toi contre mon cou. Ma chaleur corporelle se diffusera en toi. Maintenant, on y va. »

L’homme et ses bêtes bravent de nouveau la rudesse du froid. Il faut serrer les dents et garder ses bras le long du corps. Plisser les yeux et prier.

Les cheveux et les poils sont secoués ; malmenés.

Mais alors qu’ils pensaient n’avoir que le vide en face d’eux, une silhouette fine et fragile se découpe. Garm est le premier à réagir. Grâce à son flair, et malgré la tempête, il remarque que quelque chose ne va pas. Ses aboiements alertent le chasseur.

Il redresse la tête et le voit. Petit, menu. Un enfant qui se tient au beau milieu de la rage de Mère Nature.

RP Solo

Beowulf est méfiant. La bête sauvage qui se trouve en lui grogne. Que fait un enfant dans un endroit pareil ? Nul ne peut le dire. En tout cas, c’est la vérité.

Le chasseur s’avance, ses pas s’enfoncent toujours plus dans la neige du blizzard. D’un sifflement simple il empêche son chiot de s’approcher de l’inconnu. Prudence est mère de sûreté. De plus, Wulfric n’est pas connu pour être le plus compatissant des Hommes.

Plus maintenant.

Pourtant, il hésite. Dans sa tête, un combat. Il approche de l’enfant silencieux. Il est presque temps de prendre une décision.


Mère Nature, que fait cet enfant sous ton blanc manteau ? Que se passe-t-il ?

C’est avec prudence que je l’approche. Il ne bouge pas et je ne vois pas ses yeux. Je n’aime pas cela. En moi, mon instinct de bête s’anime. Mon corps me dicte de fuir cet humain, aussi jeune soit-il.

Garm et Simorgh sont fébriles eux aussi. Mais ce que je sais, c’est qu’ils ne peuvent pas s’empêcher de se poser la même question que moi. Pourquoi ? Je ne sais pas.

Qu’importe. Je suis là pour chasser. Lui apporter secours ne me créera que des problèmes. Si je dois emmener cet enfant avec moi, je n’aurais plus d’autre choix que d’aller aux villages. Pour le moment, je peux encore les éviter.


Sans scrupule aucun, l’homme borgne dépasse le jeune homme. Il ne lui jette même pas un regard.

Cruel comme une bête sauvage, cruel comme le vent hurlant, le loup solitaire écoute son instinct plutôt que son cœur. Il ne doit pas plier face à son faible cœur.

Mais cette interrogation subsiste. Pourquoi ? Elle martèle le crâne de l’homme sans lui offrir de répit. Tant et si bien que…

« Hey, toi. Qu’est-ce que tu fais là ? »

La seule réponse qu’obtient le chasseur est un silence bien lourd. Beowulf grogne un peu. Aucune réaction.

« Petit. Tu vas mourir, alors répond au moins à ma question. »

Froid, distant. Il ne peut s’en empêcher. L’inconnu lui fait peur, le rend méfiant. Quelque chose ne va pas, quelque chose est différent.

D’un coup, le garçon s’effondre. Le blizzard semble avoir eu raison de lui. Résolu, le blond reprend sa marche pénible. Mais les aboiements de son chiot le font revenir à la réalité.

La curiosité emporte la Raison. Wulfric se retourne pour aller mesurer le pouls de l’enfant. Sa peau est gelée, presque bleue. Toutefois, un espoir subsiste. Des pulsations, très faibles, parviennent au chasseur.

Il prend alors une décision qui lui apportera sûrement malheur.


Cet enfant que je porte dans mes bras… Je ne sais pas pourquoi je l’emporte avec moi. Je vais devoir m’occuper de lui à présent.

Je suis un chasseur, un monstre parmi les Hommes. Je ne dois pas céder à ce genre de faiblesses. Que diraient les fantômes face à mon comportement ?

Bah. Qu’importe. Je ne peux les entendre dans cette tornade de constants hurlements.

Sim tente de réveiller le jeune. Il piaille de toutes ses forces malgré le froid qui l’assaille. Garm est requinqué ; ses bonds sont plus fréquents et je le surprends à vouloir me dépasser pour tenter d’apercevoir le gamin.

Ils ne comprennent pas encore qu’il va nous apporter des problèmes.

Dans le froid, deux Pokémon approchent. Ils ont vu l’enfant. Piteux.

Ils viennent pour offrir de l’aide. Beowulf s’arrête avant de les jauger. Il ne détecte aucune animosité, mais la tempête de neige ne lui permet pas de rester davantage.

Il doit continuer comme le lui dit la forêt. Mais le duo de glace n’abandonne pas. Silencieux, ils suivent le chasseur.

Peut-être que, finalement, ils lui seront utile. Puisque non loin, quelque chose gronde. Plus fort qu’une bête.

Le sol neigeux et blanc se met à trembler. Wulfric se fige. Son sang ne fait qu’un tour. Il tourne la tête vers l’endroit d’où proviennent les vibrations.

Deux Mammochon approchent en courant. Ils remuent la neige de leurs pattes à la force prodigieuse. C’est un duel. Entre deux mâles.

Que Dame Nature ait pitié du chasseur et de ses compagnons d’infortune.

RP Solo

C’est presque devant le chasseur que les deux mastodontes se stoppent.

Ils sont énormes. Puissants. Effrayants pour n’importe quel être humain doté d’un peu de sens commun. Wulfric connait leur valeur. Même si ce sont des proies prisées, il ne s’y risquerait pas.

Ces deux mâles sont en pleine forme visiblement. Quelques cicatrices font preuve de leur rude combat. Mais c’est bien tout. Des muscles saillants et une fourrure fournie indiquent qu’ils sont des adversaires à ne pas négliger.

Le blond ne se risque donc à aucun mouvement. Il est droit, fixe. Même ses compagnons se sont tut. Plus personne n’ose bouger de peur de réveiller le courroux de la nature.

…

C’est finalement avec une chance insolente que Beowulf s’en sort. Les Mammochon reniflent l’air dans sa direction mais le vent emporte toute odeur. Dame Nature souhaite protéger le jeune homme pour cette fois. Les deux Pokémon s’en vont alors, continuer leur bataille ailleurs.

« Nous nous en sortons très bien… Merci Celebi. Merci Nature. Je ne manquerais pas de vous rendre grâce pour ce sursis accordé. »

Mais il reste un autre problème. Les deux Pokémon de tout à l’heure sont toujours là.

Le penguin, dont la tête est complètement gelée, et la petite ourse qui grelotte malgré elle.

Un soupir échappe à l’homme borgne. Il va devoir les chasser s’il ne veut pas davantage de situations périlleuses. Avec ce gamin dans les pattes, il doit se débarrasser des éléments perturbateurs.

Cruel ? D’aucuns diront que oui. Mais pour le chasseur, il s’agit là d’une question de survie. Et puis il ne va pas les tuer. Simplement les faire fuir.


Ces deux Mammochon auraient pu nous empaler. Ne faire qu’une bouchée de nous. Pourtant je suis encore là. Je ne sens plus mon corps, mais je suis vivant.

L’enfant ne va pas bien. Je dois me hâter de trouver un lieu pour l’abriter. Je devrais l’abandonner, fardeau qu’il est…

« Partez d’ici. Cessez de nous suivre. »

Le regard noir que je leur adresse n’a pas raison de leur stupidité. Pourquoi ces deux Pokémon suivent-ils un humain armé ? Ils ne comprennent pas ce que cela représente de survivre. Ils sont prêts à se mettre en danger pour la pire espèce qui existe…

Mais qui suis-je pour dire cela, lorsque je m’obstine à recueillir des malheureux ?

Cet oiseau qui m’accompagne et dont le plumage resplendit… Ce chiot orphelin qui était voué à une mort certaine. Et puis d’autres encore.

Je dois me rendre à l’évidence. Parfois, les Pokémon sont plus humains que les Hommes ne pourront jamais l’être.

Mais ils doivent partir. Le choix ne m’appartient pas. Si quelque chose arrive, ils seront en danger et je ne pourrais pas les aider. Pour ma propre survie.

« Partez ! »

Mon ton révélateur d’une certaine impatience leur fait faire demi-tour. Tant mieux.


Le chasseur reprend son inexorable voyage dans le cœur de la toundra. Il semble que la tempête se calme. Moins de flocons, moins de vent.

Beowulf le remarque très vite. C’est le moment idéal pour trouver un abri ou en fabriquer un.

Dans la toundra, il n’y a pas grand-chose. Hormis les quelques plantes et quelques pins courageux, la Nature n’y a pas vraiment sa place. Malgré tout, le chasseur est plein de ressources.

Rapide, il trouve un lieu entouré de buissons épineux. Astucieux, il décide de s’installer ici pour la nuit.

Le borgne connait la toundra. Il y vivait. Avec l’aide de ses compagnons, il parviendra à braver le froid encore plus longtemps.

« Restons-en là pour aujourd’hui. Vous avez besoin de repos. »


Que les arbustes nous protègent et me bercent de leur chant.

Le vent parvient encore à agresser nos peaux, mais je ne me sens déjà mieux grâce à eux. Apophis y est aussi pour quelque chose.

J’ai hésité grandement à l’emmener. Mais sa flamme se révèle salvatrice pour nos corps.

Quant à Lilith… Le fait qu’elle m’entoure les jambes, comme à son habitude, n’est pas très agréable. Malgré tout, elle me protège un peu plus, ainsi que nos compagnons.

Mais cet enfant… En posant une main débarrassée d’armure sur son visage, je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il va mourir.

Est-ce que je dois m’en inquiéter ? D’ordinaire, cela me m’aurait rien fait. Il arrive, pour les êtres faibles, que Dame Nature les appelle auprès d’eux.

Mais lui… Quel est son passé ? Le doute m’envahit. En tout cas, il ne mérite probablement pas la mort. Alors… Je le serre contre moi, dans mes bras. La majorité de la cape en fourrure lui revient. C’est lui qui en a le plus besoin.

Après tout, ici, nous sommes seuls au monde.

RP Solo