Le salon d’adoption.

Galatea voit d’un bon œil ce genre d’initiative. Tout le monde a le droit à une seconde chance dans la vie, c’est la volonté même d’Arceus.

Ainsi, ces pauvres Pokémon attendent de découvrir de nouvelles têtes. Galatea pénètre les lieux d’un pas assuré, suivie de près par son assistant, Elias, et un moine. Il serait inconcevable de laisser seule l’archevêque de Ran dans un endroit aussi bondé et potentiellement dangereux.

Pourtant, la femme est incorrigible. Elle ne souhaite pas qu’on lui emboîte le pas pendant une journée qui s’annonce sous d’heureux auspices. D’une parole et d’un sourire gratifiant, elle congédie les deux hommes. Ils savent qu’ils peuvent prendre leur distance. Galatea est armée jusqu’aux dents, redoutable comme le plus féroce des dragons si elle le veut.

Dans sa robe blanche, simple comme les lys qu’elle affectionne tant, elle se meut parmi la foule. Ses formidables yeux verts luisent et se baladent sur tout un chacun. Malgré le doux sourire qu’elle porte, la femme est toujours sur ses gardes. Sa présence ici n’est pas anodine. Il se peut que des vauriens se cachent sous ces tentes et profitent de l’euphorie des lieux pour entreprendre leurs méfaits.

Gracieuse comme l’eau, l’archevêque n’a point de mal à se trouver une place de choix entre les visiteurs. Placée là où elle est, son regard de Gueriaigle lui permet de surveiller beaucoup de choses. Elle repère même une dispute qui, heureusement, s’estompe bien vite.

Les adoptants ne devraient pas se battre pour les Pokémon présents. Galatea n’aime pas qu’on prenne ces créatures dont le destin n’est pas toujours le meilleur pour des biens à acquérir. La plupart des Pokémon ici présent ont un passé lourd. Il est du devoir des humains de leur offrir une meilleure vie. Mais ce n’est pas à une femme ou à un homme de choisir par préférence, ou pis, par profit. La nécessité est qu’un lien se forme entre les deux entités.

Bien vite, l’attention de la dame blanche est attirée par un Pokémon imposant. Son allure serpentine ne passe pas inaperçue, il faut le dire. Cependant, le pauvre enfant semble souffrir de la chaleur des lieux et de l’étroitesse des tentes.

Le cœur de Galatea est touché. Telle une mère aimante, elle souhaite s’enquérir de l’état du Léviator. S’il souffre, il faudra lui apporter de l’eau. Un peu plus loin, Elias et le moine suivent la scène sans un bruit.

Une fois près du serpent marin, la douce femme se surprend à entendre une conversation douteuse. Alertée, elle s’arrête et prie Arceus le Père pour que ce soit un malentendu. Là, à un mètre ou deux d’elle, Galatea peut voir deux hommes qui s’affairent devant le Léviator.

« … T’as vu sa trogne ? Il a l’air niais comme un Insolourdo.

-Je sais. Mais c’est un Léviator… Il peut servir. Rapporter gros.

-Pssht ! Moins fort… Bon, et comment ?

-Il peut faire peur aux navires. Y’en a plein à Kuni et… Viens, on va aller un peu plus loin, j’ai une sensation désagréable. »

Les voilà partis plus loin. Mais Galatea n’est pas prête à les laisser partir, et certainement pas avec cette pauvre créature. Elle trouve une responsable du salon et lui pose des questions sur le Pokémon en question.

« Candide est un Léviator… Particulier. Disons qu’il est vraiment naïf. Quand on l’a trouvé, il était en train de se faire utiliser par un pêcheur sans scrupule. Il fait confiance à n’importe qui.

-Oh, je vois. Pauvre enfant. »

L’archevêque sonde le serpent de ses yeux de jade. Il est vrai que Candide semble bien porter son nom. De ses yeux, le reptile cherche désespérément quelqu’un qui lui offre de l’attention. Toutefois, il n’obtient que des regards haineux ou apeurés. Les Léviator ont la fâcheuse réputation de détruire tout sur leur passage, y compris des villages entiers.

La jeune femme considère un instant ses pensées. Son instinct de mère la pousse à le choisir lui, plutôt qu’un autre. Oh, elle n’est pas venue avec la ferme intention de prendre un compagnon. Mais sauver une vie perdue sur un chemin sinueux est un réflexe chez l’archevêque.

Elle décide de s’approcher du serpent bleu et lui offrir une main pour la caresse. Le grand Pokémon pose ses yeux sur elle et semble sourire. En quelques sortes. Le Léviator approche sa tête et accepte qu’on lui gratte les écailles.

L’instant d’après, le duo de toute à l’heure revient à la charge. Ils s’adressent à la responsable ; ils veulent prendre le Pokémon.

Galatea s’interpose. Elle ne compte pas se battre, mais il lui faut un plan astucieux pour que ces deux personnes quittent les lieux sur le champ. Ils sont nuisibles pour le salon.

La discussion s’engage.

RP Solo

Résumé + indications:

«Il fait chaud ici, Leonys. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée de traîner trop longtemps pour Aster.»

Pourtant le bébé gazouille contre ma poitrine où il est installé à l’aide du rebozo, la tête tournée vers la foule, visiblement bien heureux du bain de foule. J’avoue moi-même me sentir assez inconfortable face à cette chaleur accablante, surtout avec le bébé ainsi blotti sur moi. Je me suis toutefois promis de jeter un coup d’œil à cet événement si spécial, pour bien des raisons.

«Relaxe un peu Akeira !» je peine à croire cette tendance inversée que prend cette conversation. L’amusement fait frémir mes lèvres. «Je ne veux que passer, voir ce qui pourrait se trouver ici. C’est un événement très spécial, et beaucoup de ces créatures sont en grand besoin d’un chez-soi. Ce serait l’occasion de te choisir un Pokémon, toi aussi. Tu sais que c’est à un Salon d’Adoption tel que celui-ci que Corvus a adopté Soleil ? Imagine si nous faisions une trouvaille aussi intéressante !»

Mon enthousiasme presque enfantin a tôt fait d’apaiser un peu les craintes de ma domestique, plus prudente depuis mon ascension au poste de conseillère. Une pointe d’amusement passe à son tour dans son regard et je mets un moment à réaliser la raison. Est-ce donc ma référence à Corvus et à son adorable Pichu ? Elle ne tarde pas à confirmer la chose.

«Oui, j’étais là quand il l’a expliqué, vous vous souvenez ? Vous ne manquez décidément aucune occasion de parler de votre cher amant.»

«Oh, chut.»

Comme pour soutenir la rouquine, le petit contre moi émet un cri de joie strident, qui attire à nous de nombreux regards attendris. Je les salue, un peu embarrassée, avant de prendre le chemin des étals. Nous arrêtons pour commander une boisson, papotant doucement en passant près des cages quand une conversation attire mon attention. Deux hommes, en retrait, discutent d’une manière infaillible de se servir d’un Pokémon, du Léviator non loin de ce que je peux comprendre, pour piéger des bateaux kuniois. Aussitôt je m’arrête pour surveiller la scène alors que les deux hommes, interrompant les caresses d’une femme à la chevelure verte auprès du serpent des mers, viennent réclamer l’adoption de cette majestueuse créature. Une discussion s’engage et je peux la sentir animée. Je ne peux m’empêcher de m’approcher et intervenir après les mots surpris à voix basse tout à l’heure.

«Excusez-moi, ces deux hommes discutaient tout à l’heure de techniques pour piéger des navires grâce aux talents naturels de Léviator pour l’intimidation. Leur confier cette créature serait peu judicieux, voire dangereux.»

Un des deux hommes fait volte-face pour m’observer, l’œil mauvais. Je ne flanche pas, répondant à son œillade avec une intensité nouvelle.

«De quoi j’me mêle, petite dame hein ?»

Petite dame. Humf.

«Léviator est une noble créature. Elle représente ma patrie, Kuni. Si vous menacez l’intégrité de ma nation et de son emblème, alors je suis directement concernée.»

L’homme s’avance. Vite, trop vite. Sa main se referme brusquement contre mon bras et tire douloureusement. Je ne vois plus qu’une ombre, qu’une menace. Je suis plongée dans des souvenirs, des souvenirs cruels, qui animent les parts les plus primitives en moi. Mon cœur s’emballe sous l’effet de la peur, mes muscles se tendent et la magie, elle, explose contre mes doigts qui, dans un mouvement réflexe, se sont dressés pour me protéger d’un coup éventuel. Mon corps réagit pour moi, cette vieille habitude développée aux mains d’un homme tout aussi violent. Le vent me submerge, je le sens qui court dans mes veines, prendre possession de tout mon être. Il se déverse à une vitesse fulgurante sur l’homme qui, sans s’y attendre, se trouve brutalement renversé sur le sol, se cognant durement contre quelques barils entassés à quelques pas. Aussitôt la décharge passée que je me sens m’affaissée, au bord de l’épuisement total. Je sens Akeira qui m’attrape et me soutiens, m’offrant quelques mots que je ne comprends pas pour le moment. Ma tête tourne. Je peux voir l’autre silhouette s’approcher, m’invectivant après ce que je viens de faire subir à son partenaire. Malgré la détresse dans laquelle je me trouve à l’instant, la rage pulse toujours en moi.

«Ne. Me. Touchez. Pas.»

Hors-Jeu:

À vrai dire, sans l’assurance que si elle se retirait je me trouverais en fâcheuse posture, j’aurais chassé tout autant Akeira qui me retient. Je frissonne de dégoût devant ce contact brusque et surtout non-consentant. Je darde contre le coupable un œil farouche : même s’il n’est pas en mesure de me rendre, je me sens encore furieuse et animée de passion. Mon corps refuse de suivre mon élan néanmoins, car l’autre malfrat semble aussi motivé que l’autre à obtenir gain de cause. J’ai beau tenter désespérément de lever un bras ou d’user de cette magie s’étant avérée salvatrice quelques instants plus tôt, j’ai épuisé mes réserves. Mon katana ne peut que reposer dans l’étui à ma ceinture, inefficace sans une main pour le redresser. Heureusement, l’autre femme s’interpose, immobilisant l’autre dans une clef de bras probablement fort douloureuse. Un faible sourire se peint sur mon visage de le voir ainsi souffrir et protester, sans parvenir à se dégager. Contrairement à moi, la femme aux cheveux verts est de grande taille et probablement plutôt costaude au niveau physique. Bientôt, les autorités interviennent pour capturer les deux responsables et les amener au loin. Je les suis du regard, me disant qu’ils auront beaucoup de chance que le cavalier aérien faisant partie de ma vie ne soit pas présent aujourd’hui. Oui, je doute que Corvus se serait montré aussi délicat si l’un d’entre eux avait osé lever la main sur moi. Peut-être vaut-il mieux tenir cet incident pour moi, pour m’éviter de me faire gronder d’être intervenue.

Alors que la femme guerrière s’éloigne pour discuter avant la personne tenant le stand, je prends place sur un des barils. Akeira m’évente, nerveuse de mon état. Je la rassure d’un sourire : j’ai simplement besoin d’un peu de repos après ce surmenage. À vrai dire, je ne m’attendais pas à être en mesure de créer un tel vent. Comme quoi mes entraînements ont progressivement porté leurs fruits. Je sursaute en constatant l’approche de la femme de tout à l’heure. Cette expérience m’a mise sur mes gardes. Elle s’approche pourtant presque à la manière d’une mère, ce qui aussitôt me porte à la méfiance. Je n’ai jamais eu de mère à proprement parler, ce n’est pas maintenant que j’en suis une moi-même que je m’attends à recevoir ce genre d’attention, surtout devant une personne à peine plus âgée que moi. Je l’écoute toutefois, avec mon stoïcisme habituel. J’hoche la tête devant ses remerciements.

«C’était aussi mon intention, je n’avais pas calculé l’approche de ce gaillard en ma direction. Je n’aime pas être touchée, encore moins de cette manière, et en plus alors que je porte mon fils. Ma magie s’est déclenchée d’instinct. Enfin, c’était tout naturel d’intervenir. Cette bête mérite effectivement de l’amour dans sa vie, pas de tomber aux mains de gens moins bien intentionnés. Vous devriez l’adopter, il serait certainement bien avec vous.»

Je vois Akeira ouvrir la bouche pour dire quelque chose, mais nous sommes interrompus par un cri au loin, puis plusieurs autres. Je vois plusieurs personnes s’écarter au passage d’une petite créature sur deux pattes qui zigzague entre leurs jambes. Je penche la tête pour mieux l’observer : il s’agit d’un petit dinosaure, mais je ne connais pas son espèce. Et elle se dirige tout droit vers… vers moi ? Elle est poursuivie par deux bénévoles du salon, visiblement essoufflés ! Sans même regarder où elle va, cette créature va foncer directement dans le baril où je suis assise si elle ne s’arrête pas. Je me redresse donc d’un bond, en levant les mains devant moi et en émettant un cri pour la stopper. Elle s’arrête en glissant maladroitement sur l’herbe, fonçant tout de même dans mes jambes, avec bien moins d’intensité que prévu heureusement. Un peu sonnée, elle se redresse et s’ébroue.

«Hé, ça va ?»

Je tiens moi-même à peine sur mes jambes. Pourtant je fais des efforts pour rester ainsi près d’elle. Elle redresse la tête vers moi, et je croise le rubis de son regard. Elle semble presque attendre une réprimande de ma part, or elle ne vient jamais. Je me contente de la scruter, curieuse. Sa tête semble être renforcée au niveau du crâne, dans l’objectif sûrement de la bataille. Un coup de crâne de cette chose doit être bien douloureuse. La petite me sourit un instant, ce qui me fait lever les sourcils avec encore plus d’intérêt. Le petit dinosaure, voyant l’approche des bénévoles, court se cacher derrière le baril. Un homme et une femme, à bout de souffle, s’adressent à nous :

«Vous l’avez trouvée ! Arceus, cette Kranidos est un désastre sur pattes, c’est un miracle qu’elle n’ait pas cassé quelque chose. Elle ne vous a pas importunée, madame ?»

«N-non, bien sûr que non. Elle n’a rien fait de mal, ne vous inquiétez pas.»

«Surprenant. Elle a une sale réputation, vous savez ? Maya est d’une maladresse légendaire et elle n’aide pas son cas en courant partout de la sorte.»

«C’est un Pokémon, sa destinée n’est pas d’être encagée. C’est normal qu’elle veuille se dégourdir les jambes.»

Je jette un coup d’œil à la femme de tout à l’heure. Peut-être pourrait-elle aider à rétablir la réputation de cette… Kranidos comme ils l’ont nommé. Ce sujet me tient à cœur, vu que j’ai moi-même subi de nombreuses rumeurs et autres écarts à ma réputation. À quoi bon si Maya est maladroite ? Personnellement, je la trouve plutôt adorable en son genre.

- Je vois. Un fuyard intempestif, donc.

- Plus pour longtemps! J'ai bon espoir de lui trouver un tuteur qui...

- Il me plaît. Je me porte volontaire.

- ... Vous, madame? Remarque, avec une Chevalière d'Or, ce n'est pas la discipline qui manquera.

Charlie se sentit presque attaquée par ce stéréotype tout à fait réducteur. La petite Dinoclier, sagement perchée sur son épaule, put sentir le haut du corps de la chevalière se braquer.

- Vous lui avez donné un nom?

- Poucet. En référence à un conte qu'on me racontait quand...

- Alors je l'appellerai Tommel, le coupa-t-elle.

Le randonneur sembla sceptique.

- Ça veut dire "pouce". J'ai des racines nordiques.

- J'avais compris. C'est simplement que je l'ai habitué à "Poucet", pas à autre chose...

- Eh bien il s'adaptera. C'est aussi ça, la discipline.

Et toc!
Elle n'en pensait pas un mot, évidemment. "Poucet" sonnait simplement un peu trop commme un mot de la langue commune: une belle créature dorée comme ce Roussil méritait mieux.

Le randonneur lui transmit la Captis Ball du spécimen. Charlie s'en saisit avec douceur, sachant à quoi elle s'engageait: si elle échouait à nouer un lien avec Poucet, elle pouvait dire adieu à Tommel... Son regard rejoignit celui du renard, que son propriétaire de fortune libéra pour le remettre officiellement à la chevalière.

Aussitôt, le Roussil remua la queue pour frotter la branche qu'il tenait contre sa fourrure, et l'allumer. Il plaça la flamme devant le regard de Charlie qui, comme une enfant, perdit son attention dans la lueur du feu, distraite. Poucet s'était ainsi acheté quelques secondes de battement, et il ne lui en fallut pas plus pour s'échapper.

Le randonneur le vit s'éloigner avec désarroi.

- Vous l'avez déjà laissé filer...

- Rassurez-vous, fit Charlie confiante en tournant la tête, il n'ira pas bien loin.

Le Roussil était rôdé à l'exercice de se faufiler entre les jambes, même dans une telle densité de population. En revanche, rien dans sa courte vie ne l'avait préparé à affronter le regard d'un Monorpale: Olrik, dans son fourreau, s'était placé entre lui et le monde. C'était au tour de Poucet de se laisser distraire: jamais il n'avait vu une créature aussi inquiétante. La flamme sur sa brindille cessa brusquement de brûler.

Lorsque Charlie les rejoignit, il n'osa pas lui refaire le coup.

- Tommel. Suis-moi maintenant.

Elle fit mine de partir. Le renard ne bougea pas. Elle soupira.

- Poucet.

Et Poucet suivit.

***

Charlie était en pause: elle ne portait pas son armure, mais une chemise en lin. Lorsqu'elle vit quelques barils s'effondrer au loin, elle mit du temps à reconnaître Léonys, et dut se retenir d'intervenir. Sa cousine était à terre, mais elle semblait à la fois bien entourée et tout à fait en mesure de se défendre. Mais lorsqu'elle reconnut Galatea, la respectable archevêque qu'elle avait rencontrée aux ruines de Léros, elle finit par se décider à les rejoindre, non pas pour leur offrir ses services mais bien pour les saluer.

Le temps qu'elle les atteigne à travers la foule et l'agitation du salon, un nouvel élément perturbateur s'était déjà propagé jusqu'à la conseillère de Kuni pour lui rentrer dedans.

Maïken, la Dinoclier, était toujours sur l'épaule de Charlie. Lorsqu'elle reconnut l'apparence du trublion au pied de dame Valencia, elle émit un cri provocateur.

- Qu'est-ce qu'il t'arrive, Maï?

Comme la quadrupède semblait particulièrement agitée, Charlie la laissa descendre, en la posant au sol. Et tout naturellement, Maïken partit à la rencontre de Maya. La nature opposait ces deux spécimens. Elle lui aboya dans sa langue:

- Vas-y, crâne de Noeunoeuf ! Rentre-moi dedans si tu l'oses !

Et puis l'instant d'après... Elle s'écarta poliment.

- Euh. Enfin, comme tu veux, bien sûr. Je n'entends forcer personne.

Charlie se frotta la nuque. Cette Maïken était décidément pleine de surprises.

Elle se tourna enfin vers sa cousine, dont elle avait savouré le franc-parler.

- Salutations, Léonys. Je vous présente Maïken, une copine des pics de Sakaï, rencontrée pendant mon récent pèlerinage. Et même si elle a parfois une attitude un peu surprenante quand elle est livrée à elle-même, je vais suivre votre conseil et la laisser se dégourdir les jambes avec sa camarade... Entre "désastres sur pattes", elles se comprendront.

L'imposante jeune femme avait son air mi-enjoué, mi-ailleurs. Elle appréciait sincèrement Léonys, mais ne savait pas s'il était réellement nécessaire d'afficher publiquement leur relation familiale dans une situation pareille. Même auprès de Galatea, dont elle avait déjà pu apprécier la compagnie.

- Heureuse de vous revoir ici, dame Regalia... Vous me reconnaissez? Je n'ai pas mon armure, mais c'est bien moi.

Ce n'est qu'alors qu'elle remarqua le Léviator derrière elle. Elle haussa un sourcil et esquissa un sourire franc pour saluer dans un hochement de tête cette imposante bestiole, qui semblait avoir été au centre de gravité de l'incident précédent.

- Armure ou pas, j'ai suivi la scène de loin. Les gardes et vous-même avez l'air d'avoir géré l'affaire proprement, mais si je peux être utile d'une quelconque manière, vous n'avez qu'un mot à dire... lâcha-t-elle à l'attention de Galatea et Leonys en faisant claquer son poing dans sa paume, pour bien se faire comprendre.

Même en vacances, Charlie la géante était disponible pour botter les postérieurs insolents.

Être prise pour acquis et considérée d’une manière faussée, je peux comprendre parfaitement le sentiment émis. Les gens ne se donnent pas la peine de comprendre réellement ce qui leur fait face et, dans mon cas précis, il faut bien avouer que je ne leur en donne pas bien la peine. Ce qui explique mes raisons majoritairement ne se glisse simplement pas dans une conversation; il s’agit de mon jardin intime auxquels peu ont accès encore à ce jour. Tout dépend des attentes d’autrui j’ai envie de dire, mais quelque chose me dit qu’on ne peut jamais les satisfaire pleinement. Si cette Kranidos se trouvait à être docile comme ce que ces bénévoles l’espéreraient, elle perdrait ce qui à mon sens la rend unique et parfaitement imparfaite. Qui sommes-nous, humains, pour la priver de ce plaisir ? À vrai dire, si elle aspire à la liberté ainsi, pourquoi cherche-t-on à l’encager ? Tout cet échange ne fait absolument aucun sens à mes yeux et je me ravis lorsque la dame aux cheveux verts m’appuie. De toute évidence nous avons certaines valeurs en commun qui transparaissent au cœur de ces situations hors du commun. Suivant cet échange, Maya s’est rapproché un peu de mes jambes. D’une main prudente, je cherche à lui toucher le crâne, qui semble si rugueux ! Voyant mon effort pour la toucher, la petite n’hésite pas à s’hisser sur ses orteils pour établir le contact. Son geste m’a fait sursauter. Je perds rapidement mon expression de surprise au profit d’une expression attendrie.

Je redresse les yeux en direction de l’étrangère alors qu’elle reprend la parole, annonçant son intention d’adopter Candide. Ce dernier paraît enthousiaste à cette idée, ce qui ne manque pas de me tirer un léger sourire. Je peux sentir contre moi la main d’Akeira, qui me supporte toujours dans la crainte de me voir tomber et d’emporter mon fils dans ma chute, néanmoins je me sens progressivement plus assurée sur mes jambes, bien que toujours aussi faible. Avant de rejoindre Corvus pour les festivités, il me faudra m’allonger un moment je pense. Ce que l’autre suggère ensuite me tire un hoquet étonné : à vrai dire malgré ma curiosité envers la bipède, je n’avais pas vraiment considéré la chose.

«Oh oui, madame ! Vous semblez avoir du caractère et de la douceur tout à la fois, c’est ce qui faudrait à Maya !»

Devant toutes ces suppositions à mon sujet, je ne peux m’empêcher de rougir avec une certaine intensité. Heureusement, l’arrivée d’une silhouette immense interrompt ma gêne grandissante. Accompagnée d’un autre dinosaure que je n’avais jamais vu auparavant, ma cousine Charlie nous gratifie de salutations polies. Je suis même surprise de constater qu’elle connaît mon interlocutrice, une certaine Dame Regalia. Probablement quelqu’un d’important dans son pays d’origine.

«Bonjour très chère cousine. Je ne connaissais pas ce Pokémon, comment l’appelle-t-on ? Elle a l’air très mignonne.»

D’ailleurs, la Kranidos s’en est approchée en reniflant avec énergie, curieuse et intéressée. Si elle représente l’attaque brutale, sa vis-à-vis est la défensive pure : avec sa large tête de métal, elle peut probablement repousser n’importe quel assaut. Ici Maya n’a aucune intention néanmoins de lui porter préjudice, même qu’elle semble plus motivée à jouer qu’autre chose.

«Ça ira, comme dit Dame Regalia. Néanmoins vous pourriez m’aider à regagner ma tente, car je crains me sentir un peu légère sur mes jambes après cette démonstration magique imprévue.»

«Attendez, vous ne voudriez pas… vous pourriez prendre Maya avec vous.»

Mon regard glisse jusqu’à la Kranidos à mes pieds qui, reconnaissant son nom, a redressé la tête en ma direction. Elle m’observe avec une telle candeur que je peux sentir mes réserves s’envoler. C’est facile, presque trop facile.

«Je… je suppose que oui. Vous êtes plusieurs à croire qu’il s’agirait d’une option viable. Puis je dois avouer qu’elle ne manque pas du tout de charme. J’espère que la mer te plaît, petite Kranidos.»

Je lui souris, me demandant tout de même dans quelle folle aventure je peux me lancer en l’adoptant ainsi. Seul l’avenir le dira je suppose.