Stoïque, Charlie soutenait le regard de la Canarticho avec un brin d'empathie. Affronter le regard d'Olrik: voilà un désir qu'elles partageaient. Pourtant, en entendant la comparaison évoquée par Galatea, la chevalière ne put percevoir autre chose qu'un affront: comment pouvait-on associer la solidité des chevaliers d'Or à cet oiselle si peu sûre d'elle? Galatea avait fait référence à un Pichu qui l'aurait traumatisée, était-ce la petite daube qu'elle avait croisé avec son Rhinocorne un peu plus tôt? Même en l'imaginant dans sa forme supérieure de Palarticho, cette représentante de l'espèce faisait peine à voir. Elle avait un long chemin à parcourir... ce qui leur faisait un autre point commun.

- Le destin... un sacré farceur, celui-là. Je n'ai jamais demandé à ce qu'un pokemon m'accompagne. La présence de ces créatures à mes côtés a toujours été dispensable. Pour une raison qui m'échappe, cette tendance s'inverse depuis que ce Monorpale s'est glissé dans mon quotidien. Je ne peux pas chérir un fardeau. Personne ne le peut.

En parlant, elle observait silencieusement le jeu de regards et de défi entre le glaive et l'oiseau, ainsi que la contribution du dragon spectral qui avait entrepris une négociation avec Olrik... à reculons. Et évidemment sans effet: le Monorpale persistait à fixer le volatile, sans prendre en compte l'existence de Deidra.
Cette scénette ne laissait pas la chevalière indifférente.

- Mais accepter de le partager avec d'autres, c'est peut être une partie de la solution. La ressemblance entre les chevaliers de mon rang et cet oiseau n'est pas flagrante pour l'heure, mais puisse le temps vous donner raison.

Alors Charlie dépassa Olrik et s'avança vers la Canarticho, paisiblement. Une fois à son niveau, elle se retourna vers Olrik, et se joignit à l'oiseau pour faire face au glaive et son œil unique, triste, fade, secret.

- Petite combattante au poireau... je te fais chevalière. Tu te nommeras Hildùr. Un jour nous vaincrons ensemble le l'odieux mystère qui enveloppe ce glaive. C'est une promesse.

Cet instant vaguement solennel passé, Charlie se retourna vers Galatea et ses compagnons avec un sourire.

- Dites à Deidra de ne pas se fatiguer. Olrik ne laissera pas cet oiseau tranquille, et inversement. Nous apprendrons tous les trois à vivre ensemble, chacun avec le poids de la présence des autres, jusqu'à ce qu'elles cessent d'être un poids. C'est en tout cas mon vœu.

Comme pour illustrer l'instant, une étoile filante traversa les ruines de Léros, et s'effondra au sol un peu plus loin dans un éclair aveuglant. Il fallut plusieurs instants à Charlie, Hildur et Olrik pour comprendre que ce n'était pas une étoile filante, mais une créature de type électrique.

Charlie fit volte-face. En voyant son Rhinocorne se rapprocher d'eux d'un pas nonchalant, elle eut peur de comprendre. Björn avait encore frappé.

- Björn, je pensais avoir été claire... on respecte les morts. Pas de violence ici, vu?

Le Rhinocorne ne semblait pas préoccupé par le sermon, ni par l'injustice liée au fait que c'était le Pichu qui avait lancé les hostilités le premier. Il se contentait d'étudier paisiblement les visages de chaque membre de l'assemblée, s'arrêtant quelques instants sur celui du Canarticho. C'était qui, celle-là? Que faisait-elle entre les pattes de Charlie?

- Bon. La bonne nouvelle, c'est que ce Pichu ne cassera plus les pieds de personne ici. J'aurais aimé voir Hildur lui rendre la monnaie de sa pièce à l'écart des ruines, mais il faut croire que Björn lui a ôté ce plaisir.

Pour être précis, Björn et le Pichu s'étaient livré à un interminable concours de Mimi-Queue, poussant chacun l'attendrissement de l'adversaire à un niveau rarement égalé. Pichu en ayant eu marre le premier, il avait fini par décocher un éclair sur le Rhinocorne, ce qui eut une absence totale de conséquence sur la vie du quadrupède. Lassé, celui-ci avait fini par lui rentrer dedans, d'où l'étoile filante.

Entre Björn, Olrik et Hildur, Charlie commençait à identifier la place que prenait chaque membre de son équipe dans sa vie, et la partie d'elle-même que chacun d'entre eux lui renvoyait. Et même si Olrik restait le moins limpide de tous, à mesure que les rangs de son armée s'élargissait, la chevalière se sentait de moins en moins démunie.

Elle se tourna vers Galatea une nouvelle fois.

- Merci pour votre médiation. J'ai beau m'alourdir d'un bec à nourrir, je crois que je me sens bien plus légère.

HRP: