THE HAUNTED HOUSE

We stop looking for monsters under our beds
when we realize they are inside us.
Crédit Image : Sarah Ford

Ce RP se passe au mois de Mars 220,
soit AVANT la venue du Chaos sur Ekoe.

Le Manoir de Clavy faisait beaucoup parler de lui ces derniers temps. Corvus ignorait si cela avait un rapport avec les sombres évènements qui se tramaient à Ekoe ou si tout cela n’était qu’une pure coïncidence, mais les gens étaient de plus en plus nombreux à vouloir s’y rendre. Excès de curiosité, véritable volonté de percer ses mystères, les raisons étaient toutes aussi nombreuses et variées les unes que les autres, mais elles avaient toutes un point en commun : personne ne voulait s’y rendre seul. Dans un sens, Corvus était bien content de voir que les gens n’étaient pas si idiots que cela – le Manoir n’était pas sans danger – cependant, le jeune homme avait du mal à comprendre ce récent intérêt pour cette vieille bâtisse abandonnée. Le Manoir de Clavy était devenu une attraction et les gens, avides de sensations fortes, faisaient la queue pour s’y rendre ou presque.

Lorsque Delsin lui avait demandé de l’accompagner pour cette lugubre aventure, Corvus avait été bien incapable de refuser sa requête … d’abord parce qu’ils se connaissaient depuis un moment maintenant – Delsin connaissait bien Ewa, la mère de Corvus, et les deux garçons n’avaient pas manqué de passer de longues heures ensembles parmi les livres de la Grande Bibliothèque – mais aussi et surtout parce que le jeune érudit ne lui demandait pas souvent quelque chose, ce qui rendait ses demandes spéciales aux yeux du sakaien. Se rendre au Manoir de Clavy semblait être important pour lui, aussi avait-il accepté sans vraiment poser de question.

Le vieux manoir se tenait aux abords du Lac Noctali et parce que Corvus ne voulait pas déranger Skadia son Airmure pour un voyage aussi court, le jeune homme avait fait le choix de faire le trajet sur le dos d’une des nombreuses montures terrestres qui composaient l’armée de Sakai. Corvus avait pris pour habitude de prendre un grand Bourrinos dénommé Brutus qui, contrairement à beaucoup d’autres chevaux de l’armée, avait l’avantage d’avoir suffisamment de force pour pouvoir le porter. Parce qu’ils étaient de Sakai et qu’ils connaissaient la région mieux que n’importe qui, ils traversèrent la forêt et le marais sans encombre, là où d’autres n’auraient pas manqué d’y trouver bien des difficultés.

Bientôt, les murs sombres du manoir abandonné se dessinèrent à l’horizon. Sur l’épaule de Corvus, droit comme un i se tenait Soleil de petit Pichu, qui observait cette vieille maison le regard emplis de détermination. Si Soleil était de nature lâche, il n’en était pas pour autant sans courage … aussi longtemps que le danger se tenait à bonne distance. Silencieux comme jamais, le petit groupe qu’ils formaient s’approcha de la vieille bâtisse que l’on disait hantée. A l’extérieur, tout était délabré ou en ruine : le jardin n’était plus qu’un amas de verdure étouffées par les ronces et le lierre. La mousse, davantage marron que verte, recouvrait chaque pierre, chaque pavé … cet endroit faisait froid dans le dos et Corvus n’avait pas manqué de prendre son épée avec lui, ainsi que ses meilleurs pokémons.

Harnaché de la tête au pied, Brutus s’arrêta lorsque Corvus referma ses doigts sur les rênes … devant eux se dressaient deux portes en bois d’ébène, sculpté d’innombrables détails que le temps lui-même n’avait su effacer. Brutus s’ébroua un instant, mâchonna nerveusement le mors qu’il avait dans la bouche tandis que Corvus mettait pied à terre. Le sakaien accrocha les rênes à un vieil anneau tout en jetant un regard en direction de Delsin.

« — Tu es sûr de vouloir rentrer là-dedans ? » lui demanda Corvus, comme pour s’assurer qu’il n’avait pas changé d’avis. Ce n’était pas son genre bien sûr, mais il était toujours temps de faire demi-tour … la peur pouvait prendre bien des formes et personne – personne ! – ne pouvait s’y soustraire.

HRP:

L’Érudit préfère de loin les voyages à pied. Une habitude, prise au fil d’années d’errance partout à Ekoe pour l’exercice de ses études. Il se plaît ainsi à découvrir des avenues qu’il n’avait alors jamais envisagées, et à dénicher de véritables petites merveilles. Pourtant, de louer une monture pour l’expédition s’avérait ici une meilleure option à bien des égards, ne serait-ce que pour le temps investi dans le voyagement en lui-même. Ainsi, plus d’instants se consacreraient à la découverte des lieux, mais particulièrement celle de ses habitants. Delsin porte un intérêt grandissant pour les Spectres depuis quelque temps. Il lui semble, après des lectures exhaustives ces dernières semaines, que la littérature ne comprend surtout que des ouvrages basés sur la superstition et les croyances plutôt que sur une approche scientifique de la définition du jeune homme. Textes sacrés, récits et légendes, voilà sur quoi le Sakaien a pu tomber dans ses recherches. Aucune mention réelle des pouvoirs de ces créatures, le principal sujet d’intérêt du garçon. Effectivement, l’Érudit se spécialise en l’énergie spécifique des Pokémon. Ce qui définit un individu par rapport à un autre. Quelles sont les variables qui influencent la puissance d’un tel, par rapport à un autre individu ? Un sujet plutôt large, sur lequel il a déjà remis une thèse. Il est encore à l’étape un peu brouillonne de chercher son prochain sujet d’écriture. Peut-être pourrait-il lancer les bases des connaissances sur les Spectres, ces créatures malaimées et méconnues ?

Déjà, une multitude de questions fusent dans son esprit créatif et hautement curieux. Heureusement pour lui, il est bien accompagné par quelqu’un beaucoup plus intéressé par la destination : Corvus de la maison d’Eddaryon. Un noble, avec ce pauvre garçon d’une famille somme toute plutôt modeste ? Delsin a fait sa connaissance via la mère de celui-ci, la grande Ewa, un personnage qu’il admire énormément. L’Érudit a spécifiquement demandé au cavalier aérien de l’accompagner lors de sa quête, pour bien des raisons. Il ne doute pas que le jeune homme, tout aussi taciturne qu’il peut l’être lui-même, ne viendra pas troubler ses recherches. Ce qui l’intéressait surtout ici néanmoins n’est pas son absence de longs discours, mais bien sa carrure impressionnante. Nul doute qu’avec un tel protecteur à ses côtés, il n’aura rien à craindre de personnages mal intentionnés sur les routes parfois trompeuses de Sakai. Depuis son dernier voyage à Mido, le garçon est terrifié des routes, même s’il a encore du mal à le reconnaître.

Alors que les deux compagnons parviennent devant une bâtisse à l’air lugubre, Delsin sent une étincelle d’excitation le parcourir. Il saute depuis sa monture, louée pour le temps de l’expédition, un Tauros tranquille qui l’observe d’un œil torve. Le noiraud fait aussitôt appel à Kateya. La louve apparaît devant eux. Depuis les derniers mois, son caractère s’est beaucoup assagi, retournant progressivement vers le chiot qu’il a connu lors de leur rencontre. Néanmoins la Lougaroc conserve certains traumatismes de leur mauvaise rencontre sur les routes de Mido, elle aussi. En voyant le Bourrinos et son cavalier près d’eux, elle sursaute et grogne. Delsin la rassure aussitôt.

«Bien sûr que je suis certain. Penses-y ! Un territoire inexploré, infesté de spectres de tous les horizons, une vieille demeure pleine de secrets et d’histoires inavouées ! Où est mon carnet de notes… Ah le voilà. Je suis donc prêt.»

Il attache sa monture près de la massive porte en bois, avant de s’y engouffrer sans même attendre celui qu’il a pourtant réclamé pour son protecteur. Des vilaines herbes poussent là pêle-mêle, ralentissant leur progression. Déjà, il règne une ambiance sinistre dans les lieux à laquelle le garçon semble imperméable. Il a commencé à gribouiller quelques informations en jetant un coup d’œil intéressé aux alentours.

«Mon objectif aujourd’hui est de faire l’observation des spectres et de leurs pouvoirs. Comme cet endroit est réputé pour être hanté, j’ai pensé qu’il pourrait s’agir d’un excellent endroit où débuter.»

Delsin n’a pas vraiment expliqué ses raisons de l’engager à Corvus. L’idée ne lui a même pas traversé l’esprit à vrai dire. À présent, il ressemble à un enfant, à la découverte d’une nouvelle expérience. Il expliquera plus tard. Peut-être.

L’intérieur de la demeure Clavy respecte la thématique proposée à l’extérieur. Néanmoins, on constate ici davantage la déchéance de la famille l’ayant habitée. Les murs envahis de toiles d’araignées, les meubles renversés et envahis de poussière, les débris de plusieurs petits objets cassés. Cet endroit raconte de quelle manière un peuple furieux a défoncé la porte, s’était engouffré ici pour déverser leur haine sur ses occupants. De drôles de gens, les Clavy, apparemment. Delsin ne se soucie pas de ces histoires. La révolution contre les nobles a eu lieu bien longtemps avant sa naissance. S’il n’apprécie pas particulièrement l’aristocratie, il parvient à faire la part des choses. Par exemple, il ne tiendrait pas rigueur à Corvus ses origines. Le jeune homme ne lui a témoigné à présent que respect et considération, malgré ses propres origines modestes. L’Érudit se fiche complètement des étiquettes sociales. Ce qui fait la valeur d’une personne à ses yeux est sa connaissance, ou du moins sa curiosité sur le monde. Le garçon erre dans la pièce, tentant de repérer des indices de la présence de spectres alors que son garde du corps suggère de ne pas se séparer.

«De toute manière je n’aurais aucun intérêt à évoluer sans vous dans cette demeure. Nous ignorons si ce lieu recueille des bandits. Je ne voudrais pas tomber sur eux.»

Il ajoute, à mi-voix, mais probablement assez fort pour que l’héritier des Eddaryon ne l’entende :

«Pas encore.»

Kateya a levé les yeux vers son dresseur, en gémissant. Delsin lui offre une caresse sur la tête. Malgré sa puissance nouvellement acquise, la Lougaroc souffre encore énormément de cette mauvaise rencontre. Sa nervosité ne fait aucun doute alors qu’elle s’éloigne pour parcourir la pièce, en reniflant chaque objet croisé sur sa route. Drôle que le jeune homme nomme sa crainte des bandits et non celle des fantômes qui peuplent cet endroit selon la légende. Justement, une tasse se met à voler dans la pièce. Seul objet non recouvert d’une épaisse pellicule de poussière, il intrigue bien entendu le plus jeune des deux.

«Eh bien, il n’a pas fallu attendre bien longtemps pour rencontrer des spectres. Bonjour à toi.»

Oui, il distingue bel et bien des yeux, et un mouvement qui ne peut appartenir à un simple objet. Delsin n’a jamais vu un tel spécimen. Il se met aussitôt à décrire les comportements observés. La tasse s’approche, comme pour avoir une meilleure vue de l’Érudit. Entre ses pieds, une ombre surgit, s’approchant discrètement. Kateya a beau prévenir son maître d’un jappement, le pauvre n’a rien remarqué jusqu’à ce qu’il se prenne une bonne Léchouille sur la joue. Le responsable, un Fantominus sympathique, rigole. Sauf qu’il ne réalise pas que son attaque a des propriétés paralysantes.

«Oh fascinant, fascinant ! Ce Léchouille, il… ouf, je peine à bouger. Ze pense ‘ue ma langue a enffflé.»

La Léchouille n’est pas assez puissante pour immobiliser complètement le garçon, néanmoins il est évident que son corps y réagit, par ce qui se ressemble à une réaction allergique. Pourtant, cet imbécile continue de sourire bêtement en regardant ses deux nouveaux amis.

THE HAUNTED HOUSE

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Crédit Image : Sarah Ford

Corvus ne dénotait pas dans ce lugubre, austère et silencieux manoir. Vraiment pas du tout. Le Manoir des Clavy, cependant, était l’exemple même de ce qu’aurait pu devenir les Eddaryon si, en d’autres circonstances, ses dirigeants de l’époque n’avaient pas eu le discernement de se ranger du côté du peuple, ou du moins de ne pas lui faire obstacle. Cette survie, les Eddaryon la devait à la mère d’Assam, la grand-mère de Corvus, qu’il n’avait jamais eu l’occasion de rencontrer et pour cause : elle était morte bien avant sa naissance. Là où son mari avait fait le choix de se battre et de mourir pour le roi, la jeune femme de l’époque avait fait celui de la sagesse et de l’humilité, permettant ainsi à la maison d’Eddar de prospérer … malgré cela, Corvus n’oubliait pas qu’en ce monde, rien n’était permanent ni définitivement acquis ; s’ils faisaient les mauvais choix, s’alliaient aux mauvaises personnes, leur sort ne serait pas si différent des Clavy. A la lumière de cette vérité, Corvus demeurait prudent, tant de manière générale qu’en cet instant précis.

Delsin ne manquait pas de l’intriguer. Il était davantage inquiet à l’idée de rencontrer des bandits qu’à celle de croiser des pokémons potentiellement plus dangereux … pourquoi ? Il n’y avait rien à voler ici, le peuple s’en était chargé bien des années auparavant. Quant à Giratina … non, vraiment, qui pourrait bien avoir la folie de vouloir s’en faire bien voir ? Ses paroles, ajoutées à mi-mots, n’échappèrent pas à l’attentif sakaien. Il hésita un instant, avant de lui demander.

« — Tu as eu des problèmes avec des bandits ? » le questionna-t-il.

Dans un recoin de la pièce, Corvus aperçut un Chacripan qui les observait, immobile comme jamais. Seule sa queue se balançait de droite à gauche et en guise de salutation, Salava lui grogna dessus d’un air menaçant. Plus surprit qu’apeuré, le chat de l’ombre fila à toute vitesse en direction d’une autre pièce, non sans faire s’élever à son passage un nuage de particules fines, que les rares rayons du soleil qui étaient parvenu à pénétrer dans le manoir faisaient apparaître.

Leur présence, bien évidemment, ne manqua pas d’être remarquée par la faune locale et le Chacripan ne fut pas le seul à s’intéresser à eux. Presque timidement, une petite tasse lévita jusqu’à eux, tournoya doucement autour de l’érudit. Delsin suivit chacun de ses mouvements, si bien qu’il ne vit pas le Fantominus sortir du sol en-dessous de lui. Le fantôme s’approcha de lui, un peu trop au gout de Corvus.

« — Delsin fait att…. » tenta-t-il de le prévenir. Trop tard, le Fantominus venait de le gratifier d’un coup de langue. Loin de s’en écœurer, le jeune homme s’en amusa, sous le regard effaré de Corvus. D’un geste de main, le sakaien tenta de faire partir le spectre, puis se rapprocha de Delsin « Est-ce que ça va ? » lui demanda-t-il, non sans le parcourir du regard. Cela n’avait pas l’air trop grave et s’il n’avait que la langue de touchée, ma foi, cela était inespéré … quelques instants de silence se serait pas plus mal.

HRP:

Delsin devrait probablement répondre aux interrogations de son garde du corps temporaire, néanmoins sa concentration s’est tournée toute entière vers les Pokémon. Véritable lunatique lorsqu’il s’agit de ses sujets d’études, il a presque oublié à la fois la question de Corvus, ainsi que sa prudence. Ses longues années à accompagner son père à la chasse l’ont en quelque sorte «guéri» de toutes appréhensions (pourtant bien fondées) devant les Pokémon. Son père l’a forgé sur le même code de valeurs : à leurs yeux, ces créatures ne peuvent représenter un danger. Si c’est le cas, c’est simplement qu’un besoin est non résolu, alors, il faut aider la pauvre chose. Une vision des choses réductrice probablement, et probablement non-partagée par son acolyte vu ce qu’il a pu vivre sur une certaine plage auprès d’une certaine petite souris jaune. La paralysie qui fixe lentement ses lèvres et fait gonfler ses traits ne l’incommode pas plus qu’elle ne l’inquiète. Même qu’il s’en moque malgré l’inconfort ressenti, cette sorte de picotement qui limite ses mouvements. Delsin tente encore une fois de dire quelque chose au Fantominus, qui a disparu avec enthousiasme dans un mur. Le spectre n’a probablement pas remarqué l’effet de son bisou baveux sur la peau de l’humain, cherchant juste à offrir un peu de son affection débordante. Ce n’est pas souvent qu’ils sont visités par des humains après tout.

«Mais oui !» l’enflure à la langue a déjà rétracté et il parvient à parler de nouveau, avec tout de même un drôle de parler. Son visage malheureusement, continue de rondir. «J’ai une peau fwagile un peu, elle reviendwa à la nowmale sous peu. Cessez de vous inquiéter Corvus je vous en prie !»

Il rigole légèrement, parce que tout de même la situation l’amuse, même si elle n’a rien de vraiment amusante. Un cri soudain, près du sol, le tire de ses réflexions. Deux oiseaux se livrent une bataille d’apparence inégale. Delsin se plaît à les observer, faisant des expressions pensives que le petit Théffroi, resté à ses côtés, semble motivé à imiter. À vrai dire, la tasse spectrale ne semble plus vouloir quitter le garçon. Il est bien trop amusant avec son beau visage en ballon ! Réalisant la proximité du petit fantôme tend une balle en direction de l’intéressé.

«Tu m’as l’air tout aussi curieux que moi, Théffroi. Que dirais-tu de m’accompagner ?»

Cela lui offrirait la chance de l’étudier un peu plus longtemps, recenser ses comportements au quotidien ! Puis, en le voyant, il ne peut s’empêcher de penser à quelqu’un.

«Ce Pokémon plairait très certainement à Trixie. Il ferait un tabac à l’auberge. Elle serait contente.»

Delsin n’a jamais parlé à Corvus de Trixie, mais de toute évidence, il s’agit de quelqu’un à qui il porte une grande estime. En attendant la réponse du petit spectre, l’Érudit se retourne en direction du cavalier aérien.

«Vous pourriez capturer un Pokémon vous aussi ! Comme un de ces Minisanges, c’est l’idéal pour votre profession.»

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Crédit Image : Sarah Ford

Delsin semblait prendre plutôt bien ce langoureux contact avec le spectre. A sa place, Corvus aurait été bien moins … magnanime ; il aurait pesté, à n’en pas douter. Bien vite, le Fantominus disparu derrière un mur, laissant tout l’occasion à Delsin de se remettre de cette marque d’affection plus que douteuse. Le garçon avait beau lui dire de ne pas s’inquiéter, Corvus ne faisait que cela. Autour de lui, la petite coupe vivante ne cessait de léviter, virevoltant de droite à gauche, curieuse comme jamais. Elle ne cachait pas l’intérêt qu’elle portait en la personne de Delsin et lorsque l’érudit lui proposa de l’accompagner, le petit pokémon accepta avec une facilité … déconcertante. Bien des choses échappaient encore au raisonnement de Corvus.

Trixie ? La serveuse de l’auberge ? Corvus la connaissait vaguement. Il y était passé quelque fois, n’avait pas manqué de retenir son nom, puisque c’était ce que tout le monde faisait. Elle était aimable et serviable – c’était son métier après tout – et Corvus fut étonné de comprendre que Delsin la connaissait suffisamment pour lui offrir un pokémon. Sur ce point, le jeune homme était bien d’accord avec lui : cette petite tasse ne manquerait pas de faire sensation là-bas ! Et puis, celle-là, personne ne pourrait la casser …

L’attention du sakaien fut finalement attirée par deux oiseaux qui se chamaillaient avec beaucoup de ferveur. Leur cri et le battement de leurs ailes s’élevaient dans le manoir et cette dispute, qui n’aurait pas manqué de passé tout à fait inaperçu à l’extérieur de ces murs, faisait un boucan d’enfer dans cette silencieuse maison. Attirée par le mouvement, Salava s’approcha d’eux … si elle s’y prenait bien, peut-être parviendrait-elle à en grignoter un. Delsin les désigna, invita Corvus à en capturer un. Le jeune homme les détailla un instant, un peu sceptique : les animaux étaient à peine plus grands que sa botte. Du plus loin qu’il s’en souvenait, c’était même l’oiseau le plus petit qu’il ait jamais vu. Lui servir, à lui, pour ce qu’il faisait ?

« — Que pourrais-je bien faire d’une chose aussi … minuscule ? » lui fit remarquer Corvus.

Il doutait même de la capacité de ces petites choses à porter ne serait-ce qu’un message. Loin d’être convaincu, le sakaien passa son chemin, laissant ses pas – ou plutôt ceux de Delsin – les mener vers une autre pièce du manoir, plus vaste encore que la précédente. Trop absorbée par son projet d’engloutir l’un des Minisange, Salava traîna dans la pièce, laissa les deux jeunes gens s’éloigner.

La salle qui s’offrit à eux avait jadis servi de lieux de réception, à n’en pas douter. Une large table couverte de poussière siégeait en son centre. Longue de plusieurs mètres, elle accueillait encore çà et là de la vaisselle cassée, des assiettes et des verres ébréchés. Les Clavy étaient-ils donc partis si prestement ? Contre le mur du fond, solidement accroché se tenait un miroir brisé, démesurément grand. Il était bordé d’un large cadre sculpté en argent désormais oxydé, sur lequel se distinguait les silhouettes de Dialga, Palkia et, surplombant celle des deux autres, Giratina, le serpent du chaos et de la discorde. Des morceaux de glaces jonchaient le sol, éparpillés sur le tapis mité et troué qui couvrait les lattes de bois. Corvus resserra sa main sur le pommeau de son épée. Pourquoi ce cadre, qui ne manquait pas de valeur, était encore ici ? Cela ne lui disait rien qui vaille.

HRP:

Delsin a un sourire attendri en s’imaginant sa bonne amie effectuer ses tâches quotidiennes à l’auberge en compagnie de cette petite tasse de thé un peu trop curieuse. Il se félicite de cette idée, car lui-même n’aurait pas envisagé garder ce petit spectre pour lui-même. S’il a capturé, c’était vraiment dans l’optique d’étudier ce spécimen en particulier, un qu’il connaît si peu. Parfois, il a ces idées plutôt simplistes, il doit mettre les éléments devant lui dans des cases bien définies. Nécessairement, son sujet d’étude ne peut devenir son Pokémon, l’idée ne lui traverserait même pas l’esprit. Ainsi il se félicite d’avoir trouvé cette seconde possibilité, celle qui lui permet d’éviter un deuxième passage entre ces murs. Non pas qu’il n’aime pas l’endroit, néanmoins il a d’autres lieux à visiter que le Manoir Clavy. Heureusement pour lui, le Théffroi accueille sa proposition en tournoyant sur lui-même avant d’activer le bouton. Satisfait, le jeune homme se retourne vers Corvus, tout sourire. Comme quoi il ne se départira pas de sa bonne humeur dans ce lieu pourtant peu propice, même en capturant d’étranges petites tasses de thé qui flottent avec une vie propre.

La réaction de l’autre face à sa remarque le fait néanmoins sourciller. Il aurait cru à plus d’enthousiasme face au Pokémon représentant sa maison, sa fière maison d’Eddar ! Car oui, Minisange est minuscule à ce stade-ci de sa croissance, or, il grandit pour devenir un fier corbeau métallique qui aurait certainement fait baver le noble. Dans l’imagination de Delsin, Corvus et sa famille possèdent déjà tout un tas de ces Corvaillus. Cela ne peut qu’expliquer sa réaction. Oui, quel génie ! L’Érudit laisse donc tomber de le lui faire remarquer, car à ses yeux il est tout bonnement impossible que Corvus n’en sache rien. Ce ne pourrait pas être aussi ridicule comme idée… non ?

Delsin s’éloigne donc en direction de l’autre pièce, laissant les deux oiseaux se faire la guerre. Ce genre de choses l’aurait intéressé dans le cas de deux spectres, beaucoup même ! Car il ne connaît encore que peu de choses sur leurs capacités et a même très envie de voir un affrontement entre deux d’entre eux. Peut-être en aura-t-il l’occasion s’il doit en rencontrer un autre, avec ce petit Théffroi ? Il l’a surnommé Zip, d’ailleurs, par manque flagrant de créativité, se disant que le nom plairait probablement à Trixie. La pièce d’à côté lui fait néanmoins oublier son amie (momentanément, il ne faut pas déconner non plus, il n’a de pensées que pour elle ces temps-cis). Une salle à dîner à n’en pas douter, bien bien plus grande que la chambre minuscule qu’il loue à la Grande Bibliothèque pour presque tout son salaire. Impressionné, Delsin observe d’abord la grande table et ses assiettes abandonnées et poussiéreuses, puis le miroir cassé qui surplombe la pièce, avec ses sculptures impressionnantes. D’un pas tranquille, le garçon s’en approche alors que pourtant son escorte s’est raidi, une main sur son épée. Kateya elle-même s’est mise à grogner en guise d’avertissement, un avertissement bien entendu ignoré par le jeune homme. Quelque chose l’attire dans ces sculptures, plus particulièrement celle de Giratina. Sans qu’il ne s’en rende compte, des voix se forment dans son esprit, des murmures inquiétants, venus d’un autre monde.

«Corvus, venez voir le détail ! Fort impressionnant.»

Quelque chose dans les yeux du garçon ont changé, supprimant presque entière ses pupilles. Mais Delsin sourit, sourit encore. Inconscient ou… possédé ?