Le soleil commençait à se coucher mais il leur faudrait certainement encore une heure de marche avant d’arriver aux portes de Chévropolis. Si elles étaient chanceuses elles pourraient apercevoir le soleil filtrer à travers l’arche titanesque de la porte d’entrée et se refléter sur le design intriqué des alcôves. C’était toujours un moment magique qui l’avait marqué les quelques fois où elle avait pu l’apercevoir. Elle se demander si Jeanne avait pu elle aussi profiter de ce moment durant son enfance. Peut-être pas. C’était difficile à dire. Sa bien-aimée avait ce mélange de confiance absolue en elle et cette volonté de tout garder pour soit jusqu’à ce que les sentiments deviennent trop puissants pour qu’elle puisse les contenir. Elle allait lui donner des informations détailles sur certaines pratiques des Démolosses puis omettre complètement quelque chose d’autre. Il y avait aussi le fait que, malgré ses efforts, Laurel gardait un point de vu assez stéréotypé sur les Démolosses et elle avait donc du mal à imaginer le niveau de liberté qu’ils pouvaient avoir dans leur groupe.

Mais Jeanne avaient fait des progrès indéniables en terme de confiance envers les autres. Laurel ne lui disait peut-être pas assez mais elle était fière d’elle et de tous les efforts qu’elle faisait.

Laurel adressa quelques sourires qu’elle espérait être rassurant à Tourmaline. La pauvre semblait inquiète pour Jeanne. La joaillière avait toujours admiré le lien qui les unissait. La beauté et la force de leurs émotions si humaines et si fortes malgré leurs différences. Un jour Jeanne lui avait expliqué que Tourmaline était un peu comme sa fille et c’était quelque chose qu’elle était venue à comprendre. Il n’y avait pas entre-elles cette espèce de respect né dans loyauté et les épreuves qui forgeait son lien avec Malta mais quelque chose de plus doux et profond qui sembler les unir jusqu’au plus profond de leur être. Mère et fille. C’était certainement une bonne manière de décrire leur lien.

La distance était suffisamment grande pour que même les oreilles attentives des pokémons ne puissent discerner leurs voix. Laurel hésita à relancer Jeanne sur le sujet mais elle n’eut pas besoin de le faire parce que la guerrière s’ouvrit naturellement à elle pour le plus grand bonheur de la joaillière.

Laurel cligna un peu des yeux, surprise que Tourmaline soit le sujet de conversation. Elle s’attendait plus à quelque chose en lien avec des Démolosses. Mais du coup, elle était encore plus impressionnée par le fait que Jeanne se confie à elle. Tourmaline lui était encore plus chère que les Démolosses.

Elle l’écouta lui confier ses craintes, la voix hésitante. Peur de l’abandon, peur du changement. Il n’y avait pas grand-chose qu’elle pouvait dire qui rassurerait Jeanne. Les mots, même les plus beaux ne restaient que ça, des mots. Elle allait devoir faire plus attention dans le futur à l’inclure plus et trouver peut-être des moyens de la faire se sentir utile ? Elle trouvait Jeanne tellement indispensable dans sa vie de tous les jours que cela lui semblait presque impossible de lui faire faire plus.

« Ce n’est pas parce que tu es "utile" ou qu'on a "besoin de toi" que l’on reste à tes côtés mais parce qu'on t'aime. Je pense que Tourmaline grandit et que l’indépendance vient avec mais, indépendance ne veut pas dire rejet de tout ce qui faisait notre enfance. » elle continua « Et ça ne veut pas dire non plus qu’elle te quittera du jour au lendemain. »

Le vent souffla faisant vaciller les herbes sèches. Dans le ciel éclatant des furaiglons volèrent en direction de leurs nids.

«  Ce lien qui vous unis n’est en rien basé sur la nécessité je me trompe ? Tu ne gardes pas Tourmaline avec toi parce qu’elle t’es utile mais parce que tu l’aime. C’est pareil pour elle. Tu es sa famille, son monde et quoi qu'il advienne cela ne changera pas. » indiqua Laurel.

Pour elle c’était une évidence. Elle montra Tourmaline d’un signe de tête.

« Regarde-la, à se retourner toutes les minutes pour voir si tu suis et si tout va bien. Tu penses réellement que c’est le comportement de quelqu’un qui n’a plus besoin de toi ? Tu penses que c’est le comportement de quelqu’un qui t’abandonnerais ? »

De sa main, Laurel chercha celle de Jeanne avant d’entrelacer ses doigts dans les siens. Elle leva son bras pour lui montrer leur poigne.

« Et regarde-moi, tu penses que je te laisserais pour quiconque ? Déjà, t’es la guerrière la plus incroyable de toute la terre entière donc ce sera bien difficile de trouver mieux. Et puis t’es aussi la personne avec qui j’ai envie de partager ma vie. Donc je peux t’assurer que je ne t’abandonnerais pas. Je sais que ce ne sont que des mots mais je ferais de mon mieux pour te prouver, jour après jour que je suis toujours là. »

Elle serra ses doigts autours de ceux de Jeanne pour appuyer ses paroles avant de déposer un baiser sur ses lèvres.

« Tu devrais aller voir Tourmaline pour lui dire à quel point tu l’aime. Elle est inquiète. Va la rassurer. Je suis pas loin. »

Laurel lui sourit doucement. Elle ne pouvait pas chasser les peurs de Jeanne mais peut-être que pour ce soir, elle pouvait les apaiser un peu.

La visage de Laurel refléta l’expression de sa bien-aimée. Dans cette lumière rasante qui embrasait ses cheveux blonds et faisait scintiller ses yeux bleus, Jeanne resplendissait. Peut-être bien qu’elle allait louper le coucher de soleil sur les portes de Chévropolis, mais au moins elle pouvait voir celui-ci auréoler la femme de sa vie. Et ça valait bien toutes les merveilles du monde.

La joaillière laissa sa compagne rejoindre le groupe en souriant encore plus largement lorsque Tourmaline renversa littéralement la guerrière. Il n’y avait pas beaucoup de monde qui pouvait mettre Jeanne Eladan au tapis. Nival rejoignit le duo tout intimidé. Sa bien-aimée pouvait être très impressionnante quand elle le voulait, terrifiante parfois même. Mais, Laurel savait que ses pokémons n’auraient jamais à faire face à sa colère, elle les aimait trop pour ça, même s’il lui arrivait de jouer les dures.

La ranine leva les yeux vers ses pokémons. Sa conversation avec Jeanne lui avait fait réaliser à quel point elle prenait pour acquis leur loyauté et leur présence à ses côtés. Il lui semblait si évident qu’ils étaient bien ensemble qu’elle n’arrivait même à s’imaginer qu’ils puissent partir. La preuve même, avec la disparition de Malta. Laurel avait plus été inquiète sur le fait qu’elle soit partie sans vraiment envisager le fait qu’elle veuille peut-être partir.

Malta échangeait avec Invar, probablement à propos des récents évènements et de toutes ces histoires de couple qui semblait l’ennuyer profondément. Hématite surveillait les petits dragons en faisant quelques commentaires à Papy Dragon pendant que Pyrite jouait avec Kita tout en essayant de motiver Âtre, Fallot et Komodo à se joindre aux festivités. Proto s’amusait à déformer son corps mou pour faire des ombres sur le sol en attendant que la marche reprenne. Ces pokémons étaient ses compagnons et tel un héro de roman, elle ne pouvait avancer dans les épreuves qu’à leurs côtés.

Et dire qu’elle avait attendu vingt six années pour avoir son premier pokémon. C’était à se demander comment elle avait fait pour survivre jusque-là.

Elle glissa sa main dans la paume tendue de Jeanne. C’était un geste si naturel et si parfait. Elle sourit à Jeanne avant de lui répondre.

« Allons-y. »