Les orbes du pokémon visqueux continuait de la regarder fixement à travers le verre. Inexpressifs et immobiles. 3 secondes. Il avait fallu seulement 3 secondes pour tisser le début d’une nouvelle amitié. Laurel n’arrivait pas a y croire. Elle qui avait dû batailler pendant deux ans avec Malta (et qui bataillait encore) pour pouvoir développer un semblant d’autorité venait de réussir a se faire accepter, sans violence ni contrainte par un pokémon sauvage. Elle avait presque envie de pleurer tant ce simple acte l’émouvait. Elle leva les yeux vers Jeanne, son visage illuminé par un sourire radieux. Regarde. Pas besoin de parler. Jeanne l’avait vue, son regard pétillant voulait tout dire.

« Il faudra faire une réserve complète. » confirma-t-elle, heureuse.

Elle retira le bouchon de la fiole pour laisser sortir le petit truc rose. Il glissa du contenant pour venir lécher le miel sur des doigts de Laurel. Elle rigola un peu en sentant sa langue rappeuse sur le bout de ses doigts. Au même moment, le pokémon électrique se mis à farfouiller dans les affaires de Jeanne. Il finit par trouver un gobelet dans lequel il se glissa de manière plus ou moins inconfortable. Les Ranines rigolèrent en le voyant se tordre dans tous les sens pour rentrer sa tête ET sa queue en même temps, sans succès. La joaillière regarda tendrement sa compagne compter à rebours pour le petit pokémon. Deux nouveaux compagnons. Décidément leur séjour dans les marais avait été une vraie bénédiction.

« T’as une idée de nom ? » demanda-t-elle à la guerrière.

Elle regarda ensuite le Métamorph qui se faufilait entre ses doigts pour se nicher dans sa paume. C’était visqueux mais étrangement adorable. Elle avait besoin de lui trouver un nom mais rien ne lui venait. Elle voulait l’utiliser comme prototype de prothèse, peut-être pouvait-t-elle trouver quelque chose en lien avec ça ? Prototype … Prot … Proto ?

« Proto, ça te va comme nom ? »

Personne n’avait dit que Laurel était douée pour nommer les choses. Bien au contraire. C’était d’ailleurs pour ça qu’elle avait piqué le nom du héro du roman qu’elle lisait pour Kurana. Le pauvre aurait sinon été baptisé Métamoprh ou Limace. D’ailleurs maintenant qu’elle y pensait, l’imposteur n’avait rien en commun avec le vrai Métamorph, si ce n’est la couleur rose bien évidemment. La joaillière avait un peu honte de s’être trompée comme ça de pokémon, maintenant qu’elle avait Proto sous les yeux, cela lui paraissait évident.

Le pokémon change-forme se mis à remuer son corps plus rapidement, certainement signe qu’il appréciait le nom ? Impossible de savoir. Ses grands yeux qui ne clignaient pas la fixaient, vides d’émotions. Pouvait-il au moins fermer les yeux ? Cela ne semblait pas être le cas. Laurel pensa que si hier elle avait passé une magnifique nuit, cette nuit et celles qui suivraient seraient assurément moins reposantes. Comment allait-elle faire pour dormir avec ce truc qui la fixait ? Mais avant tout, venait une question plus importante. Est-qu’il pouvait se transformer en bras ? Il pouvait bien sûr se transformer en êtres qui ont des bras, mais pouvait-il prendre l’apparence d’un objet inanimé ?

« Hey, Proto tu veux bien essayer de te transformer en ça. » demanda-t-elle en pointant un collier qu’elle avait autour du cou. Autant commencé petit comme l’avait recommandé Jeanne.

Aussitôt le pokémon obéit, se déformant de manière grotesque pour prendre l’apparence du collier. Il était froid et dur au toucher, elle leva le « bijou » au niveau des yeux pour l’examiner et faillit le faire tomber en hurlant. C’était un collier, oui. Mais un collier avec DEUX YEUX GLOBULEUX QUI SUIVAIENT LE MOINDRE DE SES MOUVEMENTS PARERCEUSC’ESTQUOICETTEHORREUR. Okay, calmes-toi et respire Laurel.

« Proto, mon chou, tu peux pas faire euh… disparaître tes yeux ? » Silence. « Ok, je prends ça pour un non du coup. Jeannemonpokémonmefaitpeur. » Lâcha-t-elle d’une traite avant de prendre une inspiration. Le truc avait des yeux, c’était pas si terrible que ça non ? C’était certainement juste une question d’habitude. « Bon. Est-ce que tu peux essayer de prendre l’apparence d’un bras maintenant ? »

Laurel pointa du doigt le bras gauche de Jeanne, elle allait être son cobaye. Les yeux du « collier » allèrent regarder le-dit bras pour l’étudier. Proto changea encore une fois son apparence pour laisser place à une copie conforme du bras de la guerrière, cicatrices y compris. Si on ignorait les yeux bien sûr. La joaillière avait décidé d’ignorer les yeux. Elle devait ignorer les yeux.

« Génial ! Maintenant est-ce que tu peux essayer de te fixer sur mon bras ? »

Le pokémon glissa en position, s’accrochant au moignon gauche pour que le bras démembré de Jeanne vienne compléter celui de Laurel. Ça aurait pu être poétique si ce n’était pas absolument horrifique. Elle tenta d’ignorer la sensation moite et gluante pour bouger son épaule. Le bras bougeait avec mais pas les doigts. Il y allait avoir du travail à faire sur la mobilité des dactile mais ça fonctionnait ! Le poids de la prothèse vivante était parfait, il n’y avait aucune douleur, aucun inconfort hormis bien sûr la texture étrange du pokémon. C’était un rêve. Ou plutôt un cauchemar agréable ? Parce que ça avait clairement un coté dérangeant avec la nette coupure entre les deux couleurs de peau et les yeux qui se baladaient le long de la chaire. Peut-être en le rendant un peu moins humain ça passerait mieux ? Parce que là, pour toute son euphorie Laurel avait presque envie de gerber.

« Parfait, est-ce que tu peux garder cette forme mais prendre cette texture ? » demanda-t-elle en montrant le collier en or. Hey, quitte à prendre une autre couleur autant avoir l’air chic.

Laurel s’effondra par-terre avec un boum !. Elle ne s’était pas préparée à la charge du bras en or massif.

« AH ! Sans le poids, juste la couleur ! Juste la couleur ! Ouf ! Merci. »

Voilà qui était mieux. Elle garderait le reste de ses expérimentations pour plus tard, elle était quasiment sûre que son épaule était déboîtée ou au moins blessée. Pour l’instant elle se tourna vers Jeanne pour lui montrer son nouveau bras, un sourire un peu crispé sur le visage mais toujours aussi joyeux.

« Maintenant je vais pouvoir te faire de vrais câlins ! Et des tresses ! J’ai toujours voulu savoir faire des tresses ! Tu sais en faire ? Tu voudra bien m’apprendre ? » demanda-t-elle en prenant la femme dans ses bras, elle s’adressa ensuite à son bras. « Proto t’es le meilleur des Protos ! Oh, il faut que je montre ça à Malta !! »

Laurel déposa plusieurs baisers sur la joue de Jeanne avant de foncer sur ses pokémons pour montrer son « bras » au Dragon et la Limace. Kurana, lécha le Métamorph avec curiosité ce qui fit frisonner le faux membre pendant que Malta le dédaignait. La joaillière, elle, était euphorique. Elle n’arrivait pas à croire que ce soit vrai. Cette prothèse vivante était le rêve de tout amputé. Adaptable au besoins de chacun, facile d’entretien, légère, customisable même ! C’était merveilleux !

Évidement, il restait encore beaucoup de choses à améliorer et à tester mais après tout le mal qu’elle s’était donné, après le froid infernal de la Toundra, les émotions tiraillantes d’Enogen et les péripéties quasi-mortelles des Marais, cela lui semblait être le Saint Graal. Le résultat d’une longue quête perilleuse. Bon, peut-être que cette quête n’était pas digne des légendes mais c’était la sienne. Sa première quête et celle qu’elle avait pu partager avec Jeanne.

Laurel se tourna vers la femme. Un grand sourire sur les lèvres. Elle ne pensait qu’à une chose.

« Où est-ce qu’on va après, partenaire ? »

« J’ai toujours rêvé de pouvoir dire ça ! » murmura-t-elle la voix remplie d’excitation non contenue. Décidément, elle aimait les marais.