Au grand damn de la Ranine, la figure qui sortit de derrière la fumée n’était pas un pokémon eau mais un autre humain. Encore une autre âme égarée dans le chaos de la salle. Combien avaient péri dans les flammes ? Combien étaient encore coincés ? Laurel fut prise d’une vague de désespoir. C’était sans fin. La fatigue alourdissait ses membres et son esprit. A chaque fois qu’elle pensait être sortie d’affaire un autre obstacle se dressait sur son chemin, la fortune avait-elle brûlé avec le reste du bâtiment ? Ne restait donc-t-il plus que le ricanement sournois du bois qui se fend et le folie meurtrière du feu qui se propage ? Où étaient donc les héros ?

Amun qui aimait par dessus tout les comptines d’enfants aux morales simplistes aurait certainement déclaré quelque chose du style : « Tous le monde peut-être un héro. » Tout en prenant un pose idiote et certainement inconfortable. Grandiose l’aurait-il corrigé. Mais Laurel voulait lui répondre, lui dire : « Amun, je suis fatiguée. Je ne suis pas un héro et j’ai peur. S’il te plais viens me chercher. » Mais Amun était loin, loin loin…

Malta poussait Laurel de sa tête. Les cornes du dragon frottant douloureusement sur sa peau brûlée. La joaillière ne parlait pas pokémon. Elle n’avait jamais prétendu les comprendre non plus. Mais, pour la première fois de sa vie, elle crût comprendre sa Griknot qui incessamment la poussait à avancer. Peut-être était-ce les flammes qui lui montaient à la tête et noyaient ses pensées dans un écrin d’encre noire. Peut-être était-ce simplement une relation forgée sur une paix fragile autour d’un amour commun pour l’or qui finalement s’approfondissait durant ce moment fatidique. Laurel n’avait pas vraiment envie d’y réfléchir. Elle n’avait pas vraiment envie de faire quoi que ce soit sinon de faire taire ces flammes pour se rouler en boule dans ses bras de ses parents.

Pourtant, sur l’insistance du soldat et les plaidoiries de son pokémon elle continuait à avancer, accrochée comme une enfant perdue à la robe de sa chef. Sa vision était brouillée par des larmes qui s’étaient misent à couler sans qu’elle ne s’en aperçoive, trop engourdie pour réaliser si c’était une réaction naturelle à l’irritation de ses yeux ou simplement ses émotions tumultueuses qui prenaient forme physique.

La sortie n’était plus qu’à quelques pas. Ils avaient retrouvé la chef de Mido qui avait perdu de sa splendeur sous l’effet des flammes. Elle s’appuyait sur sa Chevalier comme on s’accroche à ce qu’il y a de plus beau. La seigneur de Ran avait son garçon dans les bras, le protégeant de tout danger.

Et Laurel était seule.

Si seule et si faible loin de sa famille. Loin de tout ce qu’elle connaissait. Le feu était supposé être un ami, un créateur de merveilles. Elle était supposée être forte et inébranlable. Ou alors au minimum, optimiste et maladroite. En ce moment elle était loin d’être cela.

Laurel aurait voulu se baisser pour prendre Malta dans ses bras lui dire « J’ai personne. J’ai besoin de toi. » mais savait qu’elle ne se relèverait pas. Alors elle leva simplement ses yeux vers sa chef pour chercher du réconfort chez la meilleure guerrière du royaume. A la place elle n’y vit que de la gratitude et cela l’ébranla encore plus.

Mais il y a encore un obstacle. Encore un.

Le soleil filtre à travers le toit effondré. C’est comme un signe divin. Une promesse. C’est la dernière épreuve. Après cela le héro pourra rentrer en paix chez lui, fier de ce qu’il a accompli.

Encore un.

Le dernier.

La joaillière se place derrière le bouclier de sa chef. Elle n’a pas de hache pour couper le bois. Pas d’armure pour encaisser les coups. Pas d’eau pour éteindre le feu. Elle n’a que ses bijoux qui brillent et brûlent. Brûlants comme lorsque le marteau frappe le fer chaud pour façonner le minerais. Brillants comme les trésors de son dragon. Laurel prend une inspiration, la poussière emplis ses poumons irrités les teintant de suie.

« Malta, Draco-Rage. »

La fatigue perce sa voix. La Griknot s’exécute. Elle rassemble de l’énergie dans son petit corps épuisé pour former un boule violacée.  Elle l’envoi sur le bois qui barre la route, coinçant le groupe entre vie et mort. Il craque et hurle mais ne cède pas à l’assaut. Alors elle recommence encore, cette fois avec le soutient des autres pokémons.

Spoiler:

Laurel tenait à peine debout lorsqu’un cri perça la fumée et que le soldat d’auparavant passa à toute vitesse pour venir fracasser son épaule contre la poutre rongée par le feu. Un craque sourd retentit. Puis le bois vola en éclats. Des débris de charbon et d’échardes s’enflammèrent autour du groupe, une vive entrée d’air fit rugir les flammes. Pas le temps de réfléchir. Laurel attrape Malta, ses doigts ensanglantés rappent contre ses écailles rugueuses et elle s’élance vers la sortie. Dehors, la garde arrive. On la soutient lorsqu’elle s’effondre. Elle arrive à peine à respirer malgré l’air frai de l’extérieur. Le reste des hommes armés s’engouffrent à l’intérieur du bâtiment proie aux flammes. Les pokémons eau font leur travail et une violente pluie vient s’abattre sur les ruines du Grand Conseil. Le ciel pleure les vies perdues et les hommes tendent leurs mains vers les dieux. Il n’y aura pas de miracle aujourd’hui.

La fumée étouffe et agonise sous les assauts des sauveteurs. Des guérisseurs courent dans tous les sens, il y avait plus de blessés que de mains miraculeuses. Laurel regarde le Nanméoui qui s’active à côté d’elle, ressoudant les plaies et la chair brûlée. La Ranine le regarde faire avec un mélange d’effroi et d’admiration. Malta est inconsciente sur ses genoux, épuisée par la bataille acharnée contre le feu. La joaillière aimerait bien la rejoindre dans ce monde noir libre de douleur mais il faut que quelqu’un veille. Il faut qu’elle s’assure que le pokémon respire encore. Elle soit certaine que son ventre se soulève bien au rythme de ses inspirations.

Devant elle, la foule s’amasse, pleins de jugement et mue par un curiosité morbide. On zieute les blessés, on hurle et on se bat. C’est la faute de tous et de personne à la fois. Laurel toise les passants  d’un regard sombre lorsqu’elle n’était pas en train de s’assurer que sa Griknot reste stable. On l’évite, on fait mine de ne pas regarder la robe brûlée qui colle à sa peau, la suie qui macule le visage, les coupures et les brûlures sur ses membres. Qu’il la regarde autant qu’ils veulent, si l’un d’eux s’approche, il est mort.

Après la peur, vient la colère, les accusations. Qui est le responsable ? Comment a-t-il pu s’échapper sous le nez et la barde des gardes ? On cri à l’incompétence, au complot et à la révolution. Les Sakaiens se font bousculer. Laurel veut juste qu’ils se taisent. Qu’ils la laissent en paix. Oui, pour la centième fois, elle va bien, ça se voit non ? Non, elle n’a pas vu machin et truc, elle ne connaît personne ici. Le Nanméoui a filé vers d’autres patients. Elle ne sait même plus si elle l’a remercié.

Le temps passe, la pluie cesse et les étoiles se lèvent. Quelques braises brillent dans la nuit. On peut entendre les pleurs de ceux qui ont perdu des êtres chers, le crissement des sandales sur les cendres. Les soldats retournent les planches calcinées à la recherche d’espoir. Malta a ouvert ses yeux, ses blessures ont été pansées. Les guérisseurs continuent de circuler entre les différents groupes de blessés. Tous ne rentrent pas dans les tentes qui ont été érigées à l’occasion. De nombreux marchands distribuent des vivres et des couvertures. L’humanité fait ce qu’elle sait faire de mieux et de plus beau, elle s’aide, sans arrière pensée et sans grand motif.

Laurel passe distraitement sa main bandée sur les écailles coupantes de son pokémon. Elle forme des cercles autours des coupures qui cicatrisent. Sa prothèse a pris une étrange courbure, le bras d’acier a lui aussi été victime des flammes. Demain, elle quittera le grand conseil en direction du nord. Le plus loin elle serait de ce foutu endroit le mieux elle se sentira. Pour l’instant, le pire est passé, elle peut se reposer, ignorante de ce qui se trame dans les ombres.