Toute chose ayant une fin, il était temps pour deux éclaireurs Huoku de regagner leur zone de confort Ekoenne, à savoir l'Archipel oublié.

Comme appelé par une corne de brume inaudible - ou plus exactement lassé par toutes ses tribulations récentes -, Oogwan se rendit au point de rendez-vous fixé avec son homologue Winona. Il y avait, à quelques lieues de ce que les humains appelaient le "Jardin Fleuri", une colline à la forme particulière, avec deux bosses évoquant un Camerupt. La jonction formait un col, et les deux éclaireurs de l'Ouest s'y étaient donnés rendez-vous, avant de redescendre vers la côte, au Sud.

Oogwan arriva le deuxième, talonné par Magavlük qui, malgré son incapacité à tenir en place, ne le quittait plus. Lorsqu'il aperçut Winona et sa peau tellement blanche qu'elle semblait tissée dans la même étoffe que les nuages Midoyens, il eut un soupir ronchon.

- Mes hommages, Wyna. J'ignore comment ça s'est passé pour toi, mais de mon côté rien à déclarer. Pas de ressources, pas de villages. Néant.

C'était là une façon un peu pessimiste de présenter son travail. Le repérage avançait, et avec lui la cartographie du territoire Ekoen, nourrissant les desseins des Huokus les plus ambitieux et les plus cruels parmi leurs compères. Mais Oogwan s'était habitué aux découvertes croustillantes des premiers instants sur le continent: or, au delà de Mitka, il n'y avait que de l'herbe... et ceux qui étaient assez insouciants pour s'y promener sans se méfier de lui.

La petite Poulpaf, fraîchement orpheline de son maître humain, se faufila d'ailleurs entre les jambes du jeune lutin.

- Ah, si. Je me suis fait une copine... enfin je crois. J'ai encore du mal à la cerner, elle est un peu survoltée.

- Pou.

- Comment ça, tu n'es pas d'accord?

- PouPou.

- Bon, je ne comprends rien. Reviens me parler quand tu seras un dragon.

Il se garda bien de raconter à Luyu les circonstances dans lesquelles il l'avait trouvée. Pas que l'idée d'assassiner un humain sans raison semblait indéfendable, mais il savait que Winona n'était pas spécialement friande de ce genre d'anecdote. Selon lui, cela faisait partie des choses qui la rendaient parfois un peu ennuyeuse.

Par ailleurs, il n'avait pas envie de lui parler du rôle de Vorghol dans cette histoire. La dragonne, qu'il était parvenu à semer discrètement depuis la veille - en réalité la bête avait choisi de se laisser semer - avait alimenté bien des histoires et des moqueries au sujet d'Oogwan parmi les missionnaires dans le passé, et même si l'éclaireuse au roucool n'était pas la première à s'en prendre à lui, il préférait éviter de relancer les rumeurs. De toute façon, Vorghol elle-même ne tarderait pas à s'en charger: à présent ses ailes démoniaques étaient arrivées à maturité, et plus rien ne l'empêchait de poursuivre le môme.

Aussi, malgré lui, Oogwan se sentait suivi par la Trioxhydre.

- On a de la route jusqu'à la côte. Je te propose de ne pas traîner.

Il n'avait pas tenu longtemps avant d'imposer son rythme à son aînée. Le lutin avait une certaine tendresse pour Winona et ses allures de grande soeur duveteuse, mais en bon Dragon il lui souhaitait sincèrement de ne pas s'opposer à ses volontés. "Elle n'aurait rien à y gagner", songeait-il. "Mais elle n'est pas stupide, elle le sait bien."

HRP: