Ambiance bubulles et dreampop ♫:

Ce jour-là, il y avait trois soleils.

Le premier, le seul unique et irremplaçable astre du jour, faisait scintiller avec malice la petite rivière que j'avais quitté quelques temps plus tôt, celles que les humains appelaient la Serpentine. Je n'avais connu qu'elle, mais j'étais destinée à m'en éloigner: mes bulles avaient d'autres coeurs à toucher, et mes pattes d'autres soins à prodiguer à travers le monde. Cet humain qui m'avait recueilli n'était pas mauvais, il avait juste de grandes difficultés à écouter son corps. Il vivait avec ses compagnons dans une gigantesque forêt, et son travail était de s'en occuper. Seulement voilà: il s'en occupait tant et si bien qu'il lui arrivait tout simplement d'oublier de respirer. Quelle idée de prendre aussi peu soin de soi! Il était temps qu'il sorte de sa bulle et qu'il me rencontre. Cela fut aussi l'occasion pour moi de sortir de la mienne.

Enfin, nous étions de retour à la Serpentine. Pour une raison qui ne regardait que Teion. Je le vis s'éloigner à travers les buisson, comme pour chercher quelque chose, dans la même posture que la première fois que je l'avais vu. Peut-être avec davantage de prudence, et en se tenant plus loin de la rive... Moi en revanche, je trempais mes pattes dans l'eau, et soufflai des bulles sur sa surfaceen les regardant éclater sur les remous.

A côté de moi, le Tropius qui nous avait portés buvait tranquillement, son immense cou à l'horizontale. Je lui demandais, en espérant ne pas le froisser, pourquoi nous nous arrêtions ici.

- Aucune idée, me répondit-il sans prendre la peine de me regarder. Une simple pause, ou alors il ne m'a pas mis dans la confidence. A croire qu'il ne veut pas nous mêler à ses affaires... Et c'est tant mieux.

- Pourtant, la dernière fois il y avait d'autres de vos amis. C'est comme ça que j'ai fait la connaissance de votre copain Boskara, il avait grand besoin d'aide.

- Til? Qu'est-ce qu'il nous a encore fichu?

- Oh rien, mais un Carvanha essayait de lui manger l'arrière-train. Le pauvre.

- Pfeuh. Je ne suis même pas étonné, fit-il avant de retourner boire.

Il me faisait penser à Feuille, l'Insécateur que j'avais rencontré au même moment. Ce Teion s'entourait d'équipiers tout à fait désabusés, et celui-ci n'avait pas l'air spécialement passionné par ma compagnie, ni emballé par la perspective de faire connaissance. Il était grand temps que j'aille me faire voir ailleurs.

Et par ailleurs, j'entendais bien sûr auprès de Teion, car sait-on jamais! Un Denticrisse carnassier pouvait surgir à tout moment.

C'est en le rejoignant que je rencontrai le deuxième soleil. Une femme, ardente comme un feu de brousse, lumineuse comme une mère, qui avait décidé pour quelque caprice qui la regardait de faire profiter de sa présence à tous les bosquets, à toutes les créatures à l'entour. Y compris à Teion, qui feignit l'indifférence en continuant d'écarter les feuillages, et de chercher ce qu'il cherchait.

Je ne fis pas la même erreur que lui, car ma mère Tarenbulle m'avait appris un adage, une comptine dont j'aimais me rappeler: "l'ange des rivières ne ralentit pas s'il s'aperçoit que tu marches derrière". une façon poétique d'inviter à suivre les lueurs près du rivage... Je m'approchai donc de la dame. Et face à sa lumière radieuse, je fis la seule chose que je pouvais faire: l'accueillir.

- Fblblbl.

En lui soufflant des bulles au visage, bien entendu. Ma Tarenbulle de mère ne m'avait pas enseigné que de nébuleux adages, mais aussi les bonnes manières.

HRP:

La dame était faite de soleil, mais sa voix était comme la rivière. Je lui avais envoyé mes mots, elle m'avait répondu les siens; nous ne nous étions pas réellement comprises, mais ce n'était pas essentiel. Nos énergies s'étaient mêlées, et elles n'étaient faites que d'un flux tendre et paisible. Je me pris à souhaiter que Teion échoue à trouver ce qu'il cherchait, et que nous restions là le plus longtemps possible.

Aussi, lorsque qu'elle déploya la présence de Sigurd et que le renardeau présenta à moi avec la candeur d'un enfant, les petits pieds dans l'eau, je ne mis pas longtemps à l'accueillir à son tour.

- Agapanthe. Enchantée.

Trois petites secondes s'écoulèrent, le temps de profiter du chant de la rivière. Et puis bon...

- Fbllblbll.

Elles étaient inoffensives, et en éclatant sur lui elles lui rafraîchiraient le haut du corps sans le tremper, contrairement à la Serpentine s'il s'y était immergé.

- La rivière est ma mère, mais comme toutes les mères, elle peut s'agacer si on lui marche dessus. Gare à tes patounes, Sigurd... Il y a des Denticrisses.

Un Riolu prévenu en valait deux.

A force de me voir m'agiter auprès d'inconnus, Teion avait finit par s'approcher. Je ne le croyais pas capable de s'inquiéter pour moi, et la suite me donna raison.

- Au lieu de jouer avec les premiers venus, tu ne pourrais pas plutôt m'aider? Toi qui connais le coin, tu serais plus utile.

C'était bien à moi qu'il s'adressait, sans calculer la dame soleil. Je voulus m'excuser auprès d'elle pour son impolitesse, mais Teion ne tarda pas à se rattraper comme il put.

- Navré de vous déranger... J'imagine. Je suis à la recherche de miel local. Ou plus exactement celles et ceux qui en sont les artisans. Si vous en voyez, merci de me prévenir.

Une fois encore, les mots étaient trop complexes pour que je les attrape. Il semblait attendre quelque chose de moi... Sans doute Feuille l'avait-elle habituée à des équipiers qui le comprenaient avant même qu'il n'ouvre la bouche, hélas je n'en étais pas encore là.
Aussi, je finis par prendre sa défense auprès du Riolu.

- Ne faites pas trop attention à lui, c'est un humain de la forêt. Il lui arrive d'être irritable quand il n'est pas sous un dôme de feuilles et de branches. J'essaie de le couvrir de bulles pour compenser, mais ça n'a pas l'air de marcher.
Démonstration.

Je fis quelques pas vers l'homme des bois.

- FBLBLBLLL !

Mes bulles l'atteignirent sans le faire bouger, ni changer de visage.

- ... Bon, laisse tomber. Je vais me débrouiller sans toi.

J'affichai un air amusé en me retournant vers Sigurd.

- Voilà. Il est comme ça tout le temps.

Sigurd piétine presque sur place. Il ne sait pas vraiment comment se comporter avec les autres, et encore moins avec une araignée aqueuse. Le renardeau hésite également entre deux postures : rester humble et courageux ou bien laisser parler son corps et exprimer de la curiosité.

Agapanthe semble être d’une gentillesse comparable à celle de Galatea, c’est un point rassurant pour le Riolu.

Mais alors qu’il pense ceci, des bulles l’attaquent ! Ou peut-être pas en fait.

Le petit mâle est surpris au début, il place l’une de ses pattes avant devant son visage afin de se protéger. Mais les bulles scintillantes sont inoffensives alors il baisse sa garde et profite de la douce fraicheur octroyée par ce beau spectacle de lumière.

Calme, il écoute ensuite les conseils de l’Araqua. Naïf sur les bords, le loupiot se prend à lever les pattes l’une après l’autre, hors de l’eau, afin de vérifier qu’elles n’aient rien.

« Je… Je ferais attention. Merci. Ma mère à moi est à nos côtés. Je ne la connais pas depuis très longtemps, mais c’est en elle que j’ai le plus confiance. »

Un bref regard vers l’archevêque et le Riolu est gratifié d’un chaleureux sourire pouvant remplacer même celui de sa figure maternelle biologique. Cela faisait plusieurs années que Sigurd vivait seul dans les ruines de Leros. Il n’est pas mécontent d’avoir trouvé quelqu’un pour reformer une famille.

Et puis il y a aussi Deirdra. Elle est beaucoup trop timide et passe le plus clair de son temps dans l’ombre de la dame aux cheveux émeraude. Mais la Fantyrm est la créature la plus compatissante qui soit et Sigurd peut déjà l’affirmer de sa petite voix.

Puis, le Riolu sursaute lorsqu’il entend du bruit et voit l’humain de tout à l’heure qui s’approche. Agapanthe et lui se connaissent donc. Quant à Sigurd, il a trop baissé sa garde et voilà qu’il ne fait plus attention aux auras des environs.

Galatea ne bouge pas d’un pouce. Elle est presque figée dans le Temps ; une statue rendant grâce aux dieux de la forêt.

Ce n’est que lorsque le jeune homme s’adresse à elle que son corps se meut de quelques centimètres. Elle lève la tête vers l’autre humain et le couve d’un heureux regard. Il se trouve que cette dame voyage effectivement avec un Pokémon producteur de miel. Quel bienheureux hasard ! C’est Celebi qui doit avoir placé Galatea sur le chemin de cette personne.

Mais l’archevêque prend son temps pour lui répondre. On ne peut pas dire que cet inconnu soit le plus poli qu’elle ait rencontré. Ce qui intéresse Galatea en revanche, c’est la réaction de la belle araignée d’eau.

Sigurd, lui, écoute sans faillir Agapanthe. Un homme de la forêt ? D’accord s’il n’est pas à l’aise mais le Riolu voit beaucoup de plantes dans les environs. Il n’y a pas de quoi être dépaysé, si ?

En tout cas, le louveteau ne perd pas une miette de la fabuleuse démonstration de sa nouvelle connaissance. Les bulles brillent sous les doux rayons du soleil et forment des reflets irisés de toute beauté.

Mais l’humain semble inconscient de tout cela. Il reçoit les orbes d’eau sans broncher, sans exprimer une seule émotion. Pour le Riolu en revanche, c’est bien clair : il abandonne l’idée d’avoir l’araignée à ses côtés.

« Il n’a pas l’air commode. »

Les yeux rubis du Pokémon Combat passent de l’Araqua au jeune homme pour finir par se poser sur Galatea. Assurément, cette dame va savoir quoi faire.

« Excusez-moi jeune homme. Seriez-vous à la recherche d’un Pokémon comme celui-ci ? » Questionne l’archevêque d’une voix teintée de malice.

L’instant d’après, une abeille apparait. C’est l’Apitrini de Galatea. Il est nouveau dans l’équipe lui aussi.

L’insecte chromatique ne sait pas trop ce qu’il fait là. Paniqué, il se tourne irrémédiablement vers l’humaine qui prend soin de lui.

« Tout va bien, mon enfant. Ce jeune homme ici présent, dont le nom reste un mystère, veut voir des artisans du miel. Tu es bien de ceux-là ? »

L’interrogation de la belle dame n’est que façade. Elle sait très bien de quoi sont capables les Apitrini. Sauf que celui-ci est particulier. Il a perdu toute confiance en lui à cause de son caractère hésitant. Pis encore. Les mâles n’évoluent pas et il le sait, ce qui réduit encore plus son courage.

L’abeille réfléchit avant de se tourner vers Sigurd et l’Araqua.

« Dites…Pourquoi ils veulent du miel ? J-je pourrais en produire mais…

-Agapanthe, voici Apitrini. Il manque cruellement d’audace. »

Le Riolu s’amuse de la situation, sans toutefois se moquer de son allié. Il espère qu’en poussant un peu l’insecte, ce dernier se réveillera un peu. Mais rien n’y fait. Il semble totalement perdu et se dériver dans l’air avant de revenir auprès de Galatea.

PV Teion

HRP:

Ainsi, le troisième soleil vint se joindre aux deux autres. Il s'appelait Apitrini, et sa lumière était tout ce dont le cœur de Teion avait besoin. Mais ça, aucun des deux ne le savait encore.

Ce troisième soleil était lui-même constitué de trois fragments de soleils, et ses petites ailes semblaient prêtes à fondre sous le poids de son anxiété. Naturellement je tendis une petite patte dans sa direction, sans réel espoir de le voir répondre à l'appel. Allais-je devoir l'asperger de bulles lui aussi? Peut-être était-ce un peu raide dés le début pour un petit doudou fragile comme lui. Sigurd ne tarda pas à confirmer mon pressentiment.

- Je vois ça. Pauvre chose. Il a l'air entre de bonnes mains, cela dit.

La dame-soleil semblait en effet être un refuge pour l'Apitrini, un havre de paix et de confiance. Était-ce bien ce que Teion cherchait? Si oui, il y avait du soucis à se faire pour l'insecte! Quel sort l'homme des bois allait-il pouvoir lui réserver? J'étais hermétique à ses sarcasmes et son humeur changeante, mais ce n'était clairement pas le cas de toutes les petites bêtes de la rivière.

Cependant, en adressant un regard à Teion, je le vis avec une expression touchante. Un mélange d'incrédulité, de joie, et peut-être de reconnaissance.

- Je... je dois dire que je ne m'attendais pas à une réponse aussi pertinente. Je vous confirme que c'est très précisément la créature que je recherche... à la couleur près, car celui-ci est d'un éclat singulier.

J'aurais pu valider cette affirmation. Des Apitrinis, j'en avais déjà vu le long des berges, et celui-ci était effectivement très rouge. Je ne raffolais pas du nectar de ces créatures, mais j'étais prête à croire que le sien serait plus exquis encore que celui des autres.

Mon camarade humain, dont la dame-soleil avait vraisemblablement gagné l'estime, détailla son propos.

- Je suis Teion, garde forestier de Mido. Des colonies d'Apitrini peuplaient autrefois les Forêts Géantes, mais depuis quelques saisons ils y sont introuvables. Peut-être n'est-ce pas étranger à la tempête de Septembre... Comme je les sais adaptés à l'écosystème Midoyen, je nourris secrètement l'espoir de les voir s'y épanouir à nouveau, car ils sont des pollinisateurs incroyables. Malgré les efforts du reste de la sphère vivante, les plantes mellifères ont souffert de leur absence ce printemps.

Sans vraiment comprendre ce qu'il racontait, je me laissais arroser par la lueur des trois soleils. Il y avait dans cette dame quelque chose de serein et de sain. La perspective d'imaginer ce tendre Apitrini entre les mains de Teion plutôt que les siennes m'attristait un peu plus à chaque fois que j'y pensais. Ce n'était pas une chose à faire. Pourtant Teion s'approchait vers lui, comme attiré par une lueur dont il avait à peine conscience.

Ce faisant, il sembla enfin remarquer la lueur bien plus rayonnante de la jeune femme.

- J'ai bien peur d'avoir échoué à vous remercier... A qui ai-je l'honneur? Et sauriez-vous m'indiquer dans quelle zone de la rivière vous avez trouvé ce spécimen? Si je pouvais en débusquer d'autres, si possible de la même teinte que lui, ce serait une chance inestimable pour la forêt. Mâles de préférence, s'ils évoluaient en Apireine la réintroduction de l'espèce pourrait être un peu trop radicale, mon but n'est pas de combler un vide par un déséquilibre.

A la bonne heure! Mon ami bipède s'était approché de l'Apitrini non pas pour l'arracher à sa mère, mais seulement pour le voir d'un peu plus près. Soulagée, je levais mes grands yeux vers l'insecte.

- Petit Api, mon ami ne te veut aucun mal. Ce n'est pas ton miel qui nous intéresse, mais... tes semblables. Si tu nous aides à en trouver d'autres comme toi, je t'offrirai une récompense.

Evidemment, la récompense en question était une petite salve de bulles, mais il n'avait pas besoin de le savoir. D'ici là, j'aurais eu le temps de gagner sa confiance...

- Sigurd et moi serons tes gardes du corps! Tu n'as rien à craindre.

*BROUM*

C'était les bruits de pas de Palo, qui commençait à se demander ce qu'on fabriquer. Cet imbécile de Tropius avait mal choisi son moment pour débarquer! Sa silhouette gigantesque allait à coup sûr terroriser notre ami... Sauf si nous nous montrions suffisamment ingénieux.

Je m'adressai à Sigurd avec discrétion:

- Ce Tropius est avec nous, mais notre ami à trois têtes n'a pas besoin de le savoir. Profitons-en et faisons croire à Api que nous sommes assez vaillant pour dissuader les monstres les plus vastes! Ça marche?

Je ne savais pas trop quoi attendre de ce Riolu, mais s'il avait un tant soit peu de finesse, il se joindrait à ma douce supercherie.