ans la pénombre de leur avancée, un sourire inquiétant se dessina sur les lèvres de la Chef de Sakai. Il avait suffi d’une petite histoire et de quelques conseils pour qu’une fragile confiance se tisse entre elle et la jeune fille. Il lui arrivait parfois de prendre peur en voyant la facilité avec laquelle on lui accordait sa confiance en apprenant qui elle était. Evidement il y avait d’autres fois où elle avait droit à un regard sombre et quelques insultes qui auraient plus leur place dans les docs d’un port. Mais, le fait était que son rang inspirait le respect et parfois même l’admiration. C’était… quelque chose qu’elle appréciait vraiment. Même si les relations que cela tissait n’étaient que du paraître basées sur un titre, cela restait une forme de reconnaissance à laquelle Bravoure se raccrochait presque désespérément.

Mauvaises ou non, ses intentions en prodiguant ces brefs conseils lui avait permet d’en apprendre plus sur leur mystérieuse alliée. Au moins, la Dame était à peu près certaine que la jeune fille ne leur voulait aucun mal et le ton de voix qu’elle employait en lui parlant faisait fondre ses préjugés. Cela n’empêchait cependant pas sa paranoïa de s’inquiéter, mais avec l’âge elle avait appris a la rendre plus silencieuse.

« Ne vous gênez pas, c’est mon rôle. » l’encouragea doucement Bravoure.

Ses pas crissaient doucement sur la fine pellicule de neige, chaque avancée était mesurée avec précaution. Bravoure a toujours vécu à la limite du précipice, autant figurativement que maintenant physiquement. Un faux pas et c’était la mort assurée. Jusqu’à lors elle avait toujours su se rattraper lorsqu’il lui arrivait de trébucher, jusqu’à quand ses réflexes survivrons-t-ils. Ses expériences, autant ses succès que ses échecs, lui avaient plus enseigné sur la vie que n’auraient pu le faire n’importe quel livre de la Grande Bibliothèque.

Malheureusement, Bravoure était elle-même une enseignante sporadique, ne partageant que des fragments de ses pensées avec les autres. D’aucun aurait pu prendre cela pour de l’avarice, c’était en réalité plus un instinct de préservation. Ces derniers temps cependant, son bon sens et son propre conseil l’encourageait à partager plus ouvertement ses connaissances. Pour l’instant elle n’avait que quelques anecdotes sans grand impact personnel, qu’elle partageait le plus souvent avec Sindri ou son personnel de chambre.

La Dame pouvait entendre l’hésitation dans le ton de la jeune fille. Son esprit lui hurlait que c’était parce qu’elle cachait quelque chose mais sa rationalité la rassurait, c’était probablement parce qu’elle ne se confiait pas souvent. Tout comme elle. Néanmoins, Bravoure resta alerte, elle savait que Sindri veillait sur ses arrières. C’était bien la seule certitude qu’elle avait en cet instant.

Il fallait avouer que la Dame était surprise d’apprendre que la jeune fille était une érudite. Elle ne se retourna pas pour étudier son visage de peur de glisser mais, de mémoire, elle ne se rappelait pas l’avoir croisée à Sakai. Elle n’avait pas non plus l’accoutrement typique de l’érudit. Une guerrière érudite, réellement ? La seule lame que savaient manier ces savants était celle du coupe-papier et encore, ils trouvaient toujours un moyen pour se couper. Le mensonge aurait été tellement gros et absurde qu’elle était obligée de la croire sur ce point. La fille était bel et bien une érudite.

Les Valni en revanche, étaient une autre histoire. En effet, le nom évoquait quelque chose, quelque chose qu’elle n’appréciait pas. Difficile cependant d’affirmer si c’était à cause de l’obscur passé de la maison ou simplement parce que le nom ressemblait quelque peut à un autre qu’elle préférait oublier. Quant à savoir la raison de cette question venue de nulle part… la jeune fille les haïssait-elle ? Mais la maison n’avait-elle pas disparu il y a quelques années ? Oui, c’est cela, partie dans les flammes, un malencontreux accident qui n’avait pas fait verser une larme. Elle aurait bien aimé voir le visage de la jeune fille à ce moment-là. Les Valni étaient des scélérats qui avaient tenté de renverser l’ordre des choses, des fanatiques de l’Ideal et de la Réalité. Le monde se portait mieux en leur absence.

« Quelque peu, oui. Rien de bon, cependant. Des rumeurs, des légendes, des accusations surtout. Il me semble qu’ils ont péri dans les flammes il y a une dizaine d’années de cela. Pourquoi cet intérêt pour cette vieille maison ? » répondit-elle sur le ton de la conversation.

Du coin de l’œil elle pouvait voir des pokémons s’agiter dans les couloirs étroits de la mine. Ainsi, l’endroit n’était pas aussi vide que l’extérieur voulait bien le laisser croire. La plupart des créatures les regardaient avec suspicion ou les ignoraient tout bonnement. Il y avait cependant une férosinge qui se balançait de poutre en poutre, le regard braqué sur leur étrange groupe. Elle ralentissait avec eux et prenait des détours pour les garder dans son viseur.

Bravoure supposait que les autres aussi l’avaient remarquée. De toute manière, ils allaient bientôt atteindre une corniche qui s’ouvrait dans l’un des tunnels de la mine. Si le pokémon voulait les confronter ce serait à ce moment-là. En attendant, Mila avait le temps de s’étendre un peu plus son histoire.

air semblait avoir chuté de quelques degrés. Bravoure s’arrêta quelques secondes pour regarder le ciel limpide. Il n’y avait aucun nuage en vue, pourtant quelques légers flocons commençaient à tomber. Par les milles bras d’Arceus, qu’est-ce que c’était encore que ça ? Ses compagnons de voyage n’avaient pas l’air de payer de mine aux petits cristaux de glace, trops perdus dans leurs pensées. Elle se garda donc d’en faire remarquer la présence, elle ne voulait pas paraître pour une idiote devant deux habitués des pics.

Quelque peu perturbée par les aléas du ciel, elle continua son chemin, d’autant plus concentrée sur ses pas. Son souffle devenait fumée blanche qu’elle chassait rapidement. Ce n’était peut-être que le froid qui faisait ça, ou alors c’était ce même gaz qui avait envahis l’infirmerie. La Chef de Sakai serra ses dents, agacée de ne pas pouvoir contrôler ce stupide phénomène météorologique. Elle resserra ses fourrures autour d’elle en remontant son écharpe pour qu’elle couvre son nez et sa bouche. Ciel ! Cesses donc tes caprices !

La voix de Mila la tira de sa rêverie. Elle sonnait étrangement à ses oreilles mais dans ce monde de roche et de glace, impossible de dire ce qui n’était pas étrange. Les pokémons s’étaient tus et la lumière s’amenuisait au fur et à mesure qu’ils s’enfonçaient dans les entrailles de la mine. Même la férosinge s’était arrêtée pour tout simplement les fixer. Le corps immobile, sa tête tournant légèrement pour les garder dans son champ de vision. Bravoure sentit un frisson la parcourir mais se retint d’accélérer le pas.

« Oh, un lien c’est bien grand dire. Ce n’étaient pas des prêtes… enfin il me semble. C’est une vieille famille disparue. Je ne vois pas l’intérêt qu’il y a remuer le passé. Ce qui est mort, est mort. »

Non, Bravoure n’aimait quand on se penchait un peu trop près dans l’histoire de la noblesse sakaienne. Nombreux étaient ceux qui supposaient que c’était dû au fait qu’entant qu’orpheline adoptée, elle se sentait ostracisée dans ces moments-là. La vérité était bien plus sombre et dangereuse pour la Dame. Elle avait néanmoins appris à fuir les questions de ce genre. Mieux valait-il s’éloigner de la bougie plutôt que de s’y approcher au risque de s’y brûler.

« Mais, je suis sûre que vous trouverez toutes les informations que vous recherchez dans la Grande Bibliothèque. Il y a un recueil avec les différentes familles, leurs blasons et arbres généalogique. Evidement il n’est pas tout récent et n’a pas été mis à jour depuis… »

Elle réfléchit quelques secondes. Elle n’avait ouvert ce livre que quelques rares fois pour vérifier les allégeances des plus anciennes familles. Plusieurs pages avaient été arrachées dans des élans de rage, d’autres avaient été souillées au cours des années et ce malgré le dur labeur des bibliothécaires.

« …Au moins la guerre civile. Mais la maison Valni est vieille vous trouverez peut-être quelque chose dessus. Sinon, il doit peut-être rester des ruines du manoir, je ne sais pas si on a reconstruit par-dessus mais vous devez connaître les sakaiens et leurs maisons hantés… »

Elle sourit en étendant Sindri tenter de retenir un rire derrière elle. Utiliser les superstitions contre les nobles était toujours des plus divertissant. C’était aussi l’une des rares occasions ou elle laissait les zarbis du palais embêter ses invités. Les portes qui claquaient, les objets qui disparaissaient et les voix dans le couloir étaient amusantes lorsqu’on était de ceux qui les orchestraient. Un peu moins lorsqu’on en était la victime.

« Pourquoi ne pas plutôt aider nos chers érudits à percer le mystère de ces nouveaux pouvoirs et de ces abominations sorties de la lumière. Ce serait plu- Pourriez-vous demander à votre elecsprint de faire moins de bruit. »

La Dame fusilla le pokémon d’un regard noir en resserrant encore plus ses fourrures. Elle ne pouvait plus ignorer les températures descendantes. Un peu plus et elle claquerait des dents. Impossible cependant de dire si le froid venait de la mine ou de l’extérieur. L’atmosphère était pesant et les aboiements du chien électrique résonnaient anormalement contre la roche. Elle avait l’impression de commettre un blasphème en ne respectant pas ces lieux anciens.

« C’est le chien le problème. » grommela-t-elle dans son écharpe, trop doucement pour être entendue.

Aussitôt ces mots s’étaient-ils matérialisés sur ses lèvres qu’un lourd vent glacial vint frapper le groupe avec force. Bravoure pesta, se raccrochant de justesse à un rocher protubérant. Le vent gelé la fouettait et griffait son visage, menaçant de l’emporter dans les abysses. Elle dû s’accroupir pour mieux résister à son emprise. Elle entendit Sindri crier son nom lorsque tout s’arrêta brusquement.

« Dame Bravoure ! Vous allez bien ? »

Le rouquin était à ses côté, l’aidant à se relever. Ses cheveux avaient été en partie arrachés du chignon sur sa tête et tombaient anarchiquement de chaque côté de son visage. Sindri épousseta la neige qui s’était agrippées aux poils et aux tissus. Ou tout du moins, elle supposait que c’était lui, elle n’y voyait rien.

« Que s’est-il passé ? »

Soudain, un flash de lumière qui l’aveugla presque. L’elecsprint de Mila remontait à toute vitesse les marches gelées, sa fourrure chargée d’électricité éclairait les murs maintenant tâchés de blanc. Bravoure dû lever la tête pour voir l’entrée de la mine, qui paraissait si petite vue d’en-bas. Elle n’avait pas réalisé qu’ils s’étaient autant enfoncés. Elle leva sa main en l’air comme pour toucher cette épaisse couche de glace qui recouvrait l’entrée. Si épaisse et dense qu’elle laissait à peine passer le soleil.

« Il faut que je sorte d’ici. » souffla Bravoure avec horreur.

Elle se cramponna fermement au bras de son garde, prise d’un tremblement incontrôlable. L’air lui semblait soudainement plus lourd et large et imposant et ses poumons parvenaient à peine à fonctionner. Elle se laissa glisser contre Sindri, tirant frénétiquement sur son écharpe, puis ses vêtements pour libérer son cou. Sa respiration était devenue sifflante et erratique.

« ELDR ! VIENS ICI ! Ma Dame, tout va bien aller, prenez de grandes respirations. Inspirez. Expirez. Inspirez. Expirez. C’est ça, gardez le rythme. »

Le gros molosse se colla tout contre la vieille dame, soufflant sur elle pour la réchauffer, il faisait exprès de prendre des inspirations et expirations sonores pour lui donner un rythme sur lequel se caler. Sindri passa Mila en courant.

« Veillez sur elle et parlez-lui doucement, elle a une crise d’angoisse. Essayez de garder l’air sec. » expliqua-t-il au passage.

Une au sommet des escaliers il dégaina sa hache pour essayer de frapper la glace, aidé du pokémon de Mila. Ses coups ne laissaient même pas une égratignure. A dernier recours, il se recula de quelques pas pour projeter une boule de feu contre la surface translucide. Les flammes jaillirent de ses mains avec violence et tonnerre pour s’écraser la muraille de glace. Celle ne réagit même pas. Sindri toucha doucement le glace de ses doigts, lisse, sans eau, ni marque de coup. Elle se reformait aussitôt qu’elle se faisait détruire. De la magie ? Ou pokémon belliqueux ? Il se recula de quelques pas, lançant un regard empli d’inquiétude vers le ciel avant de revenir en courant vers le groupe.

« Il faut qu’on trouve une autre sortie. C’est complètement bloqué. » expliqua-t-il, complètement essoufflé, à la jeune fille avant de se mettre à genoux devant sa Chef, qui le regardait silencieusement. « Vous allez mieux ? »

Elle hocha la tête, la voix de Mila et la chaleur de l’arcanin avaient réussit à détourner son esprit de la situation suffisamment longtemps pour qu’elle puisse reprendre une ombre de contrôle sur son corps.

« Bien. On va continuer à avancer alors. On va trouver une autre sortie. Les mines en ont toujours au minimum deux. Je veille sur vous. »

Il fit signe à Mila de commencer à avancer. D’un geste souple et qui trahissait l’habitude, il souleva sa chef pour la poser sur la large selle d’Eldr avant de fouiller dans le sac pour trouver une fiole puante qu’il lui tendit. Bravoure l’avala d’un trait. Ses muscles se détendirent légèrement mais sa respiration resta sifflante. Habituellement l’effet était plus drastique. Elle fit de son mieux pour ne pas s’en alarmer.

« Allons-y. » encouragea le garçon en guidant le pokémon vers le bas des marches.

La situation ne pouvait pas être pire.

e garde avançait à grands pas dans les couloirs tortueux de la mine. Il jetait souvent des coups d’œil à sa chef, la voyant respirer à à-coup réguliers. Il ne donnait pas cher de sa peau si Brigit apprenait qu’il avait emmené Dame Bravoure dans un lieu clos, humide et froid. La pire combinaison possible pour la Dame de Sakai. Il ne connaissait rien de son passé, ni ne comprenait ce qui aurait pu éveiller en elle une telle réaction. Le fait est qu’il lui arrivait de … cesser de fonctionner comme ça. Il savait à quel point la vieille femme détestait quand cela arrivait. Plus que la peur qui figeait son corps c’était sa propre vulnérabilité qui l’insupportait. Il l’avait vu terrifiée de ne pas pouvoir correctement contrôler son corps. Il détestait ça lui aussi. Pour lui Dame Bravoure était un symbole de puissance. Une force immuable sur qui il pouvait comptait. Il lui devait la vie. La voir ainsi était contraire à tout ce qu’il croyait.

Il s’interposa rapidement pour bloquer le passage d’une drôle de brutalibré et d’un racaillou. C’était beaucoup trop risqué de rester dehors. Le pokémon oiseau protesta avec courage mais un regard sombre du garde suffit à calmer ses ardeurs.

« Regardes ce pauvre racaillou, il dépend de toi. Tu ne peux pas juste perdre l’esprit et foncer dans le tas. S’il t’arrivais malheur, il serait triste et… perdu. » Il leva les yeux vers Bravoure, qui murmurait des choses, les yeux à demi-clos. « Restes forte. On va se débarrasser de cette glace et tout reviendra à la normale. »

Le pokémon oiseau le regardait avec de grands yeux. Elle n’était pas bien sûre de tout comprendre mais fit tout de même demi-tour. Non sans trainer des serres pour la forme. Sindri serra ses poings pour calmer le tremblement de ses mains. Quelques flammes vinrent lécher ses vêtements. Il n’était pas seul, Dame Bravoure pouvait compter sur lui et Mila. Le rouquin se ressaisit, tapotant sur ses manches pour éteindre les flammes avant de rejoindre le groupe.

Mila avait trouvé une large pièce en suivant des pokémons. Les coups de pioches qui avaient creusé la cavité étaient visible sur les murs, au centre de la pièce trônait un feu dont la lueur dansante attira immédiatement le regard du garçon. Un large sourire se dessina sur son visage alors qu’il se rapprochait de la source de chaleur. La voix de Mila le rappela à l’ordre.

« Euh… oui, Dame Bravoure. » Il se claqua le visage avant de brusquement tourner le dos aux flammes. « Eldr, viens par ici. »

L’arcanin s’approcha des flammes et Sindri aida délicatement sa Chef à descendre de la créature. Il la fit s’asseoir contre le pokémon feu. Il avait remarqué que la vieille dame appréciait la texture du poil et passait souvent ses doigts dedans, il espérait que ça puisse l’aider maintenant aussi. Il détacha l’épaisse couverture attachée à la selle du pokémon pour l’enrouler autour de la femme. Maintenant, elle était bien installée.

Lui-même s’assit près du feu. Un peu trop près peut-être, il suffirait d’un coup de vent pour que les flammes viennent sauter à son visage. Il n’en avait jamais eu peur. Les pokémons installés autour du feu venaient de toutes les couleurs et formes. Le Ptéra était particulièrement impressionnant avec sa longue mâchoire et ses petits yeux sombres. C’était aussi le pokémon le plus calme. Il courbait l’échine et couvrait ses crocs, cachant ses griffes et faisant de son mieux pour se faire le plus petit possible et ne pas effrayer les autres pokémons. Il détourna le regard lorsqu’il remarqua l’attention que lui portait l’humain.

« Je croyais que la mine était abandonnée. » constata Sindri, ne s’adressant à personne en particulier.

La pièce possédait de nombreuses entrées, peut-être que l’une d’elle mènerait à l’extérieur. Ou bien droit dans la tanière d’un monstre. Pour l’instant, le mieux était d’attendre un peu que Dame Bravoure reprenne ses esprits avant de repartir. Il tendit une main hésitante pour la rassurer avant de décider le contraire. Elle était sa chef, pas une amie qu’il pouvait banalement prendre dans ses bras.

« Sage décision. »

Le garçon sursauta, se retournant vers sa chef. Bravoure le fixait de ses yeux impairs, ses intentions étaient illisibles mais son regard semblait plus alerte.

« Je vais bien. » déclara-t-elle à sa question silencieuse. Elle lança un regard en direction de Mila. Ce mot lui coûtait car il était preuve de sa faiblesse, elle le prononça quand même. « Merci. »

Un mensonge évidement. Sa peau était plus pâle que d’habitude et elle se collait à Eldr comme si elle avait peur qu’il disparaisse brusquement. Ses yeux scannèrent la pièce. Vide si ce n’était pour les pokémons présents. Pourtant la Chef avait l’horrible sensation d’être épiée. Elle posa sa main parterre à l’abri des regards, laissant Vengeance se faufiler discrètement par terre. L’aspicot disparu dans l’un des couloirs. Elle partait en éclaireur, ses sens nullement affectés par les ténèbres.

« Combien de temps avons-nous avant que les occupants de cette alcôve ne reviennent ? » demanda-t-elle.

Sindri secoua la tête. Il n’en avait aucune idée. Son regard se tourna vers Mila, si les choses tournaient mal, pourrait-il compter sur elle ? Le Ptéra redressa sa tête, les narines frémissantes. Quelque chose approchait.

u coin de l’œil Bravoure pouvait voir la jeune femme s’afférer dans la grotte. Elle remuait dans tous les sens, parcourant la pièce le nez en bas à la recherche de quelque chose. Pendant un instant le cerveau embrumé de la chef pensa qu’elle avait perdu une boucle d’oreille avant qu’elle ne réalise la stupidité de cette observation. Il était évident qu’elle s’activait pour chercher des informations sur la présence d’hommes. Chose qu’ils devraient tous faire. Malgré cette pensée rationnelle, la Dame resta en place, callée confortablement contre le large pokémon feu. Son corps refusait de se lever.

Mila commença à faire part de ses trouvailles. Bravoure se massa la tempe, la situation semblait empirer à la minute. Ce campement était tant une bénédiction qu’une malédiction. Placé à un carrefour entre de nombreux boyaux, il était indéfendable. Elle n’était pas spécialiste des tactiques de guerre mais entant que chef, il était nécessaire de s’y connaître un minimum. S’il y avait une attaque ils allaient être rapidement encerclés puis submergés. Il n’y avait plus qu’à espérer que Mila soit aussi douée avec sa lame qu’elle le sous entendait. Ses pokémons et son aide ne seraient pas de trop. A condition qu'elle ne soit pas du côté des potentiels bandits cela-dit.

Faute de bouger, la Dame se mis à observer les alentours avec attention. Elle savait déjà qu’elle ne tirerait rien de Sindri maintenant qu’il était tombé nez à nez avec des flammes. Le garçon la désespérait parfois. Les pokémons aux alentours semblaient inquiets. Certains plus que d’autres. Le large pokémon reptilien ne cessait de remuer, gardant sa tête à ras de terre. Bravoure s'attendait a une catastrophe.

Il eu un bruit de chute, puis une cavalcade. Bravoure se redressa un peu plus contre Eldr qui dévoilait ses crocs en grognant. Le geste protecteur de Mila ne passa pas non plus inaperçu, sédimentant le début de confiance que la Chef développait envers la jeune femme. Une espèce de touffe de poils sale et grise déboula d’un renforcement avec fracas. La chef cligna des yeux. Un hexadron arriva à sa suite, avançant d’un même mouvement nonchalant. Le chat, car c’était un miaouss, sauta sur ses pattes pour se lancer à l’assaut de la paroie. Grimpant avec frénésie avant de dégringoler à nouveau. Le silence de la pièce était lourd de gêne, brisé seulement par le raclement des pattes de la créature et sa respiration haletante. Le Ptéra s’agita mais Mila intervint avant, invitant le chat de gouttière à les rejoindre autour du feu. Un sourire plein de dents et surmonté d’un regard noir accueillit sa proposition mais la jeune femme n’en semblait nullement perturbée, se lançant même dans une courte explication sur la bête. On ne peut pas dire que la Chef de Sakai avait eu l’occasion d’en voir de près. La réputation de ces bestioles les précédait. Il fallait bien avouer qu’il n’avait rien de charmant.

La créature des montagnes finit par abandonner sa futile quête pour rejoindre le feu, se pavanant comme un petit chef. Il semblait toiser la troupe du regard, comme pour les évaluer, arrêtant ses yeux dorés sur la vieille dame. La Chef de Sakai lui rendit son regard, non sans une once de défi. Elle n'avait pas besoin de plus fauteurs de troubles ici. Le sourire de la créature ne fit que s'élargir dans des proportions perturbantes. Le Ptéra, intimidé, se décala légèrement vers Bravoure, comme si la présence de la femme austère pouvait garder au loin cet espèce de gremlins poilu. Si l’un était bagarreur, l’autre était un couard. Si Bravoure devait résumer cette expédition plutôt catastrophique pour le moment, ce serait par ce proverbe : « Il ne faut pas juger un livre à sa couverture. »

Le chien électrique de Mila déboula à toute vitesse dans la salle, aboyant ses nouvelles avec inquiétude. Aussitôt une aura de panique s’empara des pokémons présent. Le miaouss sortit ses griffes en feulant, là où le Ptéra se contenta de regarder les alentours, courbant encore plus l'échine et cachant au mieux ses griffes. Au son de sa voix et des indications de Mila, une chose était claire; il leur fallait réagir et vite. Une attaque se préparait. Sindri était sur ses pieds en un bond, hache à la main.

« J'étein- » commença-t-il.

« Sindri, prends les bûches et jettes les dans le couloir. » coupa-t-elle.

Le garçon lui lança un regard en biais mais obtempéra. Le premier bout de bois vola quelques mètres avant d’atterrir sur le torse d’un homme qui hurla de terreur, l'éclairant au passage le boyau révélant deux autres bandits, l'un d'entre eux avait un arc. D’un bond, Eldr s’élançait à la suite des flammes, chargeant à Vitesse Extrême les hommes de ce couloir. D’autres cris résonnèrent dans la mine, le son de pas claquant contre le sol de pierre envahit les lieux. Ils étaient nombreux. Au moins une dizaine.

Bravoure se redressa, claquant brusquement des doigts. Les premiers hommes qui entrèrent dans leur alcôve s’écrasèrent au sol, couvert d’une espèce de sécrétion gluante qui leur collait aux yeux. Vengeance trottina sur les murs, crachant ses toiles sur les bandits à terre qui pestaient comme des diables de surprise et de dégout. La petite aspicot n’allait pas les occuper bien longtemps, déjà ils déchiraient les liens de toile.

Au même moment une flèche siffla à toute vitesse, traversant la pièce depuis un couloir éloigné. Bravoure n’eut même pas le temps de lever les bras pour se protéger. Le miaouss avait déjà bondit, d’un coup de griffe il brisa la flèche en deux, retombant sur ses pattes comme un champion, ses poils tout hérissés. Un rugissement sortit de son ventre, un son impensable provenant de cette petite créature. Il leva sa patte vers les bandits leur faisant signe de venir, un large sourire sur le visage.

La chef se recula, cognant contre le Ptéra qui regardait les alentours avec inquiétude. Les deux échangèrent un regard. Ils étaient comme deux boulets au milieu du combat. Sindri s’attaquait à un homme hurlant à pleins poumons alors que des flèches continuaient à pleuvoir sur les pokémons paniqués. Dans leur dos un vent glacial naquit, annonçant l’arrivée d’une puissante créature. Bravoure s’accrocha au Ptéra, ne pouvant rien faire d’autre qu’essayer de ne pas mourir.

« Mila ! Protégez Dame Bravoure ! Quelqu’un s’occupe de ces archers ? » cria Sindri, donna un brusque coup à son adversaire.

Les bandits étaient trop nombreux, trop organisés. A l’écart du combat se tenait une femme, le regard mauvais. Derrière elle, un large pokémon insecte aux ailes cristallines volait doucement, ses yeux miroitant jugeaient la scène avec froideur. Beldeneige. Bravoure avait entendu parler de ces vauriens. Pourtant elle était persuadée qu’ils opéraient dans la toundra. Qu’est-ce qui les avait attirés ici ?

a bataille battait son plein. Les pokémons sauvages étaient paniqués, ils ripostaient sans aucune forme de cohésion, cherchant plutôt à fuir qu’à se battre. Bravoure vit le miaouss charger dans un des boyaux en hurlant comme un maniaque après avoir entendu les indications de Sindri. La Chef déduisit que les archers avaient été pris de cours, au son des cris aigus qui se réverbérèrent dans la pièce. Ce chat de gouttières était beaucoup trop téméraire, il attaquait sans penser à sa propre sécurité, enchainant les coups comme un fou furieux. C’était exactement ce dont le groupe avait besoin à ce moment-là. Avec sa rage de vaincre, ses crocs retroussés en un sourire bouillonnant de salive et ses yeux exorbités, il faisait bien peur à voir.

Malheureusement, l’avantage de la surprise était passé et les brigands commençaient à reprendre du poil de la bête. Mila s’était jetée à l’assaut de la chef du groupe. Une sage décision. Coupez la tête de l’arbok et c’est le corps entier qui s’effondre. Bravoure pouvait voir Vengeance galoper sur les murs, sa petite taille lui donnant un avantage considérable, elle n’était pas la principale cible des attaques mais ses sécrétions permettaient de perturber les combattants ennemis.

Le Ptéra, grognait et claquait des dents pour repousser les bandits qui s’approchaient de trop près. Il lui arrivait de mordre lorsque les hommes s’attaquaient directement aux pokémons où quand la lame d’une épée passait trop près de la tête de la vieille dame. Il ne voulait pas faire couler le sang mais le ferait si les bandits continuaient à le pousser dans ses retranchements. De son aile, il recouvrait Bravoure, les écailles hérissées et la queue agitée. Il ne cachait plus sa masse et s’en servait pour servir de rempart aux pokémons sauvages, leur permettant de fuir sans craindre un coup dans le dos.

La Chef entendit le cri de Mila malgré la cacophonie. La jeune femme semblait en mauvaise posture, son épée ornée était couverte de glace. Mais, les hurlements d’agonie de la femme devant elle n’étaient pas sans rappeler les cris du conseiller de Ran qui avait péri dans les flammes, il y avait encore espoir. Il fallut un moment à la Dame avant qu’elle n’arrive à repérer le pokémon électrique dans la masse grouillante. Elle allait devoir traverser la salle pour le rejoindre.

Bravoure lança un coup d’œil à Sindri, il devait certainement avoir trouvé le lieutenant du groupe et échangeait des coups avec lui. L’effort était visible sur son visage, son adversaire était costaud, un véritable truand des montagnes. Il ne pourrait pas l’aider. La Chef pesta. Elle n’avait rien d’une combattante ! Jamais elle n’avait reçu de formation à l’épée et aucune arme ne ceignait sa taille. Qu’est-ce que la jeune femme s’attendait à ce qu’elle fasse ? Se jeter devant le molosse pour prendre le coup à sa place ? Bravoure tira sur la corne du ptéra qui glapit de surprise.

« Il faut protéger cet elecsprint. » lui indiqua-t-elle. « Emmène-moi là-bas ! »

Le pokémon roche leva la tête pour voir l’endroit que pointait la femme. Le beldeneige volait de manière menaçante invoquant la glace de ses ailes écailleuses. Le ptéra se secoua, s’il y avait bien une chose qu’il n’aimait pas c’était les grosses brutes qui écrasent les autres pour leur plaisir personnel. Il se baissa pour permettre à la femme de monter sur son dos, ce qu’elle fit avec hésitation, s’accrochant comme elle le pouvait à ses écailles rugueuses. Dans un grognement il traversa la salle, étendant brièvement ses ailes pour assommer quelques vauriens.

La beldeneige les vit venir de loin. Du bout de ses ailes, elle fit apparaître de la neige qui s’accumula en larges flocons avant de la projeter sur le ptéra. Bravoure pesta, la poudreuse la percuta de plein fouet. Heureusement, habituée au rude climat de Sakai et couverte de larges peaux de mamochon l’attaque ne la perturba pas trop mais sous elle, le pokémon fossile se mit à trembler. Il s’écrasa avec fracas sur la mite de givre, utilisant sa masse pour l’emporter avec une cru-aile. Bravoure fut projetée au sol, ses doigts figés par le froid n’ayant pas réussit à s’agripper sur les écailles du pokémon roche.

Le souffle coupé sur l’impact, elle s’éloigna tant bien que mal du combat pour rejoindre le pokémon de Mila. L’elecpsrint avait vu de meilleurs jours. Elle passa sa main dans son pelage gelé, le frottant avec vigueur pour tenter de le réchauffer. Derrière elle le combat battait son plein. Le ptéra avait plongé ses crocs enflammés dans une aile de la mite, déchirant la délicate membrane. La différence de force entre les deux pokémons restait néanmoins flagrante. Ce n’était qu’un coup de chance qui avait permis au pokemon fossile de toucher la beldeneige et maintenant que celle-ci ripostait de toute sa force, il était en mauvaise posture.

Vengeance apparut derrière eux, crachant ses sécrétions sur la beldeneige avec l’énergie du désespoir. Ce n’était pas plus efficace qu’une piqûre de moustique mais ça avait au moins le mérite de l’agacer et donc détourner son attention du ptéra pendant quelques secondes. Malgré tout, si rien n’était fait, le combat allait très rapidement tourner en leur défaveur. Comme pour faire écho à cette pensée fatidique, le beldeneige mis le ptéra à terre avec une violente onde boréale. Le pokémon fossile se tordit de douleur, son torse commençait à se couvrir d’une fine couche de glace, figeant ses mouvements. La mite givrée se positionna pour achever son adversaire à terre. Vengeance redoubla d’ardeur, crachant ses dards-venin sans aucun effet. Une aura arc en ciel commença à se former devant la beldeneige. D’un geste désespéré, Bravoure attrapa une pierre qui trainait pour le jeter sur le pokémon glace. Il tourna son regard médusant vers elle.

Un feulement furieux les fit sursauter, brisant ce moment. Puis dans un éclair de poils grisâtres, le miaouss sauta toutes griffes dehors sur la beldeneige. Son pelage était taché de sang ꟷ le sien ou bien celui de ses adversaires ? ꟷ mais son ardeur n’en était pas diminuée. Il planta ses griffes dans un œil du pokémon glacé, qui hurla de douleur, se débattant dans tous les sens pour chasser la créature furibonde. Le miaouss fut violement projeté contre le mur.

Bravoure regarda le pokémon s’échouer misérablement sur le sol. Elle chercha à tâtons quelque chose à prendre en main pour menacer le pokémon glace. Ses doigts rencontrèrent la lame d’un glaive qui avait dû être lâchée par son propriétaire durant l’affrontement. Elle se redressa en la pointant vers la beldeneige. L’arme tremblait et piquait du nez, son poids était trop lourd pour pouvoir être soulevé à une main.

« Mila, mettez cette femme hors d’état de nuire avant qu’on y passe tous ! » grogna Bravoure.

Elle pris la garde à deux mains, la levant devant elle face au pokémon. Elle savait que ça ne serait pas assez pour le retenir.