Le son de la porte se refermant provoque que peu de réaction chez l'albinos, même pas un regard pour être précis, mais sa venalgue elle se retourne, confortablement installée dans la capuche, pour observer le duo. De ses jeunes petits yeux, elle essaye de trouver une raison pour laquelle un adulte porte une gamine sur ses épaules, mais n'arrive à aucune conclusion et se contente donc de se retourner dans le sens de sa maîtresse et maman. Cette dernière ricane à la réaction de son petit pokémon, la gamine doit être dans une situation très gênante pour que cela la rende si perplexe.

Daignant enfin se retourner, elle salut à nouveau le couturier de son éternel sourire en le laissant prendre la tête du petit cortège, surtout pour embêter l'impolie qu'il porte sur son dos en lui souriant sans jamais faillir. C'est simple des fois de saouler les gens, surtout que dans l'immédiat, l'albinos portent les vêtements du sac à patate et cela lui va plutôt bien en plus. Bon, il reste le problème des muscles un peu trop épais, mais que voulez vous, pêcher ça forge le corps plus que de jouer la langue de vipère.

- T'as de bon goût Mouë, je dis pas. Je devrais me prendre le même ensemble pour les intérieurs, en plus grand par contre.

Avoir le nombril à l'air, même s'il est entouré de tablettes, c'est très embarrassant. Comment les jeunes filles peuvent porter ça avec si peu d'embarras ? C'est presque admirable, mais surtout indécent. Aussitôt à la boutique, aussitôt elle va mettre en paix un de ses t-shirts, bien plus confortables. Mais après quoi, elle s'intéresse surtout à ce que fabrique le cordonnier, son habit, la nuit va être longue alors autant avoir un bon spectacle.

- Vous avez besoin d'aide pour faire ma tenue ? Ou de matéri-

Un éternument de Abba interromps la phrase de l'albinos, il faisait si froid dehors ? Elle ne se souvient pas que c'était le cas, peut-être qu'elle est trop habituée à avoir très froid. Elle retire sa veste et enroule sa petite pokémon pour la bercer, ce serait dommage que son bébé soit malade non ?

- Tu as eu un petit coup de froid ma belle ?~

Cette soirée ne s’est définitivement pas déroulée comme je l’avais initialement prévu. Alors que je quitte notre demeure, je laisse à regret derrière moi la cheminée, où craquent les flammes en libérant des odeurs qui ne donnent que l’envie de se poser et se reposer, une bonne tasse de thé à la main. Mais à la place, je vais coudre et travailler le tissu toute la nuit, en plus de devoir endurer la mauvaise humeur de celle qui me boude sur l’épaule. Mais bon, qu’est-ce que je ne ferais pas pour la satisfaction d’un client, hein?

Les Pokémon de notre famille nous emboîtent le pas alors que nous reprenons la route vers la boutique, en compagnie de Decyfer et ses propres compagnons. Je peux d’ailleurs entendre cette dernière embêter ma fille, qui se trouve toujours en sac à patate, mais je préfère ne pas intervenir, en me disant qu’il serait idiot d’embêter la cliente maintenant, après avoir déjà effectué autant de travail. Il serait plutôt bête de la vexer d’avantage, puis risquer qu’elle ne décide de briser le marché. Tout ce travail aurait été fait pour rien, et honnêtement, je dois avouer que ce petit projet qui me sort de ma zone de confort, bien qu’il demande beaucoup de travail, me motive tout de même. Et puis, il me rend nostalgique de cette époque où mon épouse et moi travaillons de concert pour marier couture et cordonnerie sous un même toit. Bien que je ne me venterais jamais d’avoir le talent de Magda, l’idée de travailler avec ses techniques me fait sourire discrètement, sans que personne ne puisse s’en rendre compte.

Nous arrivons finalement à la boutique, où la cliente peut enfin aller se changer pour mettre quelque chose qui lui convient mieux, bien que les vêtements empruntés ne semblaient pas lui déplaire. J’en profite pour aller poser les affaires (et ma fille par la même occasion) dans un coin de l’arrière-boutique, où nous pourrons à notre tour nous installer cette nuit. Ou du moins, ou ma fille pourra s’installer, puisque de mon côté, je ne pense pas être en mesure de fermer l’œil de la nuit avec le projet qui m’est tombé sur les bras.

-Oh mais n’avez-vous donc jamais entendu le dicton? Le client est roi, et à ma connaissances, faire coudre un roi, ou une reine dans notre situation, serait du jamais vu!

J’adresse un clin d’œil à la jeune femme avant d’aller m’installer près de la caisse, où j’ai l’habitude de travailler sur mes croquis, puisque la lumière y est plus abondante qu’à la table à dessin de l’arrière-boutique. Des feuilles pour patrons sont entassées dans une chemise près du bureau, et j’en prends ainsi quelques-unes, qui me serviront à dessiner la tenue en grandeur nature. Suite à quoi, je pourrai débuter la découpe du tissu, pour finalement assembler le tout. Il s’agit d’un procédé que j’ai déjà observé à de nombreuses reprises du vivant de ma femme, et que j’ai répété bien moins souvent, quoi que je ne doute tout de même pas de ma capacité à pondre quelque chose qui devrait être représentatif du croquis réalisé plus tôt.

-Si tout se déroule comme prévus, le tout devrait être prêt à partir de demain en avant-midi. Prenez le temps de bien vous réchauffer avec vos camarades avant de partir ; ceux-ci semblent avoir eu froid à l’extérieur.

Sans pour autant lui indiquer clairement mes intentions, je laisse savoir à la cliente par ces dernières paroles qu’elle pourra bientôt quitter, pour revenir une fois le produit fini. Car bien que sa présence ne me dérange aucunement, je sais que j’avancerai bien plus vite si je n’ai pas à me soucier de leur confort. Et puis, je sais que pour terminer à temps, je n’aurai probablement pas d’autres choix que de solliciter l’aide de Mouë, et je sais aussi que celle-ci ne risque pas de m’aider si la cliente est toujours présente.

Ce marathon de dessin, découpage, mesure et couture débute donc, alors que le soleil s’est pratiquement dissipé. Cette nuit sera bien longue et épuisante, ça je le sais. Elle sera aussi fort probablement pénible. Mais tout de même, je sens déjà qu’elle sera motivante. Peut-être même au point de me pousser à recommencer à offrir ce service dans ma boutique à la clientèle régulière. Enfin, tout ça, j’aurai amplement le temps d’y réfléchir une fois le projet terminé.