L’air un peu perdu devant la scène qui s’offre à ses yeux, Saadi se retourne vers son dresseur pour chercher conseil. Mais ce dernier n’a pas l’air de savoir davantage quoi faire. Voilà que le combat tournait à l’échange verbal musclé entre les deux dresseuses.

Alors que la capuche de sa partenaire tombait, des murmures s’élevèrent dans la foule de spectateurs, certains s’étonnant de l’identité de la jeune femme. En tendant un peu l’oreille, Salem comprit qu’il s’agissait ni plus ni moins que de la cheffe de Ran. Bien évidemment, le jeune homme n’aurait jamais pu le deviner par lui-même vu l’intérêt nul qu’il portait à la politique.

La présence d’un chef d’état à ses côtés, avec qui il avait même combattu, ne le surprit pas le moins du monde. Après tout, ces gens là aussi avaient le droit de se promener en ville et d’apprécier les combats Pokémon. Toutefois, il ne put s’empêcher de se demander si des remontrances directes de la part de sa plus haute supérieure hiérarchique ne venait pas de briser immédiatement et définitivement les rêves de carrière de la soldate. La situation de la femme elle-même le laissait de marbre mais il aurait été curieux de savoir à quel point un chef d’état avait de l’influence sur la vie d’un soldat lambda.

Tandis qu’Aryel sermonnait la vaincue, Salem préféra lui s’intéresser à sa Pokémon. Il n’avait rien à dire à une femme comme cette guerrière, leur pensée était trop différente pour qu’ils se comprennent, Salem en était persuadé. La Kangourex semblait elle aussi complètement désorientée par la situation. Sans doute devait-elle s’estimait coupable de sa défaite et de la colère de sa dresseuse, à moins qu’elle ne soit dépitée d’avoir perdu ? Lorsque le jeune homme s’approcha d’elle, elle ne manifesta aucune réaction. Il s’arrêta à quelques mètres mais ne dit rien, se contentant d’attendre une remarque.
La Kangourex finit par laisser échapper un grognement sourd à l’encontre de l’humain qui pouvait signifier tout et n’importe quoi. Salem ne savait donc quoi lui répondre. En soi, la tristesse de ce Pokémon ne le touchait pas. Si elle réagissait comme les singes qu’il connaissait alors elle avait simplement besoin de temps au calme pour panser ses plaies et accepter la défaite, ce qui lui serait plus facile sans sa dresseuse vu le caractère de cette dernière. Malgré tout, le jeune homme avait pu remarquer qu’un simple petit mot bien placé pouvait aider le vaincu à récupérer plus vite. Il lâcha donc simplement :

« Beau combat ».

Ce à quoi la marsupiale répondit d’un hochement de tête qui parut peu convaincu à Salem. Tant pis si cela ne marchait pas, au moins il aurait essayé. Malgré l’aspect à sens unique de cet affrontement, le dresseur était tout à fait sincère. La Kangourex avait fait de son mieux pour combattre malgré des ordres incohérents et inadaptés à un deux contre un, en mettant toute sa puissance dans ses coups. Le jeune homme n’était d’ailleurs pas mécontent que le combat ait été interrompu car à terme, si la marsupiale avait fini par trouver une faille dans leur défense, elle aurait probablement pu les vaincre en un seul coup vu sa force. L’issue était donc bien moins claire qu’on aurait pu le penser.
Saadi aussi s’intéressait à la Kangourex, ou plutôt à son bébé qu’elle amusait depuis cinq bonnes minutes en faisant des signes rigolos avec sa queue. D’abord méfiant, le rejeton riait maintenant aux éclats et il échangea quelques cris avec sa mère qui accepta de le poser au sol. Aussitôt, il courut vers Saadi et attrapa un des doigts de sa drôle de queue qui semblait le fasciner. La guenon se laissa faire bien volontiers. Le spectacle du jeu eut même le mérite de faire sortir quelques instants la Kangourex de sa morosité.

Salem se désintéressa d’elle et avança alors vers sa partenaire. Il ne tenait pas vraiment à ce que la foule entende leur conversation, quand bien même elle n’avait rien de privé : il s’agissait de simples remerciements.

« Merci pour vos compliments. De même, votre Pokémon et vous êtes parfaitement en phase ».

Salem avait dû se faire violence pour prononcer plus d’une phrase à la fois mais cela avait été facilité par le fait qu’il était parfaitement sincère. On voyait au premier coup d’œil qu’Aryel et Lusa partageaient la même vision des choses et la même stratégie au combat, ce qui facilitait grandement les choses lors d’un affrontement. Pour finir il ajouta :

« Saadi et moi avons à faire, nous partirons quand elle aura fini de jouer. Au revoir ».

Voyant que le spectacle se terminait, la foule commençait à déserter les lieux. Bientôt, leur cercle serait suffisamment rompu pour que Salem puisse s’échapper. Ainsi donc cette femme était la cheffe de Ran… Eh bien il devait avouer… Qu’il s’en fichait complètement !