Le chasseur observe ses compagnons, quelque peu déstabilisé.

Il est rare de déstabiliser cet homme. Mais en cet instant, où qu’il regarde, il voit des enfants de Dame Nature. Si ces derniers n’avaient pas un quelconque lien avec lui, cela ne lui poserait aucun problème. C’est ainsi que la vie est faite. La forêt grouille de vie éclatante. Le détail c’est, qu’effectivement, ces Pokémon ne sont pas anodins.

Ils sont avec lui, pour le meilleur et pour le pire.

Garm ne peut pas s’empêcher de tourmenter le Minisange chromatique. Le petit oiseau est trop modeste pour riposter et faire étalage de sa possible puissance. Il n’est pas aussi effacé que la tasse de thé… Mais tout de même. Wulfric secoue la tête, agacé.

En parlant de la tasse de thé, ce Théffroi est particulièrement introverti. Il se cache dans les ténèbres la majeure partie du temps et sursaute à chaque fois que le chasseur hausse le ton. Pourtant, le Pokémon reste là, dans cette meute qui est désormais sienne.

Et si c’était tout ! Mais le blond doit bien avouer qu’il a peut-être un peu forcé sur les sauvetages en tout genre. Une Séviper ici, un Nosférapti dans le pin là-haut. Sans oublier les premiers arrivants dans ce groupe atypique : Apophis, le Salamèche orphelin et Dahaka, la dragonne chromatique. Pour finir, si vous observez bien, un Ouisticram s’amuse dans les arbres, sans se soucier de son environnement proche.

Wulfric assume ses choix, bien sûr. Il n’a capturé aucun de ses compagnons ou petits. Ils sont là parce qu’ils avaient besoin d’un lieu où vivre en sécurité. Soit pour des soins, comme Lilith. Soit pour des intérêts personnels, comme le singe dissident… Ou bien pour à cause de destins un peu plus tragiques, comme celui des deux créatures volantes et du lézard de feu.

Mais assumer ses choix ne fait pas tout. Chaque Pokémon est une bouche à nourrir, que ce soit avec du poisson ou de la viande pour les carnivores (il faut savoir varier l’alimentation). Ou bien baies, fruits et graines pour les autres. Le chasseur doit redoubler d’effort pour que sa meute ne s’affame pas.

Cela dit, le principal problème réside dans le fait que le blond n’utilise pas de Captis Ball. Il n’est pas convaincu de leur efficacité. Tout simplement. Il connait cette invention de l’homme, il était noble auparavant. Mais sa confiance ne se donne pas encore à ces objets sphériques. Le résultat est le suivant : les Pokémon du chasseur sont en totale liberté et doivent faire en sorte d’être discrets et de ne pas perturber l’équilibre de la forêt. Cela n’est pas si simple.

Pourtant, le loup solitaire n’est pas encore prêt à franchir le pas et à enfermer ses compagnons dans des Balls. Il fait avec.

En tout cas, la leçon du jour se porte sur la pêche aux poissons et à découverte des plantes aquatiques comme le cresson ou le roseau. Celles-ci sont excellentes pour les herbivores. Le chasseur fait d’une pierre deux coups : il entretient l’esprit de chasse de la plupart de ses petits, en plus de les amuser probablement et il fait le plein de provisions pour une journée ou deux.

Direction la Rivière Audacieuse.

Cette rivière est connue pour être tranquille, malgré le passage de bateaux. Le blond ne comprend pas vraiment pour elle porte ce nom, puisque c’est si calme. Mais ce genre de choses appartient aux Hommes, lui est plutôt du côté des bêtes. Alors il laisse couler son interrogation comme une pierre au fond de l’eau.

Il s’installe sur une rive, toujours aux aguets pendant quelques minutes. Rien à l’horizon, ni aux alentours semble-t-il. Cela est parfait pour commencer l’apprentissage. Le blond est venu avec Ouisticram l’intrépide, Apophis, Garm et son Minisange. L’oiseau se fiche bien de la chair de poisson, en revanche, il peine à quitter la douce cape du chasseur.

Le petit Salamèche n’est pas rassuré pour sa part. Toute cette eau… Son regard s’y perd, mais d’après son père adoptif, c’est justement pour qu’il affronte sa peur. Le lézard veut bien essayer. En prenant toutes ses précautions, il va sans dire.

Garm, lui, est très heureux. Il s’amuse à sauter dans l’eau qui n’est pas profonde. Le liquide vital ne le perturbe pas une seule seconde. Mais le singe de feu est un peu agacé par les éclaboussures qu’il reçoit.

Que la leçon commence !

… Ou peut-être pas. Wulfric se relève, sur le qui-vive. Il voit une barque qui s’approche. Rien de très alarmant à première vue, mais le chasseur est toujours sur ses gardes lorsqu’il s’agit de croiser un autre être humain. Avant de commencer la pêche, il attend avec patience que l’embarcation passe son chemin.

D’un geste de tête, il indique au Rocabot de se cacher dans les buissons qui se trouvent dans leur dos. Le chiot y courre, suivi des autres créatures qui ont bien compris le message. Seule la mésange garde son sang-froid et demeure dans les poils chauds de la Bête.

Le regard du chasseur de Mido ne quitte pas la modeste embarcation une seule seconde. Un homme est à l’intérieur et il tente lui aussi de distinguer à qui il a affaire. Wulfric peste intérieurement. Cette rivière n’est pas aussi tranquille qu’on puisse le penser.

Mais alors que la personne place sa barque sur la rive, le blond pense voir un masque qui couvre la moitié du visage à l’inconnu. Ce tissu… Oui, cela ne fait aucun doute. Il s’agit du négociateur. La Bête peut se détendre, bien que toujours un peu en alerte. Cet homme est un camarade si l’on peut dire.

Wulfric le laisse donc approcher sans faire un geste. Sa lance repose un peu plus loin, juste au cas où. C’est Skarm Jomar qui salue l’autre le premier. Le chasseur baisse la tête respectueusement en guise de réponse. Lui aussi doit avouer qu’il est assez content de voir le négociateur. Plutôt qu’un autre.

Il est également rassuré de savoir que les Pokémon prisonniers du manoir ont retrouvé leur habitats naturels. Le chasseur regrette d’être parti si vite, sans aider à réhabiliter les créatures. Malheureusement, il évite les soldats et les autres humains comme la peste, ce qui n’arrange pas les choses. Mais Mido semble efficace sur cette affaire et c’est rassurant.

La curiosité de Wulfric est tout de même touchée. En bon chasseur, il aimerait savoir d’où viennent ces Pokémon exotiques. Il n’en a vu que certains, mais même le Bibichut est d’une espèce qu’il ne connaissait pas avant de rencontrer Jomar.

« Ne me remerciez pas pour ce qui est un comportement naturel. Mais je suis satisfait d’apprendre que les Pokémon sont rentrés chez eux. »

L’œil bleu du chasseur fixe le négociateur sauf que pour une fois, aucune animosité n’y est présente.

« Merci à vous. L’équilibre de la nature doit être respecté. J’ai une question. D’où venaient-ils alors ? Je n’ai reconnu aucune des espèces présentes. Pas même votre partenaire qui a aidé à soigner Garm. »

En parlant du loup… Un sifflement de la part du blond donne le signal aux petits de se montrer à nouveau. Garm est le premier à sortir, heureux comme un enfant lorsqu’il reçoit un cadeau d’anniversaire. Il court jusqu’à Jomar, pose ses pattes avant sur ses chevilles et quémande des caresses.

S’en suit le Ouisticram qui avait trouvé refuge dans un feuillu, et enfin, Apophis. Le Salamèche est trop prudent pour approcher un inconnu si facilement. La deuxième fois qu’il avait vu des humains, il était avec Dahaka, une amie des escarpements. Là, c’est un peu plus intimidant.

La mésange elle, demeure calme. Tant qu’il peut être au chaud, il n’en demandera pas plus.

« Vous restez ? » Invite ensuite le borgne.

Ils ont le temps de discuter un peu au bord de l’eau dans ce cadre naturel des plus magnifiques.

Wulfric apprend l’existence de l’Archipel de la bouche du négociateur. Depuis quelque temps, il est vrai que les rares humains qu’il croise en parlent parfois. D’un lieu presque paradisiaque, voilé dans un océan de mystère. Le chasseur n’y accordait pas vraiment de crédit. Mais maintenant qu’il sait que des braconniers commettent des méfaits là-haut, il ne peut l’ignorer. L’Archipel sera certain sujet qui reviendra tôt ou tard.

« … Merci pour les renseignements. »

Le blond est perdu dans ses pensées alors que Jomar profite de la joie de Garm pour sortir ses propres Pokémon. Le groupe commence à être assez épais au goût du chasseur. Si les petits ne se tiennent pas à carreaux, ils auront vraiment du mal à pêcher comme c’est prévu.

Le négociateur reprend la parole suite à cela. Le chasseur ne l’écoute qu’à moitié, encore obnubilé par le fait que des félons s’attaquent à des Pokémon sans défense parce que leur terre vient d’être découverte. C’est finalement le mot « œuf » qui fait le fait réagir. Il tourne vivement la tête vers Skarm.

L’œuf repose dans le sac avant d’en être sorti. Le chasseur se fixe dessus et ne bouge pas d’un millimètre. Peut-être qu’il essaye de voir si l’autre Midoyen fait un faux-mouvement. En tout cas, cet homme a bea de chance. Il se trouve qu’en tant qu’habitant de la forêt (et ancien noble), Wulfric s’y connait en œuf. Il faut bien cela pour pouvoir sauver un nid dont les parents sont décédés, principalement à cause de la main humaine.

« Fais attention ! Bien, comme cela… Attends un instant. »

Le borgne s’éloigne pour aller cueillir des plantes en tout genre, aidé du petit singe malin et de son oiseau. Il revient les bras chargés de feuillage qu’il dispose ensuite au sol pour former un lit douillet.

« Poses le ici, il ne faut plus que l’œuf puisse bouger. » Conclut Wulfric.

Pendant que le négociateur opère, il est observé par l’autre homme. Chaque geste est scruté. Mais tout va bien, le rejeton encore dans sa coquille a trouvé un endroit parfait pour se reposer en pleine nature.

« Les œufs ont besoin de chaleur mais aussi de la présence d’autres Pokémon. En général, ce sont les parents qui remplissent le rôle. Mais parfois… »

L’ancien militaire crispe le poing, faisant tinter son métal. Les braconniers et tueurs sont les pires. Ils arrachent des vies sans se soucier de l’environnement. Un parent blessé ou tué et c’est toute une famille qui s’effondre. Si la chasse ou le braconnage est trop intense, c’est le biome entier qui en pâtit. Wulfric ne tolère pas ces agissements irresponsables. Il les rejette de toute son âme.

« … Je ne suis pas un exemple de politesse. Mais j’ai oublié de donner mon nom. J’ignore si c’est important pour vous. Beowulf conviendra. »

Pas plus de cérémonie autour de la présentation tardive. Le chasseur n’aime pas se dévoiler, aussi bien physiquement que mentalement.

Néanmoins, il invite le négociateur à prendre place au bord de la rivière. L’œuf est entre les deux hommes pour plus de sécurité. Quant aux Pokémon de chacun, ils s’amusent, explorent ou piquent une petite sieste sous les doux rayons solaires.

Le silence s’installe. Le borne a déjà dû dire qu’il est loin d’être le plus bavard des hommes. Leur attention est finalement attirée par un tintamarre dans l’Audacieuse elle-même. Wulfric tourne la tête et aperçoit deux Keunotor qui ont l’air de bien s’amuser à gouverner leur monde. Un petit crocodile est en train d’agiter les bras pour indiquer que les deux type Normal sont là et qu’ils veulent voir du peuple.

La Bête gronde intérieurement. Ce genre de comportement est d’ordinaire réservé aux humains, et c’est déjà de trop. Pourquoi des créatures s’asseyent-elles à l’humanité ? N’y tenant plus, le blond se lève et se poste face à la hutte des castors.

« Ne faites pas cela. Vous êtes tous égaux. Les Keunotor, vous n’avez pas le droit de faire régner votre loi autrement que sur ceux que vous chassez, éventuellement. Et vous ne chassez que de la verdure, alors cessez. »

Gloups. Cet humain est plutôt convainquant avec sa voix grave et son regard de pierre. Le Kaiminus ne demande pas son reste et s’enfuit à la nage. Il ne veut pas perdre une seule écaille pour eux ! Quant aux Keunotor… Il n’est pas certain qu’ils ont compris la leçon, mais au moins, ils rentrent dans leur abri sur l’eau et cessent de brailler.

En revenant près de Jomar, Wulfric voit une libellule sur sa tête. La Yanma semble soulagée de ne plus avoir à entendre des inepties.

Le regard du chasseur sonde la surface de l’eau. Le calme règne enfin.

Il ne s’attendait pas à voir le négociateur de sitôt. Mais c’est peut-être l’occasion de faire de plus amples connaissances. Notre blond n’est décidemment pas bavard, mais au fond de lui, il apprécie toujours la présence de ses semblables.

Il tourne la tête vers Jomar. Ce dernier est perturbé par la présence de l’œuf. Rien de plus naturel. Même les parents Pokémon ont du mal avec l’éclosion. Ce phénomène est très spécial, tant et si bien qu’il est souvent impossible de savoir l’espère de la créature qui se trouve à l’intérieur.

Beowulf se perd dans ses pensées. Cet œuf… Les braconniers n’ont vraiment aucun scrupule pour s’attaquer à leurs proies si jeunes. Comment réagiraient-ils, eux, si leur bébé était enlevé par un malfrat ? Le borgne ferme son œil durement. Nombreux sont les humains qui pensent d’abord au profit, quoi qu’il arrive. C’est affligeant.

Les parents de ce petit encore dans sa coquille sont probablement morts. Tués de la main de l’Homme.

Wulfric grogne et le Minisange vient lui donner un coup de tête affectueux. L’oiseau récole alors de douces caresses sur son poitrail. Le chasseur est très délicat, même avec ses gants en fer. Ceci est relaxant mais la raison pour laquelle le blond est ici ne doit pas rester en plan.

« … Sais-tu pêcher, négociateur ? »

La surface de la rivière est bien lisse, mais au fond, de la vie s’y cache. Wulfric est venu pour apprendre à ses protégés comment pêcher car c’est une source de nourriture abondante. Il sait aussi que l’Audacieuse ne souffre pas (encore) de surpêche. Les espèces prolifèrent, c’est donc le moment idéal pour prélever quelques individus.

En bref, le borgne peut tout aussi bien apprendre à un humain. En effet, il prend l’air étonné de Jomar pour une réponse négative.

« Mes Pokémon doivent apprendre. Je peux t’aider en même temps. »

Un appel de la part du blond, et voilà que ses petits rappliquent. Garm est surexcité. Il sait déjà pêcher, même s’il manque de maîtrise. Sa hâte d’attraper un vivace poisson le démange. Le chiot est rejoint par le Ouisticram et Apophis, qui n’est toujours pas rassuré quant à toute cette eau.

« Je te préviens, je n’ai pas d’outil. » Annonce Wulfric.

Il fait référence à la canne à pêche, utilisée par tous les pêcheurs. Mais l’homme n’est pas de ce genre-là. Tout comme il hait les nobles et leurs richesses, il hait les pratiques typiquement humaines pour la chasse. Ses pieux en bois sont simplement du bois taillé. Rien de plus, rien de moins. Mais les cannes à pêche sont un peu plus sophistiquées. Un Pokémon ne parviendrait pas à en créer une, sauf s’il est d’une espèce particulièrement intelligente et agile.

En tout cas, Beowulf n’est pas un adepte de la canne et il préfère prévenir à l’avance.

Un peu plus, un Moustillon semble s’énerver contre un autre Keunotor. Sûrement que celui-ci est de mèche avec les deux autres. Ils doivent régner en maître sur ce pan de l’Audacieuse… Wulfric ne souhaite pas intervenir cette fois. Il aimerait voir si le négociateur peut faire son travail avec des Pokémon. Ils ne sont pas si différents des humains après tout.

« … La leçon peut attendre. Voyons si tu peux raisonner ces deux Pokémon. Dépêches-toi. Une horde arrive. »

Le borgne ne se lève pas. Donner des ordres... Est un réflexe du passé, certainement.

Jomar est celui qui devra régler le problème. En échange, Wulfric promet de veiller sur l’œuf, c’est toujours cela. Il garde aussi un œil sur la Yanma bleue, car celle-ci les observe avec curiosité.

De son œil aguerri, l’homme se concentre sur l’œuf. Celui remue de temps à autre, ce sont de faibles spasmes. Mais Wulfric n’est pas un chasseur ordinaire. Tuer pour tuer n’est pas dans ses principes. Son intérêt pour les Pokémon est spécial ; il étudierait volontiers ces créatures s’il ne fuyait pas le monde humain.

Son attention est ensuite absorbée par la horde qui approche. Quelle curiosité dans ces petits êtres. Heureusement, aucun d’entre eux ne semblent décidés à faire de vagues. Il semble que Cipolin, le Kabuto, soit un bel orateur, comme le négociateur.

La foule se disperse un peu. Pour le chasseur, c’est le moment d’agir dans l’ombre. Il sait que ces Pokémon resteront dans les parages s’ils n’ont pas d’avertissement. Il charge alors ses propres compagnons de faire un peu de diplomatie, s’ils en sont capables. Ou bien de mentir, d’inviter une histoire à faire peur. Qu’importe le moyen tant qu’il n’est point violent.

Garm et les autres se prennent au jeu. Chacun sa méthode, comme prévu par le blond. Le singe est plus téméraire que les autres : dans son arbre, il lance des cailloux sur un Kaiminus. Pour la blesser ? Ô grand jamais. Mais ainsi, il parvient habilement à attirer son attention ailleurs. Ni tenant plus, la femelle quitte les lieux la première.

Le plan se déroule bien. Même Jomar semble faire ses preuves car la Moustillon change de côté. Il ne l’avouera jamais, mais Wulfric garde de son passé un aspect de commandant. Il aime quand tout se passe bien, quand tout est sous contrôle.

Le Minisange est efficace lui-aussi. Il volette entre les Pokémon aquatiques. De sa modestie, il tire sa force. Nul besoin de bomber le torse lorsque les mots sont justes. En cela, le chasseur respecte beaucoup ce petit oiseau calme.

L’instant d’après, la Keunotor retourne dans son nid, convaincu par le négociateur. Eh bien, il mérite son rôle ce Midoyen. Wulfric garde le silence à propos de la performance, mais il n’en pense pas moins.

« Maintenant que les lieux sont de nouveau calmes… Voici comment pêcher à la manière d’un Pokémon. »

Sans demi-mesure, l’homme en armure pénètre dans l’eau. Il est observé par ses compagnons, très curieux de voir la suite. Garm est celui qui sait comment tout va se dérouler. Mais la technique de pêche de son père adoptif lui fait pétiller les yeux.

…

Patience est mère de tous.

Le chasseur se concentre. Il laisse son instinct animal prendre le dessus. Inutile de penser comme un philosophe pour ce genre de labeur. Affiner ses sens primaires est plus efficace. La vue. Voir au travers de l’eau limpide pour s’affranchir des reflets du soleil. L’ouïe. Pour entendre l’approche des proies. Et enfin, stabiliser son corps. Ne faire qu’un avec la rivière nourricière.

Le silence règne.

C’est au bout de quelques longues minutes que le borgne agit. Prêt et concentré sur sa cible, il l’attrape d’un geste vif et précis. Ses mains sont d’une dextérité à faire pâlir un forgeron. Dans la nature, il faut être doué pour la chasse, qu’importe sa forme.

Epuiser pour mieux gagner.

Le combat commence. Le Pokémon attrapé est un Bargantua. Cette espèce est dotée d’une force prodigieuse. Il s’agite, de l’eau est projetée dans tous les sens.

Apophis ne peut pas s’empêcher de pousser un cri craintif, tandis qu’il s’éloigne du rivage. Son père adoptif est peut-être capable d’affronter telle créature, mais lui trouve cela bien trop dangereux. Dans un geste de réconfort, il ramène sa queue près de lui et l’attrape dans ses bras courts.

Garm est surexcité devant la proie. Il sautille et aboie pour encourager le chasseur.

Wulfric est bien conscient que cette prise n’est pas la plus commune, ni le bon exemple pour Jomar. Mais une proie reste une proie. Il faut profiter de l’abondance de la rivière en début de printemps. Ainsi, après une lutte éprouvante, le poisson est maîtrise sur la terre ferme. Sa fatigue est telle qu’il ne bouge plus.

« Pardonnes-moi mon geste, Dame Nature et toi aussi, cher ami. J’implore le dieu forêt de m’offrir ta vie. »

Respectueux, l’homme est penché sur le Bargantua et lui chuchote à l’oreille. Il n’aime pas tuer ses proies. Jamais. Mais le travail d’un chasseur est de faire des victimes pour préserver l’équilibre naturel. Ce Bargantua est de taille adéquate, non juvénile. Sa chair servira à nourrir plusieurs individus, rien ne sera perdu.

« Sois remercié de ton sacrifice. Ton corps retournera d’où tu viens et te rendra la vie. » Termine Beowulf.

Il caresse les écailles du poisson bicolore dans un but ultime de lui rendre la mort moins douloureuse. Puis d’un geste sans bavure, le chasseur accompli sa destinée. Le Bargantua est tué sur-le-champ, sans souffrance aucune.

Que Célébi et les autres accueillent son âme dans le plus grand des respects…

Le chasseur reste immobile pendant plusieurs secondes. Chaque proie tuée est une vie à honorer.

« … Voici ma méthode de pêche. Respectueuse et durable. Que la vie de cet ami à nageoires ne soit pas vaine. »

L’homme demande ensuite son aide au négociateur pour monter un petit feu afin d’y faire cuir la chair. Une fois cela fait, une étincelle de la part de Ouisticram et le foyer prend vie, symbole de la renaissance qui attend le Bargantua.

Le chasseur s’affaire ensuite, silencieux comme une tombe, à la découpe minutieuse de sa proie. Ses gestes sont précis, justes. De son couteau de dépeçage, il déloge arrête et chair sans en perdre une miette. Bien sûr, il ne travaille plus avec ses gants d’armure. Il ne ferait pas cet affront à celui qui offre sa vie pour en préserver d’autres.

La découpe prend du temps. Beaucoup de temps.

Garm en profite pour se mettre à l’eau. Il essaie d’attraper des poissons à son tour, mais ceux de cette rivière sont puissants. Le Minisange, lui, s’est posé sur la coquille de l’œuf. Il veille. Apophis et Ouisticram s’adonne à un jeu avec les braises, sous le regard attentif de la Yanma et de la Moustillon.

Le soir venu, tous peuvent partager un repas complet. De la chair de poisson et des baies. Le chasseur veille à ce que rien ne soit gâché. Même le Négociateur n’a pas le droit à l’erreur.