Sakai.

Le chasseur n’a pas l’habitude de s’y rendre. Alors pourquoi est-il là, à rôder dans les marais comme un animal en quête d’une proie ? La réponse est pourtant simple : il a entendu des rumeurs plus ou moins lugubres sur un manoir. Le manoir de Clavy.

Mais ce n’est pas une banale histoire de fantôme qui attire un loup solitaire tel que Wulfric. Non. Si l’homme est là, c’est que l’homme a une raison. Si les rumeurs courent comme des Fermite autour de leur nid, elles ne sont pas les seules à hanter le lieu. Selon certaines personnes de Mido, il y aurait des bandits dans la région. Ils auraient trouvé refuge dans le fameux manoir.

Beowulf n’est pas du genre à s’occuper des affaires des autres. Mais ces bandits-là sont particuliers. Coriaces et fructueux dans leur travail de braconniers. C’est là le lien que l’on cherche lorsqu’on se demande ce que fait un chasseur de Mido en plein Sakai. Il chasse. Il traque.

Mauvais pressentiment.

Un mauvais pressentiment trouve sa place dans les tripes de l’homme. Il sait qu’il n’a pas affaire avec des amateurs. Il lui faudra en découdre, à n’en point douter. La Bête aura des coups à donner. Elle devra se battre.

Que la traque commence.

Une fois sur place, le blond ne perd pas une minute de plus. Sa traversée dans les marais n’a pas été de tout repos avec son armure d’ébène. Il se maudit intérieurement d’ailleurs, de l’avoir garder. Mais personne ne lui avait dit qu’il y aurait des marais à traverser. Une fois sortie de là, l’homme prendra le temps nécessaire pour laver sa précieuse armure de toute souillure. Pour le reste, il se fiche bien d’apparaître comme un malpropre aux yeux des criminels.

Le chasseur entre donc dans le manoir, à l’affut. Il se fait discret, comme dans la forêt. Bien sûr, ce n’est pas aussi évident et l’homme est incapable d’entendre les voix des végétaux. Tant pis. Son propre talent de traqueur fera l’affaire. Ces vauriens sont terrés dans la maison géante comme des Sapereau.

Garm est le seul Pokémon présent, par ailleurs. Les autres ne sont pas taillés pour un tel environnement et leur inexpérience pourrait entraver la mission personnelle de Wulfric. Il se jure qu’un jour, ses compagnons, ses petits, seront capables de le suivre n’importe où.

C’est d’ailleurs le chiot qui repère quelque chose le premier. Sa truffe hume l’air et alerter immédiatement le blond. Garm indique ensuite une direction à prendre grâce à son museau : les humains sont par-là.

Discret comme une ombre, Beowulf se débrouille pour arriver à destination. Mais il ne remarque personne. Il n’y a pas âme qui vive ! Garm ne peut pas se tromper. Ils doivent avoir trouvé un endroit où se cacher. L’homme prend alors sa lance en main, prêt à pourfendre les malheureux.
Garm trouve une autre piste.

Flairer. Tester. Attaquer.

… Autre piste des plus perturbantes. Le chiot est avec un homme qui lui offre des caresses. Il ne porte donc pas sur lui l’odeur du crime, ou du manoir. Il semble même que le Rocabot l’apprécie naturellement. Un compère de la forêt peut-être ? En tout cas, cet inconnu n’est pas là depuis longtemps, mais Wulfric n’est pas là non plus pour lui souhaiter la bienvenue. Il siffle donc son canidé avant d’adresser un regard froid au jeune homme.

« … Ce lieu est dangereux. Partez. »

C’est le seul avertissement que l’homme à la crinière indomptable est en mesure de prodiguer. C’est à l’autre de choisir s’il reste ou non, à ses risques et périls.

Garm s’empresse de revenir aux côtés de son père humain. Il n’a pas fait de bêtise en trouvant cet homme, n’est-ce-pas ? Il sait traquer avec brio, non ?

Mais le blond ne lui accorde pas plus d’attention pour le moment, alors le chiot cesse de battre de la queue et patiente. Le chasseur s’attend à ce que l’homme d’en face prenne les jambes à son cou et déguerpisse d’ici. La Bête en loin gronde sourdement.

Mais c’est peut-être que l’homme est joueur. Un plaisantin. Demander son petit nom, à une créature telle que Wulfric ? Il ne sait pas encore à qui il a affaire. Ce Skarm Jomar s’attribue même le bénéfice du doute, ce qui irrite un peu plus le chasseur.

Dans sa coquille d’ébène, il fulmine. Cet homme ne semble pas saisir l’urgence de la situation. En ces lieux étranges et sombres rôdent des voleurs, des tueurs. Evoquer le nom de Shalos ne fait même pas frémir le blond. Cette femme, il ne la connait que de nom. Chef ou pas, le chasseur ne lui accorde aucun crédit sans l’avoir rencontrer.

Mais alors que la Bête en lui aimerait faire qu’une bouchée du négociateur, l’homme sait que cela serait une mauvaise idée. D’autant plus que Jomar n’a pas l’air mauvais. Peut-être un peu trop naïf, cela dit.

Se camoufler pour mieux rôder.

Tout à coup, des lettres se mettent à flotter autour des deux hommes. Le chasseur ne peut pas s’empêcher de pester quelques secondes, tout en chassant les créatures grâce à ses mains. Un renard apparaît même, découvert par le Midoyen qui fait face au blond. Celui-ci a la faculté de changer de forme. Cela fait de lui un excellent prédateur.

Mais le dit prédateur s’enfuit bien vite, peu hardi. Ce qui attire alors l’attention de Wulfric, c’est un motif mouvant sur les murs ainsi que le bruit produit. C’est un Pokémon lui aussi, qui se camoufle comme un maître. Cette créature agite tous les sens de Beowulf. Mais c’est une autre qui réussit à le surprendre : un Nosférapti aux couleurs atypiques.

Ce n’est pas le premier que voit le chasseur. Après une altercation en forêt, il sait que ces Pokémon anomaux ne sont pas si rares en ce moment. Ils sortent plus. Peut-être pour se reproduire. Le chasseur choisit de laisser passer le Pokémon sans grogner, mais Garm, lui, s’amuse à sauter pour l’attraper.

Le chiot est rapidement rappelé à l’ordre.

La traque continue.

« Je n’ai pas d’aide à offrir. Vous semblez prendre votre travail avec légèreté. » Dit-il, tout croc dehors.

Mais le chasseur se calme rapidement. Ce n’est pas le moment de s’en prendre à quelque d’autre. Il y a du travail.

« … Ces bandits ne feront preuve d’aucune pitié s’ils vous trouvent. Venez par ici. Nous sommes épiés. »

D’un geste de tête, le blond indique le Pokémon invisible derrière lui, dont seul le motif fait surface. Peut-être est-il sauvage, mais dans le doute, l’homme préfère se rendre dans une pièce plus tranquille.

La chauve-souris verte de tout à l’heure en profite pour les suivre discrètement, se trouvant une place de choix au plafond du manoir.

Une fois dans la nouvelle pièce, les sens de Wulfric s’éveillent d’autant plus. Inutile de dire que les ennuis sont encore proches. Un Pokémon en forme de bougie attire d’abord l’attention du chasseur. Intérieurement, il peste. Cette jeune créature inconsciente pourrait les faire prendre.

Heureusement, le dénommé Skarm se charge de tout. Il tente une tentative qui fait grogner le blond. Pourquoi sortir un Pokémon inutile pour la situation ? Il ne connait donc pas ses capacités ? Qu’à cela ne tienne : le Midoyen s’en remet à son Bibichut. Une capacité étrange plus tard, et voilà le spectre disparu. Bien, une bonne chose de faite… Le négociateur ne semble pas si débutant.

Il s’empresse d’ailleurs de le faire remarquer au chasseur, comme s’il cherchait à rendre ses actions légitimes. C’est bien tenté de sa part, cela dit, il en faut plus pour gagner le respect du blond. Il ne fait pourtant pas de commentaire. Il cille cependant au fait que l’homme apparaît comme ne craignant pas les braconniers. Erreur fatale, Wulfric le sait. Ces bandits-là sont de la pire espèce. Capables de tout pour se faire de l’argent.

Le regard du jeune en armure est d’ailleurs attiré par un peu de brillance au plafond. De son œil valide, l’homme remarque la chauve-souris de tout à l’heure. Mais elle n’est pas seule. Le chasseur peut sentir son cœur bondir en voyant la couleur du plumage de l’oiseau. Cette espèce… Il doit garder un œil dessus. Pour son bien.

C’est ensuite un Wimessir qui apparait, prêt à tout pour rendre service. Wulfric ne peut pas s’empêcher de se passer une main gantée sur le visage. Ces Pokémon sont bien trop aimables pour rester en vie bien longtemps. Nul ne doute qu’un Wimessir est déjà dans les filets des braconniers…

Le négociateur veut le suivre. Bon. Le chasseur n’est pas vraiment de cet avis, lui. Ils ont besoin d’un plan avant d’aller n’importe où. Mais le petit majordome semble sûr de lui et il veut aider. Son regard croise l’orbe unique du chasseur. Ils échangent des mots silencieux qui finissent par venir à bout de la méfiance de l’homme.

Il siffle alors son chiot de nouveau, lui qui renifle une table abandonnée et en piteux état. Mais Garm ne réagit pas, il remue la queue, le museau fixé sur une tasse de thé… Semble-t-il. Wulfric roule des yeux ; son petit a tendance à s’égarer facilement. L’homme s’approche donc et sursaute, aussi rare cela soit-il. La tasse est vivante !

« Les Pokémon du coin ont tous des facultés à se fondre dans le paysage semble-t-il… »

Sauf eux, pense aussi Wulfric, faisant référence au Minisange et au Nosférapti. Cela lui rappelle le jour pas si lointain où il était en forêt, et où des bêtes chromatiques apparaissaient en masse.

Enfin, la tasse de thé disparue elle aussi, Garm s’empresse de suivre son humain. Humain qui espère que les bandits ne sont pas alertés eux aussi…

L’étrange groupe s’enfonce donc dans le manoir, traversant au passage un couloir. Wulfric est sur ses gardes comme lorsqu’il est en chasse. Traquer est une seconde nature pour lui.

Soudain, du bruit. Un craquement qui provient de leurs dos. Le blond est le premier à réagir. Il fait volte-face et dégaine sa lance en un instant. Un réflexe qui lui sauve la vie, car une flèche est déviée par la lame de la lance. Malgré les précautions du Pokémon Psy, les voilà dans l’œil du cyclone.

Wulfric n’écoute que son instinct. Il pousse le négociateur qui se retrouve dans une nouvelle salle du manoir bien malgré lui. Un boulet en moins à s’occuper.

La Bête s’éveille.

Sans perdre une autre seconde de plus, le blond se rue dans le couloir, espérant foncer dans son adversaire trop couard pour se montrer. Mais la personne a disparue, comme un fantôme. Comme la bougie de tout à l’heure. Bien, tant mieux.

Le chasseur inspire l’air comme une bête. Il sent l’adrénaline qui s’immisce en lui.

Son chiot est déjà prêt, la truffe au sol, il renifle. Leur proie ne s’échappera pas. C’est impossible. Les autres finiront bien par se montrer. Beowulf n’a alors qu’une pensée pour Skarm : qu’il soit aussi précautionneux qu’il le prétend.

Le malfrat est parti la queue entre les jambes. Rien d’étonnant. Wulfric connait ce type de comportement par cœur. Celui d’une proie.

Garm est bien en peine pour trouver une piste sans se tromper. Les bandits doivent avoir de quoi camoufler leur odeur. Ils sont habitués à traquer et à être traquer. Cela ne rend la chasse que plus exaltante pour le blond. Mais un aboiement de son Rocabot le ramène à la raison. Skarm est revenu.

La Bête avance, tout en fulminant de l’intérieur. Cette proie que le négociateur tient dans son filet ne va pas s’en tirer à si bon compte. Le chasseur en oublie même de questionner le Midoyen à ce sujet : comment diable a-t-il pu soumettre cet homme ? Il écoute tout de même ce qu’à le jeune homme à dire, avant de passer effectivement à un interrogatoire.

Il lui faut des braconniers vivants. C’est un regard noir qui accueille cette déclaration. Le négociateur peut espérer que Wulfric obéisse, mais il n’en tirera aucune garantie. Heureusement pour ce prisonnier, il semble qu’aujourd’hui soit son jour de chance. Si le chasseur lui était tombé dessus, il ne respirerait probablement plus.

Le blond agrippe sans vergogne le menton du braconnier. Il force cette crapule de la pire espèce à fixer son œil bleu unique. Tout est une question d’intimidation. Le gaillard n’a pas l’air d’être le plus aguerri, car déjà ses yeux rougis perlent de nouveau.

« Ouvre grand tes oreilles, Pourriture. Répond à mes questions. »

Inutile pour le chasseur de se répandre en menace. Il est très doué pour mettre les autres mal à l’aise et Garm ajoute son grain de sel. Le chiot n’est pas bien grand, mais lorsqu’il grogne et hérisse ses poils, il y a de quoi avoir peur, même un peu.

Le braconnier pâli à vue d’œil, ce qui réjouit la Bête au sein de Beowulf. Comme elle aimerait le libérer de l’emprise de Jomar pour le voir fuir comme un animal acculé.

« Combien êtes-vous ? Réponds ! » Crache le chasseur.

Le bandit bégaye quelque chose comme « cinq ». Impossible de savoir s’il ment, bien sûr. Mais c’est une indication comme une autre. L’homme blond lui assène ensuite un coup de poing ganté en pleine poire. Le prisonnier crache du sang une première fois, avant de se recevoir un autre coup bien placé. Cette fois, il est sonné.

Le chasseur se recule, le visage fermé. Il aimerait pouvoir tuer ces braconniers pour leur apprendre et pour leur faire payer. Mais le négociateur leur offrira certainement une sentence pire que la mort.

C’est alors qu’un duo de petits Pokémon vient troubler l’atmosphère pesante. Un petit chat et une mignonne chauce-souris. Beowulf ne les regarde qu’à moitié, mais Garm devient tout à coup très excité. Cette course poursuite lui plaît !

« Garm, non ! »

Mais l’avertissement ne suffit pas. Le Rocabot n’écoute pas et file à la poursuite du Chacripan en jappant de bonheur. Le chasseur se masse les tempes un instant ; la situation est ridicule.

Mais pour rendre le tout encore plus ridicule, un petit malin se glisse soudainement sous la cape du grand blond. Une Scrutella observe la scène avec attention. Les sens de Wulfric s’éveille d’un coup, personne n’est autorisé à toucher sa précieuse cape.

Il se rend vite compte que le trouble-fête est une des lettres de tout à l’heure. L’homme l’empoigne, mais sans lui faire mal. Le petit Zarbi prend immédiatement peur et vole se réfugier derrière le Wimessir et l’autre type Psy.

« Trouvons ces déchets. Ce manoir me rend complètement dingue. »

Wulfric fait volte-face, faisant voler allègrement la cape qui lui couvre le dos. Il a de l’allure, c’est sûr. Mais Skarm ferait bien de suivre le conseil à la lettre. La Bête peut devenir dingue, oui, et ce n’est jamais bon signe.

D’un pas déterminé, le blond se dirige là où est parti son chiot. Il débouche sur un couloir d’où débarquent les Pokémon joueurs. Cette fois, ils sont effrayés et Garm est sur leurs talons. Ce n’est pas lui qui leur donne la chair de Poussifeu.

Le chasseur devine qu’un braconnier est proche. Il en ignore la détresse de son chiot pour le moment, et le Rocabot va trouver du réconfort auprès de l’autre homme de Mido.

Wulfric tombe nez-à-nez avec une femme. Celle-là porte deux Pokémon dans des cages très étroites et sales. Le Minisange et le Nosférapti de la pièce d’avant. Ils en ont après les chromatiques du manoir. S’en est trop. L’homme rugit de colère et s’équipe d’Areadbhar. Un tableau est détruit dans le processus.

« Le chasseur devient la proie. » Déclare Beowulf le plus platement du monde.

La mystérieuse femme pousse un cri et insulte celui qui lui fait fasse. Elle a les mains pleines avec ses cages ; la fuite est sa seule solution. Mais elle ne va pas loin. La lance est projetée à une vitesse prodigieuse pour venir se loger dans son dos. Cette braconnière n’ira pas plus loin.

Le chasseur récupère donc les deux Pokémon et brise les petites portes à la simple force de ses mains. Ce fer n’est même pas de qualité.

« Partez. Surtout toi l’oiseau. Tes congénères ne te feront pas de cadeau. »

Wulfric est un chasseur intelligent et au courant des mœurs chez les Pokémon. Cette couleur est discriminatoire pour le Minisange. Les autres ne tarderont pas à s’en prendre à lui à cause de cela et de sa faiblesse. Il serait plus raisonnable de le tuer, lui aussi. Mais le blond n’en a pas le courage. Le volatile le regarde avec des étoiles plein les yeux.

L’homme peste et se détourne des deux petites créatures. Il n’a pas le temps pour de la douceur, il a un travail sale à finir. Que le négociateur se dépêche de faire ses prisonniers s’il ne veut pas se faire doubler.