e sol tremblait. Si Bravoure avait été moins instruite elle aurait pu croire au retour de la lumière. La réalité n’en était pas moins inquiétante. Les geysers s’éveillaient un à un, dans un torrent d’eau et de vapeur. L’air empestait le souffre qui s’échappait de fissures dans le sol tels des pustules éclatées. La température ne cessait d’augmenter mais aucun des compagnons de la Dame ne semblaient s’en soucier. Sindri était admiratif de la puissance soulevée par l’eau. C’était une facette de cet élément qu’il n’avait jamais pu voir auparavant. Lui qui n’avait connu que neige et glace dans son enfance découvrait un aspect plus colérique du liquide aux nombreuses facettes. La Chef de Sakai sourit doucement, un jour peut-être, elle l’emmènerait à la mer.

Devoir gambadait dans tous les sens, émerveillé par ce monde qu’il découvrait. La Dame était curieuse d’en apprendre plus sur ce petit pokémon. Elle se rappelait brumeusement quelques textes expliquant comment créer ces golems de terre cuite mais rien de plus précis. Le fait qu’ils soient une création humaine l’interloquait. Qu’étaient ces nouveaux pouvoirs par rapport à la capacité inhérente que l’Homme avait d’inventer ? Seraient-ils une force qui poussera la civilisation vers l’avant ou bien les peuples allaient se complaire de leurs capaciter et mettre un terme à leur ingéniosité ?

Ils passèrent une gerbe d’eau brûlante et assourdissante. Un épais morceau de bois s’écrasa juste devant les deux humains qui glapirent à l’unisson. C’était une planche complètement éclatée par la pression de l’eau. Sindri leva prestement son bouclier, recouvrant la chef de son corps. De nombreuses échardes vinrent pleuvoir tout autour d’eux. La dame serra les dents, sursautant en sentant deux petits bras se glisser autour de sa taille. Devoir s’accrochait à elle, déterminé à la protéger.

Le bois cessa de pleuvoir quelques secondes après que l’eau jaillissante se soit tarie. Les deux compagnons levèrent les yeux pour découvrir les alentours. Des roues éventrées, des planches arrachées mais aussi quelques trésors comme des éclats de pots ou des tissus souillés. Il semblait qu’une caravane ranine aie été surprise par le sol irrégulier des geysers. Sindri partit inspecter les lieux en quête de survivants après s’être assuré que sa protectrice soit saine et sauve.

Bravoure resta sur place. Devoir se tenait au garde à vous à ses côtés. Ses yeux brillants scannaient les environs en quête du moindre tremblement qui puisse indiquer une explosion d’eau. La Dame se pencha pour ramasser un morceau de bois. Il était gorgé d’eau et presque brûlant au toucher. Ce qui était surprenant néanmoins était la partie à moitié calcinée du bois. L’eau bouillonnante des geysers ne pouvait laisser de telles traces.

« Reste aux aguets Devoir, j’ai un mauvais présentiment. »

Le petit pokémon clignota avant de la tapoter pour attirer son attention. Il pointait du doigt en direction de deux silhouettes. Bravoure fronça les sourcils, cherchant à déterminer l’identité des pokémons à travers l’épais brouillard de vapeur.

isiblement il n’y avait rien à craindre. Les deux créatures n’étaient que de petits pokémons en plein drame romantique. Bravoure détourna rapidement son attention d’eux. Ce n’était rien de nouveau et certainement rien d’incroyable. Il fallait dire aussi que, comme de nombreuses autres choses, la Chef de Sakai trouvait les gestes amoureux totalement futiles et surfait. Il fallait néanmoins avouer que ce point de vu naissait d’une rancœur ayant muté d’une jalousie acide. La vieille dame n’avait que très rarement laissé l’amour se faire une place dans sa vie. La première fois elle avait été trahie, la seconde avait été merveilleuse et la troisième une erreur qui continuait de la hanter. Les humains étaient néanmoins, ce qu’ils étaient et malgré les expériences et ses préavis Bravoure ne pouvait s’empêcher d’espérer une telle relation.

Pour l’instant cependant son attention était portée sur ses alentours. Sindri revenait de son tour, la mine sombre. Il n’y avait aucun survivant. La vieille dame pinça ses lèvres soucieuse et brusquement très alerte. Nul ne savait dans quelles conditions Ciras avait disparu et sa situation actuelle était beaucoup trop propice à un malencontreux accident. Elle avait pris trop peu de précautions.

« Si vous me le permettez ma Dame, j’aimerais prendre le temps de les enterrer. » demanda amèrement le garde.

Bravoure hocha la tête. Elle ne se sentait pas à l’aise ici mais le lieu était relativement à découvert, s’il y avait des bandits, ils pourraient les voir venir de loin. Elle était aussi, comme nombre de sakaiens, superstitieuse, les rites mortuaires étaient sacrés. Seuls les pires criminels y étaient absouts. Ne pas recevoir ses rites laissait l’âme à un sort pire que la mort. Ainsi errante, elle devenait un esprit vengeur, prenant la forme soit d’un pokémon, si des exorcistes de Giratina venaient à passer par là, soit de fantôme. La Chef ne saurait dire quel destin était le pire.

Elle claqua des doigts pour attirer l’attention de son- du golem avant de se tourner vers lui. Sauf qu’il n’était plus à côté d’elle. Frénétiquement Bravoure le chercha aux alentours. Furieuse de l’avoir laissé sans supervision mais aussi dérangée du fait qu’elle s’inquiétait pour lui. Ce n’était qu’un stupide pokémon et pire encore, un qu’elle n’avait rencontré que très récemment. Il n’y avait pas de raison qu’elle s’inquiète…

« Devoir ? Si tu es parti, je ne vais pas te chercher. Je te préviens, je m’en vais sans toi… » menaça-t-elle.

Elle remarqua soudainement sa forme qui courrait vers elle avec l’excitation d’un enfant. Ô combien elle détestait cela. Elle mit ses poings sur ses hanches, le laissant venir jusqu’à elle. Son regard était rempli de reproche.

« Quelle est votre explication jeune golem ? »

Il leva vers elle une fleur avant de pointer en direction du scalpion qui salua timidement. Ah. Elle attrapa la fleur et envisagea pendant quelques secondes de l’écraser par pur sadisme avant de soupirer et se mettre à genoux devant le petit pokémon chromatique. Elle glissa délicatement la tige de la fleur dans une fente de sa capace.

« Si tu veux rester avec moi, tu vas devoir fonctionner différemment. JE suis la Chef et c’est moi qui donne les ordres. Si tu veux partir quelque part, tu me le demandes. Suis-je claire ? Bien. »

Elle se redressa. Sindri risquait de prendre du temps pour creuser les tombes, elle préférait s’occuper en jouant les détectives plutôt que d’aller voir les dégâts. Elle avait eu son quota de cadavres pour les siècles à venir. La petite créature animée la suivit, l’imitant avec curiosité. Lors que Bravoure ramassait quelque chose, elle faisait de même, lors qu’elle posait la main sur son menton, pensive, elle faisait aussi pareil. Un vrai petit miroir.

De ce que la vielle dame pouvait voir, la caravane avait littéralement explosé. C’était comme si une immense boule de feu lui était tombée dessus. Il y avait aussi pas mal de traces sur le sol. Des cercles parfaits brûlés sur la roche comme si celle-ci avait été marqué au fer. La forme des brûlures n’avait aucun sens, il n’y avait à sa connaissance, aucun pokémon qui ne soit capable de faire ça. A moins que… Une abomination le pourrait peut-être… Il fallait qu’elle prenne des notes.

ravoure sortit précipitamment son carnet. Depuis les pics, elle ne le lâchait plus. Petit à petit au fil du temps, les voyageurs s’étaient mis à rapporter d’étranges traces, des choses hors de place, des morceaux inidentifiables. De nombreux artéfacts avaient fait leurs chemins vers la Grande Bibliothèque mais le nombre restait faible ou dans des états piteux. Entre ça et les descriptions de plus en plus farfelues, il semblait presque impossible de pouvoir identifier les bêtes et l’origine de la magie.

Elle fit de son mieux pour reproduire la forme des cercles mais avait du mal avec la perspective. Absorbée par sa tâche elle manqua même d’écraser un pauvre Rattata qui se prélassait dans le coin. Le petite pokémon violet couina avant de détaller à toute vitesse, rapidement suivit par son amie la kabuto. Elle fronça les sourcils. Les pokémons ranins n’avaient décidément aucunes manières.

Il lui fallu quelques temps pour terminer ses croquis, la chef n’était pas spécialement douée en dessin mais faire des cercles n’était pas non plus la chose la plus compliquée au monde. Ce qui l’intriguait c’était la disposition de ceux-ci. C’était exactement la même marque qui avait été laissée dans les rizières. La créature qui les avait laissées était assurément puissant pour pouvoir cramer, deux lieux gorgés d’eau.

Ce qui était rassurant était le fait qu’elle ne soit pas unique. La Dame avait déjà commencé à avoir eu vent de cultes qui se formaient à la gloire de ces abominations. Les sauveurs de l’humanité, comme certains les appelaient. Foutaises. Ils n’étaient rien d’autres que des monstres qui apportaient destruction sur leur chemin.

Il était clair que les éberlués qui les priaient n’avaient pas dû expliquer aux familles des victimes que leurs enfants étaient morts écrasés sous les pierres. Qu’aucun d’eux n’avait pu voir, le corps déformé et éclaté, à peine reconnaissable d’une connaissance. Que savaient-ils de la culpabilité qu’elle ressentait à entendre les hurlements de douleurs de ses citoyens ? La foule qui s’attroupait au palais venait pleurer les morts, on l’accusait elle, on accusait son conseil, les dieux, la vie, tout. Rien ne pourrait ramener ce qui a été perdu. Même maintenant ils continuaient à déterrer de nouveaux corps. Bravoure ne pouvait plus dormir avec les fenêtres ouvertes, l’odeur qui se dégageait du tas de gravas la terrifiait plus que n’importe quel croque mitaine.

Elle avait perdu une ami et compagnon lors de la chute de l’aile. Sakai se retrouvait sans conseiller sanitaire au moment où elle en avait le plus besoin. Plus personne ne pouvait organiser les soins, la tâche lui revenait à elle et au premier conseiller. Le travail s’accumulait, il avait au moins le mérite de chasser la peine. Bravoure avait la sensation d’enterrer plus qu’elle ne laissait vivre. Son passé, sa mère et maintenant son conseil.

Sakai avait été tellement touchée qu’elle parvenait à peine à maintenir la tête hors de l’eau. Néanmoins elle était trop fière pour demander de l’aide. Bravoure fit mine de se lever. Devoir lui tendait sa petite main ouverte, la regardant sans expression mais avec une attitude qu’elle pouvait qualifier d’honnête. Sakai était aussi fière que sa chef. Bravoure se redressa, ignorant l’aide offerte malgré ses os qui grinçaient.

Ils savaient ce qui avait tué ces pauvres marchands. Une abomination était probablement venue du ciel et s’était abattue sur leur caravane qui avait eu la malchance de se coincer dans la gueule d’un geyser. Qu’y avait-il de bon à tirer de cette lumière ? Que pouvait-elle apporter à Ekoe ? Il était beaucoup trop tôt pour le savoir.

« Quand tu seras à Enogen tu te trouveras un meilleur dresseur. Quelqu’un qui appréciera ta compassion. » dit-elle au pokémon à ses côtés. « Je n’en ai pas besoin. Tout ce qu’il me faut c’est ce devoir que j’ai envers mon peuple. »

Les yeux du petit pokémon clignotèrent. Avait-il reconnu son nom ? Comprenait-il le poids de celui-ci ? Le devoir, cette excuse dans laquelle se noyait Bravoure pour justifier ses actes et flouter ses peurs. La vérité était, personne mieux qu’un gringolem ne pouvait comprendre ce mot. Après tout il était l’unique raison de son existence. Ces pokémons étaient créer pour servir un maître. Celui-ci servirait le sien qu’elle lui en soit reconnaissante, ou non.

e silence qui suivit cette conversation fut tendu. Bravoure s’obstinait à ne pas regarder la fleur de Devoir qui se balançait au gré du vent. La vieille dame s’obstinait dans sa décision qu’elle trouvait tout à fait rationnelle et juste. Les seuls pokémons qu’elle avait n’étaient avec elle que parce qu’ils étaient utiles. Elle ne pouvait pas se permettre de faire du sentimentalisme, ce serait donner à Assam et ses royalistes une emprise sur elle. Elle ne pouvait pas tolérer ça. La vieille dame avait déjà fait de nombreux sacrifices pour pouvoir trouver sa place. Trop de sacrifices même. Ceux-ci commençaient à peser leur poids.

Devoir s’agita un peu à côté d’elle. Il fixait deux pokémons qui étaient apparus et se disputaient vivement. Le chartor était entrain de mâchouiller une fleur et le kungfouine en face de lui tapait du pied. Il essayait de récupérer les fleurs dans la bouche du pokémon en pestant furieusement. Visiblement le gringolem voulait aller l’aider, il trépignait sur place. Un petit héro.

« Non. »

Qu’il voit de ses yeux que le monde était injuste. Peut-être il décidera alors que rester à ses côtés ne ferait que mener à sa perte. Il resta assis, ses petits bras entourant ses jambes. L’injustice de la situation l’insupportait. Ou alors était-ce simplement la destruction des fleurs ? Elle se rappelait les crises de nerfs de sa mère lorsque quelqu’un marchait par inadvertance sur ses plantations. C’était toujours amusant de voir la frêle vieille dame se grandir de quelques centimètres pour chasser des nobles avec un râteau.

La kungfouine releva brusquement la tête, les oreilles tendues. Bravoure tourna la tête dans la direction qu’elle regardait. Elle se leva d’un bon, le cœur battant. Sindri ! A ses côtés la petite création fit de même pendant que les deux pokémons sauvages en profitaient pour détaler à toute vitesse. Les lumières de Devoir clignotèrent de manière hérétique. La Dame carra ses épaules et redressa sa tête, toisant les nouveaux arrivant avec dédain.

Il y eux un rire gras. Trois hommes se tenaient au-dessus du corps inerte du rouquin. Le plus proche avait un lourd gourdin dans ses mains. Les deux autres étaient équipés d’armures d’écailles et de cuire, usée par l’utilisation et balafrées de marques de combats. Celui de gauche avait des doigts manquants et une oreille arrachée, son embonpoint était prononcé mais Bravoure n’avait aucun doute qu’il pourrait l’écrabouiller comme une brindille. Celui de droite qui tenait la masse portait des crânes de pokémons en guise de garnement, il était maigre et tout en angle, ses yeux sombres brillaient d’un air mauvais. Celui du centre, plus grand et costaux que les deux autres souriaient de manière menaçante, sa main survolant un lourd filet de métal, prêt à le lancer à tout moment. Derrière eux trainait la carcasse d’un némélios.

Des braconniers !