Ceriza n’était pas du genre à s’enfermer dans le château de la forêt. Comme son prédécesseur, elle se rendait régulièrement à Kashaï et surprenait les habitants dans leurs vies quotidiennes. C’était des moments rafraîchissants. On ne savait jamais lorsque la Cheffe débarquait. Matin, midi, au coeur de la soirée, c’était toujours une surprise. Seul la vision de son Colombeau disait qu’elle approchait.

On lui faisait goûter des spécialités, on chantait pour elle, on buvait avec elle et les enfants adoraient jouer avec ses amis pokémons. Ce genre de moment n’était jamais identiques et avait son lot de surprise. Au fur et à mesure des différentes rencontres, on commença à lui parler d’un étranger aux yeux bandés, habillé richement mais pas à la mode Midoyenne, guidé par un étrange oiseau vert. Le premier témoignage intrigua la jeune femme, mais plus elle entendait cette histoire, plus elle commençait à y croire (même si les versions se distinguaient au niveau du genre supposé de manière théorique), jusqu’à ce qu’un garde confirme la vision et lui indiqua même la direction où était parti l’étranger.

Le garde se rendit compte qu’il envoyait peut-être sa Cheffe vers un danger et il se proposa de la suivre. Elle l’arrêta immédiatement, avec un sourire.



L’atmosphère s’alourdit, les arbres semblaient avoir des yeux et il avait l’impression d’entendre des lames qui s’entrechoquent. Illusion ou réalité ? Cela suffisait à rendre la demoiselle convaincante et à la laisser partir seule, du moins, on en avait l’impression.

Autan s’envola et parti à la recherche du mystérieux étranger/étrangère. Il ne fallut que quelques battements d’ailes pour qu’il tombe dessus. Il s’installa d’abord sur une branche, observant l’individu avec ses yeux perçants. Ses vêtements, son attitude, ses manières… lui disait vaguement quelque chose. Comme s’il s’était déjà rencontré au moins une fois. Le Colombeau regarde autour, il ne voit que le fameux petit oiseau vert en train de chanter. Lui ne lui disait rien. Il s’envole, se rapproche en silence en essayant de ne pas se faire voir.
Cette impression étrange de le connaître est désagréable. Il n’arrive pas à mettre un nom sur ce personnage qu’il pourrait connaître. Résigné, le pokémon s’envole vers son amie qui n’était plus très loin.



Il se posa sur son épaule, se laissa gratouiller le bidou puis Ceriza s’approcha. L’individu semblait tellement absorber par la chanson de son ami oiseau et elle plissa les yeux. La même sensation que son ami Colombeau l’envahis. Elle le connaissait non ? Mais c’était qui ? Elle se rapproche. Analyse. Commence à filtrer dans son esprit les différentes personnes qu’elle connaissait et pile lorsque le Natu cessa de chanson, un nom se présenta de lui-même.



Pour une fois, elle n’était pas certaine. Tous les Émissaires se connaissent. Cependant, ses yeux couverts lui mettaient énormément de doute. La dernière fois qu’elle l’avait vu… Il semblait en pleine forme. Du moins, fidèle à lui-même, à ses idéaux, la dernière personne à qui l’on voudrait faire du mal tellement il pensait que l’être humain était fondamentalement bon.



Pour une fois, elle voulait avoir tort. Ils n’étaient pas amis, mais ce personnage lui était tellement sympathique. Il pouvait parler pendant des heures de la bonté humaine et réfuter tous les arguments sur le sombre aspect des êtres humains et des pokémon. Puis, c’était un partenaire privilégié pour discuter avec Sakai, un atout précieux qui ne s’était étonnamment pas présenté au Grand Conseil. Vu le fiasco, peut-être avait-il bien fait ?

Ceriza ne put s’empêcher de regarder autour d’elle, Autan fit de même en fixant le Natu. Ce petit oiseau, ce n’était pas celui qui l’accompagnait habituellement. Et puis, même si les Émissaires avaient la fâcheuse tendance à semer leurs gardes, Xuanlu n’avait pas l’habitude d’être seul. Il y avait quelqu’un qui l’accompagnait. Son frère.

Cela ne faisait pas si longtemps qu’il ne s’était pas vu, du moins, rien d’alarmant entre deux personnalités politiques qui passaient leurs vies à voyager. Malgré tout… Pourquoi avait-elle l’impression qu’elle allait découvrir quelque chose de  grave à propos d’un de ses confrères ?

Un frisson de panique traversa l’échine de Ceriza en voyant la personne se lever brusquement et failli tomber. C’est certain que Kashaï pouvait être difficile pour certaine personne et elles étaient généralement accompagnées de pokémon ou d’humain… plus adapté à ce genre d’handicap. Des guides, mais qui sont également là pour vous rattraper en cas de besoin extrême.

Le petit oiseau vert s’approche de la Cheffe de Mido sous l’oeil vigilant d’Autan. Il savait que ce petit pioupiou ne représentait pas une grosse menace, mais son drôle de comportement, aussi mignon qu’imprévisible, ne semblait pas le mettre à l’aise pour l’instant. Côté Ceriza, elle avait l’impression que son coeur se compressait en entendant la confirmation de l’identité de l'Émissaire. Le pauvre. Que lui était-il arrivé pour qu’il soit dans un si piteux état ? Même s’il ne la voyait pas, Ceriza s’inclina respectueusement pour le saluer avant d’avoir un autre pincement au coeur. Elle ne lui en voulait pas de ne pas la reconnaître, elle-même ne serait pas capable de distinguer chaque personne qu’elle salue juste au son de la voix.





Le Natu sautille de nouveau devant Ceriza et retourne auprès de Xuanlu, fixant ce qu’il tenait contre lui. Autan perçoit distinctement l’oeuf et prévient Ceriza en roucoulant tendrement à son oreille. Elle lui caresse le ventre de nouveau puis sourit.



La Cheffe s’approche de quelques pas et son regard a un mal fou à quitter les bandages posés sur les yeux de l'Émissaire. Les questions tournaient en boucle dans sa tête, qu’était-il arrivé à ce pauvre homme pour qu’il soit ainsi ? Ne tenant plus, elle se jette à l’eau.