Le destin d'un peuple peut se jouer à pile ou face, avec une pièce truquée (Pv Arÿel)

Ceriza scrutait des bouts de papier portant son écriture avec un regard neutre. Ce besoin d'écrire et de coucher ses réflexions, cela l'avait toujours aidé pour prendre des décisions, des plus simples aux plus retorses. Et avec les événements de ces derniers jours, on pouvait avouer sans exagérer que la situation de Mido et de Sakai était une crise en devenir. Cependant, suffisamment de ses concitoyens étaient en proie à la panique et à l'incertitude, Ceriza se devait d'être calme et rationnel et elle avait quelques idées pour au mieux redresser la barre et au pire, mettre son peuple à l'abri d'une guerre inutile.

Madame, nous y allons ?

Oui. Je ne voudrais pas être en retard.

Autan, tu veux venir ?

Poichigeon !

Le Poichigeon qui voletait à travers toute la pièce vient immédiatement se poser sur l'épaule de son amie, le temps qu’elle range ses papiers et ses plumes. Hors de question de quitter Ceriza d'une semelle ! La jeune femme caresse la tête de la créature volante puis se lève et suit la guerrière qui l'accompagnait dans tous ses voyages depuis qu'elle était Émissaire. Un personnage très intéressant, aussi douée de ses deux lames que dans le dressage de pokémon : son Lougaroc représentait bien la discipline et la rigueur du personnage. C'était aussi quelqu'un de fidèle et qui donnerait sa vie pour la personne à protéger.

La question va paraître sotte, mais autant de garde est-il nécessaire pour une simple visite diplomatique ?

Oui Madame. Vu le contexte politique, c'est plus prudent. Et avant que vous ne le demandiez, nous allons prendre les accès les plus sûres pour vous garantir une protection optimale.

Je vous fais confiance sur ce point.

Et sinon, comptez-vous m'appelez par mon prénom aujourd'hui ?

Non Madame. Jamais pendant vos entrevues officielles.

Dans un tout autre contexte, je serais TRÈS attristée que vous ne preniez pas cette liberté des plus naturelles.

Ceriza lâcha un petit rire tandis que le Poichigeon roucoulait, comme pour approuver les dires de son amie humaine alors que la pauvre guerrière rougissait légèrement avant de se reprendre. Oh oui, l'Émissaire osait tout et plus on la connaissait, moins elle avait de limite. Mais elle ne faisait que taquiner, rien de bien méchant, ses autres gardes du corps n'osaient se moquer de leur supérieur hiérarchique. Ils n'affichent qu'un petit rictus amusé qui ne dura qu'un bref instant.

Le petit groupe se distinguait de la roche grâce la tenue arborant les couleurs de la forêt dont elle venait. Quant à Ceriza, elle avait sa longue robe diplomatique verte-émeraude, quelques bijoux par-ci par-là (pur plaisir personnel) et sa longue chevelure coiffée d'une broche, à la fois raffinée et simple.
Ils se dirigent donc vers le lieu de rencontre et purent apercevoir au loin le bâtiment qui faisait tout l'intérêt du lieu : la fabrique à Ecu.

Hum... Belle symbolique.

Le Poichigeon s'envola et se permit de s'approcher de ce lieu intriguant, ne retardant absolument pas le groupe et il revint tout naturellement sur l'épaule de Ceriza, roucoulant plusieurs fois comme s'il parlait. En résumé, il ne comprenait pas l'intérêt de l'humaine pour ce lieux en particulier.

Ne t'inquiète pas Autan, je t'expliquerais dès qu'on a fini cette entrevue que j'espère des plus bénéfiques.

Ils arrivèrent finalement dans le lieu de rencontre et après s'être présenté aux gardes, Ceriza entra et tel la grande dame qu'elle était, imposant bien malgré elle sa présence. Mais vu qu'elle était normalement attendue, son charisme naturel n'allait pas paraître impolie.

Digne représentante et Cheffe des Rans, ingénieux peuple dont l'un des symboles du savoir-faire s'observe d'ici. Cette ingéniosité mis au service des quatre régions d'Ekoe.
Lady Eladan, c'est un grand honneur de vous revoir.

L'Emissaire baissa respectueusement la tête, Autan et ses gardes ainsi que leurs pokémons firent de même. Gestes et mots transpirent l'honnêteté et après avoir montré le respect qui était dû à la tête dirigeante et son entourage, Ceriza se releva et reprit un aspect plus sérieux de sa personnalité.

Je vous remercie d'avoir accepté cette rencontre.

Sachez d'abord qu'en l'absence de mon Chef, je ne suis qu'une représentante indirecte du peuple de Mido. Je n'ai autorité que sur mes gardes.
Mais Midoyens et Midoyennes connaissent mon nom et de par mon statut, je suis proche de nos honorables conseillers, leurs apportant mon point de vue des autres régions. L'adage dit qu'on est mieux servi que par soi-même, mais il y en a un autre que je trouve plus juste : la confiance se gagne en goutte et se perds en litre.

L'Emissaire entendait par-là qu'il serait plus aisé pour un Midoyen d'écouter un autre Midoyen. Quelqu'un qui vienne de la forêt comme elle. Même si les Conseillers étaient loin d'être des renfermés, évidemment. Mais ce n'était pas eux qui inquiétaient la jeune femme : c'était plutôt son peuple perdu qui l'angoissait. Et il faudra beaucoup de visage familier pour les rassurer et que cela ne dégénère pas.
Ceriza caressa la tête de son ami Poichigeon qui se laissa faire d'une docilité incroyable. La jeune femme marqua une courte pause avant de reprendre.

Même si je n'ai que peu de pouvoir de décision, je me suis permise de vous proposer cette entrevue pour vous présenter mon aide.
Je ne souhaite nullement influencer vos choix. Je ne serais qu'un point de vue objectif provenant du peuple de Mido. A l'aide de mes relations, je vous propose des informations que vous n'avez peut-être pas accès ou qui ont été déformés par les kilomètres nous séparant du lieu du drame.

Oui, les coursiers avaient fait pas mal de kilomètres ses derniers jours. Et cela ne risquait pas de s'arrêter vu la crise qui se préparait.

Et... Je ne vous mentirais pas en disant que j'espère que vous allez faire le bon choix pour le peuple de Sakai et de Mido.

La phrase n'était pas anodine. La jeune femme savait que la Cheffe de Ran était jeune et peu expérimenté, et avec une petite frayeur de prendre des décisions : propulser au rang de cheffe sur les dernières volontés de son prédécesseur. Son avis là-dessus ? Très mauvais choix. Est-ce qu'elle le dirait à voix haute ? Jamais. Néanmoins, il y avait un gros avantage : la jeune cheffe était plutôt influençable si on savait bien s'y prendre. Et ça, c'était dans le domaine de Ceriza.

Ce n'était pas pour rien si la jeune femme avait insisté pour cette rencontre. La nature humaine a tendance à toujours écouter le premier qui parle.

Le destin d'un peuple peut se jouer à pile ou face

feat. Ceriza Shalos

Je n’aime pas revenir ici. Retracer mes pas vers un passé que j’ai condamné ou presque à l’oubli. Traîtresse de mes propres origines ou du moins trop lâche pour affronter les spectres qui hantent ces rues, ces souvenirs qui me percent de part en part alors que je déambule dans ces rues poussiéreuses. J’entends encore les rires carnassiers d’enfants trop maigres, leurs petits pieds nus à la course. Orion a changé depuis mon enfance et pourtant j’y retrouve une étouffante familiarité. En parcourant les visages du regard, j’ai l’impression de retrouver des vestiges de mon passé. Je n’aime pas cette sensation. Cette ville représente un retour en arrière pour moi. Pourtant mes obligations de chef me forcent souvent à m’y aventurer, à mon plus grand désarroi. J’essaie de garder la tête haute et un sourire au visage. Ces gens méritent ma considération. Je n’ai qu’un désir : améliorer les conditions ici. Mais ce n’est pas si facile quand j’ai encore du mal à m’y rendre. Aujourd’hui au moins, c’est pour une raison totalement différente bien que tout aussi primordiale : les relations de Ran avec Mido. Nos voisins de l’est vivent de grandes perturbations actuellement, tant que j’ai même reçu une invitation du chef de Kuni pour discuter de l’état actuel des choses. Autant dire que ces tensions me mettent sur mes gardes. Heureusement j’ai confiance en l’émissaire que je reçois aujourd’hui ici à Orion.

Ceriza Shalos a croisé mon chemin pour la première fois il y a quelque temps déjà. Il y a quelque chose chez elle qui m’apaise. Cette grande femme me paraît tellement assurée et calme qu’à ses côtés je n’ai de choix que de mettre mon énergie débordante de côté pour réfléchir plus sérieusement aux enjeux qui déchirent les nations d’Ekoe. Je l’attends en marge de la ville, dans la demeure d’un noble qui a gentiment accepté de nous la prêter pour l’occasion. Orion regorge de soldats des quatre royaumes. Il nous fallait un endroit discret pour discuter pour éviter que les représentants de Sakai ne surprennent notre conversation. Non pas que Ran aille quoi que ce soit à se reprocher, mais je ne voudrais pas que de mauvaises informations circulent au sujet de cette rencontre. Lorsque Ceriza fait son entrée, je m’empresse de la rejoindre, contente de constater que le voyage s’est déroulé sans encombre. Mon cœur se serre à l’idée de son chef disparu et de son peuple affligé… Peu importe l’origine de sa disparition, je peux imaginer l’angoisse des siens maintenant qu’ils se trouvent sans sa guidance. Ceriza me paraît néanmoins toujours aussi solide, derrière ses façades et ses jolies expressions qui me tirent un sourire amusé. Elle oublie parfois à qui elle a affaire : une enfant d’Orion, encore un peu sauvage. Je la laisse discourir à sa guise, ne désirant pas la froisser. Néanmoins, vu mon excitation de retrouver un visage familier dans ces temps troubles, je n’ai pas tout enregistré de son discours. Je me précipite sur elle pour l’enlacer sitôt elle a terminé.

«Oh Ceriza ! Vous n’avez pas changé ! Ça suffit ces manières, nous sommes entre nous. Je vous en prie, venez vous reposer un peu. J’ai fait préparer une assiette de dattes fraîches et de raisins et un peu de thé au jasmin.»

Je nous dirige en direction d’une table basse sertie effectivement des plats promis. Des coussins colorés entourent la table. Je m’y pose en tâchant d’avoir l’air délicate ce qui avec moi n’est pas particulièrement gagné. Heureusement, Lusaline a beaucoup plus de talent en ce domaine et se pose près de moi avec dignité.

«L’objectivité est ce que je désire atteindre pour m’aiguiller dans cette situation de tension, effectivement. Sachez que de mon côté, j’ai le désir ardent de conserver la paix qui règne entre les peuples. Je n’ai aucune intention d’alimenter le feu qui gronde présentement dans le cœur des Midoyens et Midoyennes. Que cela soit mis au clair dès maintenant que ce sujet ne revienne pas sur la table, si jamais vous désiriez en formuler la demande : mes armées demeureront impartiales, à Ran. Je suis une défenseuse ardente de la paix sur Ekoe et je place tous mes espoirs en le Grand Conseil pour apaiser les choses telles qu’elles le sont actuellement.»

Je soupire. Je n’aime pas me montrer si directe auprès de Ceriza. Je sais mes paroles inutiles, j’ai confiance en elle. J’ai la conviction profonde qu’elle ne vient pas demander une aide militaire de la part de notre nation, mais je préfère déjà écarter l’idée, si elle devait venir.

«Dans tous les cas, j’aimerais vous exprimer mon amitié et toute ma compassion. La disparition de votre chef m’a attristée et inquiétée, tout comme les accusations qui fusent actuellement. Je suis très heureuse de votre visite. Peut-être ainsi aurons-nous l’heure juste. Mais tout d’abord, vous, comment vous portez vous?»

Car au-delà des royaumes et de la politique, il y a des individus. Lors de négociations, beaucoup tendent à l’oublier. On me reproche souvent d’être trop familière; tant pis.

Ceriza afficha un petit sourire amusé lorsque la Cheffe de Ran ne se retint plus et vint l’enlacer, la jeune femme y répondant avec une politesse chaleureuse. Non, elle n’avait pas vraiment oublié ce petit côté enfant d’Arÿel, mais elle s’était dit que peut-être qu’en période, ses ardeurs auraient été diminués. Réponse : absolument pas.

Aryël, pardonnez mes vieilles habitudes qui ont la vie dure. Mon langage n’est qu’une façon d’exprimer mon respect et mon amitié envers vous.
Sachez que votre hospitalité est la bienvenue.

Chigeon !

Calme-toi, petit gourmand.

Le groupe file ensuite s’assoir et Autan cachait mal son excitation en voyant les petites baies sur la table, se balançant d’une patte à une autre. La Cheffe d’Escorte s’assoit tout naturellement au côté de Ceriza et tout ce joli petit monde écoute Arÿel en sirotant une tasse de thé et en donnant quelques dattes au Poichigeon et aux gardes qui en voulaient.

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’Arÿel était directe. Et bien que Ceriza n’était point venue demander une telle chose, elle était maintenant assurée que Ran ne serait pas un soutien militaire. Bon à savoir pour la suite, au cas-où ça dégénère. L’Emissaire acquiesça d’un simple mouvement de tête, comprenant néanmoins sa décision.

La Midoyenne fut légèrement surprise par la suite. Pas par le soutien envers son peuple qui a perdu son chef (cela semblait normal vu les circonstances), mais plutôt par le fait qu’on s’intéresse à sa personne. Savoir comment elle allait. C’était plutôt rare, ces derniers jours, mais cela mit un petit sourire amusé sur les lèvres de la jeune femme qui caressa de nouveau le beau bidou du Poichigeon, le faisant roucouler comme un bienheureux.

Vous êtes toujours aussi surprenante. Je ne m’attendais guère à ce genre d'intérêt.

Ce serait mentir en disant que tout va bien, mais la situation n’est pas catastrophique.

Je suis bien entourée, mes parents vont bien même si mon père est probablement le plus inquiet de tous les Midoyens que je connaisse… Heureusement que Mère est là pour le rassurer et je sais qu’elle fait de sont mieux pour faire de même avec nos voisins.

Son père était styliste : il confectionnait des vêtements à partir de ses doigts agiles et il les portait pour les faire vendre. Parce que mine de rien, son géniteur était affreusement bien fait physiquement et avait toujours du succès auprès des autres. Même si, c’était vrai, il paniquait pour un rien et pouvait perdre de sa créativité en un claquement de doigt s’il n’était pas correctement encadrés.

Sa mère, elle, tenait la boutique et était une négociatrice redoutable. Calme, mais dégageant cette aura de puissance qui pouvait effrayer ou rassurer, de toute la famille, personne n’osait lui dire non. Même maintenant, Ceriza avait bien du mal à être en opposition à sa mère, tant celle-ci était sage et semblait avoir toujours raison.

Mes soeurs sont en pleine forme et je dois admettre que j’abuse de leurs générosités puisqu’elles sont une de mes sources principales d’informations à travers tout Ekoe.
Mais soyons franche, c’est excellent pour mon moral de savoir qu’elles sont saines et sauf, surtout pour celles qui aiment se rendre à Sakaï pour trouver des plantes ou bien admirer les paysages.

Et elle avait beaucoup trop de soeurs pour que chacune soient décrits ici. Peut-être plus tard. La jeune femme se permet de goûter une datte et d’en donner une nouvelle à son ami ailé avant de sourire en direction d’Arÿel, tout en rougissant légèrement en se rendant compte qu’elle aurait pu être plus concise.

Je n’ai pas vraiment l’habitude qu’on me pose cette question. Je suis désolée, j’ai un peu divagué.

Certes, sa jeunesse était mouvement et elle avait toujours en contraction avec sa famille, mais aujourd’hui, leurs liens étaient très forts et leurs relations profondément affectueuses, même s’ils étaient séparés par les kilomètres.

Autant vous dire que les fêtes de famille sont magistrales, voir carrément impressionnant pour ceux qui ne sont pas apparentés au Shalos.

Néanmoins, votre considération me touche.

Les Midoyens, eux, sont perdus et paniqués. Ils ne comprennent pas pourquoi leur Chef a mystérieusement disparu du jour au lendemain, ils ont cherchés un coupable et on leur en a un servi un sur un plateau d’argent d’où les tensions avec Sakai.
Je n’écarte pas la possibilité que Sakai soit impliqué, tout comme ça pourrait être Ran, Kuni ou même ma propre région. Nous parlons tous au nom de notre peuple, mais ce dernier est composé d’individu avec ses propres idées et réflexions.

Ceriza avait beau envoyé des coursiers et consultés ses informateurs, aucun n’avait été capable de lui dire qui étaient les fameux éclaireurs qui auraient été présent le jour de la disparition du Chef. Les rumeurs filaient plus vite que le vent, les démentir ou prouver leur véracité avec des preuves était un travail colossal.

Et vous Aryël ? Comment allez-vous ?
Je sais que ce genre de situation ne rends à l’aise personne et que soudain, on a le poids d’Ekoe sur les épaules.

Vous avez sans doute des craintes, des peurs et sachez que c’est tout à fait normal. Une guerre n’a jamais fait de bien à personne, l'histoire nous l'a bien montré.

Tout le monde craignait que cela n'arrive, à juste titre. Et Ceriza fera tout pour éviter cette situation.

Si vous voulez mon avis, je place également mes espoirs dans le Grand Conseil. Et je sais que cela ne fait pas l’unanimité, même dans mon propre camp, mais il faut élire autre Chef pour Mido.
Sans représentant, on ne sait plus qui croire, qui peut parler au nom de Mido et qui peut diriger. Et surtout, les Émissaires et autre personne d’influence comme moi, nous ne représentons plus personnes et nos mots sont désormais dérisoires. Impossible de maintenir une paix dans ces conditions.

Il n’y avait plus qu’à espérer que le Grand Conseil se décide vite et qu’ils aient déjà quelques candidats en tête. Des personnes dont elle espérait secrètement en faire partie, mais ça, elle s’abstenait de le dire.

Le destin d'un peuple peut se jouer à pile ou face

feat. Ceriza Shalos

Les manières de Ceriza m’amusent énormément mais je dois avouer que je leur préférerai toujours la simplicité des gens du peuple. Je n’ai pas eu le même genre d’éducation que l’émissaire. J’ai grandi en crachant mes mots plutôt qu’en les dégustant. À mon arrivée à Chevropolis, je me souviens que mon parler en a déstabilisé plusieurs. Je me suis rapidement sentie étrangère, alors qu’Orion s’inclue dans le même pays. J’ai grandi dans une culture qui attrape l’ambition pour la réduire à néant. Même encore aujourd’hui, j’ai tendance à culpabiliser pour mes réussites, à me sentir mal de mon instruction tardive, de tous les efforts que j’ai déployés pour être une personne plus sage et plus posée. Ceriza me rappelle tristement à quel point j’ai encore du chemin à faire pour me détacher de mes modestes origines. Au final, je suis encore cette gamine traînant dans les rues en quête d’un peu d’attention. J’ai toujours la crainte que les représentants des autres nations ne me jugent pour cette part de moi mais je sens avec soulagement mon interlocutrice accueillir ce que je suis avec chaleur. Dans ce monde de diplomatie, j’ai toujours tendance à penser qu’on est mon ami et que l’on désire le mieux pour moi et les miens. Avec des gens, cette impression vient plus aisément qu’avec d’autres. C’est le cas de l’émissaire midoyenne.

«Ne vous inquiétez pas. Faites comme vous êtes confortable. Pour ma part, j’ai toujours dû travailler fort pour soigner mon langage; je vous félicite donc pour votre talent de ce côté.»

C’est ce qui est attendu d’un émissaire je suppose. Un talent pour manipuler les mots, ces armes invisibles. Je craindrai toujours l’émissaire plutôt que le général : des deux je crois être plus vulnérable au premier. Le conseil me dit toujours de me méfier, mais j’ai du mal. Cette émotion ne semble pas vraiment faire partie de mon répertoire. Heureusement, la discussion bifurque davantage vers des sujets personnels. J’écoute attentivement ma vis-à-vis, surprise de la voire s’investir autant, me parlant de ses proches avec beaucoup de détails. Néanmoins je n’ose l’interrompre; de toute manière ça m’intéresse. J’aurais aimé avoir une grande famille comme celle de Ceriza. Mon père me manque encore, ainsi que mon frère de cœur, tous les deux emportés par la maladie. Je n’ai plus que Nadim désormais. J’aspire encore à me créer une nouvelle famille mais ce n’est pas si facile quand on est chef de nation. Ce travail engendre une sorte de solitude. Du coup, cette simple discussion me tire des sourires attendris. Je pourrais l’écouter des heures alors que j’ai plutôt tendance à accaparer la conversation habituellement.

«Vous pouvez divaguer autant que vous le désirez, vous savez. Nous avons souvent tendance, de par l’exercice de notre fonction, que nous sommes… des individus avant toute chose. Nous sommes peut-être ici pour discuter de sujets graves mais malgré tout, je suis heureuse de vous savoir saine et sauve en ces temps troubles.»

Mon regard se perd dans un horizon invisible tandis que j’envisage la panique ressentie par le peuple de Ceriza. Je me revois il y a un peu plus de deux ans, à la mort de notre bien-aimé chef Elyes. Les larmes sur leurs joues, la panique murmurante dans les rues. Le chef Midoyen était tout aussi aimé et sa disparition est une tragédie qui plonge tout un peuple dans une discorde encore modeste pour le moment. Mais qu’en sera-t-il de demain?

«Je suis rassurée que vous ne condamniez pas tout de suite Sakai. N-non pas que je les crois innocents nécessairement. Mais avant de prendre une décision qui pourrait influencer tout Ekoe, il vaut mieux être certain de nos accusations. Je peux vous assurer en tout cas que si le coupable se déclarait être de Ran qu’il serait sévèrement puni.»

Cela ne m’apparaît pas vraiment probable, je n’aime même pas l’idée que Ceriza puisse l’envisager. Mais l’inverse serait de se mettre la tête dans la sable, ce que je me refuse de faire.

«Pour ma part je… Eh bien j’imagine que ma situation n’a guère évoluée depuis notre dernière rencontre. Si je tente de faire un peu de sens de beau bordel, je m’occupe aussi des miens le plus farouchement possible, plus particulièrement de Nadim, mon protégé qui vieillit vraiment trop vite. Mais sinon… Rien.»

Ma voix trahit une certaine déception. En m’investissant dans cette voie, j’ai délibérément mis certains projets de côté. Une part de moi se demande encore ce qu’il en aurait été dans une autre vie, néanmoins. Je décide de ne pas trop m’attarder sur mon sujet, même si j’ai bien envie d’en dire plus.

«Un nouveau Chef à Mido serait effectivement idéal. J’espère que le conseil considérera un candidat qui prône la paix, comme vous.»

Je ne réalise pas tout à fait que je viens d’insinuer qu’elle devrait devenir chef. Je me redresse, encore troublée et confuse.

«Habituellement, c’est Mido qui fait pression sur les autres nations pour que la paix subsiste. Je dois avouer que je suis un peu perdue sans votre guidance. Je n’ose pas trop nous mouiller les pieds pour ne pas attiser la colère des Midoyens et la retourner contre nous. Je me trouve dans une situation délicate et j’ai peu de moyens de faire pression sur le conseil pour qu’ils élisent quelqu’un au plus vite. Quelqu’un de bien.»

Ce fameux quelqu’un m’inquiète, justement. Si le conseil cède aux demandes du peuple et élisent un chef contaminé par la colère… où ira Ekoe?

Ceriza baissa respectueusement la tête pour remercier la Cheffe Ran de sa considération envers les siens et en particulier sa famille. Bien que la question avait surprise l'Émissaire, il fallait admettre qu’elle était plutôt la bienvenue vu les temps qui courent. Néanmoins, la jeune femme tiqua, sans rien laisser paraître, sur la réponse d’Aryël. La pauvre semblait complètement perdue dans son rôle et pour cause : elle avait été choisie parce que Feu Elyes l’avait désigné comme son successeur. Et Ceriza trouvait que c’était un très mauvais choix.

La Midoyenne n’avait rien contre cette jeune fille qui était plutôt rafraîchissante dans son genre, mais elle n’était pas du tout à sa place. Pour le moment, elle était le pantin de son entourage et de ses émotions et l'Émissaire devait se retenir de lui proposer de céder son rôle à quelqu’un d’autre. Un chef disparu était déjà beaucoup pour Ekoe, il allait falloir qu’Aryël ait les épaules solides encore quelques temps. Espérons qu’elle tienne.

La paix est quelque chose qui s’entretient. C’est pour cette raison que les Négociateurs parcourent sans relâche les autres régions pour tuer les tensions avant qu’elles n’apparaissent. Mais il aurait été difficile de prévoir ce genre d’événement et nos courageux représentant y font face avec bravoure.
Mais seuls, ils ne pourront point faire de miracle. Nous en revenons toujours aux même point.

Tant qu’il n’y aura pas un autre chef, le Seviper se mordra la queue en permanence. Néanmoins, Ceriza pouvait faire quelque chose pour décoincer un peu la situation.

Ne sous-estimez pas le pouvoir et l’influence que vous détenez. Vous voulez “quelqu’un de bien ?” Alors n’attendez pas que 4 personnes en pleine crise et susceptible de faire une erreur décident pour vous.
Envoyez des informateurs, renseignez-vous sur des personnes potentielles qui, selon vous, conviendrait pour devenir Chef. Et lorsque vous aurez des noms : proposez-les. Le Conseil de Mido en prendra forcément compte.

Ceriza caressa le menton du Poichigeon tout en réfléchissant. Vu les liens qu’entretenait les quatre Chefs d’Ekoe, impossible pour n’importe quel conseil un peu censé d’ignorer des recommandations qui proviendraient d’une de ses personnes-là. Et même si ce n’est pas une personne recommandé qui est élit, l'Émissaire ne doutait pas de l’argumentation en acier que le Conseil de Mido pourrait évoquer.

Vous avez une voix, faîtes-là entendre.

Après, comme je vous le dit, il ne s’agit là que de mon humble avis et je comprends que mes concitoyens soient sur les nerfs et n’inspirent pas confiance…

Mais, il faut les voir comme des pokémons blessés.

Les analogies, c’était toujours très efficace pour faire passer des idées. Surtout quand on parle de créature aussi fantastique que les pokémons.

Un pokémon blessé est menaçant et agressif, parce qu’il a peur. La plupart font de l’intimidation pour se protéger, n’attaquant qu’en extrême recours.

Seul la patience, la pédagogie et une oreille attentive peuvent les rassurer et alors, quand ils ont confiance, ils se laissent enfin soigner.

Alors peut-être que l’on risque un coup de griffe, un coup de morsure ou d’autres attaques élémentaires qui peuvent être douloureuses, mais si on prends le temps de se rendre compte de l’angoisse que ressent la créature, ces petits sacrifices paraissent comme un petit mal nécessaire.

Surtout quand on réussit à apaiser le pokémon blessée.

Ceriza espérait avoir été convaincante sur ce coup-là.

Le destin d'un peuple peut se jouer à pile ou face

feat. Ceriza Shalos

J’ai toujours eu beaucoup d’admiration pour les Négociateurs. Ce sont des gens aux talents non négligeables et absolument essentiels pour la survie d’Ekoe. Pour sa survie. Je suis de ceux qui considère l’unification des royaumes et la paix comme un élément indispensable à tous les peuples. Je ferai tout pour assurer cette paix, même si cela signifie de marcher sur mon honneur. Je n’ai pas la fierté obstinée comme beaucoup d’autres. Je n’agis que dans un seul intérêt : celui du peuple. J’ai vu ce qu’il fait d’être moins que rien, d’être oubliée, errante et affamée. Tous ceux-là qui n’ont pas de voix, je me fais leur porte-parole. Je veux assurer leur sécurité. Je ne crois pas que Ceriza réalise jusqu’où je pourrais aller pour préserver mon peuple. Tous critiquent mon approche jugée «molle». Moi j’ai trop combattu dans ma vie. Je sais désormais qu’il existe d’autres issues telles que la négociation et les compromis. Tant pis si certains confondent cette attitude pour de la faiblesse. Je ne me vois tout simplement pas priver mon peuple d’une paix, même si ça veut dire devoir faire quelques sacrifices. L’émissaire me rappelle à quel point je peux avoir du pouvoir, ce qui me fait plisser un peu le nez. Je n’aime pas le pouvoir, je n’ai pas l’intention de l’utiliser de la manière qu’elle l’entend peut-être. Malgré moi, je me suis un peu braquée. Sans le savoir, elle joue avec un point sensible. Trop peut-être encore.

«Vous avez raison. En tant que chef de royaume, j’ai beaucoup d’influence. Mais vous oubliez la nature discrète des Ranins, la culture de tolérance et de passivité des miens. Ce même sang coule dans mes veines. Je préfère l’inaction que de causer un incident diplomatique.»

Je me redresse, le feu dans les yeux. Je n’aime pas qu’elle parle ainsi. Même si ce n’est probablement pas son intention, cette manière de m’inciter ne me plaît guère. J’ai beau être douce, je ne suis pas naïve pour autant. Mais ici ce sont mes insécurités qui parlent plus qu’une véritable intention de me défaire de son influence. Malgré moi, j’ai peur. Peur de la colère des Midoyens, peur de leur fierté, peur de ce que l’émotivité de ce peuple pourrait causer comme torts pour tout Ekoe.

«Ce que vous suggérez est audacieux, madame Shalos, vous-même devez le réaliser. Aux yeux des Midoyens je suis une étrangère, vous ne pouvez pas le nier. Or, je doute qu’une intervention étrangère ne soit bien perçue par les vôtres présentement. Par Arceus, après le décès de notre bien-aimé Elyes, j’aurais été très contrariée que les autres royaumes ne suggèrent quelqu’un pour le remplacer. Votre peuple est en douleur…»

À cette phrase, je m’interromps. J’étais là, il y a si peu de temps. Mon regard se rive au sol et je cesse mes va-et-vient dans la pièce pour vivre la douleur qui s’installe dans ma poitrine, cette vieille amie sournoise qui prend toute la place.

«Un Pokémon blessé, oui. J’étais là il n’y a pas si longtemps. Je me suis sentie abandonnée par le Grand Conseil. Vous n’avez pas tort de dire que les Midoyens auront besoin de guidance. Qu’un chef doit être élu et vite. Je…»

Je réfléchis à voix haute. Entre bienveillance et intérêt, il y a une marge, une nuance mince qui ne sera peut-être pas facile à déchiffrer pour le peuple accablé.

«Il peut être fait ce que vous proposez, mais prudemment. Je n’ai aucun désir d’attiser d’autant plus cette flamme qui brûle en leur cœur, mais au contraire, apaiser leur souffrance. Prenez ceci déjà : je vais mobiliser une troupe d’élite pour la recherche de votre chef. Il est possible qu’il se soit aventuré de notre côté. J’offre aussi asile aux soldats Midoyens qui auraient pour désir d’enquêter par ici. Il nous fera plaisir de les accueillir et de faciliter leurs recherches.»

Je me sens mieux maintenant que je me trouve dans l’action. Je n’aime pas le statut quo, même s’il s’agit d’une solution que j’envisage souvent.

«Pour ce qui est de ma bienveillance auprès du conseil de Mido, je ne l’enclencherai pas tant que je n’y serai pas invitée. Que proposeriez-vous pour que ce pas soit fait, pour qu’un lien ne se crée? Quelle influence auriez-vous auprès d’eux pour les convaincre de mon bon-vouloir à aider, si telle chose est possible?»

Les Midoyens ne baissent jamais les yeux. Surtout pas devant un chef qui préfère ne rien faire plutôt que de faire une erreur. Et Ceriza avait tout le mal du monde à cacher le dégoût qu’il y avait dans ses yeux. Les inactifs, les paresseux, les passifs… cela l’insupportait. Surtout quand ils étaient à des postes à pouvoir comme Aryel, mais c’est vrai, l'Émissaire avait oublié ce point de détail. Les Raniens étaient discrets. Cela ne voulait pas forcément dire que le chef devait absolument suivre ce précepte, mais c’était le cas de celle-ci, alors elle allait devoir faire avec. Dommage.

Ceriza avait pris alors une grande inspiration et ferma les yeux, essayant de mettre sa contrariété de côté. Franchement, il aurait fallu que le conseil Ranien demande avis aux autre nations avant d’élire quelqu’un sur simple dernier voeux du précédent Chef, une option de facilité selon l'Émissaire. Les habitants contrariés… Et alors ? Leurs capacités de jugement étaient perturbés par la douleur, il fallait demander à des gens ayant la tête sur les épaules pour faire les meilleurs choix. On ne pouvait pas être aimée de tout le monde, même si on cherche la reconnaissance à tout moment.
Les quatre nations font les élections chacun de leur côté, c’était le problème actuel et dont les effets se faisaient ressentir aujourd’hui, mais le rôle de chef demandait également de la diplomatie avec les autres pays. De nos jours, ce n’était plus possible d’ignorer ses voisins, les économies s'entremêlaient pour faire presque plus qu’un.

... Lady Shalos ?

Ildra n’avait pas l’habitude d’intervenir pendant des réunions de ce genre, mais que l'Émissaire soit étonnamment silencieuse, laissant un blanc glaçant s’installer dans l’atmosphère, c’était un tout petit peu inquiétant. Pourtant, elle écoutait, il ne faisait aucun doute : ses yeux étaient bien ouverts et concentrés sur Aryel. Que la Ranienne fassent des recherches de son côté : c’était toujours ça de prix et si cela pouvait apaiser sa conscience, et bien soit. Même si côté Midoyen, il ne fallait pas se mentir, cela donnait l’impression qu’on donnait des miettes de pain en guise de compensation. Et que l’accès soit facilité au troupe de sa nation pour enquêter, bon, c’était pas si mal. C’était mieux d’avoir l’accord du pays avant de faire des investigations.

Tout va bien Ildra. Je réfléchissais.

Poichigeon !

L'Émissaire caressa le ventre d’Autan qui roucoula doucement. D’accord d’accord, elle avait peut-être légèrement perdu son calme.Il fallait l’admettre, mais la colère était justifiée. Il n’y avait rien de plus indigne que quelqu’un qui refusait de faire quelque chose sous prétexte qu’on ne voulait pas prendre de risque. Et toutes les excuses du monde ne suffisait jamais pour Ceriza.

Si c’est une invitation que vous voulez et bien, vous l’aurez.
Je vais faire mon travail, tout simplement.

De toute façon, l’adage le disait, on était mieux servi par soi-même, n’est-ce pas ? Ceriza replaça distraitement une mèche de cheveux. En se montrant convaincante, elle saurait faire pencher le conseil pour qu’il écoute les autres pays, y compris les Sakaiens. D’ailleurs… Il faudrait probablement qu’elle se rend dans leur région, mais sans avertir son propre conseil, ce serait risqué et très mal vu. Elle même n’aurait pas apprécié qu’un de ses subordonnées ne l’avertisse pas d’un déplacement en zone potentiel de conflit.

Peut-être que j’aurais besoin d’une attestation écrite avec votre sceau officiel pour donner plus de poids à mes dires. Enfin...cela dépends dans quel état sera le conseil quand je rentrerais.
Je vous enverrais un coursier pour vous tenir informé.

Et le hasard voulait que son coursier soit Ranien, cela permettait de rendre les échanges plus discret. Même si, quand elle l’avait rencontré à Chevropolis, ce n’était pas du tout un critère qui avait compté dans son drôle de… recrutement.

Et bien, je n’ai plus rien à ajouter et je dois avouer que j’ai fort à faire.

Chigeon ?

Autan s’était retourné vers les gardes Midoyen et il avait remarqué une chose : ils avaient tous la mâchoire bloquée et le regard sévère. Ils serraient les dents, sans doute, devant la conclusion de cette entrevue. En voyant ce mouvement, Ceriza regarda son escorte et comprit immédiatement où était le problème. Ces gens armées avaient une patrie à défendre, après tout et peut-être avait-il espérer plus de résultat concret durant l’échange.

Peut-être que vous avez un message à transmettre au conseil Midoyen ? Vu que je vais les voir pour les encourager à rester ouvert à nos voisins et ne pas voir le mal partout, ce serait l’occasion pour vous de vous adresser à eux, de façon indirect je le conçois.
Et cela ferait bonne impression si j’utilisais vos mots plutôt que mes habituels courtoisie.

Le destin d'un peuple peut se jouer à pile ou face

feat. Ceriza Shalos

Beaucoup ne comprennent pas. Ce qu’il veut dire de détenir le pouvoir. Ils vivent dans leurs utopies. Ils se croient tout permis. Je sais. Je sais ce qu’il veut dire de prendre des décisions qui affectent des milliers. Je n’ai pas l’orgueil mal placé de certains. L’orgueil de Ceriza. Je l’ai vu à plusieurs reprises; quelqu’un qui se présente avant autant de manières ne peut en être dépourvu à mon sens. Il ne fait pas d’elle une moins bonne personne, au contraire. Je l’apprécie malgré le dégoût que je semble lui inspirer à cet instant. Je peux sentir son malaise devant mes dires, que j’espérais voir apaiser les ardeurs de l’émissaire. Ce qu’elle propose est tout simplement insensé. Elle doit savoir dans quel danger elle me place ainsi que mon peuple, n’est-ce pas? Je n’ai rien à faire dans les histoires de Mido. Au départ, je crois naïvement qu’elle réfléchit, mais à mesure que le temps passe et que le silence s’alourdit, je réalise qu’elle tente plutôt de prendre contenance. Je ne comprends pas exactement ce qui a pu se passer, ce qui a dérapé. Mais dans ma confusion je reste tout de même campée sur mes positions, sûre de moi dans cette attitude. La réaction de sa garde du corps vient confirmer mes doutes.

Alors je patiente. Si Ceriza doit exploser, alors nous en discuterons. Je n’aime pas la décevoir. Elle me semble si loin à présent, et bien plus froide que lors de son arrivée. La connaissant néanmoins, je doute que nous nous trouvions en conflit. Je crois qu’elle est simplement ce genre de personne qui n’aime pas être contredit. Or, elle a assez d’expérience pour comprendre, en tant qu’émissaire, que je ne suis pas là pour son service. Que je dois avant tout penser aux miens. Puis à Mido. Je soupire intérieurement. Si seulement elle pouvait voir que je n’ai en fait que l’intérêt de son peuple à cœur en me retirant de leurs affaires. Je ne laisserai pas ce peuple s’embraser de colère davantage et pour moi, c’est en les laissant s’apaiser seuls aussi. Comme je le fais maintenant avec la Midoyenne, finalement. Celle-ci réémerge avec bien moins de chaleur, m’assurant qu’elle fera son travail. J’hoche respectueusement la tête, soulagée qu’au moins, elle accepte de poursuivre notre sorte d’alliance. L’inverse m’aurait étonnée, mais sait-on jamais. Cette femme est pleine de surprises.

«Bien sûr. Je vous en fournirai une avant votre départ pour nous éviter plus de délais.»

Puis, elle propose de se faire messagère de mes paroles devant ce peuple qui voudrait bien ma tête si je posais un geste de travers. Je ne sais pas s’il s’agit d’une offrande de paix ou d’une malédiction. Dans tous les cas, je prends grand soin de réfléchir à mes mots avant de m’adresser de nouveau à elle.

«Au peuple de Mido, je n’ai qu’amitié et respect à transmettre. La disparition de votre bien-aimé chef nous trouble et nous attriste; nous avons pour souci d’amener les coupables en justice tout autant que vous et que votre royaume retrouve sa paix et sa prospérité. Nous ne laisserons personne entraver la tranquillité de Mido… ni celle d’Ekoe.»

Qu’à cela ne tienne. Je ne compte pas prendre les armes sur des accusations sans fondement. Mais si Sakai devait être coupable, s’il menaçait la paix sur le continent, alors mon attitude changerait certainement. Tout comme je réagirais certainement si Mido se lançait dans une guerre inutile qui affecterait des milliers.

«Dites leur bien que nous sommes là pour les soutenir et que nous leur envoyons nos prières. Pour ce qui est de vous, madame Shalos, vous êtes toujours la bienvenue ici. Sachez que j’étudierai avec grand intérêt les élections prochaines. Même si je ne prendrai pas les devants, cela ne signifie pas que je n’ai pas pris votre suggestion en considération.»

Je parle ici de soutenir la candidature d’un parti que je jugerais opportun. Juste pas de la manière dont elle l’exprime. Je souris.

«J’ai même quelques idées en tête. Je ne pourrais pas me prononcer avant d’être certaine néanmoins.»

Je prends une longue gorgée de thé avant de poser les yeux sur elle. Même si elle tempête et se frustre, elle doit apprendre qu’elle n’a pas une Midoyenne devant elle, mais bien une jeune femme de Ran, baignée par les rayons d’un ardent soleil.

Les doigts fins de Ceriza continue de caresser le ventre dodu de son ami Poichigeon. Des prières et du respect. Est-ce tout ce que le peuple de Mido aura le droit ? Eux qui envoyait généreusement leurs Négociateurs tandis que les autres pays se concentraient sur eux-même, sur leurs technologies, leurs commerces et leurs savoirs ? La générosité n’attendait rien en retour, en théorie, mais il restait agaçant que dès qu’ils avaient besoin d’aide, ils fallait littéralement quémander et espérer que l’interlocuteur soit de bonne humeur pour avoir quelque chose en retour. C’était peut-être ça qui contrariait le plus l’Emissaire. La sensation que toute ces années à nouer des liens n’a servi à rien devant le premier risque de conflit.
Bref, beaucoup de paroles mais au moins, on ne pouvait pas reprocher à Aryel de faire des promesses en l’air, puisqu’il y avait littéralement aucune promesse. La jeune femme poussa un soupir de lassitude.

Vous m’en voyez ravi, même si sincèrement j’ai du mal à comprendre à quoi vous jouer, Aryel.
Je conçois que le sujet me tienne à coeur puisque mon royaume natal est menacé de guerre et cela affecte sans doute mes capacités de jugement. Cependant, je suis sincèrement agacée que vous preniez le luxe d’attendre sous prétexte que vous ne voulez pas prendre de risque.

Voilà, c’était dit. Le problème, il était là. Ceriza avait de l’égo certes et souhaiterait probablement que sa candidature soit soutenue pour le rôle de chef. Parce qu’elle pensait qu’elle avait la carrure et les idées pour endosser les responsabilités. Mais si c’était quelqu’un d’autre, à priori quelqu’un de compétent, même si son égo serait en miette, l’urgence de la situation la ferait accommoder et elle ferait avec.

Parce que du temps, on n’en a guère, à Mido et à Sakai. Un peuple gronde parce qu’ils se retrouvent sans chef et l’autre s’est fait accuser sans preuve tangible. Pour en revenir à ma métaphore des pokémons, il faut peu de temps et très peu de justification pour que deux créatures contrariées se lance dans une bataille.
Manque de chance, les habituels médiateurs sont ceux qui sont concernés par ce conflit.

Du coup, il n’y avait pas d’arbitre pour ce jeu dangereux. La jeune femme ne pouvait empêcher un doute de s’installer. Est-ce qu’un groupuscule avait fait exprès d’enlever le chef de Mido pour justement montrer une des faiblesses d’Ekoe ? Elle n’avait pas de preuve tangible pour ce point, mais c’était tout de même intriguant cet enlèvement.

Mais... même si cela me contrarie, je peux comprendre. Votre royaume n’est pas concerné. C’est sans doute plus aisée d’avoir du temps.

Je vous envie un peu.

Ceriza se lève, imité par ces gardes. La nature humaine est ce qu’elle est. On s’occupe de soi avant de s’occuper des autres. C’est ainsi. C’était peut-être juste dommage qui Mido est gaspillé autant de leurs ressources pour avoir ce résultat, mais heureusement, il n’y avait pas que Ran dans l’histoire. Les relations avec le royaume de Kuni pouvaient peut-être provoquer un résultat plus concluant. Il faudra qu’elle se rend là-bas.

Sur ce, avec votre permission, je me permets de prendre congés.

Les résultats ne sont guère à la hauteur de mes attentes, cependant, il y a eu quelques avancées et je pense que cette entrevue a été utile.

Ceriza baisse respectueusement la tête et Autan l’imite, ce qui tire un sourire à la jeune femme. Heureusement qu’il y avait ce petit rayon de soleil à côté d’elle, même si ce n’était pas le supposé Goupix qui devait sortir de l’oeuf, elle ne regrettait absolument pas cette étrange rencontre avec le Poichigeon.

Même si, pour une raison qui est obscure, vous semblez à tout prix ne pas vouloir mettre les pieds dans nos belles forêts ou dans nos collines, sachez que vous êtes la bienvenue à Mido.

Et sur ces dernières paroles, la jeune femme et sa garde s’en allèrent. Il y avait eu beaucoup d’espoir sur ce rendez-vous et ils étaient loin d’être comblés.

hrp:

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Le destin d'un peuple peut se jouer à pile ou face, avec une pièce truquée (Pv Arÿel) Perle

Le destin d'un peuple peut se jouer à pile ou face

feat. Ceriza Shalos

Je ne retiens même pas un hochement de tête. Je ne suis pas quelqu’un qui s’agace, mais là je dois avouer que l’attitude de ma vis-à-vis me surprend. Moi qui la croyais imperméable aux élans émotifs de son peuple, j’avais tort. Dans tous les cas, j’ai envie de soupirer très fort en l’entendant évoquer une sorte de jeu. Si elle savait. De tous les meneurs de ce continent, elle n’aura l’heure juste qu’avec moi. Tant pis si elle le prend ainsi. Je continue de sourire, même si ça doit paraître provocateur. Ce n’est pas le cas. Un jour elle verra bien que je suis de bonne foi, à condition qu’elle se conforme à mon rythme. Je ne suis pas là pour la servir après tout, même si je ferai tout l’aider.

«Agir trop tôt devant un Pokémon blessé, pour reprendre votre métaphore, pourrait causer davantage de peur et de colère chez lui, ne l’oubliez pas. Notre attitude n’est en rien un stratagème destiné à perdre votre temps ou le mien, mais à mesurer le terrain et attendre que les meilleures conditions soient réunies. Comme vous le dites, Ekoe doit présentement composer avec l’absence du leadership Midoyen. Entre-temps, Ran se range du côté de la paix et ne laissera personne menacer l’équilibre qui régnait jusqu’à présent ici. Nous n’avons peut-être pas votre savoir-parler, mais nous avons tout autant que vous la préoccupation d’une Ekoe paisible et prospère.»

Voilà que c’est moi qui se met à parler comme une politicienne. Néanmoins, encore une fois, pas de jeu ici. Mido n’est pas en position de faire des demandes, mais là où il manquera de jugement, je ferai tout en mon pouvoir pour assurer la paix ici. Je passe une main sur mon visage, soudainement fatiguée. Je travaille déjà dans l’ombre depuis longtemps pour éviter les conflits. Si elle savait. Je me détends un peu alors qu’elle s’ouvre à moi. Je peux comprendre. Il y a une part de panique dans sa frustration. Je veux lui prendre la main et lui assurer que je serai là, mais après cette conversation je contiens mes élans affectueux habituels.

«Il me fera plaisir de vous visiter prochainement, Ceriza. J’ai d’autres projets pour aider la cause Midoyenne, je vous en reparlerai le moment venu. En attendant, je retiens chacune de vos suggestions et verrai à y réfléchir mûrement.»

Et éviter une guerre, surtout, même si elle ne le perçoit pas ainsi. Au final, j’ai bien fait d’avoir débuté par un refus de prêter mes troupes. Histoire de ne pas donner d’idées farfelues. Je la salue d’un mouvement de tête, un peu amusée mais aussi inquiète. La déception de Ceriza est évidente tandis qu’elle quitte la pièce, suivie de son escorte. Il nous faudra rétablir le tout une autre fois, dans d’autres circonstances. Pour le moment, j’ai fort à faire. Et une paix à assurer.