Hier, je suis devenu cavalier céleste un peu par la force des choses. Aujourd’hui, je dois me prouver que je suis à la hauteur de ce rang.

Ce n’est pas la joie de vivre actuellement, mais au moins, c’est une activité qui me changera les idées. Je vais avoir du travail pour convaincre mon Ptéra de me servir de monture. Duma n’est pas du genre à se laisser faire, j’ai déjà essayé plusieurs fois. Il est encore trop brusque face au contact et j’ai surtout peur qu’il s’en prenne aux autres personnes que je pourrai croiser en volant.

Bref, la mission s’annonce compliquée. Pourtant, j’ai fait mon choix et je dois l’assumer. Maman, j’espère juste que tu avais raison à propos de voler de mes propres ailes. Et que ce n’était pas simplement une métaphore…

Je prépare donc mes affaires. Inutile de salir ma belle armure offerte par Papa et… Enfin, je n’ai pas l’intention de la cabosser avant même d’avoir commencé mon nouveau service militaire. C’est donc ma bonne vielle armée teintée en bleu qui me servira de protection. Je m’équipe aussi d’une épée en bois et de mon arc fabriqué par mes soins. Il faut que je maitrise les armes en l’air si je veux être efficace. Mais commençons par le commencement.

Mes Balls en poche, je vais voir Papa pour lui signaler mon départ pour les Plaines de Kuni. C’est un endroit plutôt calme et venteux. Cela m’aidera à décoller.

Une fois fait, me voilà parti à pied vers les plaines. Le voyage ne prend pas longtemps entre Vénovos et ma destination. Une fois sur place, j’inspire un bon coup. L’air frais empli mes poumons, ce que cela fait du bien ! Mon moral n’est toujours pas au beau fixe, mais au moins, je peux commencer mon entraînement avec un peu plus de panache.

Sans perdre de temps, je libère le fameux Duma. Ce dernier est très heureux de pouvoir quitter sa Captis Ball. Je le comprends. Cela ne doit pas être facile d’être enfermé… Je ne sais pas ce qui est le pire : être libre mais vivre enfermé dans ses pensées, ou bien vivre dans une Ball et ne se soucier que de peu de choses ? Hum.

« Bien, Duma ! Écoute-moi, tu veux. »

La gargouille se met à bâiller. J’ai pleine vue sur ses dents bien acérées. Je me revois encore dans cette grotte, avec Nyumë, une connaissance d’un jour… Ce Pokémon a bien failli nous croquer de la tête aux pieds. Désormais, il est mon ami. Un ami toujours vorace et qui fait un peu peur, mais mon ami quand même. Bon, il est très indiscipliné, je dois l’admettre également.

« J’ai du poisson mon grand. Si tu m’aides, tu en auras autant que tu voudras… »

A Kuni, c’est la nourriture la plus abondante pour quiconque veut manger de la chair. Autrement dit, très peu pour moi. Cela me donne la nausée… Mais pour mon compagnon, je peux bien faire cela. D’autant plus que je viens d’attirer son attention. Ce Pokémon sait ce qu’il veut, au moins.

« Je sais que tu n’aimes pas quand j’essaie de grimper sur ton dos, mais c’est notre métier officiel maintenant. Je sais aussi que je t’ai promis tout un tas de choses et ça viendra. Il faut que tu fasses un effort. »

Duma ne m’offre aucune réaction. Je pense qu’intérieurement, il est bloqué sur le mot « nourriture ». Je tente ma chance pour le chevaucher. Mauvaise idée que je regrette une fois le derrière au sol. Il s’est cambré comme un Galopa avant de s’envoler plus loin. Je soupire. Cette journée ne doit pas se finir comme beaucoup d’autres auparavant.

« Je suis désolé, d’accord ? Mais tu es le seul qui vole ici. Même en évoluant, Grypha ne pourrait pas me transporter. Et si j’ai choisi cavalier aérien… C’est que je crois en toi. »

Et pour d’autres raisons, mais elles n’appartiennent qu’à moi. Au moins, mon Ptéra semble de nouveau intéressé par moi. Peut-être qu’il aime les compliments malgré son mauvais caractère.

« Cette blessure que je t’ai infligé, j’aimerai continuer à la soigner. En m’acceptant sur ton dos, je suis sûr que cela nous rendra encore plus proches. »

J’ai le droit à un rugissement puis à un regard qui sonde mon âme. J’ai toujours un peu de mal à comprendre les sentiments de ma gargouille. Mais je crois qu’il commence à être convaincu. Il n’y a qu’une seule façon de le savoir… C’est mon derrière qui s’en souviendra si je me trompe.

Je tente donc un nouveau chevauchement.

…

Eh bien. Me voilà sur le dos de mon Pokémon ! C’est une première ! J’approche doucement ma main pour caresser le reptile sur la tête. Il trésaille.

« Tout va bien Duma. Merci de me faire confiance. »

Il semble se détendre. Tant mieux, je peux commencer à en faire de même… Maintenant, le plus dur commence. Il faut s’envoler et je dois tenir. Sauf que je n’ai pas eu la présence d’esprit d’apporter un harnais. Artemis, je ne sais pas ce qui te passe par la tête. Enfin, si. Mais ce n’est pas bon pour la concentration.

« Bien… Je m’excuse, je n’ai pas d’équipement pour cavalier. Je vais m’accrocher à ton cou, pardonne-moi. »

Dans un geste calculé, j’entoure le cou de mon Ptéra avec mes bras. Je suis obligé de me pencher en avant. Ce n’est pas évident. Je sens que Duma se crispe. Il n’aime pas cette proximité avec un humain, même si c’est moi. Il n’aime pas non plus qu’on s’approche d’une de ses parties vitales. Si j’en avais la force, je pourrai lui briser le cou. Bien sûr, il faudrait que je sois aussi fort qu’un Mackogneur, mais bon. Je n’aimerai pas qu’on me fasse la même chose.

« Ne t’en fais pas, je ne vais pas te faire de mal. On tente ? »

Je laisse le temps à mon compagnon ailé de s’accommoder à la situation. Je sens sa queue battre vigoureusement l’air ; il n’est clairement pas rassuré. Je commence à m’inquiéter aussi, mon choix n’était peut-être pas aussi limpide que prévu…

L’instant d’après, je suis propulsé dans les airs. Duma vole à présent, avec moi sur son dos ! Sauf qu’il n’est pas stable du tout !

« Doucement, doucement ! Tu dois prendre le temps de t’habituer à mon poids ! »

Nous voletons quelques mètres avant que mon Ptéra ne se heurte au sol, gueule la première. Je me hâte de quitter son dos pour m’assurer qu’il va bien. Une caresse sur son museau accompagne ma voix.

« Hey, c’est rien Duma. Nous allons y arriver. »

Un claquement de mâchoire me fait reculer un peu. Il est en colère contre moi. Tu as raison, mon ami… C’est de ma faute si nous sommes tombés.

Je décide néanmoins de le récompenser. J’apporte alors un peu de poisson que j’avais pris dans ma sacoche. C’est plutôt un amuse-bouche, mais cela fera une belle récompense ! Duma est d’accord. Aussitôt voit-il la nourriture qu’il redevient pimpant.

« C’est pour toi ! »

Je lui lance son dû, qu’il avale en une bouchée. Il est plutôt attendrissant, de cette façon. Un peu de poussière recouvre son museau, j’ai l’impression qu’il est un jeune Ptéra en plein apprentissage de vol… Rien à voir avec le monstre féroce et inconnu de la grotte !

Nous reprenons ensuite notre entraînement. Cette fois, je n’ai aucun problème pour me retrouver sur Duma. Il fait preuve d’une patience que je lui découvre.

Ensuite, nous décollons. L’équilibre est un peu meilleur mais je sens que mon Pokémon manque de confiance en lui. Il retombe bien vite et parvient à atterrir avec un peu de mal, mais au moins il est debout. Je l’encourage. Ses efforts portent déjà leurs fruits !

La journée continue de la même façon. Nous volons, nous tombons, nous atterrissons en urgence. Ce cycle recommence. Je constate des progrès à chaque nouvelle tentative, tandis que mon stock de poisson se vide à vue d’œil. Désolé pour tous les poissons qui payent pour cela…

[…]

« Duma, nous avons fait du bon travail ! Notre vol doit être perfectionné, et nous sommes couverts de poussière et de terre… Mais nous avons fait de notre mieux. Merci Duma… »

Je ne me peux pas m’empêcher d’enlacer –comme je le peux- mon Pokémon. Il est bien plus grand que moi et son immense mâchoire est une arme mortelle, mais je m’en moque. Cet entraînement nous a fait du bien. Il nous a effectivement rapprochés. Je suis heureux d’avoir pu faire avec mon Ptéra ce que je suis incapable de faire avec Agapé…

Encore une fois, ce sont mes Pokémon qui me permettent d’avancer. Lentement. Je ne peux pas oublier tout ce que je viens de vivre. Mais grâce à eux, je me sens un peu mieux.

« Je suis sûr que nos amis veulent te féliciter ! »

C’est sur cette parole que je libère mes autres Pokémon et qu’ensemble, nous passons enfin un moment de bonheur, depuis un bon moment…