La route qui l’avait mené jusqu’au canyon lui avait paru plus longue que jamais. L’aridité de la région avait rendu son voyage pénible et malgré son passage furtif à Orion pour se ravitailler, l’endurance et la persévérance de Corvus avaient été mises à rude épreuve. Le vent et la sécheresse ne lui avait laissé aucun répit et même Salava, pourtant originaire de Ran, en avait souffert. Il y avait également un autre problème que Corvus avait sous-estimé : depuis la Fête des Morts à Chevropolis et la tentative d’assassinat sur Aryël Eladan, les royaumes étaient plus que jamais sur leurs gardes, les ranins encore plus que les autres ; Corvus n’était pas ce qu’on appelait un homme avenant et un malentendu était vite arrivé, sans compter que son statut d’étranger n’avait rien de secret. Le jeune homme tout de noir vêtu dénotait particulièrement au milieu des couleurs vives des ranins, aussi avait-il éviter de se faire remarquer, et même de se faire voir. S’il avait peur ? Non, bien sûr que non, mais il était méfiant et donc prudent.

L’ascension du grand canyon lui avait presque paru plus facile que la traversée de Ran. Bien que cela n’était pas vraiment comparable, Corvus était habitué aux terrains montagneux. Il savait que chacune des roches qui se trouvaient là ainsi que chacun de ses pas pouvaient lui être fatal, aussi cheminait-il lentement et avec grande précaution. Mourir à Ran ne faisait pas partie de ses projets.

Salava, elle, ne se posait pas toutes ces questions. Elle cheminait parmi les roches et la rare verdure qui, par miracle, était parvenue à pousser là. La sècheresse et la chaleur étaient son élément et pour la première fois depuis longtemps, elle se plaisait dans un environnement … quoi de plus normal, puisqu’elle était née dans cette région ?

A sa grande satisfaction, Corvus trouva au sommet du grand canyon la quiétude qu’il aimait tant lorsqu’il se promenait dans les montagnes de Sakai. Tandis que son regard se perdait parmi les parois rocailleuses, ses yeux se posèrent sur un grand serpent qui descendait du ciel. Il était loin, très loin, mais Corvus était en mesure d’évaluer son immensité ainsi que toute l’ampleur de sa majesté. De toute évidence il s’agissait d’un dragon et le jeune homme n’avait jamais eu l’occasion d’en rencontrer un de cette espèce auparavant. Corvus le voyait serpenter le long des parois du grand canyon, solitaire dans son entreprise, et sa grâce le toucha jusque au fond du cœur. Sa solitude, ce plaisir à cheminer seul, Corvus pouvait le comprendre ; la liberté qui en découlait n’avait pas son pareil. Finalement, il le vit disparaître derrière l’un des murs de roche, sans même porter un seul regard vers cet étranger venu du nord qui l’observait au loin.

Lorsque Corvus se retourna pour jeter un œil à son dragon à lui – après tout, les lézards n’étaient-ils pas les cousins des dragons ? – il découvrit que Salava fixait intensément un autre pokémon qui se trouvait plus loin. Le jeune homme l’observa un instant. Qu’était-ce ? Corvus n’en était pas certain … c’était un autre dragon – à croire qu’il n’y avait que des dragons ici ! – mais loin d’égaler le grand serpent, il y avait chez lui quelque chose qui ne manqua pas d’attirer l’intérêt du garçon … quoi donc ? Corvus n’aurait su le dire. Peut-être était-ce la peine qu’il pouvait lire dans ses yeux ? Salava elle-même semblait percevoir sa détresse, car elle ne grogna pas même lorsque le petit dragon s’approcha, l’air de rien. Finalement, le bébé dragon s’assit lourdement sur le sol poussiéreux du grand canyon en laissant échapper un Draaaaby emplit de tristesse.

A plusieurs mètres d’eux se trouvait un autre Draby, plus grand et plus gros qu’elle. Avec acharnement, il tentait de s’élever toujours plus haut dans le ciel ; pour cela, il choisissait systématiquement le plus haut des promontoires, sautait dans le vide pour finalement se laisser tomber au sol. Le Draby avait beau recommencer encore et encore, la résultante demeurait la même, implacablement … mais il semblait trouver, dans les quelques secondes de chute libre qui précédait l’impact, un plaisir incommensurable, sans pareil ; car pendant ces quelques secondes, il volait, et rien d’autre importait. La petite Draby le regardait tristement, envieuse. Elle désigna le ciel … elle aussi voulait voler, sentir le vent, s’élever au-dessus des nuages !

Doucement, Corvus les rejoignit. Une idée lui était venue … si la Draby vivait ici, elle devait connaître les coins et les recoins du Grand Canyon ainsi que le lieu de vie de ses habitants. Peut-être était-elle en mesure de l’aider dans sa quête ? Le jeune homme s’accroupit à sa hauteur et Salava l’accueillit en lui jetant un regard.

« — Si tu m’aides et que tu décides de venir avec moi, je ne peux pas te promettre que tes ailes pousseront, mais tu voleras » assura le jeune homme en s’adressant à la petite Draby. Maintenant qu’il était plus près, il pouvait voir que la petite dragonne était plus menue que ses pairs, plus légère, et ses yeux brillaient d’une lueur dorée. Corvus sortit de sa poche un papier sur lequel était dessiné le pokémon qu’il recherchait, l’Oiseau d’Acier de Ran, un Airmure « Tu vois ce pokémon ? J’aimerai le trouver, je sais qu’il habite ici, au sommet du Grand Canyon. Est-ce que tu penses que tu pourrais m’aider à le trouver ? » demanda le sakaien. A sa vue, la Draby se mit à trembler. De toute évidence, les Airmures faisaient partie des prédateurs ici, mais dans ce vaste canyon, il n’était certainement pas le seul. Corvus avait confiance en sa force ainsi qu’en celle de ses pokémons : défier l’Oiseau de Ran ne lui faisait pas peur « Je suis un guerrier de Sakai, il ne t’arrivera rien avec moi. L’Oiseau d’Acier ne me fait pas peur et une fois que nous l’auront vaincu, il ne te fera plus peur à toi non plus » affirma le jeune homme.

Malgré les paroles de Corvus, la petite dragonne sembla hésiter … mais un dernier regard en direction du Draby mâle termina de la convaincre. Comptait-elle rester ici à rêver sa vie, ou souhaitait-elle faire de sa vie un rêve ? Elle leva les yeux vers Corvus et lui répondit un Draaa enthousiasme. Le jeune homme sortit alors de sa poche une drôle de sphère, que la dragonne n’avait encore jamais vu.  

« — Marché conclu ? » lui demanda Corvus en tendant la Captis Ball vers elle.

D’un léger coup de nez, Salava incita la dragonne à s’avancer. La Draby regarda successivement Corvus et Salava, avant de finalement poser ses petites pattes sur la boule de métal que tenait le sakaien … le marché était conclu.