Le Lac Noctali était aussi horrible que dans ses souvenirs. La beauté enchanteresse de la rive ne faisait que leurrer les voyageurs dans un faux sentiment de sécurité, les encourageant à s’installer ici plutôt que dans les forêts environnantes. Les monstres du lac ne sortaient qu’une fois la nuit tombée lorsque l’influence de Lunala brillait haut dans le ciel. La maîtresse de la nuit laissait alors ses bêtes ravager les sols afin de nourrir le royaume désolé de Giratina en âmes perdues. Si les légendes étaient justes, il fallait attendre une heure précise où les âmes remontent du lac sous forme de feux verdâtres pour jeter un caillou dans les eaux trouble et invoquer le dieu de ces lieux.

Assise au bord du lac, les genoux repliés contre sa poitrine, Laurel frissonna à l’idée de se retrouver de nouveau nez à nez avec les spectres. Ses nuits avaient été très agitées de cauchemars depuis la mort de Jeanne et sa rencontre avec le défunt assassin. Il lui semblait que les seules choses auxquelles elle pouvait penser en ce moment étaient faites de mort, sang et déception. Ô combien de fois la Jeanne qui hantait son sommeil l’avait-elle maudite pour l’avoir laissée mourir ? Elle en avait rapidement perdu le compte de même qu’elle avait perdu goût pour tout le reste.

Tous les matins, elle prenait le temps en silence de se rendre la plus parfaite possible. Etant toujours à la limite de jeter la brosse de frustration lorsque celle-ci se coinçait dans ses cheveux bouclés ou que ses mains tremblantes laissaient des traces inégales autour de ses yeux. Kira était toujours très patiente avec elle, comme l’étaient Hématite, Âtre et le reste des pokémons.

Elle avait aussi remarqué que Komodo avait d’une manière ou d’une autre récupéré la broche de Jeanne. Ça l’avait rendu furieuse au début mais elle n’avait pas eu la force ni l’envie de se battre sur ça. Il s’accrochait encore plus que d’habitude aux objets de sa dresseuse, l’épée cassée et la broche. Pauvre enfant désespéré. Elle se demandait parfois si elle ne donnait pas la même impression aux autres. Celle d’un être perdu qui essaye de se raccrocher au plus petit moment de familiarité sous peine de sombrer entièrement dans le désespoir.

Si elle ne souriait plus, Laurel ne pleurait plus non plus. Sauf dans la nuit, quand tous semblaient dormir. Elle avait sa quête à accomplir et que les dieux lui en soient témoins, elle allait l’accomplir. Elle regrettait seulement de ne pas avoir dit adieu à sa famille mais elle ne savait pas non plus combien de temps une âme pouvait rester dans l’outre-monde et ne voulait pas risquer de perdre Jeanne juste parce qu’elle avait été trop lente, trop distraite.

Chaque jour qui passait rendait l’absence de Jeanne de plus en plus évidente. Elle voyait bien que Kira, sa chère Kira faisait de son mieux mais c’était… différent. Elle n’avait pas les mêmes gestes, les mêmes odeurs. C’était fou de se dire que ce dont elle avait rêvé toute son enfance, partir à l’aventure avec sa meilleure amie, découvrir le monde aux côtés de Kira, laissait un goût amer dans bouche. Il fallait dire aussi qu’à l’époque elle s’imaginait vivre une épopée glorieuse. Il n’y avait aucune gloire là où elles allaient. Aucune foule pour les acclamer, aucun joyau à remporter. Leur récompense serait la mort. Une morte. N’importe laquelle. Mais une équivalente à la vie qu’elles voulaient récupérer. C’était écrit ainsi dans les livres.

Laurel arrivait à peine à regarder Nival dans les yeux. Le petit goupil avait lui aussi perdu de son lustre dans les pleurs et le désespoir. De temps en temps il venait se blottir en silence dans ses bras, d’autres fois il grognait à son approche, ne sachant s’il devait lui en vouloir ou bien pleurer à ses côtés la perte d’un amour perdu. Invar faisait de son mieux pour être le pilier du groupe. Il avait pris les commandes de manière naturelle. Falkor et Hématite étaient trop vieux, ils avaient trop vécu et connaissaient les rouages des choses. Pour eux, la mort bien que triste, restait partie intégrante de la vie, il fallait passer à autre chose. Ils voyaient le futur là où Invar gérait le présent.

Kita se sentait terriblement coupable de ne pas souffrir autant que les autres parce qu’elle ne connaissait pas Jeanne aussi bien, elle faisait de son mieux pour compenser cela en aidant au maximum toute la troupe. Se levant aux aurores pour aider à faire le camp et se couchant dans la nuit après avoir vérifié une dizaine de fois que tout le monde était bien installé. Au contraire, le calme apparent de Zen avait tendance à agacer Laurel mais il restait un pilier sur lequel Nival pouvait compter. Extérieurement impassible, il était impossible de deviner ce qu’il ressentait. Au moins cela permettait au pokémon glace de pouvoir parler sans crainte de jugement. Mais certainement que sous ses extérieurs d’indifférence, le petit pokémon poison souffrait lui aussi de la disparition de la guerrière.

Pyrite était devenue inséparable de Malta et Âtre. Quand elle n’observait pas les entrainements du pokémon feu, elle allait se réfugier sous la protection de la carmache. Elle s’imaginait puissante dracaufeu qui retenait la mentali avant qu’elle ne parte. Quelqu’un qui ne se serait pas perdue dans la foule, qui aurait pu protéger sa famille adoptive. Puis la réalité revenait durement et elle avait peur et voulait que Laurel la rassure mais Laurel n’arrivait même pas à se rassurer elle-même. De temps en temps quand Malta était trop silencieuse, Âtre trop occupé et Laurel trop triste elle allait se réfugier dans les bras de Kira.

Laurel soupira, regardant pendant quelques secondes encore le soleil qui se couchait. A cette époque de l’année la nuit tombait rapidement et avec elle le froid de l’hiver. Elle se leva pour rejoindre le camp, Malta sur ses pas. La ranine avait depuis longtemps abandonné l’idée de l’empêcher de la suivre. Falot voleta jusqu’à elle. Il ne cessait d’éclairer son chemin depuis qu’elle l’avait sorti de sa captis ball. Sa lueur était étrangement rassurante. Toujours à léviter devant, il était dans la nuit comme une étoile descendu du ciel pour les guider.

Le camp était installé de manière rudimentaire. Kita se tenait droite sur ses pattes devant Laurel, attendant l’inspection avec tension. Non pas que cela change grand-chose, de toute manière, la joaillière ne râlait jamais. Elle regarda distraitement le camp faisant mine de s’intéresser à la manière dont la chèvre avait placé les objets avant de tenter un sourire vide de joie. Elle avait du mal à correctement la remercier pour ce qu’elle faisait pour elle. Mais c’était assez pour le pokémon plante, elle avait pris l’habitude maintenant.

Laurel suivit Falot jusqu’à Kira. Elle la regarda en silence quelques secondes, sentant une pincée de culpabilité à l’idée de l’avoir trainée là-dedans. Il allait falloir se préparer pour la nuit et ses monstres. Âtre trépignait déjà d’impatience. Elle posa la main sur le pommeau de la dague de Jeanne, hésitante, avant de céder face au bon sens. Elle décrocha le fourreau et la dague de sa ceinture pour la tendre à Kira.

« Au cas où. Je sais que tu en prendras soin. » expliqua-t-elle simplement avant de s’asseoir à côté d’elle. « Tu as de quoi de couvrir ? Il fait froid rapidement ici. Il ne devrait pas y avoir trop de soucis mais… »

… Mais je ne veux pas risquer de perdre quelqu’un d’autre.

La phrase resta en suspens, comme de nombreuses autres. Laurel avait de plus en plus de mal à s’exprimer. Il y avait dès jours où elle voulait juste se rouler en boule et disparaître. Aujourd’hui elle devait être forte. C’était la fin de son voyage.

« Tu veux que je t’attache les cheveux ? » continua-t-elle-même si elle savait pertinemment que Kira n’avait pas besoin d’elle pour ça.

Les premières étoiles apparurent dans le ciel, d’ici quelques instants les spectres allaient commencer à apparaître.

HS
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Désolé pour la loooongue exposition, j'espère que c'est pas trop chiant.

Kira se retourna et une nouvelle fois, Laurel se retrouva face à son dos. Elle avait l’impression de ne voir que ça d’elle depuis leur départ de Chévropolis. Son dos et ses cheveux disparaissant au loin. Peut-importait leur proximité physique, il semblait qu’une barrière infranchissable s’était érigée entre-elles. Quelque chose de profond et ancien, une blessure ouverte qui n’avait jamais correctement cicatrisé.

Elle attrapa des mèches qu’elle commença à tresser de manière experte. Laurel avait toujours apprécié les coiffures extravagantes, elle se rappelait embêter son père pour qu’il lui fasse les plus belles queues-de-ponyta étant petite. Elle se rappelait aussi s’amuser à passer les doigts dans les magnifiques cheveux de Kira pour l’aider à y démêler la boue des feuilles. Leur couleur l’avait toujours fascinée, Laurel aimait les couleurs franches. Le rouge du feu, le jaune du soleil, l’orange du sable et le bleu de Jeanne. Les doigts de la ranine se crispèrent quelques instants dans leur mouvement avant de reprendre comme si de rien n’était. Allons, elle n’allait pas commencer à larmoyer juste à cause d’une couleur.

Il y avait un aspect solennel à cette scène entre les deux amies, comme un adieu murmuré plutôt qu’énoncé. Laurel avait conscience qu’elle était certainement entrain de passer ses derniers moments sur terre. Et elle n’avait rien prévu. Pas de grand discours, ni de larmes à effusion, pas de pardon, ni de cadeau. Juste, une étrange lassitude qui lui donnait envie que tout se termine le plus tôt possible. Elle en avait marre de souffrir.

La ranine leva à peine les yeux lorsque Kira commença à parler. C’était étrange, elles avaient, en ces quelques minutes, échangé plus de mots que durant ces interminables jours de voyages. Laurel hocha doucement la tête. Elle ne voulait pas vraiment penser à l’abandon de la rouquine en ce moment. Elle se rappelait comme si c’était hier ce sentiment profond de trahison qu’elle avait ressenti lorsque Kira l’avait quittée. Pendant trois jours elle était revenue toquer à la porte de sa maison, remarquant à peine les yeux rougit du père de son amie, qui lui expliquait inlassablement avec une douceur infinie que, non, Kira ne pouvait pas venir jouer aujourd’hui non plus, ni demain, ni après. Au final, Attica lui avait fermement fait comprendre qu’elle devait laisser les Shikatiloni tranquilles et que si Kira voulait venir jouer qu’elle allait venir la trouver d’elle-même. Et Laurel l’avait attendue. Trop longtemps peut-être. Kira n’était jamais venue, c’était les circonstances qui les avaient réunies. Ou bien le destin.

« Pas besoin- » commença-t-elle avant d’être abruptement coupée par quatre petits mots.

Pas besoin d’excuses avait-elle voulu dire. Sauf que peut-être bien qu’il y avait justement besoin d’excuses.

La ranine resta en suspend dans son geste. Le visage à moitié effacé par sa mémoire de Nyssa apparut dans son esprit telle une ébauche. De cette femme formidable, elle ne gardait que le souvenir d’un chaleureux sourire et d’une bonté sans borne. Le petit bracelet serpent avait été perdu durant la tempête qui avait emporté la demeure Senjak dans un glissement de terrain. De cette femme il ne lui restait rien. C’était pourtant elle qui l’avait guidé vers la joaillerie et les bijoux, sans elle, elle n’aurait jamais trouvé sa voie. La joaillière inspira brusquement, réalisant qu’elle avait cessé de respirer pendant quelques instants.

Laurel posa doucement sa tête contre le dos de Kira, l’enserrant du mieux qu’elle pouvait avec ses bras. Elle ferma les yeux s’agrippant à ce contact telle une ancre jetée à la mer. Les derniers mots de la forgeronne se perdirent dans un souffle de vent, emportés au loin avec les barrières que Laurel avait inconsciemment érigées.

« Je suis désolée Kira. J’aurais dû savoir et être là pour toi. »

Comment avaient-elles fini ainsi ?

Deux enfants avec des rêves pleins les yeux et voilà où elles en étaient. Plus perdues et terrifiées que jamais, tremblantes devant les portes de la Mort. L’avenir n’avait jamais semblé aussi incertain. C’était comme si elles devaient constamment se battre face à quelque chose de plus grand qu’elles, un destin forgé dans la tragédie. N’y avait-il donc pas de répit pour les preux ?

« Comment tu fais ? Comment tu fais pour tenir bon, garder la tête haute ? J’ai… j’ai rien remarqué, j’ai cru que tu me détestais alors que t’avais besoin de moi. Je t’ais hais au lieu de te soutenir. Ô Kira, comment rattraper le passé ? » déclara-t-elle renforçant son étreinte autour de son amie. « Je suis désolée, je suis tellement désolée. »

Comment exprimer par mots la douce amertume de la jeunesse et des erreurs commises ? Comment réconforter quelqu’un lorsque son propre monde était sans-dessus dessous ? Laurel aurait voulu avoir la présence rassurante et logique de Jeanne à ses côtés. Elle avait toujours été plus douée pour lire les autres et s’exprimer. Elle aurait su comment diffuser la situation de la même manière qu’elle avait su gagner le cœur de ses parents.

« Tu- tu veux me raconter ? Je ne te quitterais pas cette fois, je resterais là, je serais une bonne amie. » proposa-t-elle, la tête toujours posée contre son amie.

Il restait du temps avant que la lune n’atteigne sont point culminant. Peut-être qu’avant ce moment-là, elle pourrait emporter un peu de la peine de Kira avec elle. Ô combien elle aurait souhaité pouvoir chasser les ténèbres. Jeanne, Kira, Malta et Pyrite, sans parler des autres. Tous hantés par des démons face auxquels Laurel était impuissante. Si seulement il y avait un mot magique pour les chasser. Un espoir à transmettre.

HS
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Kidnapping de gif! Laurel aimerait beaucoup avoir des pouvoirs psychique pour aider les gens, par pitié ne lui présentez pas les Neitrams !

Kira se dégagea de son étreinte et Laurel fut prise d’une bouffée de panique avant que le corps chaud de la rouquine de retrouve sa place contre le sien. Elle n’avait jamais aussi craint la distance physique depuis que Jeanne était partie. Chaque contact la faisait frissonner mais l’absence de ceux-ci la terrifiait encore plus. La joaillière secoua la tête en entendant les paroles de son amie. Ne l’avait-elle pas entendue ? C’était à elle de s’excuser et non pas l’inverse. C’était elle qui l’embarquait dans ce voyage pour sauver une personne qu’elle connaissait à peine. C’était elle qui avait emmené Kira dans le lieu le plus effrayant qu’elle connaissait.

« Kira, non, ne t’excuses pas. » tenta-t-elle vainement.

Mais, la forgeronne ne semblait pas s’en soucier. A la place Kira fit quelque chose qui la terrifia presque autant que les fantômes hantant ces lieux. Après une inspiration Kira… s’éteignit. Il n’y avait pas d’autre mot c’était comme si quelqu’un venait de brusquement souffler sur la flamme qui allumait ses pupilles. Les yeux sombres de la joaillière cherchèrent frénétiquement toute trace de l’étincelle qui les habitait habituellement, sans succès. Elle semblait, si vide, si perdue, si loin. Mais n’était-ce pas ce que Laurel avait souhaité en lui demandant des informations ? A quoi donc s’attendait-elle ? Des sourires et des rires ?

La précision tranchante des propos et le ton monotone tranchait profondément avec son doux visage au point où Laurel avait presque envie de la secouer pour la sortir de ce semblant de transe. Elle avait peur pour elle, peur de la voir ainsi, c’était une facette de Kira qui ne lui avait jamais été donné de voir. Attica avait tout fait pour protéger sa fille de cette douleur. Quel esprit maléfique avait donc possédé son amie d’enfance ? La réponse était simple, c’était la Culpabilité. Celle-là même qui rongeait petit à petit la santé de Laurel.

La tension augmentait à chaque respiration menaçant de briser la fragile armure que Kira semblait s’être construite au fil des années. C’était un torrent d’horreurs que Laurel ne pouvait plus arrêter et lui faisait perdre pied. La rouquine s’effondrait devant elle, morceau après morceau et elle-même ne pensait qu’à se boucher les oreilles pour mettre fin au flot d’émotions que les paroles de Kira éveillaient en elle. Elle visualisait sans avoir été là, le corps brisé de Nyssa gisant au milieu des rochers, les yeux aussi vitreux que l’avaient été ceux de ce Démolosse il y a des années de cela. Elle voyait aussi Jeanne et Tourmaline consommées par les ténèbres nécrophages. Malta vint poser sa tête contre son dos. Comme pour la soutenir. Mais ce n’était pas elle qui avait besoin de réconfort.

Laurel ferma les yeux quelques secondes pour chasser ces images de son esprit. Elle s’était promis de ne pas s’écrouler avant de retrouver Jeanne. Pour sa famille. Et maintenant pour Kira. C’était son boulot de maintenir la cohésion dans le groupe, de faire en sorte qu’il fonctionne malgré l’absence flagrante de son engrenage le plus important. Elle devait bien ça à Jeanne. La joaillière rassembla sa détermination dans un sourire. Bientôt ce serait fini. D’ici là, elle devait faire en sorte de laisser un monde meilleur derrière elle.

« Kira, tu as fait de ton mieux. Je ne te reproche rien et je suis sûre que tes pokémons ne te reprochent rien non plus. Tu continues à vivre et c’est le plus beau cadeau que tu puisses faire à ta mère. » Un léger silence s’installa, Laurel peinait à réconforter Kira quand elle-même n’arrivait pas à faire face à ses démons. Quel genre d’hypocrite était pour donner des conseils qu’elle ne suivait pas ? « Est-ce que tu as pensé que, quand elle t’a dit d’aller chercher ton père, ce n’était pas pour se sauver elle mais pour qu’il te sauve toi ? » Elle glissa une mèche de cheveux sauvage derrière l’oreille de la rouquine. « Tu n’as pas échoué. Tu as retrouvé ton père, tu as accompli la dernière volonté de ta mère. »

D’une manière entièrement égoïste Laurel était heureuse de ne pas avoir entendu les ultimes paroles de Jeanne. Elle lui aurait probablement intimé l’ordre de vivre et d’être heureuse. La ranine aurait détesté ne pas pouvoir répondre à ses attentes.

« Je… je sais pas comment t’aider Kira. J’aimerais pouvoir le faire mais… »

Mais j’arrive à peine à faire face à ma propre culpabilité.

« …tu n’as pas à te presser. Juste à te rappeler que tu n’es pas seule. Jeanne répète toujours qu’on est une famille, nous, nos pokémons. » Elle prit sa main pour emmêler ses doigts dans les siens. « Nos liens sont fort comme ça. » dit-elle en serrant ses doigts. « Le seul moyen d’avancer c’est ensemble. Fais leur confiance Kira et tout ira bien. »

Pyrite poussa un cri affirmatif, elle alla se glisser sur les genoux de Laurel, babillant dans sa langue l’histoire du sauvetage grandiose de Jeanne et Laurel, et ventant la force de son frère qui lui avait permit de tenir bon face à la plus sombre des nuits et la plus violente des tempêtes. Kita donna un petit coup de museau à Eros pour l’encourager à parler. Nival s’approcha de Kiper, les yeux lourds mais emplis de gentillesse. C’était toujours difficile d’avouer ses sentiments mais le courage était récompensé par la beauté d’un lien tissé dans l’adversité.

« Et ici au Lac Noctali, le lac des milles horreurs et des milles merveilles, tout est possible. » conclu Laurel.

Tout est possible, y compris l’impensable.  


HS
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Tu pourras lancer les appas à ton prochain post je pense ^^

Laurel lança un coup d’œil au cryptéro qui les survolait depuis quelques temps déjà. Ce n’était pas la première fois qu’elle rencontrait l’une de ces créatures. Ce ne serait pas non plus la dernière. Le pokémon psy semblait déterminé à s’interposer, aussi demanda-t-elle à Malta de l’éloigner pendant que Kira reprenait doucement ses esprits. Elle ne tolérerait aucune interruption. Elle avait une chance -seulement une- de contacter le dieu et d’effectuer l’échange. Si elle échouait cela signifierait que Jeanne serait réellement morte et elle ne pourrait jamais survivre à ça.

Laurel reporta son attention sur Kira. La tristesse n’avait pas quitté ses yeux mais une franche détermination avait remplacé le vide qu’elle avait vu auparavant. Le visage de la ranine s’adoucit en l’entendant. Tant d'années avaient passé, tant de douleur et de tourments et pourtant tout semblait si familier. Pendant un instant elle envisagea lui mentir. Lui dire que ce n'était qu'une simple invocation et que tout finirait bien. Mais la douleur qu’elle avait vu hanter son visage quelques instants auparavant l’en dissuada. Kira méritait de savoir.

Elle se leva en posant Pyrite doucement parterre. La petite salamèche émis quelques gémissements de protestation que Laurel fit taire d’un léger baiser sur le front. Pyrite ronronna un peu, c'était devenu si rare les bisous de joaillière. Kita avait apporté son sac avant même que la ranine n’aie à le lui demander. C’était une petite chèvre très attentive que Jeanne avait là, nul doute que son soutien serait des plus indispensables lorsqu’elle sera de retour. Invar lui lança un regard interrogateur qu'elle prétendit ignorer. Pas maintenant, il n'y avait pas le temps pour les regrets ou les doutes. D’un geste rapide, elle rappela la majorité des pokémons dans leurs pokéballs. Seuls restaient Malta, Proto, Nival et Pyrite.

« Nival mon chéri, tu veux bien surveiller Pyrite qu’elle ne se blesse pas ? » demanda-t-elle en lançant un regard vers le lac et ses murmures.

Kira avait raison, les fantômes commençaient à apparaître. Déjà les formes luisantes de ces créatures des enfers venaient scintiller dans les alentours. Normalement ils ne devraient pas pouvoir s’approcher trop prêt sous peine d’être blessés. Elle avait demandé à Hématite et Zen de poser les Pièges de Roc et Pics Toxik pour sécuriser la zone un peu plus tôt. Kita l'avait aussi fournie en Soucigraines pour faire face à la nuit et son influence pendant que Nival protégeait leurs arrières des fourberies des spectres grâce à Rune Protect. C'était sans oublier Malta qui veillait sur elle comme un rapace depuis la mort de Jeanne. Elles n’avaient rien à craindre.

Laurel ouvrit le sac pour sortir, un à un, les composants du rituel qu’elle avait récupéré durant le trajet. Elle avait détesté devoir faire un détour pour passer par un temple de Giratina, tout comme elle avait détesté devoir marchander et menacer pour pouvoir récupérer ce dont elle avait besoin. Mais d’ici quelques temps elle n’aurait plus à vivre avec la culpabilité alors tout irait pour le mieux.

Les encens sacrés, bénits par un prêtre du dieu et réalisés à partir de chrysanthème, œillet, styrax et galbanum. C’étaient ces encens là qu’ils utilisaient pour entrer en transe et contacter leur dieu à travers la fine frontière des limbes. Le sel et les bougies formaient l’ancrage nécessaire pour que l’âme de Jeanne trouve un corps au lieu de se changer en pokémon spectre. Les offrandes qu’elle avait récoltées, baies, bijoux et statuettes en onyx à l’effigie du dieu des morts permettraient d'amadouer le dieu. Et enfin attendre la dernière où la lune brille de tout son éclat. Giratina était selon les contes, violent et chaotique, une force indomptable et incommensurable. Il fallait que Lunala soit à l'apogée de sa force pour qu'elle puisse veiller sur eux de son regard perçant, c'était à elle aussi d'ouvrir la porte des enfers. Elle était après tout le psychopompe, la guide des âmes égarées.

« Il faut allumer les encens et les placer aux quatre points cardinaux. Les offrandes doivent être positionnées devant le lac et-… Malta, débarrasse-moi de ça. » s’interrompit-elle d’une voix étranglée. Il semblait qu’outre le cryptéro trois autres pokémons aient franchit la barrière. La carmache ne se fit pas prier. Laurel continua, la main tremblante et la voix tendue. « Il faut mettre les offrandes devant le lac, le plus près possible c’est très important. La statuette doit être au centre. Ensuite, il faut réaliser un cercle de sel pour ancrer l’âme et allumer les bougies autour. »

Laurel s’arrêta quelques secondes. Son cœur battait à tout rompre. Elle avait envie de vomir. Elle tint bon et sortit les deux derniers objets du sac. Une encre aussi noire que la nuit et épaisse comme le sang à côté, le crâne d’un pokémon, blanchit par les années. Un démolosse. Elle l’avait acheté à un collectionneur. Rien que toucher cette horreur -savoir qu’elle existait- lui donnait envie de se terrer au plus profond de la terre. Elle déposa le crâne au côté des autres offrandes, s’essuyant rapidement la main sur ses vêtements.

« Je vais avoir besoin de toi. Il faut que tu m’aide à appliquer ces encres, j’ai un papier avec les motifs dans le sac. » dit-elle en lui tendant le vieux parchemin.

Les encres n’étaient pas nécessaires, lui avait-on dit, mais elles facilitaient le procédé. Laurel ne voulait prendre aucune chance. Cela aussi elle l’expliqua à Kira.

« Jeanne n’a plus de corps à cause de… » Sa voix s’étrangla sur les mots. « Tu sais quoi. Du coup il lui en faut un nouveau. C’est un échange. Une âme contre une autre. Elle prend mon corps et je prends sa mort. » Elle souffla doucement. « Et les encres sont supposer aider à ça… mais la clef c’est de mettre ça... » Elle montra une pierre sombre, qui brillait affreusement sous la lumière de la lune. « ...Dans la bouche pour que l’échange se réalise. »

Elle reposa la pierre et défit sa ceinture. Sa robe glissa au sol. Laurel continua perdue dans ses pensées et les instructions du rituel.

« Ensuite il faudra chanter une incantation mais il nous reste encore un peu de temps. La lune n’a pas encore atteint son Pa-RO-xime. » elle prononça chaque syllabe individuellement comme elle le faisait étant enfant pour les mots un peu trop compliqués. « Tu veux bien m’appliquer l’encre ? » demanda-t-elle finalement.

Sous les rayons macabres de la lune, ses cheveux blancs semblaient luire. Peut-être bien qu’elle n’était pas morte, mais c’était tout comme.

Les doigts de Kira étaient glacés contre sa peau. Laurel ne put retenir un frisson, plus perturbée par le froid que par la texture gluante de l’encre. Inspire, respire. Doucement. La respiration moite de son amie la réchauffait par à-coup. Elle pouvait imaginer sa concentration, la manière dont ses yeux se fixaient sur la tâche avec intensité. Combien de fois l’avait-elle regardé, étudiant son visage, alors qu’elle dessinait une stratégie d’attaque pour leurs aventures. Elle imaginait qu’elle devait avoir la même expression, les sourcils froncés et les lèvres pincées ce qui lui donnait un air adorable.

Laurel leva les yeux vers les bruits paniqués des pokémons chassés par leur petite garde. Kiper et Eros sautaient vaillamment au combat avec un enthousiasme seulement égal à leur ingéniosité. Son regard croisa celui de Malta. La ranine se perdit quelques secondes dans ces disques d’or où elle pouvait y lire la tristesse et l’impuissance du pokémon qui aurait aimé plus que tout laisser libre cours à sa rage. La seule manière qu’elle connaissait pour exprimer sa douleur et sa peur. Laurel secoua doucement la tête, répondant à sa question muette. La carmache détourna la tête. Elle avait compris les intentions de son amie.

La nuit se refroidissait à la minute. Laurel pouvait à peine sentir le bout de ses doigts. Pyrite s’était réfugiée dans ses bras, faisant attention à ne pas toucher les marques déjà tracées et pas encore séchées de l’encre. Elle soufflait sur quelques-unes pour accélérer le processus. La ranine se raccrochait à la chaleur émise par la flamme de la queue comme on s’attache à une lumière dans les ténèbres. Elle faisait de son mieux pour ne pas trop trembler pour éviter de perturber Kira. Seule sa détermination l’empêchait de se réfugier sous les fourrures. Malta avait allumé des feux tout autour d’elles pour tenter de l’aider à lutter contre le froid mais même avec ça, la morsure glaciale de l’air hivernal brûlait sa peau.

La joaillière se serait effondrée de soulagement en étendant Kira annoncer qu’elle pouvait bouger, si elle n’avait pas été aussi tendue à cause du froid. Laurel se leva durement, entendant ses os craquer alors qu’une douleur déchirante attaquait ses extrémités. Elle n’avait jamais eu aussi mal aux doigts. Seules les soucigraines de Kita et Eros lui avaient permis de lutter face à l’engourdissement de ses membres.

« C’est po-pour faire p-peur aux mauvais esp-prits. » grelota-t-elle les dents serrées.

Laurel sera Pyrite un peu plus près d’elle. La salamèche enfouis sa tête dans son cou. Elle n’avait pas l’habitude de voir sa dresseuse avec les cheveux attachés, c’était étrange de ne pas avoir ses cheveux blancs qui lui chatouillaient les narines. Malta les suivait, elle aussi avait l’air épuisée. Le manque de sommeil et le froid faisaient des ravages. Kira continuait de s’activer avec une énergie visiblement inépuisable. La ranine avait l’impression de s’être battue depuis tellement longtemps que son corps ne fonctionnait que par instinct. Pyrite lâcha Laurel à regret pour aller aider Kira à allumer les bougies.

La ranine noua rapidement une fourrure autour d’elle avant de s’effondrer de froid. L’encre avait déjà séché à certains endroits. Elle n’avait pas besoin de relire le bout de papier contenant les explications pour le rituel. L’incantation se bousculait dans sa tête, elle la connaissait par cœur. Ces mots hantaient son esprit depuis qu’elle l’avait récupéré. La lune était haute dans le ciel, trônant dans son ciel comme une reine sur son peuple. Malheureusement elle n’était pas pleine mais ça suffirait.

Malta vint s’asseoir à côté de Laurel, faisant attention à ne pas la toucher malgré son envie. Elle avait tant à lui dire. Mais comment transmettre toutes les subtilités de leur relation lorsque les mots eux-mêmes n’avaient aucun sens ? La ranine posa sa tête contre celle de la carmache, fermant les yeux pour profiter de cet ultime moment de paix.

« Ce sera bientôt fini. Tout ira bien après. Tu devras veiller sur tout le monde, d’accord ? Pyrite à besoin de toi. Elle t’admire tu sais ? Essaye d’être patiente avec Proto, il fait de son mieux mais ne comprend pas toujours ce qui se passe. » demanda-t-elle doucement. « Jeanne… Jeanne aura besoin de toi aussi, elle sera certainement perdue, encolère et voudra certainement faire un truc stupide. Il faudra que tu l’en empêche, c’est mon choix Malta. J’aurais pas eu la chance d’officiellement faire mes vœux auprès d’elle mais je lui donne ma vie volontiers. Dis-lui que je l’aime plus que tout. » Les larmes menaçaient de couleur mais Laurel tint bon. Elle devait rester forte jusqu’à la fin. « Je t’aime Malta, merci. Merci pour tout. Je serais à jamais reconnaissante que les dieux t’aient mis sur mon chemin. »

Kira l’appela. Il était temps. Malta l’accompagna jusqu’au cercle de sel, lorsque Laurel entra dedans elle lâcha un gémissement. La ranine se retourna pour lui sourire. Un dernier réconfort avant la mort. Elle savait qu’elle laissa sa famille entre de bonnes mains. D’une main distraite elle attrapa la pierre que lui tendait Kira. Prit une inspiration. Le ciel étoilé semblait s’étirer en un sourire morbide. Laurel commença l’incantation.

Ô suzerain des Spectres,
Entend mon appel.
Je t'offres mon être
et mon âme éternelle.

Sa voix résonnait forte et franche dans la nuit. Elle ne flancherait pas. Le lac se figea brusquement. Sa surface auparavant agitée par un vent venu du nord se lissa pour former un miroir géant. L’eau noire comme l’encre brillait sous l’éclat de la lune alors que le temps semblait s’embouer.

De feu et d'or,
D'argent et de glace,
Contre celui qui est mort
J'échange ma place.  

Des lueurs vacillantes apparurent, s’élevant du sol vers le ciel telles des âmes perdues. Des feux bleus dansaient dans l’air, chantant en chœur leurs malheurs à qui voulait bien les entendre. Le roi, le roi venait. L’eau du lac s’illumina d’une lueur argentée, pendant que la nature en deuil se taisait.

Par ce pacte j'abandonne,
Lunala m'en soit témoin,
Pour te servir avant que glas sonne,
Ce qui me rend humain.  

La lune, œil éternel de la déesse de la nuit s’ouvrit, s’arrondissant pour juger de sa pupille ronde les mortels assez fous pour invoquer son nom. Elle se teinta de sang, le sang sacrifié et celui versé. Une à une les lumières du ciel s’éteignirent, il n’y avait pas de place pour les héros d’antan dans cette heure de cauchemar.

Ainsi je t'invoque,
Dans ce lac d'effroi,
Ô grand roi glauque,
Giratina !  

Le sol se mit à trembler, craquer et rugir alors qu’il se tordait tel un serpent immonde. La chanson des spectres continua. Giratina, giratina était là. Ou peut-être pas. Laurel dû se rattraper à Kira pour ne pas tomber. Des mottes de terre s’élevèrent lentement tels des pantins sans fils sous le joug d’une force surnaturelle. L’eau du lac se recourba sur elle-même, sifflant horreur et destruction alors que ses flots rageaient. Autour d’elles, le cercle de sel s’embrasa de flammes violettes. La lune semblait ricaner de leur terreur. On n’invoque pas impunément un Dieu. Un cri qui n’avait rien d’humain -et ne l’avait probablement jamais été- vint percer la nuit glaçant le sang de Laurel dans ses veines. Son cœur battait au rythme endiablé des tambours de guerre qu’elle croyait entendre raisonner jusqu'au plus profond de son âme.

Malta feula, cherchant à atteindre les deux femmes. Pyrite s’accrochait désespérément à Nival alors que Proto et Eros utilisaient toute leur force pour les empêcher d’être emportés avec les roches flottantes. Laurel s’accrochait désespérément à Kira, ses jambes ne répondant plus alors qu’une terreur sourde comme elle n’en avait jamais connu ravageait son être. Tout était distordu. Laurel s’accrochait désespérément à un mot, un nom, jusqu’à ce qu’il perde tout semblant de sens. Jeanne, jeanne, jeanne ! C’était le début de la fin.

Puis tout s’arrêta.

Laurel s’effondra au sol. Haletante. Elle recracha brusquement la pierre d’échange, tremblant de tout son corps. Pyrite et Nival s’écrasèrent brusquement sur le sol alors que tout ce qui s’était mis à léviter tombait, à nouveau sous l’emprise de la gravité. Malta s’était jetée sur Laurel pour la recouvrir de son envergure. La roche et la terre cognèrent violemment contre ses écailles mais elle resta ferme. Le goupix avait formé un dôme avec son Lazer-glace sous lequel il s’était réfugié avec les autres pokémons. Chaque pierre qui tombait sur ce toit improvisé le fissurait un peu plus.

La pluie de terre et cailloux cessa enfin après avoir ravagé le paysage. Malta leva doucement sa tête, jugeant les alentours avec caution. La lune avait retrouvé son teint blanc et le vent faisait danser des vagues sur le lac. Tout était redevenu normal. La carmache s’ébroua avant de vérifier sur Laurel allait bien. La ranine était secouée mais indemne. Elle regardait sa main et les alentours les yeux écarquillés, sans comprendre.

« Jeanne ? » appela-t-elle, la voix brisée. « Qu’est-ce… qu’est-ce qui s’est passé ? Malta ? Kira ? » La carmache tenta de la réconforter mais, Laurel avait compris. « Ça a échoué ? Pourquoi ? » continua-t-elle la voix plaintive. « Non, non, NON ! Ça peut pas échouer ! JE PEUX PAS ÉCHOUER ! Pas encore, par pitié ! Laissez-moi la sauver ! » Elle s’effondra sur elle-même, la douleur ravageant son corps. « Par pitié ! Je ferais n’importe quoi mais je peux pas vivre sans elle. Pitié… »

Laurel hurla. Frappant le sol de son poing malgré la douleur et le sang, cherchant à chasser sa peine et son désespoir à travers la rage. C’était sa faute, sa faute. Elle avait échoué, elle avait abandonné Jeanne encore une fois. Elle n’était même pas fichue de mourir pour elle, même pas capable d’être à la hauteur son amour. Comment pouvait-elle être l’amour de sa vie si elle n’était même pas capable de la garder en vie ?

« Je l’ai tuée ! » pleura-t-elle, le corps ravagé par les sanglots.

Les cris de Laurel résonnaient dans le lac alors que la nature restait respectueusement silencieuse.

Pyrite s’extirpa difficilement de dessous la barrière de glace. Elle arrivait à peine à tenir debout tant elle tremblait. Elle avait l’impression que son petit cœur allait exploser sous la pression. C’était presque pire que le jour où Laurel, Jeanne et les autres s’étaient battus contre le Tyran. Nival la soutenait du mieux qu’il pouvait, tentant de la rassurer avec des petites léchouilles glacées. Les deux pokémons découvraient avec horreur le paysage ravagé du lac. Ils avaient évité la catastrophe de justesse.

Quelques spectres étaient apparus, ils sortaient doucement de leur transe. Jugeant des environs avec curiosité et tension. Quelque chose avait changé mais la normalité faisait face au chaos organisé de l’incantation. Les lueurs s’étaient éteintes et le vent avait repris son souffle. Les étoiles observaient fixement le sol de leurs yeux blancs, immobiles dans le vaste ciel. Le lac reprenait vie sous le son des cris de Laurel.

Malta la serrait contre elle, bloquant avec son corps les mouvements de sa dresseuse. Elle ne supportait pas de la voir souffrir ainsi. Le sang de Laurel était le sien et sa douleur son fléau. Ses efforts pour la rassurer ne menaient à rien. Elle semblait perdue dans un vortex de désespoir, un puit sans fond dans lequel elle avait fini par tomber après avoir lutté pendant si longtemps face à son appel.

Pyrite s’élança vers eux, grimpant sur sa dresseuse pour se blottir contre elle. Était-elle blessée ? Les méchants cailloux lui avaient-ils fait mal ? Elle tenta de sécher ses larmes en lui léchant le visage, avant de frissonner de dégout. L’encre se mélangeait à l’eau salée et tâchait la peau de la joaillière. Nival était allé lui apporter sa robe et une fourrure. Les oreilles baissées, la mine abattue. Les pokémons avaient peau presser leur corps contre le sien, pleurer avec elle et murmurer leur amour, rien ne semblait combler le vide de son cœur et la noirceur de sa culpabilité. Comment raisonner face à la perte d’un être cher ?

Laurel s’accrochait désespérément à ses pokémons. La douleur dans sa poitrine était insurmontable, elle arrivait à peine à respirer entre les pleurs. Comment avait-elle pu trahir Jeanne comme ça ? Sa chère Vagabonde n’était plus. Et dire qu’elle avait insisté pour aller à Ran et y rester plus longtemps que nécessaire. Elle avait refusé de partir par pur égoïsme. Jeanne l’avait pourtant prévenue mais elle n’en avait fait qu’à sa tête et maintenant la personne la plus importante de son monde était morte. Elle n’avait rien pu faire pour elle, elle n’avait pas été à la hauteur.

Un bruit sourd, comme quelqu’un qui s’étrangle, lui fit tourner son attention vers Kira. La rouquine était pliée en deux, se tenant le ventre avec douleur. Dans sa folie Laurel eu un éclat de panique. Etait-ce la rétribution physique du dieu des enfers ? Un châtiment pour oser le déranger ? Puis elle remarqua à ses pieds une pierre sombre et luisante couverte de salive. Elle connaissait sa forme et sa texture pour l’avoir fait rouler contre sa paume et serré dans sa main chaque soir avant de dormir. Une pierre étoilée, un vœu.

Laurel leva les yeux vers son amie, cherchant une explication. Elle refusait d’y croire et pourtant la vérité était là sous ses yeux. La pierre d’invocation luisait sous la lune, loin de là où s’était trouvé la ranine, témoin de la trahison de la forgeronne. Kira aurait tout aussi bien pu lui avouer qu’elle avait tuée Jeanne de ses propres mains. Le résultat était le même.

« C’est toi… tu as… tu as saboté le rituel. » Elle la regardait, ses yeux rougis par les larmes, le souffle court, s’accrochant à l’espoir absurde que tout cela ne soit qu’un mauvais rêve. « Tu voulais ressusciter ta mère. C’est pour ça que tu m’as raconté cette histoire ! Tu voulais ma sympathie ?! Tu croyais que je te pardonnerais si tu me racontais ça ? Tu pensais m’utiliser et … ET APRES QUOI ? Comment as-tu pu Kira ? JE TE FAISAIS CONFIANCE !! »

Malta dévoila ses crocs, un grondement naissant dans sa gorge, elle resserra son emprise autour de Laurel. Cela faisait des lunes qu’elle chercher quelqu’un sur qui passer sa colère. Quelqu’un sur qui elle pouvait blâmer tous les maux qui affligeaient son amie. Le feu gronda dans ses entrailles. La carmache n’avait pas été capable de réduire en cendre l’assassin mais Kira n’était qu’à quelques pas. Dans un rugissement, elle cracha sa rage enflammée en direction de l’humaine qui avait trahis Laurel.

Pyrite s’interposa d’un bond. Son petit corps attira à lui les flammes vengeresses. Le feu et la mort, ça elle connaissait bien. Plus d’une fois elle avait échappé aux crocs enflammés du Tyran. Ce n’était pas bien différent. Les flammes s’étaient écrasées contre ses écailles sans les abîmer. La petite salamèche en ressortait légèrement roussie mais autrement indemne, elle n’avait pas remarqué l’armure luisante qui l’entourait tel un fantôme translucide. Pyrite se posta devant ses deux héros pour s’interposer entre elles et Kira, les pattes écartées et les fermement ancrées dans le sol. L’humaine aux cheveux rouges était gentille ! Elle lui faisait des câlins et la chouchoutait, il ne fallait pas l’attaquer ! C’était une amie…

« ECARTES-TOI PYRITE ! » gronda Laurel. La salamèche cacha sa tête dans ses bras, tremblante alors que la flamme de sa queue vacillait et que les larmes lui montaient aux yeux. « C’est pas une amie, c’est… c’est une traitre, une menteuse ! Elle- ELLE ! Jeanne, j’aurais pu sauver Jeanne, Pyrite. Si elle n’avait pas tout fait foirer en volant la pierre ! »

La petite salamèche larmoyait en s’accrochant à la jambe de Laurel dans un vain effort pour la retenir. Elle en avait marre de tous ces cris et tout ces pleurs, elle voulait sa deuxième Maman, elle voulait que tout redevienne comme avant. Elle voulait voir Laurel sourire et elle voulait se blottir dans les bras de Jeanne, elle voulait qu’on lui dise que tout allait bien se passer et que ce ne soit pas un mensonge.

« Tout ira bien tlecuezallōtōntli. »

Une puissance bourrasque d’air vit trembler l’herbe alors que de puissantes ailes vinrent masquer pendant quelques instants la lune. Un son pur, tel le tintement d’un carillon perça le ciel. Le pokémon oiseau se posa doucement aux côtés de Pyrite, laissant tomber une petite plante par terre. Elle regardait les environs avec curiosité. C’était un bien étrange endroit comparé à sa forêt d’origine. Cozamalotl était arrivé, son vif plumage brillant presque dans la nuit. Il lui avait fallu du temps pour assembler les pièces manquantes mais il avait finalement réussi. Son regard bleu perçant se plongea dans celui ravagé de Laurel.

« Vous souffrez, cihuāpiltzintlé. J’ai entendu votre douleur depuis la tombe, le son d’une cassure. Sachez que rage n’est que destruction. Vous avez besoin de soins et non pas de plus de poussière. Laissez-moi vous aider. Laissez-moi honorer ma promesse. »

Malta gronda de plus belle. Qui donc était-il pour oser s’approcher de son amie ? Elle s’apprêtait à attaquer lorsque Laurel l’arrêta. La carmache lança un regard inquiet à sa dresseuse, elle semblait sur le point de s’effondrer.

« Comment peux-tu m’aider Cozamalotl quand je n’ai plus rien ? Jeanne est morte et celle que je croyais être m’on amie m’a trahie, je… Je ne vois qu’une solution pour que ça s’arrête. Je peux plus continuer. »

« Alors laissez-moi vous ouvrir une nouvelle voie, cihuāpiltzintlé. De la même manière que vous m’en aviez ouvert une. »

Il étendit ses ailes et avec elles son esprit. Tendant doucement sa conscience vers les humains et pokémons présents. Il ne voulait pas être intrusif. La carmache le rejeta avec un grognement là où Laurel s’abandonna volontiers dans l’esprit d’un autre. Il ne pouvait par leur montrer des images claires comme il le faisait avec ses congénères mais il pouvait leur transmettre ses ressentis, ses émotions. Sous le regard bienveillant de la lune, Cozamalolt se permit d’offrir à ce groupe blessé une certitude.

Jeanne était en vie.

L’oiseau de feu pouvait les mener à elle.

Le seigneur des ténèbres affirmait son emprise d’une poigne glaciale.

Il faisait chaud, terriblement chaud mais la vie grouillait dans les boyaux de la terre, des milliers de têtes pensant comme une, une fourmilière d’humain sanguinaires.

Cozamalolt ne pouvait lutter face à la noirceur qui rongeait l’être de la femme.

Le pokémon psy coupa doucement la transmission. Il avait fait de son mieux pour en apprendre plus sur le devenir de Jeanne mais, ne la connaissant qu’à travers l’amour de Laurel il n’avait pu faire mieux. C’était tout ce qu’il savait. C’était suffisant.

Les jambes de Laurel fléchirent sous son poids alors qu’elle s’effondrait lourdement au sol. Jeanne était en vie ? C’était impossible, les fantômes l’avaient… les fantômes l’avaient tuée. Elle en était certaine. Pyrite avança doucement vers elle, tendant une petite patte hésitante. Ses petits yeux verts étaient brouillés de larmes. Laurel l’attrapa pour la serrer dans ses bras.

« Je suis désolée, Pyrite. Je suis tellement désolée, j’aurais jamais dû… Comment ? »

L’oiseau s’ébroua doucement.

« Je ne peux pas expliquer correctement. On me bloque. Je sais simplement que les intentions sont mauvaises mais qu’elle est en bonne santé dans ce qu’elle appelle "Famille". »

Laurel blanchit aussitôt. Elle l’avait cru morte et si elle avait tort sur la réalité, elle n’était en fait pas si loin du compte. Les Démolosses d’Yveltal avaient repris leur Croc Bleu. Il fallait qu’elle retrouve à Ran. Où est-ce qu’ils étaient déjà ? Dans les Escarpements ! Mais comment trouver leur campement dans ces méandres de trous et de falaises ? L’oiseau de feu, Âtre ! Tout commençait à se mettre en place. L’espoir revenait.

Malheureusement avec ce dernier venait aussi la réalisation qu’elle avait laissé son pokémon tenter d’assassiner Kira. Ce fut comme une douche glacée. Elle leva les yeux avec horreur en regardant la rouquine. Sa bouche s’entre ouvrit avant de se refermer. Alors qu’elle revoyait les dernières minutes se dérouler avec effroi. Si Cozamalolt et Pyrite n’étaient pas intervenus… Comment avait-elle fait pour tomber aussi bas ?

HS
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*Laurel = cihuāpiltzintlé : ma Noble Dame.
Pyrite = tlecuezallōtōntli : Petite Flamme.

Cozamalotl a utilisé Mur Lumière (qui prend la forme d'une armure éthérée autour de la personne qu'il veut protéger) sur Pyrite.
J'espère que ça te vas et je suis DESOLEEEEEEEEE !!!!
Je peux changer si ce qui se passe avec Laurel te semble trop dur, y'a pas de soucis !! J'ai une version plus soft prévue.