Même si elle l’avait voulu, Laurel n’aurait pas pu détourner le regard de la femme qu’elle avait à ses côtés tant elle lui semblait parfaite. Elle la regardait sourire et c’était comme si son monde s’illuminait. Tout semblait prendre sens et c’était magnifique.

Des larmes se mirent à perler des yeux de sa dulcinée et Laurel voulu les sécher mais déjà, elle pouvait de nouveau goûter au lèvres de Jeanne légèrement salées à cause de celles-ci. Suivant le corps de la femme, elle se laissa allonger, son bras glissant sur les hanches de son aimée. Elle accueillit chaque baiser avec un frisson. Savourant la douceur de la femme, ses lèvres et son amour. Elle la voyait, complètement émue, pleurant de joie et Laurel ne pu que se maudire d’avoir attendu si longtemps.

Les deux femmes étaient à bout de souffle. Perdues dans leur idylle. On disait qu’il n’y avait rien de plus pur et beau qu’un amour partagé. Et Laurel ne pouvait que partager cette opinion. Jeanne était resplendissante. Elle leva sa main pour toucher le visage de la femme qu’elle aimait, la laissant explorer sa nuque avec ses baisers. Elle s’avança aussi pour-

Tourmaline ?!

Laurel vira au rouge cramoisi. Son esprit passant du mode « Amour » au mode « Ohmesdieuxj’avaisoubliéqu’ilyavaitlespokémonsàcôté ». Puis, elle remarqua ce que l’Evoli venait de déposer et son cerveau ne fit qu’un tour. Oh. Oh d’accord. C’était pas prévu. Si les joues de la Ranine pouvaient devenir encore plus rouges, elles le feraient. Elle cacha sa tête dans sa main pour dissimuler son embarras pendant que Jeanne gérait la situation. C’est pas qu’elle était contre, c’est que c’était un peu rapide. Et qu’elles n’avaient pas choisi de mot et tout ça ... Elle écarta les doigts pour regarder d’un œil le petit pokémon repartir avec son chargement, avant de reporter son attention sur la femme à ses côtés, l’esprit remplis de questions.

« Pourq- Mmh ! » fut-elle coupée par un baiser.

Elle rigola un peu, pas dupe. Jeanne essayait clairement de changer de conversation. Laurel se redressa sur ses coudes pour mieux parler avec sa compagne. Elle n’était pas sûre de pouvoir faire une conversation entière sans repartir dans une embrasse si elle restait dans la position précédente.

« Jusqu’à ce que je sois ton égale. Je ne pense pas que quiconque puisse te surpasser. Et puis… si tous tes entraînements son aussi charmants … pourquoi pas ? Oh mes dieux, je suis nulle avec les sous-entendus ! » Elle rigola. « Tu ne veux pas parler des … cordes, du coup ? » Elle l’embrassa dans le cou. « Parce que j’ai peut-être une petite dizaine de questions. Mais seulement une qui importe vraiment, tu ne disparaîtras plus ? »

Elle se sentait un peu hypocrite à demander cela lorsqu’elle était celle qui avait demandé de la distance mais … ce temps passé à vivre avec un fantôme avait été un vrai calvaire. Et maintenant que tout avait été avoué … Elle respectait le fait que Jeanne ait peut-être besoin de temps pour elle toute seule mais, la voir s’évanouir pendant des jours sans prévenir risquait de la mettre dans des états de panique non modérés. Ce qui lui fit penser, qu’en était-il des Démolosses ? Elle avait dit être exliée mais, ne risquaient-ils pas de vouloir se venger ? Elle supposait qu’on ne devait pas quitter un tel groupe impunément. Après tout le Captaine qui avait attaqué son convoi il y a quelques années, avait tué un homme innocent sans hésiter. Jusqu’à quel point serait-il prêts à aller pour une vengeance ? Il fallait qu’elle devienne plus forte, pour son rêve mais aussi pour Jeanne. Elle pouvait pas la laisser s’occuper à elle toute seule de la sécurité du petit groupe.

« Au fait, tu avais parlé d’une sœur. » demanda-t-elle en glissant une mèche de cheveux derrière l’oreille de la guerrière. « Tu sais qui c’est ? Tu aimerais la retrouver ? »

Laurel voulait pouvoir aider Jeanne dans sa quête, quelle qu’elle soit. C’était la moindre des choses qu’elle pouvait faire pour une femme aussi merveilleuse.

Laurel était extrêmement attentive à tout ce que lui disait Jeanne. Elle faisait attention à ne pas faire de commentaires pour la laisser s’exprimer, elle devinait que ça ne devait pas être un sujet facile pour la guerrière. Être séparée de sa sœur, élevée dans un culte assassin et entraînée à tuer, c’était un miracle que la femme ait encore de l’amour en elle. Sa mentor l’impressionnait, chaque moment passé avec elle révélait un peu plus son courage et sa force d’esprit. Laurel n’aurait jamais supporté une fraction de ce que son aimée avait subit.

« Je ne le prends pas mal. Mais, ayant été privée de ta compagnie pendant un petit bout de temps, je peux t’affirmer que … ce n’est pas agréable. Tu es quelqu’un d’extraordinaire Jeanne et ta sœur, qui qu’elle soit, a peut-être besoin de toi. » se justifia-t-elle.

Elle réfléchit ensuite quelques secondes à la question, bien installée dans les bras de sa compagne. Elle trouvait adorable le fait que Jeanne s’intéresse à sa famille et tout aussi mignon son goût pour les bisous. Elle se demandait ce que son mentor allait penser de sa famille. Il y avait tant à dire, par où commencer ? Déjà, qu’est-ce qu’était la vie d’un Démolosse ? Etait-ce si différent de sa vie à elle, sans compter les meurtres en série et les psaumes religieux. Elle avait grandit dans une famille aimante, élevée selon les traditions ranines avec amour et fermeté. Mais, elle avait aussi vécu loin de toute, ne goûtant qu’à de brèves visions de la vie civilisée.

« Eh, bien par où commencer… Ma famille est assez petite, il y a juste mes parents, mon frère, mon oncle et moi. On vit en autarcie de Chevropolis donc on est pas vraiment la famille typique de Ran. » débuta-t-elle

« Mon père est forgeron, c’est de famille, il déteste le chou et adore chanter mais pas devant les gens. Quand j’étais petite je m’amusais à me cacher dans les escaliers de la forge juste pour entendre sa voix. » Elle sourit en se rappelant ce vieux souvenir.

La voix de son père était douce mais forte, le type de voix qui vous fait trembler lorsqu’en colère et fondre lors que murmurée avec amour. Son père malgré sa carrure impressionnante était un grand timide, ce n’était pas étonnant de le voir disparaître pendant plusieurs jours dans sa forge.

« Ma mère vient d’une famille de bourgeois, des marchands. Elle ne supporte pas le désordre et fait les meilleurs plats que j’aie jamais mangé. Quand j’étais petite j’avais tendance à aller explorer la mine à côté de la maison, elle passait des heures à me chercher dans les tunnels. C’était aussi la plus douée pour les parties de Cache-Cache, je crois pas avoir réussit à la trouver une seule fois ! » Dit-elle en insistant bien sur ce dernier point.

Elle n’avais jamais trouvé la cachette de sa mère et celle-ci restait encore un mystère qu’elle aurait bien aimé résoudre. Lorsqu’elle pensait à elle, elle voyait une femme courageuse prête à tout pour sa famille et qui pouvait vous faire trembler d’un regard.

« J’ai 12 ans d’écart avec mon frère. Mes parents on toujours eu du mal à concevoir mais ils voulaient absolument un deuxième enfant. C’est une tête de mule qui n’a pas sa langue dans sa poche. On se dispute souvent mais c’est plus pour la forme qu’autre chose. On adore se faire des blagues, changer les objets de place, planquer des chaussettes puantes sous le lit de l’autre. » Elle rigola un peu à ça mimant le fait de sentir une mauvaise odeur.

Moxien, était le petit dernier. Et avec un aussi grand écart avec le reste de la famille, il se sentait souvent à mis à l’écart ou traité comme un bébé. Heureusement Laurel n’avait pas perdue son âme d’enfant et les deux ensemble résultait en un déluge que chamailleries, jeux plus dangereux les uns que les autres et longues séances d’engueulades par les parents.

« Ensuite il y a mon oncle, il n’a aucun lien de parenté avec nous, c’est un ancien mercenaire, c’est lui qui m’a encouragée à suivre la voie du Chevalier donc … c’est grâce à lui si je suis ici. Il adore lire, c’est pour lui que je suis passée à la Grande Bibliothèque ! »

Elle eu un pincement en cœur. Sa famille lui manquait. Elle se demandait ce qu’ils devenaient, si Moxien, son chenapan de petit frère était toujours avec sa petite amie dont elle avait oublié le nom. Elle espérait aussi que quelqu’un prenait le temps de lire des livres à Amun. Le pauvre, avec sa vue qui diminuait, il avait du mal à lire les textes.

« Je crois que je vais m’arrêter là parce que je pourrais continuer toute la journée. »

Elle se tu pendant quelques secondes. Profitant du confort provoqué par le fait d’être dans les bras d’un être cher. Elle se demandait si Jeanne accepterait de rentrer à Ran avec elle. Elle voulait voir si tout allait bien pour sa famille, surtout considérant les récents évènements qui venaient de chambouler Ekoe. Il restait quand même quelque chose qui la turlupinait.

« Elle sert à quoi la corde si c’est pas pour … euh … enfin, tu sais … » demanda-t-elle en rougissant furieusement. « Je veux dire qu’est-ce que Tourmaline voulais faire avec cette corde ? »

Laurel n’était pas exactement certaine de vouloir savoir. Mais peut-être que c’était une pratique de Démolosse qui n’avait rien à voir avec ce que lui avait raconté un ou deux soldats de manière franchement déplacée. Elle espérait un peu que c’était une pratique Démolosse étrange et totalement innocente. Soudain, un rire maniaque se fit entendre.

« Malta, si tu te fous de m- C’est qui eux ? » S’exclama Laurel surprise.

Voilà qu’un nouveau groupe de pokémon venait d’apparaître, aussitôt Laurel se jeta sur son marteau pour se préparer à une attaque. Si les deux premiers semblaient assez inoffensifs quoi qu’un peu… pervers, peut-être ? A les fixer comme ça avec des yeux brillants. L’autre duo avait l’air tout de suite moins commode. Ou tout du moins plus vulgaire. Et clairement cette grenouille se moquait d’elles mais elle n'avait pas l'air particulièrement violente. Laurel reposa son arme.

« C’est quoi son problème ? Malta, tu veux bien leur demander de partir ? » demanda-t-elle à son dragon.

Malta émis un son narquois avant de tourner un peu sur elle-même pour se coucher par-terre. Laurel la fixa. Malta lui rendit son regard.

« T’es pas sérieuse ?! » Elle se leva en tapant un peu des pieds sur le sol pour ramasser la Captis Ball du Métamorph, sous le rire de la grenouille bleue. Elle laissa sortir la limace. « Hey, tu veux bi- danser ? »

Soudain, une trombe d’eau s’abattit sur le groupe. Danse Pluie. Génial. Elle contempla pendant quelques secondes l’idée d’attraper le truc rose pour le balancer sur la grenouille, ou au moins, taper l’un avec l’autre avant de se résigner. Elle se tourna vers Jeanne désespérée.

« Tu fais pas des cours de respect aussi ? Parce que je pense que j’en aurais un peu besoin. »

Quitte à ne pas avoir de pokémon, autant chasser l’envahisseur soi-même. Laurel décida de courser le quatuor sous les rires de ses pokémons. Elle glissait sur des flaques, se rattrapait de justesse au branches pendant qu’un pokémon lui sautait sur la tête ou lui filait entre les jambes. C’était un jeu épuisant d’esquive, galipettes et autre fourberies enfantines. Au bout d’un moment Laurel revint au près de Jeanne, s’avouant vaincue. Pendant que les pokémons semblaient s’amuser entre-eux.

« Je crois que je suis mal-aimée des pokémons. » se plaignit-elle en faisant un câlin à Jeanne. « Au fait, tu n’as peut-être pas envie d’en parler mais … Les Démolosses ne vont pas essayer de te retrouver ? Je suppose que tu n’as pas trop envie retourner à Ran... » Elle se tu quelques secondes avant de reprendre « Bon, je l’avoue je suis pas très douée pour me faire respecter par les pokémons et je suis certainement pas la meilleure combattante. Mais, quoi qu’il advienne, je ne laisserais personne te faire du mal. »

En écoutant Jeanne parler des Démolosses, Laurel commençait à réaliser ô combien importante était l’influence que ces gens avaient sur elle. Elle entendait le terme « meute » et c’était comme si une trompette sonnait dans sa tête, annonçant une attaque imminente. Tout ce que Laurel connaissait de la manipulation, elle l’avait appris de son oncle, Amun. Il lui avait expliqué que tout commençait en créant un « nous » en opposition aux « autres », en mettant en place cette appellation, la meute, les bandits avaient crée cette division entre eux et le reste du monde. Une meute de Malosses était très territoriale et si le groupe reproduisait un tant soit peu les schémas du pokémons dont ils tiraient leur nom alors il y avait fort à parier que cette division était toute tracée. Et Jeanne venait de lui confirmer aussi qu’elle avait besoin de la présence d’autre humains pour se sentir bien. Et puis il y avait ces histoires d’exil et de punition qui l’inquiétaient au plus haut point. Qu’avait donc subit Jeanne durant son temps là-bas ?

Laurel ferma ses yeux en se calant un peu plus contre Jeanne. C’était une tentative pitoyable de cacher son malaise. Elle était plus qu’heureuse de voir que sa mentor lui faisait suffisamment confiance pour lui partager tout cela mais tout ce qu’elle lui racontait ne faisait qu’attiser la haine que Laurel ressentait pour ce groupe. Elle chercha la main de Jeanne pour la serrer dans la sienne, essayant de lui transmettre son soutient. Laurel se faisait en même temps, la promesse solennelle de ne jamais abandonner Jeanne aux Démolosses. Quitte à ce qu’elle envoie une droite dans la face d’un dieu.

Heureusement pour elle, malgré son sale caractère Malta semblait aimer se battre. Elle était absolument sans pitié dans tous ses affrontements, ce qui parfois inquiétait un peu Laurel. Elle s’était mis en tête de visiter un jour les escarpements avec la Carmache, pour essayer de mieux comprendre d’où elle venait. Visiblement ce ne sera pas pour tout de suite. Peut-être qu’elle pourrait trouver un coin pas trop froid le plus loin possible de Ran pour que Jeanne soit hors de portée des Démolosses. Peut-être dans le nord de Kuni ? Elle avait entendu dire qu’il y avait un petit groupe d’îles volcaniques. Ça pourrait être une bonne idée d’aller là-bas pour des vacances prolongées. Loin de tout. Loin du culte.

« Ok, montre-moi. Je suis toute ouïe. » dit-elle.

Laurel regarda Jeanne se lever en prenant ses armes, ce qui n’était pas très rassurant mais la Ranine lui faisait confiance pour ne pas tuer son pokémon. Elle s’assit en tailleur pour écouter les explications pertinentes de la femme. Tout ce qu’elle disait lui semblait assez logique. Elle allait juste devoir être plus ferm-

Couic !

Laurel se leva d’un bond, les yeux écarquillés. Malta fit de même en dévoilant ses crocs et gonflant sont dos comme un gros chat. Elle n’avait jamais vu Jeanne comme ça. Ça la terrifiait. La Carmache ne semblait pas à l’aise non plus, elle feulait, ses pupilles fendues. La femme semblait prête à tuer et pour la première fois depuis qu’elle l’avait rencontrée, Laurel ne se sentait pas en sécurité avec elle. La Ranine avala sa salive et tendit sa main vers Jeanne ou était-ce Croc Bleu ?

« Hey. Jeanne, ça va aller, c’est pas si grave. » tenta-t-elle la voix légèrement tremblante. « Tu peux … Est-ce que tu peux baisser tes armes, s’il te plaît ? »

Elle fit quelques pas hésitants vers Jeanne avant de doucement prendre son poignet pour écarter la lame du pokémon. Elle cherchait la tendresse qu’elle voyait si souvent dans les yeux de sa dulcinée.  La froide main de l’angoisse semblait alourdir ses émotions et enserrer sa gorge dans un étau étouffant.

« Jeanne, je t’en prie. Tu me fais peur. »

Elle ne reconnaissait pas la femme qu’elle avait apprit à aimer. En face d’elle n’était rien d’autre que Croc Bleu, la Capitaine des Démolosses d’Yveltal, cruelle et sans pitié. Celle qui écrase les faibles et se moque des imbéciles. Celle qui prend et qui prend et qui prend sans jamais regarder en arrière. Elle voulais se rassurer, se dire que ce n’était pas Jeanne. Mais elle savait au fond d’elle qu’il lui faudrait du temps, beaucoup plus de temps pour se défaire des chaînes de son passé. Elle la voyait ainsi elle se demandait ce qu’elle aurait fait à Malta. Ce qu’elle pouvait lui faire à elle. Que se passerait-il si Laurel venait à dire un mot de travers, une phrase qui déplaît ? Elle voulait croire de tout son cœur que Jeanne ne dégainerait pas ses lames. Elle voulait pouvoir avoir la confiance absolue qu’elle ne lui ferait jamais de mal à elle ou à ceux qu’elle aimait. Mais elle ne pouvait pas.

Le cliquetis des armes sur le sol la fit tressaillir. Laurel essaya de reculer de quelques pas alors que Jeanne semblait sortir de sa transe mais la femme la retenait dans ses bras. La Ranine mis sa main dans le dos de la guerrière. Elle voulait la calmer, détourner son attention des pokémons. De Kurana  qui filait se réfugier auprès du dragon. De Malta qui tremblait en grimpant à l’arbre pour s’éloigner de la femme. Mais, Jeanne la relâcha.

« Jeanne... »

Elle vit les pokémons de cette dernière tout aussi chamboulés par l’action de leur dresseuse. Laurel voulu la retenir mais voilà qu’elle repassait devant elle pour prendre ses armes. Encore une fois, Laurel recula, pour la laisser partir. Chasser. Tuer. La Ranine recula encore jusqu’à l’arbre, elle cherchait le confort de ses pokémons. Malta baissa sa tête jusqu’à elle pour la traîner contre le tronc, l’éloigner de Jeanne. Laurel pris un grande inspiration. Elle avait côtoyé la mort trop souvent ces derniers temps, ça la mettait sur les nerfs.

« Malta, Kurana, ça va ? » demanda-t-elle en levant la tête pour regarder ses pokémons.

Le Métamorph était couvert d’une fine pellicule translucide qui semblait refléter le soleil. Armure. Le cœur de Laurel se serra. Ce n’était pas Jeanne. Elle refusait de la voir ainsi. De la laisser être réduite à ça.

« Ça va aller. Tout va bien, je suis là. » les rassura-t-elle en caressant la tête de sa Carmache.

Elle n’avait jamais vu Malta dans un état pareil. Dans les flammes, face à la toundra, peut importe les ennemis qu’elles avaient affrontés elle avait toujours été la première à rugir, sans peur. Il fallait qu’elle fasse quelque chose. Elle s’avança vers Jeanne et Âtre.

« Hey, ça va ? » lui demanda-t-elle.

Elle se rapprochait du duo, n’étant qu’à quelques pas lors qu’un bruit la fit sursauter avant qu’elle ne se fasse tirer en arrière. Laurel tomba sur ses fesses avant de se faire traîner en arrière.

« Malta ! Lâche-moi ! Malta ! » protesta-t-elle en se débattant.

La Carmache l’avait attrapé par l’arrière de la chemise et la tirait vers l’arbre où s’était réfugié le Métamorph. Loin de Jeanne. Il y avait une urgence dans ses gestes. Quelque chose de gravée en elle, comme l’agressivité de Jeanne l’avait été. Un ancien traumatisme qui la poussait à craindre la femme que sa dresseuse aimait. Laurel réussit à se tordre pour attraper le dragon par ses cornes.

« Lâche-moi, maintenant ! » gronda-t-elle.

Le pokémon se figea.

« Je t’ai dit de me lâcher. » répéta-t-elle.

Lentement Malta retira ses crocs du tissu déchiré. Elle implorait Laurel du regard. « N’y retourne pas. ». La Ranine lui ordonna de rester ici. Il fallait qu’elle parle avec Jeanne. Qu’elle comprenne, qu’elle mette tout cela au clair. Elle avait peur que la Carmache n’ait fait qu’empirer les choses. Elle se retourna vers Jeanne.

« Ne pars pas ! » implora-t-elle « Jeanne s’il te plaît parle moi, qu’est-ce que c’était que ça ? »

Plus loin, Malta restait sur la défensive, prête à bondir alors que les rayons du soleil commençaient à filtrer à travers la masse de nuage invoquée par Danse Pluie. Laurel suppliait Jeanne du regard. Ne t'enfuis pas.

Elle pouvait bien voir que Jeanne était aussi tendue qu’elle. Ses doigts étaient crispés sur le pommeau de ses armes. La femme se tenait droite comme si elle devait faire face à un tempête et l’endurer avec tout son corps. Laurel ne souhaitait pas être cette tempête. Pourtant, elle la voyait se refermer sur elle-même. Élever ses murailles pour la pousser, elle et les autres le plus loin possible. Malta pressa sa tête contre son épaule. Laurel entreprit de lui caresser le crane, laissant ses doigts courir sur les écailles sombres comme elle le faisait certaines nuits.

« Alors peut-être, laisse moi t’expliquer ? » proposa-t-elle doucement.

« Je ne pense pas que la force vienne du fait de soumettre les autres mais de la confiance en l’autre. Quand je t’ai vue pour la première fois, j’ai été impressionnée - je le suis toujours - par la femme que j’ai vue. J’ai vu une femme douce qui prenait soin de ses pokémons, dont la force venait de sa technique au combat. Pas ta rage, ni ta froideur. Juste toi, tes muscles, ton entraînement. »

Elle continua, d'un voix toujours aussi calme et sereine. La surprise était passée, la tension retombée. Elle avait besoin de se rassurer, se prouver à elle-même que Jeanne le la blesserait pas.

« Lorsque tu soumets quelqu’un par la force, tu lui enlève son libre arbitre. Ce n’est pas du respect, c’est de la crainte. Et c’est là où se trouve la fine ligne entre un chef et un tyran. »

Elle lâcha Malta pour s’avancer vers Jeanne, cette fois ci elle savait que le dragon n’allait pas la retenir.

« Tu n’as pas à prouver quoi que ce soit. Tout le monde ici te connais pour la femme forte et extraordinaire que tu es. »

Elle tendit doucement sa main pour la faire glisser le long du poignet de Jeanne jusqu’à son épaule, sa nuque avant de s’arrêter sur sa joue. Elle plongea son regard dans celui de la femme. Comment la rassurer ?

« Tu n’as rien à me prouver. Tu peux prendre ton temps avec ces choses là. Je veux être quelqu’un en qui tu peux avoir confiance. Que tu aies tes armes en main, ou non. La confiance, ça se mérite, ça s’apprend. Et il nous reste encore beaucoup à apprendre, mon Amour. »

Elle posa un baiser sur ses lèvres, pour lui montrer que ça allait. C’était juste une frayeur. Elles pouvaient apprendre à leur rythme les limites de l’autre. Il n’y avait pas besoin de se presser, elles avaient le monde devant elles. Elle regarda Âtre qui galopait tout autour du camp. Le petit poussin énergétique semblait loin maintenant, voilà qu'elle avait devant elle un téméraire guerrier qui avait encore beaucoup à apprendre mais qui était sur le droit chemin.

« Maintenant, si tu veux prendre un peu temps pour souffler, vas-y. Tout va bien, je m’occupe des pokémons et on pourra se cuisiner quelque chose avec ce que tu nous ramènera, d’accord ? Évite juste les machins violet qui crachent de la fumée, un petit doigt m’a dit que c’était pas très sympa. »

Elle sourit. Pour détendre l'atmosphère, pour lui prouver que ça allait, pour relâcher la tension. Et les nuages gris quittèrent finalement le ciel. Dame Fortune protégez-la, aidez-la. Chassez les ombres de son esprit et brisez les entraves du Seigneur de la Mort. Laissez-la libre de tout tourment.

Laurel sentit Jeanne se détendre, les muscles de ses épaules se relâchèrent, sa poigne sur les armes se fit plus molle. La guerrière la regardait avec tendresse et supplication. Passant ses bras autour de sa taille pour déposer un baiser dans sa nuque. Laurel laissa échapper un soupir, fondant dans son embrasse. La femme blonde avait le don de faire naître mille-et-une émotions en son sein. C’était presque aussi irritant que merveilleux. Elle enfouit son visage dans la nuque de Jeanne, y déposant une série de baisers.

« La patience porte toujours ses fruits. J’ai lu ça dans un livre. » Elle prit quelques secondes de réflexion. « C’est aussi un livre ou le héro devient super invisible en mangeant un fruit louche donc c’est peut-être pas le bon exemple. » Elle continua. « Tu essayes Jeanne, tu apprends. Même si tu fais des erreurs en cours de route, c’est pas grave. Je suis là. Je t’aime. »

C’était fou comme ces trois petits mots avaient toujours eu un léger sens d’interdit. Comme une incantation que l’on murmure au creux de la nuit. Pourtant avec Jeanne, ils semblaient s’envoler. Filant au coin de la bouche pour aller se nicher dans le cœur de l’autre. Ils avaient gardé leur caractère éthéré mais la sombre angoisse qui les avait retenus pendant si longtemps s’était évaporée. Ils étaient libres, libres d’aimer.

Derrière elle, Malta se détendait peu à peu mais gardait sa méfiance. Elle voyait bien ce qui se passait et jugeait terriblement sa dresseuse. Mais, si c’était elle qu’elle avait choisi alors le dragon savait que ce n’était pas à elle de s’interposer. Au contraire, la Carmache entreprit de récupérer la limace perchée avant de porter son attention sur les intrus un peu trop curieux à son goût. Quelques pokémons ça passait, mais là, c’était une véritable invasion. Elle entreprit donc de les chasser, attrapant la queue du serpent pour le projeter d’un coup sec dans l’eau avant de grogner sur le reste de la troupe pour les faire fuir. Une fois cela fait elle se dirigea vers le petit groupe de pokemon pour les encourager à aller dormir un peu plus loin du couple.

Laurel la regarda faire avec une certaine fierté. Si on lui avait dit il y a quelques années que Malta allait respecter sa vie privée, elle ne l’aurait jamais cru. Mais, plus important que le dragon en ce moment était la femme qui la tenait dans ses bras. Laurel fit glisser tendrement un doigt sur les lèvres de Jeanne.

« Tu me le prouveras ? Et comment ? » demanda-t-elle malicieusement. Elle embrassa Jeanne. « Comme ça ? » Elle lui fit un autre baiser, descendant le long de sa nuque. « Ou plutôt comme ça ? » susurra-t-elle.

Elle prit le bras de Jeanne pour l’entraîner vers la couette. Elle s’assit sur le tissu, relaxée. Elle sentait comme des papillons dans son ventre et cela n’avait rien de déplaisant. Laurel se pencha doucement pour souffler à l’oreille de Jeanne, posant sa main sur sa taille, l'invitant à partager avec elle cette nuit.

« Montre-moi. »