« L’air qui imprègne ces lieux est impur.

-Vous avez raison. »


Les cheveux attachés, sa tiare draconique sur la tête, l’archevêque a laissé sa place à la guerrière. Pour cette fois, il n’y a pas de cible à abattre. Les temps sont étrangement calmes.

Les ruines de Leros sont un lieu que Galatea a toujours voulu visiter. D’aimables Kuniois se sont proposés pour lui faire la visite ; elle a décliné la proposition avec politesse. Cet endroit est bien trop mystérieux et ancré dans le passé qu’on le visite comme s’il s’agissait d’un simple lieu touristique.

Galatea approche doucement, sa main effleure quelques pierres. Ses yeux se promènent sur tout ce qu’il est encore possible de voir. Les ruines ont ce petit quelque chose que des endroits habitués n’ont pas. La mort y règne malgré l’abandon.

La femme se tourne vers l’ombre qui la suit.

« Deirdra. Ressens-tu la rancune qui respire toujours ? »

La Fantyrm se montre à la lumière, sollicitée. Elle observe un mur écroulé un instant, puis hoche la tête. Oui. L’amertume est là. C’est celle des perdants, des victimes d’une guerre qui les dépassait.

« Rendons grâce à ceux qui ont nourri ce sol de leur sang. »

Elias approuve silencieusement. Il connait bien Draco ; il savait ainsi qu’en venant en ces lieux, elle souhaiterait déposer quelques fleurs et adresser des prières. Sa bonté l’empêche de passer un lieu damné sans y apporter une touche de sa lumière. L’homme fait signe à son Noarfang aux plumes dorées, celui-ci porte des tiges entre ses serres.

Des chrysanthèmes.

« Voici les chrysanthèmes. »

Galatea se redresse avant avoir caressé doucement la terre d’un geste maternel. Rendre grâce en toute humilité pour plaire aux dieux. Ils ne déposeront pas plus que ces fleurs pour ne pas flatter inutilement ceux qui ont péris. Ils n’en ont plus besoin.

L’archevêque attrape avec délicatesse les chrysanthèmes, puis elle hume leur doux parfum un instant. Ces fleurs sont superbes et parfaites pour honorer la mémoire de ceux qui ont rejoint les divinités trop tôt.

Le prochain geste de Galatea est de déposer le tout près d’une tombe érigée ici symboliquement. Personne ne gît à son pied. C’est une sépulture collective pour que tous les habitants de Kuni puissent venir s’y recueillir.

Une fois les fleurs au sol, plus rien ne se passe. L’archevêque ferme les yeux et joint ses mains pour prier et rendre grâce. Son bras-droit est imperturbable, comme à son habitude. Même son oiseau s’est posé pour ne pas troubler la quiétude des lieux.

Les ruines sont silencieuses. Elles se remémorent les doux moments où la vie grouillait en leur sein. Des enfants qui courent et poussent des cris de joies. Les commerçants qui gagnent leur vie. Les mères qui échangent sur les derniers potins de la ville de Leros.

Tout cela n’est plus.

« … Puissiez-vous Yveltal, veiller sur ces malheureux. »

La voix cristalline de Galatea réveille les ruines et tirent les vivants de l’étreinte du silence. Elle couve le bouquet d’un regard aimant. Que ce sort ne soit jamais celui de Chevropolis, la ville natale de l’archevêque.

« Que désirez-vous faire, Lady Regalia ?

-Restons encore un peu. Il est de notre devoir de vérifier que ces lieux ne sont pas souillés. Même ici, à Kuni. »

La dame n’est peut-être pas tout à fait dans le vrai. Ce n’est pas elle, en tant qu’archevêque de Ran, qui doit se charger de cette tâche. Toutefois, son devoir sacré s’étend, selon elle, bien au-delà des frontières établies par les dirigeants d’Ekoe.

L’archevêque suppléant hoche la tête. Ils se remettent alors en route, leur Pokémon toujours dans leurs ombres comme les veilleurs qu’ils sont.

RP Solo

Ô silence qui règne sur le monde des morts. Que sa présence est déroutante pour les moins aguerris. Mais Galatea n’est pas de ceux-là. Pieuse, elle a l’habitude de côtoyer le néant. Aucune parole, aucun bruit parasite. Simplement le monde et le reflet de sa réflexion…

Ces ruines sont bénies par le silence. Galatea se complait dans cet endroit vestige d’un passé sanglant. Où que son regard se pose, elle imagine ce qu’était la vie avant le drame. Dans ses oreilles, elle peut encore entendre le bruit du métal contre l’enclume d’une forge. Ou bien le rire des enfants et leur pas qui résonnent sur les pavés.

Le sol est, d’ailleurs, bien dénudé. Le temps et la nature ont repris leur droit en grand majorité. Les pierres qui servaient de chemin sont rares. C’est la terre et les plantes qui permettent de marcher.

Pour Galatea, il faut prendre le temps d’étudier ces ruines. Se souvenir des erreurs passées pour éviter de les commettre à nouveau. Mais la naïveté ne l’accable pas. Elle sait la nature humaine pour l’avoir en face d’elle tous les jours passés sur la noble terre. Les humains sont vils. Avides de sang et de richesse, ils tuent pour leurs idéaux.

Mais la femme n’est pas exception. Sotte elle serait de prétendre le contraire. La sécurité de Chevropolis, et de Ran lui tiennent à cœur, elle n’est pas la dernière pour partir au combat et couler le sang. Elle tente simplement de faire entendre raison à ces ennemis avant de passer à l’attaque.

Peut-être la guerre entre Sakai et Kuni aurait-elle pu être évitée. Selon Galatea, si tous les Hommes croyaient aux mêmes dieux, il y aurait moins de conflit. Les dieux sont justes et bons. Ils soufflent aux Hommes les actions à entreprendre pour le bonheur de tous. Mais guère nombreux sont ceux qui tendent une oreille attentive à ces recommandations…

« Nous avons de la compagnie. » Constate la dame avec un sourire.

Deidra est celle qui a repéré le duo en premier. La dragonne a ensuite indiqué l’endroit de la cachette à l’archevêque.

C’est un Moumouton et un Chaglam, un peu trop curieux pour rester parfaitement à l’abri. Une chance pour eux, le duo de religieux n’est pas là pour leur faire mal.

« Chers enfants d’Arceus, merci de votre présence. J’espère que vous veillez sur ces lieux. »

La question n’est pas très bien reçue de la part des Pokémon. Rien d’étonnant, mais il est dans la nature de Galatea de s’enquérir de tout et de rien. Elle sait que ces petits-là sont incapables de garder un œil vigilant sur les environs. Peut-être même sont-ils trop jeunes pour se rendre compte de l’aspect sacré des ruines.

Elias les jauge de ses yeux d’apparence insensible. Il n’est pas aussi enthousiaste que Draco vis-à-vis de ces petites créatures.

D’autres se cachent sûrement non loin des deux humains.

RP Solo

L’archevêque tend soudainement l’oreille, alerté par des cris on ne peut plus étranges. La dame échange un regard curieux avec celui qui la seconde. Elias est impassible, il se contente d’hocher la tête sans rien ajouter. Il devine déjà les intentions de Galatea.

La femme s’avance d’un pas assuré, mais léger. Que personne ne foule cette terre sans le respect qui lui est dû.

Les deux petits Pokémon sauvages sont restés à l’arrière. Leur instinct les pousse à voir ce que cette créature humaine a déposé devant le rocher des Hommes. Ils se dirigent donc vers la sépulture anonyme et universelle, pour y découvrir la douce senteur des chrysanthèmes.

Galatea se laisse guider par le bruit. Plutôt rauque, cela n’est pas spécialement agréable. Mais pour la femme d’Eglise, il est de son devoir de n’écarter les talents de personne. Tous les enfants d’Arceus possèdent ce droit fondamental de s’exprimer. Jusqu’à ce qu’ils se dressent contre Draco, bien évidemment. La volonté des dieux doit être servie avec la plus grande des ferveurs.

L’archevêque tombe rapidement sur le responsable du concert improvisé. Il s’agit d’un Arkéapti, très heureux d’avoir pour seul public un noir Rattata. Galatea lie immédiatement ses mains ensembles : elle est ravie de cette initiative de la part de l’oiseau primitif. Le plus probable est qu’il pousse la chansonnette pour son bon plaisir. Mais la croyante se plaît à croire que c’est un hommage.

Elle s’approche avec calme, Elias dans son ombre avec son hibou qui surveille le sol depuis les cieux sacrés.

« Bien le bonjour, cher enfants de notre Père. Puis-je me joindre à vous le temps de cette performance ? »

Déboussolé, le jeune volatile se retourne et voit la grande femme, parée de son allure guerrière. Il déglutit dans un premier temps, avant d’analyser les paroles de cette inconnue. Il semble qu’elle apprécié sa voix ! Une aubaine pour l’Arkéapti. Il se racle la gorge à sa manière, puis salut respectueusement son nouveau public.

Galatea n’en demande pas plus. D’un rire aussi discret qu’une brise, elle prend place à même le sol. Jamais elle ne ferait l’affront aux anciennes ruines de s’y asseoir. Elias reste debout, il croise les bras. Pas qu’il soit mécontent, mais c’est dans son habitude.

L’oiseau primaire débute un nouveau chant. Sa voix n’est pas plus limpide, mais elle gonfle le cœur de l’archevêque de passion. Il est rare de voir des Pokémon qui usent ainsi de leurs cordes vocales. Si en plus cela permet de rendre hommage aux victimes, Galatea ne peut qu’en remercier les saints.

Le singulier spectacle finit par prendre fin, sous le regard maternel de Draco. Elle s’autorise un discret applaudissement pour remercier comme il se doit le Pokémon. Celui-ci semble gêné, et très heureux.

« Que la grâce te touche, cher ami. Cultive ta voix, tu es capable de bien plus. Il te suffit d’y croire, et tout commence par ici… »

Galatea se penche vers l’Arkéapti qui recule d’un pas, puis se laisse amadouer par le comportement tendre et mystique de l’humaine. L’archevêque pose ensuite un doigt délicat sur le poitrail du volatile, lui indiquant le cœur.

Le petit est bouche-bée, dévoilant au passage ses formidables rangées de canines. Une chose est sûre, il n’oubliera pas sa performance dans cet endroit désert. Même le rat lui est reconnaissant pour sa gentillesse.

« Bien, Elias, nous pouvons partir. Je n’ai rien vu qui fasse offense aux dieux et aux défunts. » Assure la jeune femme.

L’archevêque suppléant hoche une nouvelle fois la tête. Tout lui convient. D’un regard vers son Noarfang, il lui indique de revenir dans Ball. Le hibou se presse et s’exécute.

Quant à Deirdra, elle a apprécié la voix de l’Arkéapti dans l’ombre, probablement trop gênée pour l’écouter d’en face. Mais Galatea n’est pas inquiète de voir sa dragonne disparue. Elle sait qu’elle est là pour couvrir ses arrières.

Le duo religieux fait donc demi-tour, sous le regard des deux créatures.

RP Solo

« Ressens-tu ce que je ressens, Elias ?

-Oui, Lady Regalia. »

La dame est formelle, solennelle. Des yeux sont posés sur le duo, et plus particulièrement sur elle. Mais elle n’est nullement dérangée par la sensation. Elle l’accueille avec son cœur. Lorsque le moment sera venu, il se présentera à eux, comme le dieu des ruines le veut.

D’un pas élancé, Galatea passe devant un Chaglam irrité. Il feule de tout son être, crache son venin pour faire fuir l’adversité. La femme baisse les yeux vers le chat, qui prend peur et qui s’enfuit pour trouver refuge derrière un mur oublié. Un sourire naît sur son visage laiteux.

Elias détourne le regard pour suivre des yeux le chemin pris par le Pokémon. Il n’est à point douter que l’archevêque ne le laissera pas ainsi. Il ne dit donc rien, préservant sa salive pour une intervention plus efficace peut-être.

Galatea, guidée par une volonté divine, s’approche donc du félin apeuré. Elle lui tend la main et esquive de peu des griffes acérées.

« N’aies nulle crainte, mon jeune ami. Si tu es devant moi, c’est que la volonté de ceux qui veillent doit être accomplie. »

Le Chaglam recule un peu, avant de se lover contre le mur. De son point de vue, la femme explique des choses qu’il ne comprendra sûrement jamais. Mais puisque de sa grandeur d’âme elle souhaite l’aider… Il se laisse toucher.

La main de Galatea parcourt donc avec délicatesse ce pelage gris comme les cendres. De la douceur s’en dégage, malgré le gonflement des poils. L’esprit maternel de l’archevêque parle pour elle, comme mué d’une volonté propre. Divin moment de bonheur.

Le chat se met à ronronner après plusieurs minutes de tendresse. Jamais il ne s’était senti aussi bien sous la main d’un Homme.

« De la crainte, tu dois tirer ta force. Jamais le poids de l’adversité ne doit t'écraser. » Conseille la femme aux cheveux verts.

Interpellé, le Chaglam redresse doucement la tête. Dans son regard de félin peut se lire de la détermination. Fraîche et nouvelle comme la rosée du matin. Du courage, il lui en faudra. Mais il peut tout aussi bien commencer par le commencement. Sa genèse personnelle de l’âme. Il est un temps pour tout.

Le Pokémon sauvage se promet d’essayer d’être moins sur ses gardes. S’il ne feule plus après le monde entier, dans un élan de défense, peut-être parviendra-t-il à trouver sa propre voie ? La femme sait être convaincante. Avec un tel regard de jade, il est difficile de ne pas lui faire confiance.

Ô volonté des dieux ! Voilà un égaré remit sur le droit chemin.

Nouveau, le Chaglam s’étire sous les doigts agiles de Galatea. La peur habite toujours son cœur, qui dans ce monde peut prétendre ne pas en avoir ? Néanmoins, il s’est trouvé un nouvel objectif à atteindre. Les ruines sont excellentes pour s’entraîner. La prochaine fois que des humains passeront dans le coin, il ira à leur rencontre. Le destin décidera du reste.

« Bien. C’est très bien mon ami. Fais confiance à ton cœur, mais ne le laisse pas s’emballer. Tes émotions t’appartiennent. »

Calmement, la dame se relève et laisse le félin en tête-à-tête avec ses propres réflexions.

De retour près d’Elias, Galatea échappe un autre sourire. L’archevêque suppléent ne fait pas de commentaire, mais n’est nullement agacé par le comportement de la croyante. Chacun son devoir dans ce monde.

Il semblerait que l’observateur de tout à l’heure ait lui aussi besoin de trouver sa place.

D’un bon gracieux, le Pokémon sort d’un buisson dont les feuilles renaissent. Le Riolu ouvre les yeux, lentement, pour produire son petit effet. Il stoppe immédiatement la marche des deux humains. Galatea l’attendait.

« C’est un honneur, mon enfant. »

Portée par l’allégresse, la femme s’incline légèrement pour le petit loup bleu. Ce dernier lui rend cette salutation avec tout le respect dû. Deirdra arrive à la suite de Galatea. Elle décide de tourner autour du Riolu sauvage pour le tester, le jauger.

Il ne bouge pas, imperturbable comme l’eau d’un ruisseau.

Bien. Si les dieux le veulent, cet enfant d’Arceus fera l’affaire. La dragonne donne son accord à l’humaine, dont le regard pétille du feu sacré. Il est de ces rencontres qui ne trompent pas. Un chemin en croise un autre. Pour le meilleur, comme pour le pire.

« Je devine ton choix, et saches qu’il est réciproque. Depuis que tu nous observe, je n’attendais que de pouvoir faire ta rencontre. Les divinités ne mentent jamais. »

Le Pokémon est on ne peut plus d’accord. Bien campés sur ses deux petites pattes, il offre un regard qui veut tout dire. Pas besoin de mots dans ces moments fatidiques.

Galatea s’approche ensuite, afin de poser un genou à terre devant la créature au pelage brossé par un vent divin. Sa main se pose délicatement sur la joue du Riolu, comme le fait une feuille qui tombe sur la surface d’un lac.

Leur lien est éternel.

Mais il semble que les dieux soient aussi des farceurs. De la lumière naissent les ténèbres. Au loin, des personnes arrivent. Au nombre de trois, nul ne connait leur intention, mais avec leur démarche, ils n’inspirent pas confiance.

Attentive comme une mère, le chevalier sain qu’est Galatea se redresse dans toute sa splendeur.

« Notre mission commence maintenant, mon ami. »

Le Riolu hoche la tête, déterminé. Elias est prêt, lui aussi. Pour la tranquillité, et le silence impérial de ces ruines, ils sont prêts.

RP Solo