air frais de la montagne faisait un bien fou, elle pouvait finalement respirer correctement. Sindri les guidait à travers l’environnement, ses origines nordiques étant mises à profit dans ce territoire inhospitalier. Lui aussi semblait heureux d’être ici, si seulement cette sortie n’avait pas été le résultat de tant de chamboulements, ils auraient pu réellement en profiter. On pouvait entendre dans la brise le chant de quelques oiseaux et Bravoure aurait même juré avoir vu un gueriaigle planer. Comme l’avait théorisé les érudits la nature n’avait pas été affectée par l’arrivée des bêtes. La question qui restait en suspend était : Mais pourquoi les humains l'avaient-ils été ?

Confortablement installée sur le dos d’Eldr, l’arcanin de son garde, elle griffonnait des notes de ce qu’elle voyait et déduisait pour faire un rapport aux érudits à son retour. Elle reste du temps elle était entrain de s’agripper à la crinière du pokémon feu de peur de tomber, c'était que le pokémon bougeait beaucoup. La majestueuse créature ne semblait pas s’en formaliser, elle portait sur son dos tous les vivres et le nécessaire pour la survie dans la nature. Le voyage aurait été bien plus compliqué sans lui. Sindri menait la marche à pieds ce qui lui laissait plus de manœuvrabilité même si c'était surtout pour épargner au pokémon le fait de devoir porter deux personnes. Bravoure était bien loin du confort du palais Obscur. Les zarbis avaient été bien inquiets de la voir partir. Le garçon était cependant optimiste, le voyage ne devrait pas prendre trop longtemps et elle serait de retour d’ici une semaine.

Son départ n’avait évidemment pas été accueillit avec l’unanimité mais il était évident qu’il fallait en apprendre plus sur l’origine de ce phénomène et les érudits n’étaient pas équipés pour faire face à une telle traversée. Il aurait fallu mobiliser un petit bataillon qui serait parti des mois durant… Ce n’était pas réalisable, pas maintenant où l'armée était d'autant plus nécessaire. Au final, une à une les voix de l’opposition se sont tut et Bravoure pour partir avec quelques jours de retard sur son calendrier. Un léger doute persistait quand même. Elle laissait Assam seul sans surveillance à Sakai, il n'y avait qu'à espérer que ses conseillers ne seraient pas assez fou pour lui faire confiance.

Si elle-même n’avait pas eu l’occasion de tester les limites de sa magie, Sindri lui utilisait toutes les occasions possibles et imaginables pour jouer avec son feu intérieur. Il n'était plus limité par les lois du Palais et la Chef ne jugeait pas son caractère. Il faisait aussi un bon sujet d'étude pour le rapport qu'elle était entrain d'écrire. Il n’était pas près de maîtriser son don mais au moins il se fatiguait de moins en moins, son entrainement militaire devait aider. Le regarder faire inquiétait néanmoins Bravoure et ce pour des raisons bien différentes des préjugés sur les tendances pyromane du garçon. En effet, contrôler ces pouvoirs n’allait pas s'avérer être aussi facile que prévu. Ils commençaient à peine à les découvrir et n'en comprenait pas l’étendue. Pour certains c’était évident, ils communiquaient avec tous les dragons ou se mettaient à entendre parler le pots de fleur, pour d’autre c’était un autre mystère à découvrir.

« Dame Bravoure ? »

« Oui Sindri ? »

« Je n’arrête pas d’y penser depuis qu’on a commencé l’ascension mais… si on venait à tomber sur ces créatures, j’aimerais que vous partiez loin sans vous retourner. On ne sait pas si elles sont hostiles mais si c’est le cas, Sakai ne peut pas se permettre de perdre sa Chef. » expliqua-t-il d’une voix sombre.

Bravoure resta silencieuse quelques secondes. Personne n’avait jamais proposé de se sacrifier pour elle. Le garçon ne savait pas ce qu’il disait.

« On veillera à ne pas en arriver à là. » déclara-t-elle, terminant cette conversation.

Le trajet continua dans un silence plus lourd. La Dame de Sakai ne s’inquiétait pas vraiment des abominations, tous les rapports qu’elle avait reçus lui confirmait qu’elles avaient disparues. Que ce soit à Ran, Kuni ou même Mido, aucune trace des bêtes ne restait. Si le Palais n’avait pas été défiguré elle aurait presque pu croire à un songe. Ça compliquait la tâche pour les érudits évidement, comment comprendre quelque chose d’aussi éphémère ? Elle avait néanmoins confiance en ses citoyens, s’il y avait bien une nation qui pouvait percer ce secret c’était la sienne.

Sindri s’arrêta brusquement, Eldr avait le museau au sol, il reniflait quelque chose. Le garçon lui fit signe de rester silencieuse pendant qu’il détachait sa hache de la selle de l’arcanin. Vengeance se glissa lentement le long de son bras pour se glisser sous la paume de Bravoure. En cas d’agression physique, elle pourrait empoisonner les ennemis qui s’approcheraient trop prêt. Le rouquin fit le tour du pokémon feu, regardant le sol pour tenter de récupérer des informations avec les traces laissées au sol. Ils n’étaient pas très haut dans les pics, préférant rester à une hauteur où la pression de l’air n’était pas trop forte pour accommoder les poumons de la chef, ça leur permettait d'éviter le territoire des gros pokémons mais les mettait en zone toute désignée pour les attaques de hors-la-loi. Sindri se positionna à côté de la Dame.

« J’ai cru entendre quelque chose et Eldr a senti une présence mais je arrive pas à déterminer si c’est un pokémon ou autre chose. Je pense qu'on est repéré. Il serait plus sage de faire demi-tour. » chuchota-t-il en caressant la crinière de son pokémon.

Bravoure pouvait sentir l’aspicot trembler contre sa peau. Elle leva les yeux vers les pics. Selon les estimations ils devraient se trouver non loin d'un précipice. Ils espéraient trouver quelque chose dedans et c'était le seul chemin pour y accéder. Les autres étaient soit trop dangereux soit impraticables depuis la tempête. S'ils faisaient demi-tour leur seule option pour récupérer des informations serait de s'aventurer dans les sommets et elle n'avait pas les poumons pour. Bravoure
secoua la tête.

« Non, continuons. On est limité dans le temps. » elle ne s’étendit pas plus sur ses raisons.

Sindri fit une moue inquiète avant de raffermir son emprise sur le manche de sa hache. Il tapota doucement l’arcanin pour le faire avancer. Eldr marchait à pas feutrés, prêt à bondir à la moindre occasion. A ce rythme-là ils n’étaient pas près d’aller bien loin. Bravoure soupira.

« Baisses cette arme veux-tu, ou non, attends. Comment se comporterait un guerrier inexpérimenté dans cette situation ? » chuchota-t-elle.

« Il serait sur les nerfs en train de regarder dans tous les sens en serrant son arme près de son corps. » répondit-il sur le même ton. « Pourquoi ? Vous voyez un guerrier inexpérimenté ici ? »

« Non, Sindri mais ce serait bien que ceux qui nous observent le croient. » répliqua-t-elle. « Fais l’idiot comme quand tu regardes Ketil. »

Le garçon bafouilla, son visage taché prenant une teinte aussi rouge que celle d’un magicarpe. Il fit quand même l’effort de prétendre être apeuré. Sindri était un horrible comédien, ses yeux restaient alertes là où son corps rigide luttait pour reprendre une forme martiale. Il était comme un pantin dans les petites représentation de rues, sauf que ce n'était ni fluide, ni crédible. La chef de Sakai soupira avant de lui tendre sa main.

« Oh, mon brave enfant, rassurez votre pauvre mère ! » dit-elle à voix haute d’une voix tremblante.

Le pauvre garde glapis avant de timidement prendre la main de sa Dame. Ah, cette fois-ci il avait vraiment l’air stressé. Heureusement le garçon avait l'esprit rapide. Elle s’éventa avec sa main libre, laissant Vengeance glisser le long de sa manche loin des regards. Les fourrures qu’ils portaient trahissait leur rang tout comme les armes de bonne facture et le cuir renforcé qui servait d’armure à Sindri. Si c’était des pokémons leur petite mise en scène ne servirait à rien dans le cas contraire, des bandits pourraient être tentés d’attaquer ce duo improbable et être surpris par les compétences du jeune garçon. Le nombre n’était clairement pas de leur côté.

ne jeune femme aux cheveux bleus. Bravoure fronça les sourcils en la voyant apparaître. Elle s’était attendue à des guerriers armés couverts de peaux et hurlant comme des bêtes. Il fallait dire aussi qu’elle n’avait pas souvent été attaquée par des bandits. Difficile donc, d’être correcte. Ses yeux s’arrêtèrent sur les pokémons qui accompagnaient la demoiselle. Tous atypiques. Clairement pas le type de pokémon que l’on affiche sans réfléchir. Appât ou sottise ? Elle reporta son attention sur la jeune fille en pinçant ses lèvres. Elle avait le même regard qu’Aryël. Sottise, donc. Ne connaissait-elle donc pas les chasseurs de chromatiques ? Quoi que, il devait bien y avoir une raison à sa présence dans les montagnes. Tout était imaginable mais la Dame de Sakai n’avait jamais été vraiment persuadée de l’utilité des fantaisies. Les faits étaient plus importants. Comme le disait si bien Assam et son oiseau de malheur. Le Savoir c’est le Pouvoir. Cette pensée la fit envisager de mentir sur sa venue ici avant de se raviser. Le meilleur mensonge était de la vérité distillée.

« Non pas vraiment. » répondit-elle laconiquement.

Sindri cessa son manège, il trouvait ça idiot de toute manière et était bien heureux de pouvoir lâcher la main de la Dame. Il avait aussi remarqué l’arme accroché à la taille de l’inconnue. Une épée plus ornementale que pratique il semblait mais il était difficile d’en juger sans voir la lame qui était protégée du fourreau. Et si Dame Bravoure lui avait bien enseigné quelque chose c’était qu’il ne fallait pas juger un zorua à son apparence. Il choisit de rester sur ses gardes malgré son envie de sourire et répondre amicalement aux inquiétudes de la jeune femme. Il était à son poste et les erreurs n’étaient pas tolérées. Il se permit tout de même un sourire qui se voulait amical.

« Nous sommes actuellement à la recherche d’informations concernant l’origine de la Lumière. » continua-t-elle confortablement.

Elle plongea son regard dans celui de la jeune fille. Elle avait son carnet dans une main et sa plume dans l’autre. Elle supposait qu’elle pouvait passer pour une érudite.

« Et vous ? » demanda-t-elle très franchement avec un léger sourire sur ses lèvres. « Êtes-vous perdue ? »

A côté d’elle Sindri la regarda avec de gros yeux. Sûrement qu’il se demandait ce qui lui passait par la tête. Evidement que la jeune femme n’était pas perdue. C’était limpide comme de l’eau de grelaçon. Bravoure cherchait seulement à savoir si elle connaissait la région. Avec un peu de chance si la fille était aussi avenante que la chef de Ran elle allait lui déballer sa vie. La garde se sentit néanmoins obligé de s’interposer entre l’inconnue et sa Dame, question de bonne mesure. Sa hache pendait mollement dans sa main, son air détendu ne trahissant, normalement, pas sa nervosité. Il n’avait jamais été doué pour le théâtre.

« Je vais vous demander de ne pas avancer plus avant que vous ne vous soyez identifiée. » ordonna clairement le rouquin.

Et voilà que le soldat reprenait sa place. Bravoure se demanda quelques instants s’il était réellement possible de renier sa nature ou si celle-ci revenait toujours à la chasse. Enfin, le mal était fait et la supercherie ne tiendrais certainement pas plus longtemps. Elle se laissa glisser par terre, tapotant un peu sa lourde robe pour lui redonner forme. Eldr s’ébroua, son regard d’or fixé sur le chien bleu et jaune. Il approcha son gros museau pour le renifler avant de lever la tête pour capter le léger courant d’air qui portait avec lui quelques nouvelles odeurs.

l était évident que l’action de Sindri allaient être source de tension. Personne n’aime recevoir des ordres. Néanmoins elle apporta aussi quelques brides d’informations pour le moins inquiétantes. A savoir si la jeune femme faisait référence à des pokémons, l’environnement lui-même ou bien à tout autre chose, restait un mystère que Bravoure préférais garder épais. Il n’y avait pas besoin de tenter le destin. Le rouquin qui l’accompagnait s’était tendu, ses yeux bleus cherchant d’autres traces de vie dans les alentours sans en remarquer. La végétation sèche et éparse n’obstruait pas bien le paysage mais les roches acérées des pics pouvaient cacher sans problème la tanière d’un pokémon ou une crevasse mortelle. Bien sûr on pouvait entendre le cri de quelques pokémons dans les alentours mais rien de suffisamment gros pour inquiéter le guerrier. Jusqu’à lors, plus que les rencontres ça avait été le terrain rocailleux et friable qui leur avait donné plus de souci. Les glissements de terrain étaient fréquents tant la roche subissait l’assaut des éléments. Les pics étaient réputés pour leurs vents violents et le caractère capricieux de ses sols. Pour l’instant le temps avait été clément avec les voyageurs mais on n’était jamais à l’abri d’un soubresaut de colère.

Sindri s’agita un peu dans son armure. Il se rendait compte à quel point sa demande avait été idiote. Si donner un nom à cette inconnue pouvait faciliter la communication, elle n’aidait en rien à se faire une idée de ses intentions. Il tourna un regard inquiet vers sa Dame. Elle ne semblait nullement impressionnée.

« De quel autre phénomène pourrais-je parler ? » confirma-t-elle à demi-mot.

Elle la regarde la juger, voyant les yeux de la jeune femme monter et descendre le long de sa silhouette pour s’arrêter quelques secondes sur des détails avant de revenir vers son visage. La Dame de Sakai ne s’en formalisa pas. Bravoure était en mission officielle et de ce fait n’avait pris aucune mesure pour masquer son appartenance au conseil. La selle d’Eldr était gravée du blason de la vieille nation et bien que l’armure de Sindri soit sobre, il portait les accents violets qui le désignait comme soldat de l’armée. Leur petite mise en scène leur avait seulement permis de gagner un peu de temps pour mieux jauger la situation, la jeune femme était de tout évidence trop attentive et trop proche d’eux pour être bernée. Quant à de potentiel bandits, s’ils étaient mis dans le sens opposé du vent, Eldr ne pourrait pas les sentir, mais ça voudrait aussi dire risquer de toucher la jeune femme aux cheveux bleus qui ne se trouvait qu’à quelques pas d’eux. Pour l’instant la situation semblait être sous contrôle, il n’y avait plus qu’à espérer que ça reste le cas.

« Pas si étrange que cela, si on considère que la Lumière a trouvé son origine par-delà les pics. »

Le regard de la femme s’assombri quelques instants. Elle n’avait jamais été particulièrement curieuse concernant l’autre moitié du continent mais les récents événements commençaient à lui faire reconsidérer ce point de vue. Les rares archives disaient que la traversée des montagnes avait été un miracle. Il était selon toute vraisemblance impossible que quoi que ce soit passe à nouveau le col des montagnes de l’ouest. Ou tout du moins elle l’espérait. Elle chassa rapidement ces pensées pour garder son attention sur ladite Mila devant elle.

« Bravoure. » se présenta-t-elle de la même manière que la jeune femme. « Et voici Sindri. » Il leva la main en guise de salut.

Elle s’avança un peu vers la jeune fille. Le rouquin se décala sur le côté, sa poigne serrée sur le bois de la hache. Ô combien il n’aimait pas cela. Il aurait préféré qu’elle reste derrière lui pour qu’il puisse mieux veiller sur elle.

« Vous l’avez vu vous aussi, je me trompe ? Cette Lumière. Je dirais même qu’elle vous a changé. » affirma la vieille dame, sa tête légèrement penchée. « Enfin, ce ne sont que les suppositions d’une vieille dame, évidemment. » conclu-t-elle en se reculant avec un sourire. « Sakai a malheureusement besoin de plus que des suppositions, il nous faut comprendre ces phénomènes pour le bien du royaume. Vous n’allez pas vous opposer à ça, n’est-ce pas ? »

Elle posa une main sur sa hanche, son regard fixé dans celui de la jeune fille, attendant sa réponse.

lle obtint la réaction escomptée. Visiblement la jeune fille avait compris la menace sous-jacente de ses propos et, à en juger par son visage blanchissant commençait à paniquer. Avait-elle réussi à relier les points pour tracer la figure complète ? Elle la vit lutter pour maintenir son assurance vacillante. Bravoure appréciait toujours ceux qui ne perdaient pas la face devant elle. Elle était néanmoins déçue de ne pas avoir ses observations confirmées. Il fallait dire que du haut de sa tour, elle avait une vue imprenable sur Sakai, nombreux étaient ceux qui, au premier signe de la tempête étaient allés de réfugier. Les érudits s’en tapaient sur les doigts. Il était toujours amusant de les voir paniquer dans tous les sens, transportant feuilles éparses et tâches d’encre avec un engouement digne des plus beaux jours de marché. Enfin, on ne pouvait pas reprocher à la jeune fille de ne pas s’être mise à tout noter sur parchemin tout comme personne n’avait pensé à faire un croquis des abominations.

Malheureusement son opinion changea vite lorsque la fille se mit à bafouiller des excuses. Elle avait donc bel et bien fait le lien et c’était là, l’origine de son malaise. Au moins la Dame de Sakai avait la satisfaction de pouvoir inspirer la crainte même en un lieu aussi reculé. Il lui était arrivé de faire des entrées en scène plus dramatiques sans susciter le moindre haussement de sourcil, à son plus grand désarroi. Il fallait dire que Ciras était difficilement impressionnable, a moins que l’âge ne l’ait rendu sourd et aveugle, ce qui était aussi une possibilité. Le vieux chef était toujours si évasif, peut-être qu’il n’avait pas été kidnappé et s’était juste perdu dans sa forêt. Ça ne la surprendrait pas.

Elle ne pu s’empêcher de rigoler devant la panique de la dénommée Mila. Ses propos n’avaient aucun sens, comment aurait-elle pu reconnaitre son visage alors même qu’elle vivait dans le lieu le plus hostile d’Ekoe ? La Chef de Sakai était certaine de ne jamais l’avoir rencontrée. Mais il était aussi vrai qu’elle accordait avec son conseil suffisamment d’audiences pour que les visages se mélangent. Néanmoins le choix de ses mots interpela son sens du détail. La jeune fille parlait presque comme un soldat. S’excuser pour cause de négligence n’était, encore une fois, pas le type de comportement qu’elle attendait venant d’un bandit. La jeune fille était-elle plus que ce qu’elle ne laissait sous-entendre ?

« Eh bien, on ne peut pas réussir à tous les coups… Au moins vous ne m’avez pas menacée. » répondit-elle.

Sindri fonça les sourcils. C’était la moindre des choses. Il suivit néanmoins l’exemple de sa Dame et raccrocha sa hache à la selle d’Eldr, Mila semblait sincère dans sa démarche et il était inutile de plus l’inquiéter. Il esquissa un léger sourire tendu à l’intention de la demoiselle.

« Et donc, vous voulez vous faire pardonner ? » continua la chef, toujours prête à se servir des autres. « Avez-vous entendu parler grande crevasse qui avait autre fois servit de mine ? On souhaiterait s’y rendre. Je suppose que vous pouvez nous guider. Vous aurez tout le loisir de nous expliquer votre présence en ces lieux durant le chemin. »

La mine avait été abandonnée après la révolte. Sakai n’avait plus besoin forger des armes depuis que la paix avait été rétablie et les mines les moins accessibles avaient été fermées. Celle-ci datait de la grande découverte, creusée à même la roche par les pionniers et leurs pokémons. Elle était vestige d’une histoire révolue et de la même manière que le passé laisse sa marque sur le présent, Bravoure espérait y trouver une trace de cette Lumière. Elle aurait très certainement pu choisir n’importe quel endroit pour son enquête mais aujourd’hui quand le futur même était en péril, il faisait du bien de retrouver ses racines. C’était comme ça que Sakai avait toujours fonctionné, le pas vers l’avant mais le regard tourné vers l’arrière.

Sindri lança un regard désolé vers la jeune fille avant de prendre le carnet et la plume que lui tendait la Chef de Sakai pour les ranger avec le reste de leurs affaires. La Dame avait cette horripilante habitude de suggérer ses ordres. Ses demandes étaient toujours claires même si la phrase était rarement tournée dans le sens logique. Bravoure n'ordonnait pas, elle suggérait.

enthousiasme que la jeune fille avait à lui rendre service était presque amusant. Il semblait à Bravoure qu’elle venait juste de lui annoncer qu’elle venait de gagner un petit pactole pour sa bonne conduite, ce qui n’était clairement pas le cas. Parfois ça lui manquait de ne pas avoir de nouveau personnel à impressionner. Après, elle pouvait toujours descendre dans les barraques mais l’endroit empestait toujours la sueur et la bière. Elle faisait de son mieux pour éviter de mourir asphyxiée, ce n’était pas pour sauter à pieds joints dans l’entre des smogos.

Nullement intimidée par l’idée de s’aventurer dans un lieu laissé à l’abandon et très certainement en ruine, la jeune Mila rayonnait d’assurance et de passion. Eh bien, il fallait de tout pour former un pays, Bravoure n’allait pas se plaindre. Le duo avait aussi finalement la confirmation que la jeune fille était bel et bien guerrière. Suffisamment aguerrie pour proposer son aide en plus. Ou bien suffisamment orgueilleuse, quoi que Bravoure ne doutait pas que l’orgueil ne faisait pas partie des défauts de Mila.

« Ah, j’avais un doute concernant votre épée. » confirma Sindri. « J’ai cru à une arme d’apparat. Les détails sur la garde sont impressionnants. De qui est-elle ? » s’enquit-il.

Bravoure les suivait discrètement, plus attentives à la conversation devant elle qu’à là où se posaient ses pas. Le rouquin était bien soulagé de ne pas avoir à faire couler le sang aujourd’hui, il semblait que les dieux étaient de leur côtés. Ils n’avaient rencontré aucune embûche durant l’allée si ce n’était ce petit coup que stresse qu’avait été la rencontre avec Mila. Sindri espérait sincèrement que ce soit le seul mais, c’était aussi la deuxième fois que la jeune fille les avertissait des dangers des pics. Il n’y avait qu’un certain nombre de fois que l’on pouvait être averti du malheur avant que celui-ci n’arrive.

« C’est la première fois qu’on m’appelle Sieur, je dois dire. On vous avait pris pour un bandit. » continua le jeune homme pour justifier leur première agressivité.

Eldr fermait la marche, gardant son nez tantôt en l’air, tantôt au sol dans l’espoir de repérer d’éventuels pokémons. Comme précédemment cependant, la neige mouillait le sol et masquait les odeurs aussi bien que la pluie. Heureusement, dans ce monde scintillant les traces de pas étaient aussi lisibles que l’encre sur un papier.

« Pourquoi vivre ici plutôt que dans les villages ? » demanda abruptement Bravoure. « Vous détachez quelque peu du paysaaaa- ! »

Sa botte glissa sur une pierre gelée et elle bascula en avant. Elle fut retenue de justesse par Sindri qui gardait toujours un œil sur elle. Ce serait bête de se fouler la cheville après avoir survécu à l’effondrement de son domicile. La Dame pesta un peu, en essayant de se remettre droite. Si la honte ne l’étouffait pas, elle était tout de même vexée. Elle s’était connue plus gracile mais aussi plus attentive à son environnement, l’âge commençait à la rattraper semblait-il. La Dame remis sa robe en place avant de faire signe au groupe de continuer à avancer. Elle ne souffrirait pas leurs commentaires. Sindri fit signe à Mila de ne pas faire de remarque mais lui-même se rapprocha un peu plus de la Chef. Au cas où. Bravoure se racla un peu la gorge avant de continuer comme si de rien n’était.

« Je disais, vous n’êtes pas le type de personne que l’on s’attend à croiser ici. J’avais pensé à un soldat déserteur mais comme l’a fait remarquer Sindri, votre arme sort de l’ordinaire. Tout comme vos pokémons. » continua Dame gardant cette fois-ci son regard au sol pour éviter de glisser une nouvelle fois. « Qui êtes-vous, Mila ? »

Ses pas s’enfonçaient doucement sur la fine couche de neige qui tâchait de blanc ses épais vêtements sombres. Elle tentait de calmer son impatience en assouvissant sa curiosité, la mine arrivera bien assez vite, en attendant elle avait un autre mystère sur les bras. Il y avait trop de détails qui ne collaient pas avec la jeune fille et la Chef avait bien du mal lui trouver une histoire cohérente. Dans ces cas-là, il était plus simple de demander.

ila laissa la question en suspend quelques secondes. Bien, elle n’était pas formulée ainsi pour mettre à l’aise. Bravoure continua d’avancer attentive à ses pas, plus qu’à ses mots même si ceux-ci lui donnaient matière à réfléchir. L’air frais de la montagne soufflait doucement dans son dos, la poussant vers l’avant tel un allié au pas trompeur. Une brise un peu trop forte et elle pourrait s’écrouler en glissant sur du verglas. Voyager n’avait jamais été l’une de ses spécialités, elle préférait laisser ça à la jeunesse. On disait souvent que l’indécision est un luxe de cette dernière, c’était dans la jeunesse qu’on construisait son futur à travers les rencontres et les expériences. Elle-même s’était définie un soir nuageux dans un vieux manoir devant la femme qu’elle respectait plus que tout. À partir de ce jour elle avait toujours su vers quoi se tourner en cas de doute. Elle était Bravoure.

Son regard perçant fixa quelques secondes la jeune fille pour tenter de dénicher une quelconque trace de malhonnêteté. Elle ne trouva rien. Rien qu’une sincérité alarmante. Elle ne comprenait pas les personnes honnêtes. Néanmoins, en bonne Chef, elle sentit le besoin de la rassurer. Il était après tout dans ses fonctions d’assurer le futur de Sakai et cela incluait conseiller la jeunesse même si la première intention de la question n'avait rien d'éducationnel. Au moins, elle avait appris grâce aux questions de Sindri que la jeune fille était très probablement d'une famille ancienne, si ce n'est même noble. Ce n'est pas tout le monde qui possède une telle merveille comme héritage.

« Ce n’est pas évident comme question, n’est-ce pas ? » déclara-t-elle. « Elle est pourtant importante. Qui veux-tu être ? Comment veux-tu influencer le monde autour de toi ? Pour quelle cause te bas-tu ? Qu’est-ce qui est juste ? Que l’on en soit conscient où non, ce sont ces questions auxquels nous sommes tous confrontés un jour. »

Elle tourna son regard disparate vers la jeune fille.

« Doutes tant que tu le peux mais finis toujours par te décider. Parce que tes choix te définissent et sans eux tu n’es rien. Crois-moi, tu ne veux pas que les autres prennent des décisions à ta place. »

Elle se tut, détournant le regard, les lèvres pincées. Allons Bravoure, qu’est-ce qu’il t’arrivait ? Voilà qu’elle partageait trop avec une gamine sortie de nulle part. Les temps étaient réellement en train de changer. D’ici peu la neige fondrait et le printemps la remplacerait, peut-être qu’il était temps pour Sakai de faire de même. Ou pas. Elle aimait bien son royaume tel qu’il était. L’idée du changement l’inquiétait, c’était quelque chose qu’elle ne contrôlait pas.

Bravoure s’arrêta brusquement, le visage allongé de stupeur. Qu’est-ce que c’était que ça encore ? Un onix roulait parterre faisant vibrer le sol de ses coups erratiques. Ses pierres s’entrechoquaient dans des grincements à en fendre les oreilles mais il ne semblait pas s’en soucier. Son corps massif cachait presque un crabricoque qui semblait à la limite de la crise de nerfs. La petite bestiole agitait ses pinces en couinant, visiblement ignorante de la différence de taille entre elle et le gros serpent rocailleux. Elle était prête à en découdre. Bravoure se tourna vers ses deux compagnons de route.

« Est-ce supposé être normal ? » demanda-t-elle tout de même un peu inquiète.

Elle suivit néanmoins l’exemple des deux jeunes, en essayant de contourner discrètement les deux pokémons.

« Par Giratina et tous ses démons, quelle idée de faire ça en plein milieu du chemin ? » rouspéta-t-elle en se cramponnant au bras de Sindri pour monter sur une petite butte. « Qu’est-ce que ça va être la prochaine fois ? Un léviator volant ? »

Si leur petit chemin d’auparavant n’avait pas été pratique, celui-là était pire qu’un champ de bataille. Entre les racines qui dépassaient, les pierres gelées et la neige qui recouvrait les trous, impossible de deviner où on mettait les pieds. Elle regrettait amèrement être descendue du dos d’Eldr juste pour faire sa petite mise en scène de précédemment. Malheureusement l’orgueil l’empêcher d’y remonter. Enfin, vu le spectacle qu’elle donnait, de l’orgueil il ne lui en restait pas beaucoup à sauver. Pourtant la chef s’entêtait à avancer. L’arcanin lui, ne semblait avoir aucun mal à se déplacer avec ses grosses patounes et son lourd poil d’hiver. Il remuait même sa queue avec enthousiasme, voulant probablement se joindre au pokémon roche mais Sindri l’en dissuada.

Heureusement, les estimations de Mila avaient été correctes et bientôt la vieille mine apparut devant leurs yeux. C’était une crevasse coupée à même la paroi qui s’enfonçait dans le sol telle une plaie béante. En s’approchant du précipice Bravoure pu remarquer quelques vieilles installations de bois probablement pourries depuis bien des années. L’endroit avait été laissé à l’abandon et serait sans nulle doute le repère de nombreux pokémons. Un escalier taillé dans la roche s’enfonçait vers les profondeurs de la terre, la neige recouvrait les marches et rendrait la descende dangereuse. Pendant un instant la Chef douta de son bon sens. Qu’elle folie l’avait-elle poussé à vouloir mettre les pieds dans un tel endroit ? Avant que la curiosité ne reprenne les dessus.

Il y avait quelques mots gravés dont le sens avait été lavé par la pluie et les éléments. À la forme des lettres elle pouvait déduire que ça désignait la mine comme la propriété de Sakai, un peu plus loin il y avait des traces dans le sol formant des éclairs et plus loin encore elle pouvait deviner un éboulement qui avait certainement dû emporter une partie de la mine. Il y avait dans ce lieu un silence secret, aucun oiseau ne piaillait dans le ciel et même le vent ne soufflait plus. Elle se retourna vers Mila et Sindri.

« C’est une honte qu’une telle merveille ait été laissée à l’abandon. » commenta-t-elle songeuse. « La légende raconte que la première pierre du palais aurait été extraite ici-même. Elle aurait brillé dans le noir en appelant les mineurs, leur promettant prospérité et gloire pourvut qu’ils fassent d’elle une merveille. Ils auraient alors décidé de construire le palais obscur et ainsi Sakai est né. » expliqua-t-elle.

La crevasse restait silencieuse devant ses propos. Elle gardait jalousement ses secrets en son sein.

« Enfin, ce n’est qu’un mythe. Si on en croit les nobles, c’est les mines qui sont sur leurs domaines qui ont servit à construire le palais. Ce qui donnerai… un total de soixante-quatre mines pour une pierre. Ce qui est absolument logique. » termina-t-elle sarcastiquement en levant les yeux au ciel.

Sindri sourit, il adorait lors que Dame Bravoure distillait ainsi ses anecdotes. Ce n’était pas souvent qu’elle le faisait mais c’était toujours amusant d’entendre son avis sur la question. Elle commença à descendre les premières marches, laissant sa main glisser contre la paroi rocailleuse pour se stabiliser, avançant pas à pas avec précaution.

« Enfin, assez parlé histoire. D’après les rapports, les abominations qui sont apparues avec la Lumière n’ont rien de comparable avec les pokémons. Il n'y en a pas deux identiques. Celle qui s’est abattue sur le palais était noire et titanesque et pleins de cornes. D'autres sont apparemment aussi petites qu'une feuille de papier. On cherche donc quelque chose qui sort de l’ordinaire; une marque au sol, un morceau de griffe, des écailles. Ou même une plume colorée. » expliqua-t-elle sombrement.

Le fait que, même à se jour, ses érudits n’aient pas réussit à identifier cette horrible plume qu'ils avaient récupéré dans les ruines du Grand Conseil la mettait hors d’elle. Cela aurait été l’occasion parfaite pour faire de Sakai un héro inespéré. A la place, Aryël Eladan avait récupéré toutes les louanges en sauvant la nouvelle chef de Mido. Il avait été dit qu’elle et l’un de ses gardes avaient sauvé des enfants et des handicapés des flammes mortelles. Elle les aurait applaudis si elle n’avait pas été aussi occupée à soigner ses propres blessures, visiblement les vieilles dames ne faisaient pas partie de leur liste. Évidemment, suite à l'attaque Sakai s’était encore une fois, fait traité comme la bête noire. Il était temps qu’elle reprenne sa place dans le cœur des peuples. Non seulement elle comptait ramener la preuve de l’existence de ses créatures mais en plus, Sakai serait la première et l’unique à comprendre cette Lumière. Il le fallait, pour l’honneur de la nation.