La grotte semblait trembler sous la force de la bête qui s’approchait à grand pas. Il était vivement temps de déguerpir et en vitesse ! Laurel attrapa son sac et sa luge d’un seul mouvement, avant de pousser Malta vers la sortie. C’était la panique. La Ranine se serait crue de retour dans la salle du Grand Conseil durant l’attaque. Sauf que cette fois ci, elle courrait pour sa peau loin d’un truc infiniment plus vicieux qu’une boule de feu. Mourir dévorée par un pokémon sauvage ne faisait pas partie de ses plans.

Laurel sortit de la grotte encore plus rapidement qu’elle n’y était entrée. Elle jeta un coup d’œil derrière elle pour voir Jolter qui se tenait en héro devant le trou rocailleux, son épée dégainée. Oh, combien de fois avait-elle lu de pareilles situations dans les romans d’Amun. Le brave guerrier qui encourage ses partenaires à fuir pendant que lui se sacrifie pour retenir le monstre. La seule différence avec la situation actuelle c’était que quand la Ranine lisait ces histoires elle s’imaginait elle en vaillant héro. Parce que faut bien se l’avouer partir en hurlant comme une mauviette c’était pas aussi classe.

Du coup, Laurel partit en hurlant comme une mauviette.

AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA

Elle eut quand même la présence d’esprit de gueuler « MEURS PAS ! » à l’attention du maître d’arme. Hourra pour ces encouragements pleins d’esprit.  Avant de grimper sur sa luge pour se laisser glisser le long de la pente. Malta coincée dans les bras de la joaillière à hurler elle aussi, à la mort, mais pour une raison bien différente. La revoilà dehors dans la neige.

Malheureusement, la bestiole avait eu la présence d’esprit de kidnapper un morceau de bois enflammé pour se tenir chaud. Du coup le hurlement précédent était plus dû à l’effroi de Laurel qui essayait d’éviter les flammes, griffes, dents, écailles, cornes et autres trucs bien coupants et pointus de la bestiole pendant qu’elle descendait à tout vitesse le bloc de glace. La course de la luge presque enflammée se termina dans la neige. Les flammes de la torche improvisée s’éteignèrent avec « psiiiicht » assez pathétique.

« PAR TOUS LES DIEUX MALTA TU VEUX ME TUER ? » cria-t-elle.

La Griknot se mit à trembler de tous ses membres en essayant de grimper sur Laurel pour éviter de toucher la neige.

« Oh-Fuc- Malta ! Aie. Tes griffes ! » pesta la joaillière qui se retrouvait avec une grosse bestiole écailleuse et paniquée accrochée sur ses épaules. « Putain, okay reste là, ne bouge pas et surtout n’enfonce pas tes griffes ! » Laurel se leva tant bien que mal et épousseta la poudreuse qui maculait ses vêtements avant de se tourner vers la Vagabonde. « J’ai écrasé personne ? Jolter est toujours vivant ? Parce que personnellement, je pense que mon pokémon veux me tuer. »

Laurel ramassa ses affaires éparpillées un peu partout autour du site du crash. Sur ses épaules Malta produisait un son qui ressemblait vaguement à un grincement de porte à chaque fois que sa dresseuse se baissait un peu trop.

Finalement le maître d’arme réapparut, indemne. Le froid commençait à revenir après que l’adrénaline soit retombée. Aussi, elle fut franchement reconnaissante lorsque le blondinet se mit à les guider à travers le désert gelé. Laurel avait du mal à marcher dans la neige encombrée par ses affaires et son dragon qui pesait lourd sur ses épaules. Elle se rapprocha un peu de Jeanne.

« Je te promet que parfois je suis compétente. C’est juste que là … Disons que je suis hors de mon élément. Littéralement. » elle eut un petit rire nerveux.

Jolter finit par trouver une grotte qu’il jugea convenable. Laurel s’empressa de rentrer à l’intérieur pour se débarrasser de Malta. Elle laissa ses deux compagnons se charger du feu. Pendant qu’elle sortait quelques vivres et des casseroles.

« Je peux pas me battre comme vous mais je peux au moins vous faire un bon repas ! » souria-t-elle.

Habituellement sa mère et elle se relayaient pour faire la cuisine pendant qu’Amun installait le camp pour la nuit. Laurel adorait cuisiner avec sa mère, principalement parce que celle-ci avait la fâcheuse tendance à mettre tout un tas de trucs étrange dans sa marmite pour tester de nouvelles saveurs. Ce n’était pas souvent glorieux mais de temps en temps ses concoctions improvisées avaient un franc succès. Pour ses compagnons de route, la Ranine préféra rester simple. Aussi simple que puisse l’être la cuisine ranine avec ses nombreux épices et condiments. Pendant qu’elle surveillait la cuisson de son plat, Laurel se tourna vers le maître d’arme.

« T’as pu voir ce que c’était ? » demanda-t-elle en faisant référence au monstre qui les avait chassé de leur précédente grotte. « Maintenant que tu as trouvé ta Polarhume tu vas faire quoi ? Et toi Vagabonde, t’as un but dans la vie ? »

Malta s’était mise dans un coin et semblait bouder. Au moins pour l’instant elle était calme.

La marmite crépitait doucement, relâchant nombre de fragrances alléchantes. Laurel salivait presque. Une bonne dose de nostalgie avec un plat fait maison était exactement ce dont elle avait besoin après les péripéties d’aujourd’hui. Elle enfila sa prothèse pour bouger un peu les braises et harmoniser la température. Le bras en métal n’était plus ce qu’il était. Légèrement déformé à cause de la chaleur de l’incendie du Grand Conseil, il avait un angle étrange qui le rendait absolument inutile pour les travaux de précision. Heureusement, la Ranine ne dépendait pas sont bras gauches pour les tâches quotidiennes et cuisiner avec un bout de métal courbé n’était pas spécialement compliqué.

Visiblement l’activité dans la grotte avait attiré les curieux. Laurel se tendit quelques instants s’attendant à voir des Polathumes mais fut accueillit à la place par des oiseaux étranges et un Goupix … SHINY ?! Clairement, la bestiole à cinq queues n’était pas rousse mais d’un blanc bleuté qui semblait scintiller à la lumière des flammes. Un peu comme la neige un peu plus loin. Elle regarda Vagabonde interagir avec les nouveaux arrivant en rigolant à leurs bêtises.

« Pourquoi c’est toi qui récupère tous les pokémons mignons ? » lança-t-elle en plaisantant à l’adresse de sa comparse. « Et t’as vu ? » murmura-t-elle sur le ton de la confidence « C’est un Goupix Shiny ! J’ai entendu dire que c’est super rare ! » souria-t-elle. « J’aurais jamais cru pouvoir en voir un en vrai. »

Malheureusement le pokémon de Vagabonde ne semblait pas partager son avis, parce qu’elle fonça sur la joaillière les larmes pleins les yeux. Laurel accueillit joyeusement l’Evoli désemparée, en tapotant ses genoux pour l’inviter à s’installer dessus. Elle se mit à le caresser d’une main pendant qu’elle faisait tourner la sauce à l’aide d’une spatule accrochée à sa prothèse. Malta s’était elle aussi rapprochée de la marmite pour essayer de piquer un peu de sauce du bout de sa langue. La Ranina châtia son pokémon d’une petite tapette sur le bout du museau. Pour l’instant privée de son repas, la Griknot retourna bouder.

« Sois patience un peu, ça arrive. » puis elle se tourna vers la petite boule de poils « Tu veux faire un peu de cuisine ? » lui demanda-t-elle.

Elle entreprit aussitôt de passer la spatule au pokémon pour la laisser s’amuser à tourner la sauce épicée pendant qu’elle préparait la viande et les légumes. Elle allait devoir utiliser pas mal de ses réserves pour pouvoir nourrir tout le beau monde mais c’était les joies du camping.

Le moment aurait pu être agréable si ce n’était pas pour ces fichus piafs qui faisaient du boucan non loin. Enfin, Laurel était habituée aux pitreries insupportables. Elle avait un petit frère après tout. Elle même s’était bien amusée à énerver ses parents en répétant tout ce qu’ils disaient. Bien sûr elle avait rapidement appris que si la patience d’Amun était quasi infinie celle de sa mère l’était moins. Au moins ils s’amusaient et ne faisaient de mal à personne. Et puis, ce serait idiot de les attaquer. Peut-être qu’il y avait un poulet géant qui vivait dans cette grotte, prêt à arracher la tête à quiconque faisait mal à ses bébés. Les zones polaires étaient tellement bizarres pour Laurel que tout paraissait possible. Si on lui avait dit qu’il existait des cônes de glace vivant elle l’aurait probablement cru. Bien sûr, tout le monde sait que les cônes de glace vivant ça n’existe pas.

Laurel continuait donc à couper sa viande tout en gardant un œil sur l’Evoli pour éviter qu’elle ne fasse tomber la spatule dans la sauce. Lorsque, soudain, un coup retentit. Elle leva la tête juste à temps pour voir les énergumènes s’écraser face la première sur le sol rocheux. La joaillière poussa un petit cri surpris alors que déjà, les pokémons du guerrier s’acharnaient sur les créatures aviaires sans leur laisser le temps de répliquer.

« Jolter ! » s’écria-t-elle scandalisée.

Mais déjà le maître d’arme avait finit de tabasser les deux pokémons et se rasseyait comme si de rien n’était. Un peu plus loin les deux pokémons oiseaux étaient face contre terre, inertes. Une odeur de roussi régnait légèrement dans l’air et ce n’était pas dû à la viande qu’elle venait de rajouter dans le pot. Elle le pointa de sa spatule dégoulinante de sauce, autant stupéfaite que remontée.

« Alors premièrement Jolter, c’est généralement plus poli de répondre au gens directement après qu’ils te posent une question pas 10 minutes après. Ensuite, qu’est-ce qu’il t’a prit ? Qu’est-ce que ces pauvres pokémons t’avaient fait ? Tu ne peux pas juste attaquer comme ça ! » elle ajouta « Tu l’as dit toi même on a faillit se faire bouffer parce qu’on a attaqué des pokémons, c’est pas le moment de refaire la même erreur ! »

Malta qui sentait la tension monter légèrement se positionna entre sa dresseuse et le guerrier. Elle fixait l’Elekid de son regard et retroussa ses babines pour dévoiler ses crocs dans un geste qui se voulait clairement menaçant.

Spoiler:

Laurel n’était pas bien sûre si elle était reconnaissante envers son pokémon parce que celle-ci prenait sa défense. Ou bien si elle était absolument catastrophée par sa réaction parce franchement, menacer deux pokémons en même temps alors qu’ils venaient juste de tabasser deux adversaires sans problème était à la limite du suicide. Ce n’était pas la première fois que Malta menaçait quelqu’un comme ça pour « protéger » sa dresseuse. D’habitude c’était son petit frère qu’elle attaquait parce qu’il avait la fâcheuse tendance à vouloir balancer des boules puantes sur sa sœur aînée. A la place il se faisait rentrer dedans par un dragon lancé à pleine vitesse et se prenait toutes ses boules sur la tête. Laurel n’avait jamais autant rit. Depuis, il devait réfléchir à des attaques sournoises, à distante ou délayée dans le temps pour faire des blagues à sa sœur. Ça rendait le jeu d’autant plus amusant. Surtout avec le facteur « parents » qui risquait de se trouver coincés dans les feux croisés.

Néanmoins, la Ranine n’avait jamais su si les réactions territoriales de Malta était dues au fait qu’elle était un dragon ou bien si c’était parce qu’elle avait été très mal élevée par sa mère. Comme la bestiole avait creusé son chemin jusqu’à leur maison il était impossible de déterminer son origine précise. Rescapée d’une bande de trafiquants ou bien simplement en fuite après s’être fait chassée par un pokémon plus gros ? Toutes les histoires étaient possible et avec l’imagination débordante du trio Laurel, Amun, Moxien, la Griknot se retrouvait avec de nombreuses histoires farfelues, grandioses ou larmoyantes qui étaient toutes certainement très loin de la vérité.

Mais c’était aussi ce côté un peu, miraculeux du pokémon qui la rendait si particulière. Par hasard ou intervention divine la bestiole écailleuse s’était retrouvée au près de Laurel et ne l’avait pas quitté depuis. Et quoi que la Ranine en dise, elle aimait son gobelin vicelard avec son sale caractère et ses défauts plus gros qu’une montagne. C’était son petit monstre à elle. Et Laurel n’appréciait pas franchement qu’on la menace. (Même si c’était Malta qui avait commencé)

Comme dans les romans, l’air sembla descendre de nombreux degrés pour mieux refléter la tension qui montait. Même près du feu la Ranine se sentit frissonner. Malta perdit légèrement de son aplomb mais garda ses pattes fermement fixées sur le sol caverneux. Laurel jeta un coup d’œil vers l’entrée de la grotte mais le vent frais ne semblait pas venir de là. Puis, Jolter se mit à parler.

La joaillière se crispa à la menace. Elle était furieuse. Au point qu’elle oublia pendant quelques secondes que devant elle se tenait un maître d’armes. La crème de la crème parmi les guerriers, celui-là même qui était responsable de la formation des troupes qu’elle admirait tant. Puis, Jolter continua sa tirade de son ton hautain et méprisant. Chaque mot était un poignard dans le cœur. Après tout, ne dit-on pas que seule la vérité blesse ?

Et Ô combien avait-il raison. Qu’avait-elle fait pour mériter le pokémon d’autre que de vivre au bon endroit au bon moment. Elle l’avait traîné dans un guêpier où elle avait bien faillit connaître la fin par les flammes. Et seulement après avoir rescapé l’enfer brûlant, voilà qu’elle la traînait dans un enfer de glace. Elle n’apportait rien au pokémon dragon. Rien d’autre que des ennuis et des dangers.

Laurel serra ses points et voulu répliquer mais sa voix resta coincée dans sa gorge un premier temps. Elle le regarda partir alors que la Griknot grognait.

« Malta, arrête. » demanda-t-elle la gorge serrée. « Malta, s’il te plaît. » insista-t-elle doucement lors que le dragon ne l’écouta pas la première fois.

La Griknot leva les yeux à cette dernière plaidoirie. Ses prunelles blanches cherchant quelque chose sur la Ranine. On disait que les pokémons étaient empathe. Qu’ils nous comprenaient plus par nos émotions que par nos mots. C’était l’une des grandes théories sur le système de communication des pokémons. Peut-être que cette théorie était vraie. Parce que Malta n’écoutait pas les mots de sa dresseuse. Elle n’écoutait pas le « arrête », « stop », « ne fais pas ça ». La politesse n’avait jamais marché non plus. Pourtant, la Griknot s’était tue.

Laurel retourna silencieusement couper le dîner en essayant d’ignorer l’impact que les mots de Jolter avaient eu sur elle. Malta s’était rapprochée pour se coucher non loin d’elle, un air légèrement inquiet sur le visage. Elle ne pouvait rien répliquer au maître d’arme, après tout elle était en partie responsable du boucan dans la grotte et leur était reconnaissante du feu qu’ils partageaient avec elle.

« Désolé pour cette scène. » dit-elle doucement à Vagabonde. « Le repas devrait être prêt d’ici quelques minutes si tu veux prévenir Jolter. »

C’était toujours difficile de faire face à ses erreurs.

Spoiler: