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Leonys A. Valencia
Leonys A. Valencia

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Messages : 380
Écus : 601
Âge du Personnage : 27 ans
Métier / Occupation : Conseillère Économique
Lieu de Résidence : Vénovos
Équipe Pokémon : Promised Land |OS| 330 AETIUS - Libégon ♂ - Lévitation - Sérieux

Promised Land |OS| 6wp6 DANAÉ - Lucario* ♀ - Impassible - Relax

Promised Land |OS| 873 ARIANE - Beldeneige ♀ - Écran Poudre - Relax

Promised Land |OS| 359 ORESTE - Absol ♂ - Chanceux - Mauvais

Promised Land |OS| 677 NAPOLÉON - Psystigri ♂ - Regard Vif - Modeste

Promised Land |OS| 156 SOLAL - Feurisson ♂ - Brasier - Prudent

Promised Land |OS| 172 HÉLIOS - Pichu ♂ - Statik - Timide

Promised Land |OS| 408 MAYA - Kranidos ♀ - Sans Limite - Fofolle
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Message Sujet: Promised Land |OS|   Promised Land |OS| EmptyLun 6 Avr 2020 - 19:19

|!| Avertissement : Cet OS traite de sujets sensibles tels que la violence conjugale et la maltraitance envers les enfants. Même si ces sujets sont traités de manière soft, je préfère prévenir que ces thèmes y sont tout de même. |!|

Le chant des vagues m’accueille son acclamation enthousiaste, une ovation chaleureuse après un voyage somme toute plutôt angoissant. La brise se joue du chariot, l’air marin s’infiltre à l’intérieur et je soupire d’aise, soulagée que ce voyage s’achève pour retrouver non seulement ma patrie mais mon chez-moi. La demeure de pierre, hissée sur sa falaise, semble embrasser l’océan de son regard contemplatif. Comparée au manoir de la famille Eddaryon tout juste visité, elle paraît presque petite, bien qu’elle puisse accueillir de nombreux convives avec sa salle de bal plutôt modeste et ses douze chambres, en plus de l’aile réservée aux domestiques. Deux tourelles s’hissent comme des bras tendus vers le ciel, paraissent presque me saluer. Du balcon impressionnant, l’attrait principal de cette maison, je peux apercevoir quelques oiseaux marins paresseusement posés. Le soleil a disparu à l’horizon depuis plusieurs heures déjà, la route ayant pris un peu plus de temps que prévu. Ainsi nous rentrons un peu tard pour le dîner mais tant pis. Les roulements réguliers du chariot m’ont laissée légèrement nauséeuse et je préfère regagner mes quartiers rapidement histoire de me reposer. J’ai énormément de choses auxquelles réfléchir depuis mon départ d’Enogen, quelques jours plus tôt. Il me semble ne pas m’être retrouvée seule pour faire le tri dans mes idées depuis beaucoup trop longtemps et ce besoin se fait amèrement sentir. Akeira et moi, suite à une prise de bec, n’avons pas pipé mot depuis notre arrivée dans la ville. Il me tarde d’être loin de tous, de me ressourcer.

À vrai dire, je n’ai même plus idée de ce qui a pu causer la dispute. Toutes deux à cran et fatiguées, nous aurons l’occasion de nous reprendre plus tard je suppose. La carriole s’arrête enfin et nous en émergeons avec soulagement. Aster s’est réveillé et réclame sa tétée du soir en gémissements mécontents. Je me sens me crisper devant ses pleurs. Il ne fallait plus que ça ! Deux domestiques s’empressent de ramasser nos effets personnels et de nous escorter jusqu’à l’intérieur. Une fois à l’intérieur du manoir, je me sens me décrisper, malgré les pleurs en crescendo du poupon toujours aussi affamé. En d’autres circonstances, j’aurais libéré mes alliés aussitôt pour qu’ils jouissent de la même liberté, néanmoins j’ai présentement les mains pleines et l’esprit occupé.

«Je vous en prie, montez pour moi ce coffre et faites sonner Imany. Veillez à ce qu’un repas soit apporté à miss Daher, et que les Pokémon soient nourris. La chambre est prête ?»

«Oui, Lady Valencia. Votre lit a été préparé, un feu brûle dans l’âtre et miss Imany a fait monter un bol de cacao pour vous. Le repas devrait vous être servi sous peu. Désirez-vous…»

«Dans la chambre oui. Suite à ces tâches, vous pouvez prendre congé pour la nuit.»


Le jeune servant hoche la tête avant de s’éloigner d’un pas assuré avec le coffre contenant l'Oeuf offert par ma soeur. Akeira surveille domestique des yeux, une once de désapprobation dans les prunelles. Clairement, elle n’a pas apprécié que je demande un repas à sa place et que je m’obstine à prendre le mien seule, sans elle, dans mes quartiers. Je n’ai guère la patience pour ses caprices et désirs ce soir. Je tâche de calmer le bébé en attendant l’arrivée d’Imany, qui s’est presque matérialisée près de nous. La grande femme s’incline respectueusement avant de m’offrir un regard grave. Je ne m’y attarde pas tout de suite, bien que son absence de sourire aurait dû m’alerter.

«Pardon de vous déranger, Imany. J’aimerais beaucoup qu’un repas soit monté pour moi, je vous en prie. Léger, j’ai l’estomac mis à mal par notre voyage.»

«Bien sûr, Leonys.» la femme et moi n’hésitons pas à nous appeler par notre prénom, même à l’intérieur de la maison où les autres domestiques pourraient l’entendre. Je me fiche de leur opinion de toute manière. «Je dois vous informer aussi…»

Quelque chose s’est produit. Imany m’accueille généralement d’énormes câlins embarrassants et de son rire tonitruant, capable de faire vibrer les murs du manoir. Pourtant, la cuisinière aujourd’hui s’abstient, en plus de me scruter avec une once de doute.

«Nous en discuterons plus tard, Imany. Rejoignez-moi dans une heure. J’ai besoin… J’ai besoin d’un moment.»

Je m’éloigne sans entendre de protestations à ma suite. On dirait que le sujet peut attendre, ce qui me satisfait pleinement. Je ne me sens pas apte à faire la gestion de quoi que ce soit ce soir. La marche jusqu’à mes quartiers me paraît interminable. Néanmoins, la vue de mon lit, joliment encadré d’un baldaquin, du tapis aux broderies délicates, des deux grandes portes donnant accès à un balcon privé avec vue sur la mer oh ! Qu’il est bien d’être chez soi. Il règne ici une aura de tranquillité qui semble déjà étreindre mon fils. Il s’apaise, cherchant à téter au-travers le tissu de mon vêtement. Je m’installe près du feu sur la chaise berçante, le regard perdu dans les flammes, le tenant précieusement contre moi alors qu’il se nourrit avec avidité. Je le berce ensuite jusqu’à endormissement, puis le pose dans son petit lit, tout près du mien. La lueur chaude et chaleureuse des flammes se mêle à l’éclat d’argent de la lune, offrant à la pièce une atmosphère à la fois détendue et invitante. Je me pose contre ma table en prenant une gorgée du chocolat chaud, fronçant les sourcils devant le parfum épicé qui laisse un goût agréable sur la langue. Voilà tout le charme de la cuisine d’Imany, l’une des plus grandes cuisinières de notre ère, certainement la plus douée de tout Kuni. Elle ose là où d’autres se rétractent, créative et aventurière. Je n’aurais pas pu choisir mieux, même si dans son cas il existe bien d’autres raisons de l’avoir engagée.

Son repas me fait regagner une part de mon appétit. Manger en silence près du feu me fait soupirer d’aise. Voilà exactement ce dont j’avais besoin. Abandonnant l’assiette vide, je me glisse dans la pièce adjacente, une énorme salle de bain. Les servants, malgré mes instructions contraires, ont déjà préparé la baignoire plutôt que d’aller se coucher. Une mousse épaisse s’en élève. Me débarrassant de mes vêtements avec enthousiasme, je m’émerge toute entière dans l’eau chaude. Le voyage a été long. Ce bain était largement nécessaire. Je ferme les yeux en savourant le confort de cette baignade. Voilà l’occasion rêvée de penser à ce qui s’est produit dans les derniers jours je suppose. Je soupire. Côtoyer ma mère pendant aussi longtemps a rouvert de vilaines blessures chez moi, malgré tous mes efforts pour me détacher de ses mots. Elle est cette voix néfaste, cousue à ma conscience, cette voix qui sans cesse me rabaisse et qui me pousse à douter. Il n’est de reproches que ma mère ne m’a pas adressé pendant ces quelques jours, dont celui d’être une mère pathétique. Allaiter moi-même Aster est une tâche dégradante selon ses dires, qui d’autant plus viendra déformer ma poitrine. Poitrine que je devrais réserver au prochain homme de ma vie, pas à cet acte infâme.

J’apprivoise la colère qui accompagne, nécessairement, ses commentaires. Sur mon apparence, notamment, car selon elle j’ai pris quelques kilos depuis l’accouchement. Autant dire que j’ai enfin trouvé mon équilibre ! Après des années à négliger ma santé, j’ai enfin l’air… normale ? Oh et bien entendu, je devrais cesser cet entraînement ridicule au katana, car il enlaidit mes bras de vilains muscles, peu gratifiant pour une femme de haute société. Cela suggère, selon ses dires, que je dois lever des charges par moi-même comme le ferait une personne de moins bonne naissance. Je soupire profondément. Comme il doit être embourbant de s’alourdir de tant de règles ! La vie de ma mère doit être bien compliquée. À vrai dire, je commence à peine à aimer ce que je vois dans le miroir, je ne laisserai pas ma génitrice défaire tout ce travail sur moi.

D’un geste distrait, je forme un léger vent destiné à faire s’envoler quelques bulles de mousse. Je comprends, d’une certaine manière, que celui-ci est causé par moi. Je ne suis pas certaine néanmoins d’en assimiler les mécanismes. Il me semble avoir une meilleure prise sur ce pouvoir lorsque je ne suis pas concentrée directement sur la tâche à accomplir. Étrange. J’imagine que le vent n’est pas quelque chose qu’on domine entièrement. Je me souviens, avec un grand sourire, à cette envolée à dos d’Airmure que j’ai faite le fameux soir du bal. Je n’avais plus contrôle de rien et pourtant, j’ai découvert des sensations jamais éprouvées avant ! La beauté du ciel, le murmure du vent, la complicité de la lune ! Je repense à ce que Corvus a dit au sujet d’Aetius. Il faudra effectivement travailler durement pour lui permettre d’apprivoiser le vol (et moi aussi d’ailleurs). J’aurai besoin de guidance d’une personne d’expérience. Lorsqu’il a affirmé tout ceci, pensait-il à lui-même ? Nous engageait-il à une nouvelle rencontre ? J’ai beau avoir lancé l’invitation, si jamais il devait repasser par Vénovos, je n’ai aucune crainte qu’il reparaisse à ma porte. Il ne ferait jamais ça, pas vrai ?

J’aime penser cette soirée comme détachée de tout le reste. Un instant de paix dans un océan de houle. Malgré tout, les mots de Corvus m’accompagnent toujours. Ce navire perdu dans les flots, a-t-il dit. Une métaphore intéressante, pas bien loin de la réalité. Le hic, à l’instant, est que j’ai perdu toute direction. Où se trouve la terre ferme désormais ? Je soupire à nouveau en m’extirpant de l’eau devenue tiède, me glissant dans une serviette chaude puis dans une robe de chambre. Il vaut mieux de conserver mes habitudes. C’est ainsi que je suis parvenue à me reconstruire, du moins en partie. Même si j’en ai la possibilité, je ne lui écrirai pas. D’une part pour éviter d’encourager ces rumeurs qui courent à notre sujet, de l’autre pour me défaire de l’envie de le revoir. J’éprouve encore une grande curiosité à son endroit, néanmoins il a trop vu de moi ce soir-là. D’une certaine manière, j’ai l’impression de lui en avoir trop révélé, même des parts que je ne connaissais même pas de moi. Qu’il emporte le secret. Je me fais la promesse amère de ne plus jamais le revoir. J’ai trop à y perdre, du moins il me semble de derrière ce cœur blessé et méfiant.

Oh, voilà qui me rappelle justement l’autre part de ma petite famille, celle que j’ai négligée jusque-là. Je libère tous mes compagnons. Beaucoup s’empressent d’aller manger à leur tour, aux gamelles posées dans un coin de la chambre. Oreste se pose près du feu, tandis que Napoléon se hisse sur le lit pour s’y coucher en boule. Je caresse le petit chat avant de prendre place devant la coiffeuse, entreprenant de me peigner les cheveux. Une voix néanmoins me tire un sursaut. À la porte, un visage familier.

«Je peux le faire si tu veux, Leonys.»

Je lui tends la brosse à cheveux et elle prend place derrière moi. Avec toute la délicatesse du monde, Imany se met à brosser ma tignasse de gestes habitués. Cette proximité devrait me tendre, or, il s’agit d’un rituel bien établi entre nous. La cuisinière m’a assez prouvé par le passé que je pouvais avoir confiance en elle.

«Dur voyage ?»

Je soupire.

«Voyager avec ma mère et Akeira tout à la fois est une expérience que je ne veux plus répéter.» j’explique.

Imany glousse légèrement. Elle connaît parfaitement bien ma mère, celle-ci ayant déjà osé une fois critiquer ses plats. Disons simplement que Dame Valencia a trouvé une tête plus dure que la sienne.

«Akeira est remuée de votre dispute en tout cas.»

Nouveau soupir.

«J’imagine. J’irai lui parler demain. Je ne lui en veux pas, tu sais ?»

«Je sais. Mais tu la connais. Elle s’imagine que tu vas la mettre dehors.»


Quelle idée ridicule. Je fronce les sourcils avec un petit rire. Akeira dépend beaucoup de cet emploi, trop. Elle possède un grand potentiel, même elle l’ignore encore. Je n’ai aucun doute qu’elle réalisera ses rêves, pour peu qu’elle croit en ses capacités. Elle a déjà beaucoup de chance d’avoir un projet aussi concret que celui de devenir enseignante. Pour ma part, je scrute l’avenir d’un œil incertain en sachant pertinemment que je ne pourrai me contenter du statut quo, tout en n’ayant aucune idée d’où mes pas peuvent me mener à partir d’ici.  

«Elle a dit que tu as passé du bon temps à ce bal.»

J’hoche la tête, sans en révéler davantage. Imany a ce don de deviner les choses. Au sourire qu’elle m’adresse, je devine qu’elle a une idée en tête.

«J’aurais meilleure mine si j’étais toi. Des fiançailles, ça doit se célébrer après tout.»

Comme le dirait une certaine paysanne kunioise : crottin de Dialga. Mon expression se déforme en une moue agacée. Je n’ai pas fini d’entendre parler de cette histoire. Je repense à mes convictions de tout à l’heure : je ne dois pas revoir Corvus. Les gens ont l’imagination trop fertile pour leur propre bien. On dirait franchement une obsession de nous voir ensemble. Qu’ils se trouvent quelque chose à faire !

«Imany franchement tu ne vas pas croire à ces rumeurs !»


Bien sûr que non. Il n’y a qu’à voir le sursaut amusé contre ses lèvres pour comprendre qu’elle n’en croit rien, qu’elle cherchait simplement une réaction.

«Non. Mais il y a eu quelqu’un et je veux savoir qui c’est. Personne n’approche ma Leonys sans passer par moi.»

«Imany…»

«Aller, qui est-il ?»

«Corvus Eddaryon, il…»


Elle pouffe de rire soudainement.

«Cor-vus Edda-ryon ? Mais quel nom pompeux, je te gage un sakaien avec un nom pareil !»

Je fais la moue, abandonnant l’idée de lui parler du jeune homme. Devant ma mine déconfite, elle s’excuse en riant. Imany a toujours eu des idées particulières sur la noblesse. Ses parents faisaient partie d’un groupe oeuvrant dans l’objectif de réduire au possible le pouvoir des nobles. Si la femme à la peau sombre ne partage pas nécessairement leurs convictions, leurs idées l’ont tout de même teintée.

«Pardon, pardon. Continue.»

«Effectivement Sakaien, fils et héritier de la maison d’Eddar. Il œuvre dans l’armée de Sakai en tant que cavalier aérien.»


Je ne dis rien de plus. Le silence s’installe alors qu’elle me scrute, attentive, dans l’attente de la suite. Malheureusement, celle-ci ne vient jamais, la laissant sur sa faim. Tant pis, elle n’avait qu’à pas se moquer.

«Et… ?»

«Et puis, rien. C’est tout.»

«Leonys…»


«Quoi ?» je ne peux réprimer mon sourire amusé. «C’est l’homme que j’avais rencontré au marché il y a quelques mois, celui avec le Pichu.»

«Ohh, celui qui s’est ramassé à quatre pattes sur la plage ?»

«Oui, celui-là.»

«Oh.»


Elle rit d’autant plus.

«Il a l’air d’un misérable ton mec.»

«Ce n’est pas «mon mec» comme tu le dis, mais un ami. Tu sais très bien Imany qu’il n’y en aura plus jamais.»


Son rire s’estompe aussitôt. Je n’ose pas croiser son regard.

«Leonys.»

Pourquoi tous les discours ces derniers temps débutent par mon nom, prononcé de cette manière si grave ? Je prends une grande inspiration, jouant nerveusement avec un pan de ma robe de chambre. Imany pour sa part repose la brosse sur la coiffeuse avant de s’emparer de mon menton avec délicatesse, mais assez fermement pour me forcer à affronter son regard. J’y lis une bonté presque maternelle, et une affection sincère pour moi. La cuisinière ne me laissera jamais tomber, encore moins lorsqu’il s’agit de me dire des choses que je ne désire pas entendre.

«Je me fiche de ce Corbusse ou je ne sais quoi-»

«Corvus.»


«Peu. Importe. Si le monde entier vous prête des intentions alors soit, si ça peut les distraire tant mieux. Tout ce qui m’importe est ton bonheur. Cependant je dois te dire une chose, Leonys. Si tu décides d’aimer à nouveau, il n’y aura pas d’autre Arthur. Tu m’entends ? Il n’y en aura pas d’autre. Car tu es différente maintenant. Et que moi je suis là, et je veille.»


Une ombre passe dans ses yeux. Imany a vu. Elle était là, aux tous débuts, lorsque les choses ont commencé à déraper. Elle est la seule parmi tous nos domestiques à m'avoir défendue, au prix de son travail et de sa réputation. Elle est la seule à lui avoir fait face, à avoir rugi plus fort que lui. Mais elle ne pouvait rien pour moi. Je l’ai laissée partir sans savoir à quel point je pouvais avoir besoin d’elle. Je sais qu’encore maintenant, elle culpabilise de ne pas être retournée sur ses pas pour m’emmener avec elle. J’ai beau lui répéter, elle s’obstine dans sa culpabilité. Je ne serais jamais partie à l’époque. J’étais incapable de voir, malgré les traces sur mon visage. Ce miroir ne me renvoyait alors l’image d’une personne à parfaire, pas celle, bien réelle, d’une victime.

«Tu n’as pas besoin d’être amoureuse pour être heureuse. Néanmoins si ça devait t’arriver, ne te ferme pas à cette possibilité. Ne ferme pas les portes par peur, Leonys.»

«Fermer les portes est le mieux que je puisse faire en ce moment, Imany. J’ai besoin de temps.»


Elle reste silencieuse pour ce qui me paraît des heures. Je scrute son visage pensif, suivant le fil d’une réflexion nuancée.

«Très bien. Rien ne sert de te presser de toute manière, je l’ai déjà assez répété. Or, j’aimerais bien que tu ne dises plus «jamais».»

J’hoche lentement la tête. Je crois… Je crois qu’il s’agit d’une entente convenable. Sans fermer la porte, je pourrai la laisser entrouverte, un peu. Juste un peu. Nous restons ainsi, toutes deux perdues dans nos pensées longtemps. Elle ne reprend la parole que plusieurs minutes après, après avoir formé plusieurs petites tresses dans mes cheveux.

«Je dois te dire, aussi, que tu as des visiteurs.»

«Hum? Qui donc ?»


Je n’ai jamais de visiteurs. Il faut dire que je n’invite pas souvent. Je tente de déchiffrer l’expression de mon amie, mais celle-ci demeure parfaitement neutre.

«Une jeune femme dont tu as fait la connaissance il y a quelques semaines, ainsi que ses deux enfants. Elle nous a offert la broche de Lamantine, celle de ta famille. Nous n’avons pu faire autrement que de la laisser entrer. Elle se repose avec les deux gamins dans une chambre d’invités. Elle a pleuré tout l’après-midi.»

Liora. Je me redresse d’un bond, me précipitant à la salle de bain pour enfiler une chemise de nuit, que je couvre de la robe de chambre. Pieds nus, je fais face à Imany. Elle comprend aussitôt ma demande, m’invitant à la suivre. À cette heure, les couloirs sont vides. Je tiens un staff limité pour l’entretient de la demeure, car j’ai de la difficulté à engager par manque de confiance. Ceux qui restent doivent se reposer dans leurs quartiers, se préparant probablement à aller dormir. Il se fait tard et la fatigue m’alourdit moi-même, mais il me faut voir la jeune femme avant toute chose. Imany frappe à une porte. Après quelques secondes, une rouquine nous ouvre. Je me bute à deux iris fatiguées, si fatiguées. Perdues dans leurs orbites rougies et flétries, elles me scrutent sans conviction. Je lis la honte, la confusion, et une peine, une peine immense. Sa flamme s’est éteinte, si bien que je la reconnais à peine.

«Je suis désolée.»

Non, c’est moi qui suis désolée. Car je n’ai pas pu la sauver de ce sort lors de notre première rencontre. Renversée, je me recule d’un pas devant la violence que je devine dans chacune de ses ecchymoses, celle-là qui a fendu sa lèvre et noirci son œil. Elle tremble, tâchant de se dissimuler derrière sa chevelure terne, comme sans vie. Une ombre, une fraction d’elle-même. J’ai laissé ça se produire. Le poids de cette révélation me fait tituber, et Imany intervient pour m’empêcher de tomber à la renverse. Je me souviens de cette image dans le miroir. À la fin, je n’étais plus si aveugle à mon reflet. Ce reflet, c’est Liora aujourd’hui. Mon cœur se serre et je me sens chavirer, tendant la main vers elle, suspendant mon geste. J’ai espéré qu’on me vienne en aide à son époque, qu’on me dise des mots inspirés, qu’on m’offre un second souffle. L’expérience de la chose ne m’a pas rendue plus compétente ou loquace. Car face à sa souffrance, je ne parviens pas à prononcer un seul mot.

Tout ceci est de ma faute.

Je l’observe d’un regard brûlant, nauséeuse, écartelée. Je peux presque voir la scène, la scène qui se déroule derrière les portes closes, celles que tant refusent de pousser au nom de l’intimité. Pouvais-je simplement quelque chose pour cette étrangère qui partage mon histoire ? Son visage s’est crispé, comme si elle s’apprêtait à pleurer. Mais il n’y a plus de larmes, elles se sont taries, la laissant avec une sensation encore pire : celle du vide.

«J’ai eu de drôles de pensées à nouveau. Je suis désolée. Je ne savais pas où aller.»

Sa voix craque. Je m’empare de sa main, je m’y accroche fort, si fort. Je veux qu’elle sache qu’elle a sa place entre ces murs. Et qu’ici, elle sera en sécurité. J’échange un regard avec Imany. Elle comprend être de trop ici, car certaines choses ne se disent qu'à ceux en mesure de véritablement comprendre. D’un geste de tête, elle nous salue toutes les deux, une expression grave sur le visage. Je sais qu’à l’intérieur d’elle bout une rage, une rage sans nom pour ceux incapables de communiquer autrement que par les poings. De ceux qui s’emparent d’une vie pour la faire voler en éclats. De ceux qui vous détruisent un peu plus à chaque jour qui passe. Les coups, encore, ne forment pas les pires blessures. Ce sont celles, invisibles, qui mettent le plus de temps à guérir. Je ne me suis pas départie de sa main alors que nous pénétrons dans la pièce. Dans le lit, deux enfants, un garçon et une fille, dorment paisiblement. Nous prenons place sur les deux fauteuils faisant face au feu. Elle s’emmure dans un silence que je n’ose pas briser. Je me contente de caresser doucement ses doigts et de surveiller son expression lasse, portant le poids du monde.

«Je ne pouvais pas rester. Il nous a tous menacés, il était complètement bourré, il a tout brisé dans la cabane. Mais quand il s’en est pris à mon fils, j’ai complètement flippé. Je lui ai sauté dessus, Leonys, je te jure, je voulais le tuer.»

Ça, aussi, je peux comprendre. Je peux comprendre très bien. S’agit-il de la seule issue donc pour des victimes de tels abus ? Est-ce la seule solution ? Sans la moindre possibilité autre que celle-ci pour y survivre, alors quoi ? Liora a cette chance que je n’ai pas eue. Elle avait un lieu où se réfugier. Elle a la force que je n’ai jamais possédée. Celle de partir.

«J’ai pris les enfants et nous sommes partis. J’ai erré sur les routes pendant des jours, puis je me suis souvenue de ce que vous avez dit. Alors je suis venue. Je suis désolée.»

«Liora, cessez de vous excuser. Vous êtes ici en sécurité. J’aurais aimé vous protéger de ce qui s’est passé. Voilà tout ce que je peux faire pour vous pour le moment.»

«C’est bien assez, c’est plus qu’assez c’est… inespéré.»


Le silence retombe entre nous deux. Elle n’a pas dit merci, mais je le devine dans ses mots, dans la pression qu’elle exerce sur mes doigts. Je ne réalise pas tout de suite qu’elle s’est endormie, fauchée par la fatigue. Je n’ose pas la réveiller et la diriger vers son lit. Son visage s’est un peu apaisé, en soit il s’agit d’une victoire pour ce soir. Délicatement, je me redresse et prend le pas de la porte, non sans un dernier regard vers les deux enfants endormis. Si j’ai surtout pensé à Liora lors de notre échange, je ne peux réprimer une pensée pour ces deux gamins. Je grimace en m’imaginant ce qu’ils ont pu vivre, eux aussi, dans toute cette situation. Tout aussi victimes que leur mère, tout aussi innocents sinon davantage. Eux non plus n’en méritait pas tant. Aster ne grandira pas de la même manière; néanmoins peu de choses nous séparent d’une réalité où ç’aurait été le cas. Je tuerais Arthur encore et encore si c’était pour protéger mon fils de ses excès.

Je quitte la pièce à pas feutrés, le cœur lourd mais aussi satisfait. Liora touche le fond ce soir, mais demain s’éveillera avec la promesse d’un meilleur avenir. Je veillerai sur elle, comme Imany l’a fait pour moi. Jamais plus elle ne se sentira seule et démunie.

Sur cette promesse, j’entre dans ma chambre pour trouver, sur le lit, le coffre de l’œuf tremblant et vibrant, comme animé d’une force surnaturelle. Une lumière vive s’en échappe, provoquant de nombreux feulements outrés de la part de Napoléon. L’œuf ! Il est sur le point d’éclore ! J’ouvre le coffre et tente de m’en emparer pour le poser sur le lit, mais je retire ma main rapidement. La coquille est bouillante, menaçant de me brûler. Le phénomène a provoqué l’approche de tous les autres sauf peut-être d’Oreste, qui demeure en retrait. J’entends même un petit cri appréciatif de la part d’Ariane qui, appréciant les choses brillantes, doit bien aimer ce spectacle. Finalement, une forme apparaît à l’intérieur du coffre, minuscule et pourtant hardi déjà. Un Héricendre ! Adorable qui plus est. Je m’empare doucement de lui, alors qu’il renifle tout autour pour se familiariser avec son nouvel environnement et, d’une certaine manière, sa nouvelle mère.

«Bonjour, toi. Tu nais à un moment propice, petite flamme. Je sens que j’aurai besoin de ta chaleur dans les jours à venir.»

Tout ce feu aura bien raison, je suppose, de mes murailles de glace.
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