[contenu violent] Sauvez un arbre, ne mangez pas Teion Suelo

Teion Suelo
« Un pokemon plante, ce n’est pas une plante. »

INFOS

Nom : Suelo
Prénom : Teion
Surnom : Tei
Genre : M
Âge et date de naissance : 24 ans, 24 juillet 195
Royaume : Mido
Métier / Occupation : Garde forestier & Arboriculteur.

POKÉMON

Veuillez barrer le choix ne vous convenant pas parmi :
~~- Je désire qu'on me propose un choix de trois Pokémon~~
- J'ai choisi mon Pokémon de départ et le voici
~~- J'aimerais qu'on lance le dé chromatique~~

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Feuille | Insécateur ♀
Rigide - Technicien
Description : Cet Insécateur, autrefois exploité dans une menuiserie Sakaienne, a été recueilli par Teion, dans des circonstances que vous découvrirez dans l'histoire. Son passé en font une créature irritable et violente, bien qu'ayant construit avec Teion une relation de confiance saine, malheureusement fragilisée par de récents évènements.

DESCRIPTION PHYSIQUE

Cheveux : Sombres teintés de vert
Yeux : Verts
Peau : Pâle
Silhouette : Longiligne. 1m78 pour 65kg.
Particularités : Allergie aux baies Stekpa qui s’est déclarée pendant l’adolescence, et ça n’était pas plus mal car il n’avait jamais vraiment aimé ça.

PERSONNALITÉ

Caractère : Rêveur – Entier – Autonome – Rancunier

Teion est un garçon de la forêt. Cela implique qu’il est difficile à trouver, mais aussi qu’il est difficile de lui arracher un mot, à moins qu’il ne l’ait décidé. Le reste du temps, il se contentera de vous juger en vous regardant, parfois avec un sourire en coin.
Dire qu’il est jovial serait clairement une exagération, mais son application et son sérieux en font quelqu’un avec qui il est agréable d’échanger dans un cadre professionnel. Quant au cadre privé, ceux qui le connaissent redoutent son goût pour la solitude, et sa propension à s’éclipser dès la première occasion.
Un amour quasiment religieux du règne végétal non-pokemon pilote chacun de ses choix de vie. Cela peut aller assez loin : on lui reprochera d’être extrême dans son positionnement. S’il accepte que l’on abatte des arbres de façon raisonnée, sa patience et sa retenue s’évaporent très vite lorsqu’on parle de déforestation.
Son rapport au règne pokemon est ambigu. Il entretient avec son Insécateur une relation de confiance forte, mais reproche globalement un emballement collectif pour ces créatures qui, si elles peuvent cracher du feu et soulever des montagnes, sont entièrement dépendantes de la flore qui leur offre un milieu naturel, de la nourriture, et probablement bien d’autres choses dont même les érudits Sakaiens n’ont pas encore idée.
Une version contextualisée et étendue de sa phrase fétiche en est une bonne illustration :
« Un pokemon plante, ce n’est pas une plante. Ça n’a pas de racine, ça mange tout le temps, et ça produit rarement quoi que ce soit de comestible. »
« Oui… mais ça a un cœur ! », lui répond-on souvent.
« Absolument. C’est donc une forme de vie éphémère, comme nous autres. Que l'on fasse partie des pokemons ou du genre humain, on ne fait pas le poids face aux arbres. C’est à nous de les respecter, pas le contraire. »

De façon générale, s'il a une curiosité plutôt flexible en ce qui concerne la foresterie, Teion a du mal à se remettre en question. Ce qui lui joue des tours de façon régulière.

Objectif(s) : Comprendre et protéger les forêts d’Ekoe et leurs différents écosystèmes. Redorer l’image de l’arbre et du végétal non-pokemon dans l’imaginaire collectif.
Craintes : Son rapport fusionnel à la nature est à double tranchant : quand on la mutile, Teion se sent meurtri. Par ailleurs, son éthique l’obligeant à toujours faire passer la forêt en premier, il peut être amené à prendre des décisions drastiques pour assurer sa préservation, ce qui peut donner lieu à des arbitrages très violents qui, s'il les juge nécessaires, ne remplissent pas spécialement son cœur de joie..

HORS JEU

PUF/Surnom : Ey / On'
Âge : Facultatif
Comment avez-vous connu le forum ? : Topsite
Code du règlement : Miamé par Aeq
Personnage sur l'avatar : Sync de Tales of the Abyss.
Autre :Mélomane ♫

HISTOIRE

Partie 1 : Kaion Suelo

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J’avais huit ans la première fois que père nous a emmené vivre dans la forêt avec mon frère Teion, qui lui en avait quatre. Pourtant, son jeune âge ne l’a pas empêché à se prendre au jeu bien plus vite que moi.
Le but du jeu : pas de contact avec la civilisation. Une semaine d’autonomie totale, à vivre de baies et d’eau fraîche… ça, c’était ce que père nous avait vendu. Il s’était bien gardé de mentionner la partie où il fallait gober des Chenipans entiers, ou sucer le nectar d’un Bulbizarre vivant sans lui demander son avis. Je n’étais pas à l’aise avec ces pratiques, qui à mon sens relevaient plus de la tradition qu’autre chose puisqu’il n’y avait aucune raison d’envisager une telle forme de survivalisme : la paix était de retour, nous habitions Kashai et ne manquions de rien. Teion, quant à lui, ne se posait pas toutes ces questions. C’était bel et bien un jeu pour lui.

Pourtant, même pendant ces phases d’immersions, nous n’avions qu’effleuré la surface de la forêt. Car bien des années plus tard, alors que Teion et moi atteignîmes l’âge de déraison, nous fîmes un premier plongeon dans le cœur des Forêts Géantes.

- Par Célébi… Teion, tu vois ce que je vois ?

Il ne me répondit pas. Je compris plus tard qu’il était bien encore plus fasciné que moi par les dimensions du lieu. La hauteur des arbres dépassait tout ce que nous avions imaginé, et cela grouillait de vie. Impossible de tourner la tête sans voir une colonie de Boustiflores osciller comme des pendules, ou un Vortente en train d’ingurgiter un Capumain, à moins que ce ne fût l’inverse… Dans certaines zones, il était même difficile de faire le moindre pas sans écraser un Noeunoeuf.

J’étais tellement subjugué par toute cette faune que je mis plusieurs minutes à remarquer que mon frère avait disparu.
Comme cela n’avait pas l’air d’inquiéter père, je suivis son regard. Teion n’était pas loin : il était juste à plusieurs dizaines de mètres au-dessus du sol, en train d’escalader un arbre. Il en atteignit le sommet en quelques mouvements, et ne redescendit pas.

Au bout d’un quart d’heure à l’attendre, je perdis patience :

- Teion, ça suffit ! Redescends, sale gosse !

- Laisse, fils, fit Père. Rentrons au campement.

- Comment ça, sans lui ?

- Tu m'as entendu. En route.

J’étais bouleversé. Mon frère m’agaçait, mais je ne voulais pas qu’il lui arrive quoi que ce soit. Père n’était pas quelqu’un d’impitoyable, il savait qu’il n’arriverait rien à Teion, et je n’avais pas d’autre choix que de lui faire confiance. Nous rentrâmes au campement sans lui.

***

Le Ouisticram de Père avait allumé un feu pour le ragout du soir.

- Père… c’est quoi son problème ?

- Qui ? Teion ? Enfin, tu le connais, à chaque virée c’est pareil, il finit toujours par n’en faire qu’à sa tête.

- Là on atteint quand même un niveau d’égocentrisme assez impressionnant. Il ne nous même pas dit un mot ! Il est parti, c’est tout.

- Les Forêts Géantes sont ainsi. Il leur arrive de voler le cœur des hommes…

- Je refuse qu’on vole mon frère. Il n’a même pas de pokémon pour le protéger, c’est de la folie !

- Cela ne l’intéresse pas. Teion a une affinité avec le monde végétal. Il s’en sortira.

Deux ans plus tard, il devenait garde forestier pour le compte de Mido. Une sombre affaire l’emmena à Sakai pendant quelques temps, après quoi on ne le vit plus en ville très souvent.

Partie 2 : Feuille

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Trois ans. Trois foutues années de vie dans cette menuiserie Sakaienne, à effectuer le même mouvement tous les jours. Couper du bois, couper du bois, couper du bois. Les pieds enchaînés le jour, le corps plié dans une niche dégueulasse la nuit. J’avais oublié le visage de ma mère. Depuis que j’avais atteint ma taille adulte, je ne savais plus qui j’étais.

Pourtant, un matin, on ne me sortit pas de la niche. J'étais au chômage, mais toujours enchaînée. Impossible d'avaler quoi que ce soit. L'épuisement me gagna, et je perdis connaissance pendant plusieurs jours.

Quand je rouvris les yeux, stimulée par une odeur incroyablement forte, le décor avait changé. Le bois n’était plus devant moi, mais tout autour. La dernière fois que j’avais vu des arbres enracinés dans le sol, j’avais quelques mois d’existence. Imaginez un peu le choc.

En face de moi, il y avait ce bonhomme avec une touffe de cheveux verdâtre ridicule, la baie odorante qu'il avait utilisée pour me réveiller dans une main, une serpe dans l'autre, un arc et des flèches dans le dos. Quant à moi, je n’avais plus les pattes postérieures enchaînées au sol. A quelques secondes près, j’allais lui sauter dessus et le découper en rondelles... si mon corps me l'avait permis.

- Voilà. A présent ton avenir t’appartient. Fais-en ce que tu veux.

Il me tourna le dos et s’en alla dans la forêt.

Je n’ai jamais su si c’était là de la psychologie inversée, s’il avait dit ça pour que je le suive. Sur le moment, ça ne m’intéressait pas vraiment. Je me suis barrée le plus vite que j’ai pu.

***

Deux jours plus tard, nos routes se croisèrent à nouveau près de la rivière Audacieuse, et cette rencontre fut mon salut. Comme je n’avais connu la vie sauvage que très jeune, les pièges de la forêt s’étaient abattus sur moi les uns après les autres.
D’abord j’avais essayé de manger un Trompignon qui m’avait donné une nausée colossale. Résultat : près d’une journée entière en position fœtale. Il y avait pourtant des baies Pêcha à peu près partout autour de moi, mais à l’époque j’étais encore trop ignorante pour savoir qu’un simple fruit m’aurait remise sur pied en un rien de temps.
Comme j’avais encore plus faim après cet épisode, je me suis approché d’un tas de baies que le destin avait mis sur ma route. Il s’avéra que pour le coup, le destin était en fait un Boustiflor, et que cette pile de baies était son garde-manger. Evidemment, il riposta en crachant de l’acide, et je faillis perdre ma patte gauche.
Et comme si ça ne suffisait pas, j’étais tombé dans un guet-apens de Germignons qui m’avaient prise pour cible en m’attirant avec un doux parfum.

Je n’étais pas fière. Et je ne sondai aucune condescendance dans le regard du bonhomme, qui m’administra des soins avec une délicatesse toute professionnelle. Un onguent soigna les blessures infligées par les Germignons, un bandage aida ma patte à se rétablir, et baie Ceriz sur le gâteau : il me gava de fruits, alors même que j’étais encore trop méfiante pour accepter son offre sans essayer de le mordre. Là encore, je ne saurais dire si ma faim était suffisamment palpable pour qu’il y réponde aussi naturellement, ou s’il cherchait simplement à m’acheter avec de la bouffe. Si c’était le cas, ça a bien marché : je ne l’ai plus quitté depuis lors.

***

Dés le début je m’étais beaucoup fourvoyée au sujet de Teion. Par exemple, j’étais persuadée qu’il n’était, comme n’importe quelle autre espèce à l’entour, qu’un autre consommateur de la forêt. Il en était en fait l’un des architectes. A ses côtés, je me remis donc à travailler, mais sans chaînes. Mes bras aiguisés lui étaient d’une aide considérable dans la taille des branches, et mes ailes me permettaient de couvrir rapidement une zone forestière lorsqu’il s’agissait de retrouver un promeneur égaré – rarement Midoyens, d’ailleurs.

Deuxièmement, j’étais convaincue que je m’engageais avec un partenaire taciturne. Tu parles ! Un vrai moulin à paroles ! Il me racontait sa vie tout le temps, en particulier pendant les séances de travail. Evidemment, au début je n’en comprenais pas la moitié, mais c’est venu au fil de l’eau. Il m’avait trouvé un prénom : Feuille. Pas seulement à cause de la couleur, mais à cause de mes tremblements réguliers, séquelles d’une vie sinistre qui appartenait au passé.

- Tu sais, plus je passe du temps dans la forêt géante, plus je me demande si elle a vraiment besoin de nous… attends, Feuille, dégomme-moi ce rameau-là, il va pomper toute la sève.

Je me fiais à son expertise appliquai ses instructions à la lettre aussitôt que l’on eût mis en place un langage commun.

- Je veux dire : les sauvetages, on en fait un tous les deux mois, et il est hors de question pour qui que ce soit de sensé de couper le moindre arbre ici. Quant à la poké-diversité, j’ai l’intuition qu’elle se porte très bien sans nous ici, fit-il en observant un essaim de Tournegrains se loger dans le sol quelques mètres plus bas.
Si on veut rester indépendant, il vaut peut-être mieux que je négocie avec Mido un autre contrat, sur une juridiction plus petite…

- Iiiiiiiiiiiiiiin ?

- Pourquoi rester indépendant ? Je ne sais pas…

- Je ne me sens pas à ma place dans le monde qui est en train de se construire dans les villes. Toute cette économie centrée sur les pokémons et leurs habiletés extraordinaires, j’ai l’impression que ça ne va pas dans le bon sens. Tu es la première à en avoir fait les frais.

Je marquai un silence lourd en repensant à cette partie de ma vie où j’étais littéralement exploitée à la menuiserie, avec une rancœur toute particulière contre mes anciens maîtres puisqu’ils étaient allé jusqu’à m’enlever le sens même de la notion de liberté. Je songeai par ailleurs que Teion ne m’avait jamais raconté précisément comment ni pourquoi il m’avait sorti de cet enfer.

- Et puis, toute cette excitation autour de la faune, ça fait de l’ombre à la flore. C’est moins spectaculaire, ça met des centaines d’années à pousser, mais franchement, regarde le résultat…

Comme souvent, il leva le nez en l’air et admira les troncs, les lianes, les feuilles aux formes et aux teintes de vert variées. Au-delà, on distinguait le bleu sombre d’une nuit d’été qui prenait son temps pour s’installer, et de vastes nuages dont on entrevoyait la teinte rosâtres à travers les frondaisons. Le vent faisait chanter les feuilles et danser les parfums. A chaque fois que ce moment d’égarement arrivait à Teion, on avait l’impression qu’il était en plein rêve, et que la chose la plus criminelle à faire au monde eût été de le réveiller.

- D’autres arbres ont besoin de nous. J’aime les Forêts Géantes, elles ont fait de moi qui je suis, mais c’est décidé. On finit les tailles des fruitiers qu’on a attaqués, et le mois prochain on déménage.

Partie 3 : Teion Suelo

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Le déménagement ne prit pas un mois, mais deux, car les négociations avec les autorités Midoyennes pour demander une mutation se révélèrent plus longues que prévues. On finit par trouver un accord pour nous faire travailler dans la région du Bois des Croisements, plus particulièrement la zone frontalière où les conflits de propriété étaient nombreux.

Moi qui voulais optimiser les surfaces arboricoles et équilibrer la diversité des essences d’arbres, je me retrouvais donc à faire du marquage à longueur de journée, du moins au début. Le marquage consistait à repérer les arbres qui faisaient de l’ombre aux autres, ou qui, pour une raison ou une autre, étaient éventuellement éligibles à l’abattage : c’était ces arbres-là, et SEULEMENT ceux-là, sur lesquels on avait le droit de poser la main. Les autres appartenaient au règne de Célébi.

Je n’avais jamais vraiment cru en Célébi, même si je trouvais que la métaphore d’une fée ayant trait aux plantes et au temps qui passe était une métaphore pertinente pour sensibiliser les plus petits à la question. Mais même sans y croire, quand on fait mon métier, on finit par s’en remettre à lui, ou du reste, à la force, la patience et la magie qu’il représente dans les cœurs Midoyens.

Feuille s’acclimata très bien. A peine arrivés, notre cabane était déjà construite grâce à ses talents, et malgré son caractère fragile et sa tendance, compréhensible, à se braquer au moindre signe d’agression, notre lien fut renforcé. Après une phase de stabilisation, le marquage nous prenait quatre à cinq matinées par semaine : le reste du temps nous nous attelions à nos activités habituelles : tailler des rameaux, planter des arbres, équilibrer la forêt. La pokéfaune étant moins luxuriante que dans les Géantes, la terre avait parfois besoin d’un petit coup de pouce : lorsqu’un sol manquait de vie, le plus souvent après un déboisement non durable et irréfléchi orchestré par les royaumes, on y apportait des Chenipans et des Balignons pour le travailler et replanter de nouvelles espèces. Et inversement, en hiver, s’il n’y avait pas suffisamment de neige pour assurer la « dormance » des plantes qui en avaient besoin et que les espèces invasives se multipliaient, nous remettions les pendules à l’heure, parfois à grand coups de lames…

Quant à veiller sur la forêt, c’était une activité transversale de tous les instants. Pas un jour sans qu’on soit obligé de rappeler à l’ordre un bûcheron de Sakai ou Kuni, de leur faire décliner leur identité, et de leur annoncer que par décret Midoyen, seuls les arbres marqués d’une croix rouge pouvaient être abattus, et qu’à moins d’une dérogation, seul les Midoyens pouvaient en récolter le bois.

Evidemment, ce n’était pas le goût de tout le monde. Et certains bûcherons étaient parfois plus coriaces que d’autres… A ce titre, le mois de Septembre 219 fut effroyable.

***

Alors que Feuille faisait sa ronde dans le bois, je tombai sur un groupe suréquipé en scies en tous genres, de toute évidence en provenance de Sakai. C’est avec effroi que je reconnus l’un d’entre eux. Lui, en revanche, ne me remit pas tout de suite.

- Je regrette, vous êtes en territoire Midoyen. Rien ne vous autorise à couper ici, il va falloir faire demi-tour. Décret du royaume.

- J’aimerais beaucoup voir ce décret, monsieur le garde champêtre, répondit l’homme que j’avais reconnu avec un regard de défi.

- Voici une contre-proposition. Vous dégagez, ou je vous flanque les cavaliers au c…

- Ça va, ça va.

Alors qu’ils commençaient à rebrousser chemin, je me sentais observé. Après qu’ils fussent partis, je sondai les feuillages alentours. Derrière un plant de baies Oran, il y avait un regard. C’était celui de Feuille. Je la rejoignis. Elle était immobile, les yeux exorbités. Elle venait d’assister à la scène. Elle aussi avait reconnu le chef de la troupe.

***

Je détestais le rouge, et Feuille détestait le rouge : c’est naturellement vers ce pigment que l’on s’était orienté pour marquer les arbres que nous devions nous résoudre à abandonner. A mesure que l’on s’éloignait du Bois des Croisements pour poursuivre ces salauds vers le Sud, ces marques se faisaient de plus en plus rares.

A y réfléchir, il n’y avait pas que le chef : tous les membres du groupe faisaient partie de la menuiserie de Sakai. Les autorités Midoyennes et moi-même l’avions attaquée plusieurs années auparavant pour une utilisation non autorisée et non durable du bois de notre royaume (ils produisaient des meubles de luxes, vendus aux plus riches à des prix aberrants), sans parler des conditions dans lesquelles les pokémons étaient forcés de travailler dans ce sinistre atelier.
Nous avions fini par trouver un accord à l’amiable : la menuiserie devrait renouveler son activité en revoyant sa consommation de bois à la baisse et en lui donnant une dimension plus officielle, tout en orientant sa production vers des produits moins coûteux et non seulement destinés aux aristocrates, et enfin en libérant tous les pokémons de leur chaînes. En échange de quoi Mido se chargeait de financer une partie de cette reconversion. Quant à moi, j’avais demandé à récupérer un Insécateur qui, volontairement ou non, se tuait à la tâche à l’atelier, et que je trouvais particulièrement mal en point. Comme ils n’étaient pas spécialement en position de négocier, j’étais reparti avec ma future partenaire de foresterie, à jamais marquée par ce sombre moment de vie.

Nous maintenions une distance de sécurité constante grâce aux sens de Feuille, mais le groupe se rapprochait beaucoup, beaucoup, beaucoup trop des Forêts Géantes à notre goût. Après plusieurs jours de traque sans relâche, nous y étions.

Les Sakaiens avaient posé campement autour d’un arbre si vaste, si haut, si extraordinairement majestueux qu’il devait avoir la moitié d’un millénaire derrière lui. Par ailleurs, une tempête se levait. Nous ne le savions pas encore, mais elle marquerait les livres d’histoires.

Je les surpris en flagrant délit, en train de déployer des systèmes d’abattages complexes, et à les installer autour de l’arbre. Feuille était en retrait.

- Tiens, monsieur le garde champêtre ? Il me semble qu’on est hors de votre juridiction, non ? Votre décret n’a aucune valeur ici, alors soyez gentil: foutez le camp.

Ses camarades, armés de haches et de poignards, m’offrirent un regard menaçant, de ceux qu’on ne connaissait qu’aux criminels.

- Pas besoin de décret. Ces arbres sont intouchables.

- C’est justement pour ça qu’ils ont une valeur inestimable. Nous faisons des meubles pour la haute bourgeoisie, il nous faut un bois exceptionnel. Je sais que vous comprenez, vous n’êtes pas si stupide que ça… non ?

« Des meubles pour la haute bourgeoisie ».
Je bouillonnais. La colère me rendit muet. Cela offrit au bandit le temps de retrouver la mémoire :

- Dites, je vous reconnais… c’est vous qui êtes venu à la menuiserie il y a des années et qui avez tout foutu en l’air ! Vous m’avez même chouré une ouvrière très productive.

- Il y avait un deal. Vous deviez mettre un terme à cette activité absurde. Mido s’était joint à moi pour subventionner votre reconversion, vous vous étiez engagés !

- T’appelles ça une subvention ? On a perdu les trois quarts de notre productivité avec vos conneries, nos profits se sont volatilisés ! J’ai dû virer du monde, tu sais. J’aurais voulu t’y voir ! Comment tu voulais qu’on change d’activité, la vente de luxe c’était la seule manière de tenir la baraque !

Je ne répondis rien. Je continuai à affronter son regard.

- D’ailleurs, on serait peut-être pas autant dans la mouise si tu m’avais pas enlevé Mandibule ! Ça ne serait que « justice » si tu me la rendais, pas vrai ?

Mandibule, c’était l’ancien nom de Feuille. Cela sonnait comme une insulte.

- Tu l’as sur toi ?

Silence. Un coup de tonnerre retentit au loin, et dans le même instant des cascades d’eau tombèrent du ciel.

- Assez poireauté les gars, couchez-moi cette grosse bûchasse, je m’occupe de détrousser ce couillon...

Il voulut s’avancer vers moi en faisant signe à deux sbires de le suivre, mais ils n’eurent pas l’occasion d’aller très loin. La pluie, canalisée par les feuilles des arbres, avait pris une telle puissance qu’il devenait urgent de s’abriter. La panique s’empara du groupe. Quant à Feuille et moi, même si nous n’étions pas préparés au déluge qui allait suivre, des averses dans cette forêt, on en avait vu d’autres…
Elle avait aiguisé ses pattes antérieures avant de partir. Et moi mes flèches. Jusqu’alors, Feuille était cachée derrière un tronc géant, sa soif de violence était si palpable que j’en oubliai la mienne.

- SAIGNE-LES ! Hurlai-je.

Feuille, cachée jusqu’alors, s’exécuta sans mal. Je l’aidai avec mon arc. Rapidement, il n’y en eut plus un seul debout.

Je n’ai jamais aimé le rouge.
Elle non plus.

***

Nous ne nous sommes plus parlé pendant les mois qui ont suivi, Feuille et moi. Un profond malaise s’était installé.
Le traumatisme de septembre, sans parler de la tempête qui avait éclaté et de nos difficultés pour y résister en pleine jungle, avaient naturellement déployé un certain nombre de barrières relationnelles entre nous. Une forme de culpabilité commune nous rongeait, mais nous fuyions le sujet.

Par la force des choses nous n’avions même pas eu à faire disparaître les dépouilles de ces raclures, des torrents de boue s’en étaient occupé. Évidemment, des milliers d’individus pokemons, mais surtout végétaux, avaient aussi péri dans le phénomène. Impuissants, nous faisions face à ce déluge historique qui s’appliquait à engloutir le monde. Mais pire encore: nous avions goûté au sang, au nom de la forêt.
De toute évidence, c’était un point de non-retour qui changerait à jamais, que nous l’acceptions ou non, notre manière de travailler, et de résoudre les conflits. Car il y aurait d’autres malfrats, d’autres abus, d’autres bavures...

La pluie s'arrêta subitement en octobre, le soleil reprit ses droits sur la canopée. Mais au bois des Croisements, comme dans nos cœurs meurtris, tout un travail était à reprendre.

Bienvenue ici ! :face:

Hey Teion :3
On s'occupe de ta fiche bientôt, le temps de la lire et tout (a)

Bienvenue par ici ^^

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