La naissance de mon enfant m’effraie pour bien des raisons. Même si j’ai désiré cet enfant, les circonstances d’un accouchement ne peuvent que réduire l’enthousiasme à cette idée. Combien de femmes m’ont affirmé qu’il s’agit de la pire douleur jamais vécue ? Qu’on y survit plutôt qu’on vit ce moment ? Tant de variables peuvent influencer la manière dont ce moment se déroule, autant de composantes qui déterminent la vie ou la mort. Je suis bien entourée heureusement et l’affirmation de Darla d’être présente quelques semaines à l’avance me fait du bien. J’ai appris, même si je ne peux en confirmer la vérité ou non, que les premiers bébés d’une femme ont tendance à venir plus tard que tôt. La sage-femme ne devrait donc pas manquer la naissance du petit ou de la petite. Puis naïvement, je m’imagine que cela m’assure un accouchement plus tranquille que d’autres. Darla ne laisserait rien m’arriver après tout et entre ses mains expertes, je n’ai rien à craindre… Pas vrai ? Je limite peut-être la part du hasard ici, mais on trouve tous des manières différentes de se rassurer après tout. Je souris à la rouquine, à moitié rassurée tout de même, car rien ne saurait véritablement calmer l’intensité de mes angoisses. Elles ont d’autres origines après tout, bien plus profondes et sournoises.

Je veux tellement la croire néanmoins que je bois presque ses paroles. Effectivement, l’enfant semble plein de vie, et vigoureux, probablement un peu trop parfois, surtout la nuit quand sa future mère essaie de prendre du repos. Je souris, pressée tout de même de le rencontrer. J’imagine que ces canyons n’arrivent pas même à la cheville de cette grande aventure qui m’attend et tous les combats du monde ne sauront m’épanouir une fois que ce bébé naîtra. Je l’observe la route devant moi, sans entrave, sous un soleil éclatant. Rien ne sert de s’en faire en ce moment. De toute manière il est des choses sur lesquels je n’ai pas de contrôle. J’ai fait ce que je devais pour protéger ma grossesse, à présent je dois simplement laisser les choses aller d’elles-mêmes.

La proposition de Darla d’ailleurs me tire un encore plus grand sourire. J’aime toujours apprendre et découvrir de nouvelles choses. Ainsi, cette proposition tombe à point. Lors de ses instructions pendant la pause pour le repas, je me montre une élève assidue, posant beaucoup de questions trop sérieuses ou trop angoissées. Je reste un moment avec le rebozo accrochée sur moi en prenant véritable conscience que mes aventures ne font que commencer.