[OS] La flamme vacille...

Sujet: [OS] La flamme vacille... Mer 27 Nov 2019 - 11:51

La flamme vacille...

OS
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Hériberto allait voir ses parents. Et comme à chaque fois, cela impliquait un certain rituel de préparation mentale pour affronter leurs regards emplis de jugement et d’attentes hors de portées. Mais cette fois-ci était bien la pire pour le futur-ex-soldat. Il allait se mettre à genoux devant eux pour implorer leur aide tout en annonçant ses nombreux échecs et le plus important, son expulsion de l’armée. Il avait beau retourner le problème dans tous les sens, aucune formulation ne permettait d’atténuer la situation dramatique.
Tout en marchant à travers la ville en reconstruction pour se rendre à la maison familiale, il esquivait les regards toujours méprisants que lui jetaient tout ceux qu’il croisait. Il n’en connaissait pas la moitié mais eux n’oubliaient pas de lui rappeler sa condition. En vérité, il aurait sûrement dû être exécuté pour son retard assimilé à de la désertion, mais le besoin de bras lui avait permis de garder sa tête.
Mais il ne supportait plus d’être ainsi châtier. Cela ne pouvait plus durer. Un Skalos ne pouvait pas subir tant d’outrages, patauger dans la boue, travailler plus que les autres, essuyer les reproches et mourir de froid dans un abri de fortune. Ne serait-ce que pour leur nom, ses parents accepteraient de lui donner une chambre et un couvert, et l’occasion de redorer son image et la leur dans le même temps.
Perdu dans ses réflexions, il n’entendit pas son nom crié par un poursuivant et même Lisa ne parvint pas à attirer son attention pour lui signaler. Ce fut donc une main se posant sur son épaule qui l’interpela, et l’arrêta en douceur. En se retournant, il fut surpris de découvrir Vitruvius, le sourire aux lèvres.

Rudy ? Qu’est-ce qu’il y a ?

Monsieur, j’ai une bonne nouvelle !

Une bonne nouvelle ? Il avait retrouvé son grade d’officier ? Une autre tempête allait les balayer pour lui donner l’occasion de faire une action qui marquerait suffisamment les esprits et lui redonnerait ses galons ? Ses parents étaient morts et lui avaient tout légué ? Arceus se proposait de devenir son pokemon ? Quelle bonne nouvelle pouvait-il bien annoncer à un moment si sombre...

J’ai pu avoir un petit terrain où construire une maisonnette où nous pourrons loger jusqu’à reconstruire la nôtre ! Plusieurs ouvriers vont m’aider pour que ce se soit vite fini. Ce sera sobre mais au moins nous aurons un toit et une cheminée Monsieur.

Le visage d’Hériberto resta vide, il ne voyait pas de quoi se réjouir dans cette nouvelle. Certes elle était bonne, mais pas pour lui. Quand bien même les ouvriers acceptaient de construire un toit sous lequel le méprisé-de-tous allait s’abriter, ils le faisaient pour Vitruvius. Son serviteur, menuisier, homme à tout faire, débrouillard et bon négociateur, cuisinier... C’était lui qui faisait tout, depuis toujours... Il avait permis à Héri d’avoir ce qu’il voulait, il se démenait dans l’ombre pour lui donner les occasions et les moyens d’atteindre ses objectifs. Alors qu’il n’aurait jamais eu à le faire si les Skalos n’étaient pas ce qu’ils étaient. Ce malchanceux n’aurait pas dû être la double victime de sa famille. Car en plus d’avoir été renversé par leur carriole, il était devenu leur esclave. Mais il n’avait rien dit, il avait accepté sans résister d’être le serviteur d’un gamin incapable.
Tout cela, il le voyait enfin. Au pire moment. Quand il touchait enfin du doigt que son « serviteur » valait mieux que lui, et aux yeux de tous en plus. Il se retrouvait à superviser des reconstructions à travers toute la ville en ruine, pendant qu’Hériberto n’était bon qu’à déblayer les débris. Des bras et rien d’autres, qui avaient toujours considérés le vieillard comme un incapable alors qu’il était la machine qui lui permettait d’avancer malgré son manque de capacité. Il n’était arrivé à rien malgré l’homme incroyable qui le tirait vers le haut depuis tout ce temps.
Ce vieillard bienheureux et travailleur acharné lui annonçait avec joie qu’il avait encore trouvé une solution pour eux deux. C’en était trop. Hériberto ne pouvait plus l’accepter, c’était au-delà de ses moyens. Il ne savait pas si c’était son égo qui n’en était plus capable, ou son âme, mais voir cet homme tout faire pour lui alors qu’il ne l’avait pas mérité, c’était trop.

Le sourire de Vitruvius s’effaça peu à peu en voyant les démons se battre dans les yeux de son maître, il devinait avec tristesse les tourments du jeune homme et resta silencieux.

Vitruvius Galahad...

Les yeux fatigués d’Hériberto dévisagèrent un instant le vieil homme, il avait passé presque la moitié de sa vie à son service pour rien...

Tu as largement rempli ta part du contrat. Tu es libéré de tes services auprès de la famille Skalos. Tu peux faire ce que bon te semble à partir de maintenant. Vas construire ta maison et ne te soucie plus de moi.

Sans rien ajouter, il se retourna et continua vers la maison Skalos. Il allait devoir vivre sans son serviteur. Se débrouiller tout seul. L’épuisement l’empêchait de vraiment réaliser ce qu’il venait de faire, mais Rudy avait dû le comprendre, puisqu’aucune main ne vint le rattraper une seconde fois. Aucune voix ne l’interpela. Seul le silence grandit derrière lui. Peut-être avait-il fait une bonne action pour une fois dans sa vie.
Le seul cadeau qu’il pouvait offrir à un serviteur qui s’en sortait bien mieux que lui. Sa dernière possession. Il n’avait plus rien maintenant, plus que son nom. La seule chose à laquelle il se raccrochait. S’il n’était pas si fatigué, il pleurerait devant tant d’échecs et d’humiliations, la pire étant de quémander l’aide de ses parents qu’il avait toujours déçu. Mais il n’avait pas le choix. C’était sa dernière chance.

Rudy mon ami ? Pardonne moi et prend bien soin de toi... Il ne le dit pas.

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