Supercondriaque [Mini-event

Sujet: Supercondriaque [Mini-event - OS] Ven 11 Oct 2019 - 9:17

Supercondriaque.Seule - 30 septembre 219.
Le jour s'est levé. Cela fait un moment, je crois. Pourtant, je n'ai pas quitté le lit, moi qui suis si matinale à l'accoutumée. Le lourd édredon m'écrase littéralement sur le matelas. Impossible d'esquisser un geste, pourtant ce n'est point l'envie qui manque. J'ai horriblement chaud, les draps sont trempés de sueur. J'aimerais tant m'en débarrasser, mais mes forces me font défaut ; et puis, j'ai si froid également. Mes membres engourdis et courbaturés sont parcourus de tremblements incontrôlables, aggravant une souffrance irradiant déjà bien trop chaque parcelle de mon corps. Au dehors, la pluie battante fait rage, encore et toujours, interminable, heurtant inlassablement les volets en une cacophonie perpétuelle qui me cause de terribles céphalées. De temps à autres, un gémissement piteux s'échappe des tréfonds de ma gorge à vif, provoquant une quinte de toux qui brûle jusqu'au fond de mes poumons. Ma respiration en sort irrémédiablement sifflante, comme le vent qui souffle en rafales à l'extérieur. L'orage gronde et tonne à l'intérieur même de mon être sans m'offrir le moindre répit, accompagné de vertiges à n'en plus finir me laissant férocement nauséeuse. Impossible de simplement retrouver le sommeil, je ne puis que subir cet oppressant malaise, peu à peu contrainte à voir la réalité en face.
Je connais tous ces symptômes.

Pour la énième fois, je tente d'ouvrir les yeux pour les refermer aussitôt avec un couinement pitoyable, alors que je me recroqueville sous l'édredon en oubliant aussitôt toute idée de m'obliger à me lever. La lumière pourtant faible filtrant dans ma chambre me brûle les iris dès l'instant où je tente de les y exposer, tant que je pourrais presque craindre de les sentir partir en fumée sous mes paupières. Des larmes perlent et humidifient l'oreiller, tentant peut-être d'apaiser la douleur mais ne réussissant qu'à l'empirer. Ma main faible et tremblotante essaie vainement de les essuyer, de les tarir. Elle ne parvient qu'à blesser un peu plus mes yeux par des gestes trop brusques et saccadés, alors que de toute manière le contrôle de mes pleurs ne m'appartient plus. Les sanglots me gagnent peu à peu, résonnant dans la pièce. Chaque soubresaut de mes épaules, chaque hoquet est une nouvelle souffrance sur laquelle je n'ai nulle maîtrise. Mon corps a compris ce qui lui arrive bien avant mon esprit, et il faut au second encore quelques instants pour assimiler.
C'est la fin. Je vais mourir.

Ces symptômes me rappellent un peu trop un lointain passé, si lointain qu'il ne m'en reste que de vagues impressions. L'état de Mère dans ses derniers instants, alors que je n'avais que quatre printemps. Ses souffrances, alors qu'elle tentait encore de sourire pour m'apaiser dans l'obscurité de sa chambre, avant que ses yeux brûlants de fièvre ne se voilent définitivement. C'est le mal qui l'a emportée, j'en suis sûre. Je n'aurais pas cru qu'il serait héréditaire, pourtant il me parait clair qu'il m'a touchée également, presque vingt ans plus tard. Combien de temps me reste-t-il, à présent? Des semaines, des jours, seulement des heures? Mère a porté ce mal pendant des mois, mais cela fait si longtemps qu'il doit graviter en moi sournoisement. Peut-être n'est-ce plus qu'une question de minutes. L'affolement me gagne, mon cœur s'emballe. Que vont devenir mes douces Valérya et Sylvia? Jamais mes cousins ne les laisseraient livrées à elles-mêmes, bien entendu, mais lequel serait le plus adéquat pour prendre soin d'elles? Je n'ai pris aucune disposition pour elles ; pourquoi l'aurais-je fait, à vingt-trois ans seulement? Quelle sotte. Nous vivons dans un monde dangereux, si ce n'est ce mal, un autre aurait pu m'emporter à tout instant. Ou des brigands. Un accident. J'aurais dû y penser. Préparer leur avenir au cas où.
Ô Dialga, dieu du temps, accorde-moi un dernier répit. Rien qu'un tout petit.

Un pas discret se glisse dans la pièce, martelant mon crâne déjà au supplice. La laine des draps crisse lorsque l'arrivant s'assoit sur le bord du lit, glissant sa main glacée sur mon front suant, avant d'y déposer ce qui semble être un linge humide et frais. Ouvrant les yeux malgré la souffrance que cela me cause, je distingue une silhouette familière, écho d'un passé depuis longtemps enfoui. Je ne l'ai plus vue depuis ma tendre enfance hormis dans quelques unes des toiles ornant les murs du domaine, pourtant je la reconnais sans hésitation. Son visage diaphane, ses cheveux immaculés, son regard céleste, son sourire d'une tendresse infinie. C'est elle. Est-elle venue me chercher? Oh Mère je vous en prie, laissez-moi le temps de désigner un tuteur pour mes amies. Je tente de lui parler, ne parvenant qu'à produire un souffle rauque inintelligible. Alors, ses lèvres s'animent à leur tour, murmure paisible. Mais ce n'est pas sa voix, non. Mes souvenirs de son vivant sont anciens et troubles, mais cela j'en suis certaine. La magie se brise à cet instant. La silhouette flouée s'est désormais parée d'iris émeraudes, et d'une chevelure dorée.

- ... bientôt mieux. Nous avons fait mander le guérisseur Hadock. Il ne devrait plus tarder, à présent.

Le guérisseur.. Le guérisseur n'a rien pu faire pour Mère à l'époque, hormis donner le nom d'un remède pratiquement introuvable. Il ne pourra rien de plus aujourd'hui. De toute manière, mes proches n'auraient point le temps de trouver. C'est trop tard, Camille.. Ne te donne point de faux espoirs, ne vous en donnez point trop tous les quatre. Il n'y a plus rien à faire, à présent, hormis peut-être prier pour mon âme. Mon dernier instant est plus proche que jamais. J'aurais peut-être même expiré avant même l'arrivée de l'homme de soins. Quelle étrange sensation que celle-ci. Je suis résignée, et pourtant, nulle tristesse ne me prend. Peut-être n'est-ce que justice, après tout, moi qui n'aurais pas même dû naître. Mon corps semble soudain si léger, après avoir été écrasé de tant de peines, de douleur. Au prix d'un ultime effort, je redresse légèrement les épaules, tendant le cou vers ma cousine.

- O.. Occupe-toi.. D'elles..

Une quinte de toux me prend violemment, emportant sa réponse tandis que je me laisse choir sur le lit, abandonnée de mes dernières forces mais soulagée d'avoir pu mener à bien ma dernière mission. Ma conscience glisse lentement sur le chemin de la paix, mes yeux se ferment, une dernière pensée aux miens grave un sourire apaisé sur mon visage alors que le monde bascule dans l'obscurité.
Adieu chers cousins, chers pokémons. Je vous aime.

* Quelques minutes plus tard, au rez-de-chaussée *- Alors?
- Oh, elle vient de m'adresser ses dernières volontés.
- Encore? Par tous les dieux. Chaque fois qu'elle est malade, c'est le même théâtre.
- Oui, la fièvre ne lui réussit guère. Heureusement que cela lui arrive rarement.
- Penses-tu qu'elle s'en souviendra cette fois?
- Pas plus que les précédentes, sans doute.
Pokémons présents : /
Ceux ayant déjà lu les textes de l'épreuve 5 de l'interforum auront reconnu là ma participation. L'ayant trouvée intéressante pour Darla, je l'ai écrite de manière à pouvoir ensuite l'intégrer dans sa timeline & dans son évolution sur Ekoe. Voici qui est chose faite :huhu:

fiche by Nighty Jaegan.