Elle ne se souvient pas la dernière fois où elle a posé les pieds ici.
Il lui semble que c’était d’une autre vie. D’une où elle ne conserverait que des souvenirs diffus, émoussés. Pourtant, chaque arbre, chaque plaine lui paraît familière, et la brise mordante de l’automne sakaien. À ses yeux, ce n’est pas la région qui a changé depuis, mais bel et bien elle-même. Au plus profond d’elle-même, elle appréhende ce chemin qu’elle parcourt sous une pluie battante, dans le confort approximatif d’une carriole tirée de deux imposants Bourrinos. Malgré la puissance des deux bêtes, le chariot tangue et proteste sur ces chemins boueux. L’humidité s’est emparée de la cabine, s’est introduite dans toutes les fissures, laissant Leonys en proie de frissons. Il fait déjà quelques jours qu’elle renifle et tousse. Rien de bien grave, mais ce voyage a bel et bien été le pire de toute sa vie. Elle regrette la quiétude de sa demeure près de la mer, déjà. Déracinée, la trésorière a le sentiment amer d’avoir été arrachée brutalement à sa guérison par la terrible tempête qui a secoué Vénovos. D’un mouvement fébrile, la jeune femme redresse sa couverture en peau d’Ursaring contre elle, jetant un énième regard désespéré au dehors, où un village se dresse enfin.

Heureusement, Aetius est présent. La carapace du Kraknoix ne permet pas exactement un transfert de chaleur entre les deux êtres, mais Leonys ne pourrait être plus heureuse de l’avoir à ses côtés, étendu sur son ventre qu’il protège encore et toujours d’un danger potentiel. La blonde surveille les visages graves de son oncle et de sa tante, eux aussi épuisés par ce long voyage. Rien ne lui semble plus alléchant que l’idée d’un feu et d’une soupe bien chaude. À l’arrêt de la cariole, la jeune femme est la première à se lever, prise d’une légère toux, avant de se précipiter à l’extérieur sous la pluie furieuse. Elle n’hésite pas une seule seconde à tirer le verrou de la porte, s’introduisant dans la demeure sans même y être invitée. Aetius bien entendu l’a suivi, reste à la hauteur de ses jambes en scrutant les gens ici.

Avec cette tempête, Leonys s’est laissée convaincre de loger chez la nièce de la femme de son oncle, Camille. À travers les années, a côtoyé la jeune femme et ses cousins pendant ses années d’études, puis un peu par la suite. À ses yeux, Camille et les siens font partie de sa famille; ce qui ne l’empêche pas d’être réservée auprès d’eux. Particulièrement ces dernières années, où elle a tenu le fardeau de son vécu dans une parfaite solitude. Malgré ses réserves, la blonde se sent transportée de joie à l’idée de voir les cousins. De toute évidence, eux-mêmes viennent tout juste de revenir d’un voyage quelconque. Leonys est heureuse de ne pas s’être butée à une porte close. Un grand soulagement s’est emparée d’elle et un poids s’élève doucement de ses épaules alors qu’elle traverse la pièce pour s’expliquer.

«Je… Je suis désolée de l’intrusion. Suite à la tempête qui a forcé l’évacuation de Vénovos, nous n’avions nulle part où aller. Je…»

Gênée, Leonys baisse les yeux, ne les redressant qu’à l’approche de son oncle et de sa tante dont les salutations sont plus appropriées et chaleureuses. Avec confusion, Leonys se place à part, surveillant la pièce en caressant nerveusement son ventre qui commence à peine à démontrer des rondeurs. Le Kraknoix, à ses pieds, continue de veiller sur elle. Leonys n’a qu’une envie : se poser au sec. Néanmoins ses manières parfois extrêmes et certaines rigidités l’empêchent de s’inviter. Tirant les pans de sa couverture contre elle, elle aspire disparaître, un peu assommée par cette prompte arrivée.

Quelque part, il y a cassure. Ceux l’ayant connu tôt dans sa vie auront souvenir d’une enfant rêveuse, bavarde et intéressée, au regard pétillant et au rire facile. Rien à voir avec la jeune femme perdue qui se tient à une extrémité de la pièce, suivant les échanges d’un air absent, absorbée par des inquiétudes taillées de toute pièce par son esprit fragilisé. Encore maintenant, elle a le réflexe de marcher sur des œufs, d’une infinie prudence, à contre-courant d’une personnalité pourtant plutôt expressive. La culpabilité et la honte l’assaillent là où devraient se trouver soulagement et bonheur. De revoir cette famille aimante, synonyme pour elle de réconfort, devrait lui tirer au moins un sourire. Et il viendra, car malgré tout ce qu’elle a pu vivre, il demeure chez elle un caractère obstiné, une tendance naturelle louable. Elle les voit tous pour la première fois totalement libérée, même si elle ne se sent pas ainsi pour le moment. La réalisation viendra plus tard, quand elle aura calmé les remous qui l’habitent. Heureusement, quelqu’un a remarqué ses efforts de discrétion pour les balayer tout aussi tôt. Une autre tête blonde traverse la pièce, fondant sur elle. Leonys, par habitude, sursaute, se crispe lorsqu’on l’empoigne, prise d’une peur qu’elle ne peut réfréner. Mais les bras qui se referment sur elle n’ont rien d’agressif, au contraire. Un instant, la trésorière sent les larmes lui monter aux yeux en réalisant qu’il fait longtemps, très longtemps, qu’on ne l’a pas tenu ainsi : avec une tendresse sincère.

La première idée qui la traverse est celle que cette étreinte est chaude et agréable. Habituellement très réservée au niveau tactile, Leonys se laisse faire, rougissant tout de même par manque d’habitude et se retirant en ravalant la boule qui s’est formée dans sa gorge. De toute évidence, la fatigue fait son effet et les hormones peut-être aussi. Quoi qu’il en soit elle se sent d’une grande vulnérabilité à l’instant même ce qui la force à rester un peu moins démonstrative que ce qu’elle l’aurait désiré. Néanmoins sa «cousine par alliance» la connaît assez bien désormais pour savoir qu’elle n’est pas du genre à s’épancher. Elle accepte de suivre sa cadette le pas lourd, sentant ses muscles se détendre peu à peu. Mais c’est la proposition toute spéciale de Camille qui finit par mettre un sourire sur son visage.

«Je ne voudrais pas… je… Oh oui, s’il vous plaît ! C’est un nouveau compagnon ? Il est très mignon et… c’est Flamme ? Mon dieu j’ignorais qu’elle deviendrait aussi grande !»

Parler des alliés de Camille l’a au moins distraite de sa gêne de profiter un peu de l’hospitalité offerte. Celle-ci quitte quelques instants plus tard en la laissant derrière. Pendant que le bain se remplit et se réchauffe, Leonys en profite pour s’asseoir à part, délestée de ses vêtements mouillés, profitant de la tiédeur rassurante de la pièce. Aetius s’est posé sur le bord du bain, observant le travail des deux autres et profitant des vapeurs chaudes qui émanent des eaux. Lorsque les Pokémon lui font signe que le tout est prêt, la jeune femme y prend place non sans les avoir chaleureusement remerciés. L’eau lui picote un peu la peau, encore transie par le froid et l’humidité. Une sensation de chaleur engourdissante s’empare d’elle et un profond soupir d’aise lui échappe. Ainsi laissée seule, Leonys en profite pour caresser son ventre et adresser quelques mots tendres à son ventre, une habitude qu’elle a prise depuis quelques temps.

Il y a des jours où la jeune femme déteste cette forme qui vient métamorphoser son corps, lui rappeler douloureusement d’où il provient. Quelque part, Leonys est terrifiée à l’idée de trouver chez cet enfant quelque caractéristique de son ex-époux. Cette idée la hante régulièrement. Malgré tout l’amour qu’elle porte au petit être, et toute la fureur qui l’habite pour le protéger, la trésorière a peur de lui, de ce qu’il représente. Si elle le pouvait, elle effacerait toute trace d’Arthur. Mais quoi qu’elle en fasse, ce petit sera le fruit de son défunt époux. Leonys a au moins la raison de se dire qu’il y a réellement des parts qu’elle a aimé du père de son enfant. Elle se promet que ce petit ne fera jamais de mal à qui que ce soit comme elle a pu le vivre.

Leonys reste longtemps dans le bain, si bien que sa tête dodeline d’un côté et de l’autre. D’un moment à l’autre, elle menace de succomber à son confort et de s’endormir. Avec tendresse, Aetius lui mordille les doigts pour la sortir de sa torpeur. Avec une moue contrite, la jeune femme accepte de laisser le bain, se séchant à l’aide d’une serviette moelleuse et revêtant la robe offerte par Camille. Celle-ci est trop grande mais lui permet une mobilité et un certain confort. Elle délaisse néanmoins ses bottes, trempées et avec ses pieds enflés, aucune manière qu’elle tente de les remettre !

En sortant de la salle de bain, elle est seule, du moins en apparence puisque le Kraknoix la suit comme une ombre comme à son habitude. Néanmoins, surprenant des voix non loin, Leonys parvient à retrouver Camille accompagnée de sa cousine Darla. Les joues rougies, les yeux fatigués mais un mince sourire aux lèvres, la blonde a déjà meilleure mine que tout à l’heure.

«Mille merci pour ce bain, un luxe inespéré après cette route. J’ai cru que nous n’arrivions jamais. Je suis désolée de ne pas avoir pu vous prévenir plus tôt… Nous avons dû nous échapper de Vénovos avec une telle hâte!»

Leonys se pose contre un fauteuil, serrant ses genoux de ses mains, le regard perdu dans les souvenirs encore douloureux de cette terrible tempête. Aetius grimpe contre elle, comme à son habitude, prenant place contre son ventre pour le garder.

«Vous-mêmes venez tout juste de rentrer de ce que je comprends, n’est-ce pas ?»

Leonys se sent finalement se détendre, engageant tout de même prudemment la conversation. Il y a un non-dit dans la pièce, un sujet qu’elle n’a pas lancé et qu’elle ne fera pas d’elle-même, soit le décès de son mari et bien sûr sa grossesse.

Il y a encore cette sensation étrange, cette dissonance. Leonys a tout simplement perdu l’habitude du naturel, des conversations où elle peut exercer son droit de parole librement. En présence d’Arthir, elle n’ouvrait la bouche qu’au prix d’une extrême prudence, prudence qui ne se perdra pas avec l’aisance qu’elle espère. Enchaînée, prisonnière d’une présence pourtant disparue, il lui faudra du temps pour abandonner ses vieux réflexes. La jeune femme observe la pièce et ses interlocutrices comme si elle les découvrait de nouveau. Ce mort la tiquer d’ailleurs. Sécurité. Elle se demande depuis quand elle ne s’est pas sentir en sécurité dans sa vie. Le départ d’Arthur aurait dû l’apaiser, mais sa présence l’accompagne encore, la hante de ses sombres discours. Même en cet instant, auprès de deux personnes en qui elle a totalement confiance, elle ne pourrait se sentir complètement à ses aises. Le vent qui se lamente aux fenêtres la fait régulièrement sursauter, indice visible de son état de vigilance permanent. Au moins elle a Aetius, petit protecteur discret qui ne se risquera jamais à un éloignement trop prononcé avec sa dresseuse. Encore hanté par les dernières années et tout ce que Leonys et lui ont vécu ensemble, il se rassure en étant simplement là pour la jeune femme. Peut-être se sent-il coupable, aussi.

«Je vous avoue que dans la panique, je n’ai même pas considéré… quoi que ce soit à vrai dire. Sans l’intervention de mon oncle, je serais probablement encore là-bas. Je refusais de quitter ma demeure si tôt après en avoir pris possession. Mais je suis contente d’être ici. C’est… familier.»

Dans ses années d’études à Enogen, la trésorière a eu la chance de découvrir un concept différent et vibrant, quelque chose qui encore la suit jusqu’à ce jour. Une étincelle de bonheur, la chaleur tendre d’une famille. À bien des égards, Leonys se sent plus proche des deux jeunes femmes rassemblées dans cette pièce que de sa propre fratrie. Elles lui ont montré, ainsi que le reste de leur bande, ce qu’il signifie d’appartenir et de se sentir pleinement acceptée. Leonys se sent progressivement se réchauffer et se détendre, autant qu’il est possible pour elle de le faire du moins. Avec un certain pessimisme peut-être, la blonde ne croyait pas en avoir la capacité, surtout en étant forcée de quitter son éden depuis le décès de son mari : sa nouvelle maison de pierre, bien campée près de la mer. Déjà, Vénovos lui manque. Qu’en restera-t-il après les caprices des éléments ? Si elle ne peut s’avouer devin, elle s’imagine bien que cet événement aura des répercussions importantes sur l’avenir de sa ville. Pour se sortir de ce mauvais pas, Kuni devra probablement emprunter à ses voisins. Leonys ne peut imaginer le travail qui l’attendra à son retour. Elle a une pensée pour son meneur et ami, qu’elle espère en sécurité ainsi que sa famille.

«Ran ? Vous avez fait vite alors. J’imagine que les conditions étaient meilleures là-bas, vous avez été téméraires de retourner vers le nord. Mais je suis vraiment heureuse de vous revoir.»

Un sourire plus franc étire cette fois ses lèvres. La sensation d’avoir ses deux «cousines» auprès d’elle, sans les restrictions habituelles de son défunt époux, a quelque chose d’immensément satisfaisant.

«Éprouvant oui, et très pénible. Heureusement, je n’ai plus trop de nausées, mais j’ai assez peu dormi pendant ce trajet. Ce n’est pas comme si je dormais mieux à la maison il faut dire. J’ai mal un peu partout, mais ça n’a pas d’importance. J’espère juste que le bébé n’a pas trop souffert du voyage voilà tout.»

Sa main s’est crispée sous Aetius, sur son ventre encore discret. Malgré son ton plutôt neutre, on remarque sans mal la tension dans ses épaules alors qu’elle évoque son bébé. Après sa fausse couche, l’idée de perdre ce deuxième enfant la hante. Elle n’a cependant pas l’occasion de contempler son angoisse très longtemps puisqu’une commotion semble avoir lieu au rez-de-chaussée. De ce que Leonys parvient à entendre de sa position, une nouvelle personne a fait son entrée dans la maison. Nerveuse, la blonde s’est redressée en prenant le Kraknoix dans ses bras, le regard presque effrayé alors qu’elle se retourne vers Camille et Darla.

«Q-qui est-ce ?»

Les habitudes s’installent rapidement sous le poids de la menace. Lorsque la peur devient récurrente, elles peuvent alors s’ancrer profondément. Pour s’en défaire, Leonys aura besoin de beaucoup de calme, de compassion et de patience. Or, il est encore trop tôt pour elle pour réfréner ses craintes, pourtant totalement infondées. Et si c’était Arthur qui s’était pointé à la porte en bas ? S’il venait à la vengeance, s’il l’exposait pour son crime ? Voilà une idée parfaitement ridicule, que la jeune femme ne parvient pas réellement à formuler et qui pourtant hante ses pensées troublées. Les images courent sous un esprit fragilisé; elle frissonne sans véritablement comprendre les réactions de son propre corps. Le stress a laissé là des traces indélébiles et son premier réflexe émerge comme toujours. Elle se recroqueville dans son dossier, le regard écarquillé à la manière une bête piégée. L’assurance de Camille et ses sourires ne parviennent pas même à percer les épais nuages qui recouvrent sa raison. Il faut dire qu’elle est positivement épuisée et encore sous le choc des événements des derniers mois. Malgré ses appréhensions, elle se redresse tout de même pour emboîter un pas prudent derrière ses cousines, Aetius dans les bras bien sûr. Elle n’irait nulle part sans son compagnon, surtout pas maintenant. Si seulement elle savait. Le Kraknoix, tout aussi traumatisé, vit les mêmes peurs profondes qu’elle alors qu’ils rejoignent les autres.

Leonys ne peut faire autrement que d’assister à la scène, pourtant plutôt comique, dans un état glacé. Le jeune homme ayant fait son entrée lui est parfaitement opposé : chaleureux, audacieux et sans gêne, il englobe la pièce de sa présence et de celle de ses compagnons tout aussi charmants et bruyants que lui. La kunioise est restée en haut des escaliers avec Darla, mais accepte de descendre à l’invitation du compagnon de Camille. S’asseyant à l’écart, elle n’a d’yeux que pour le cochonnet qui chante, n’ayant jamais vu de tel Pokémon. Sa voix lui est agréable; elle ne parvient tout de même pas à se détendre. Elle multiplie les œillades méfiantes en direction de l’inconnu, regrettant la présence de son katana à sa ceinture qui aurait au moins eu l’effet de l’apaiser. L’arme est tel un pilier pour son cœur rapidement affolé. Sans elle, la jeune femme se sent rapidement désemparée. Prenant place près d’une Camille qui de toute évidence désire plus de réponse, elle se sent déjà plus à son aise. Son regard ambré se plante dans celui de l’étranger avec peu de chaleur.

«Vous êtes une sorte de barde ou de musicien, je suppose ?»

Deux Pokémon musiciens et une personnalité comme la sienne, voilà qui met la puce à l’oreille de Leonys. Sa voix est d’une froideur implacable, presque hostile pour celui qui pourrait lui prêter des intentions. Or, la blonde ne veut aucun mal à l’inconnu. Elle s’est simplement placée derrière ses remparts inhabituels, derrière un stoïcisme presque troublant. Son visage inexpressif n’aidera en rien à faire sentir l’autre à ses aises…

Hors-Jeu:

S’il dérange ? Leonys s’irrite d’elle-même, comment pourrait-elle tolérer la présence d’un autre ? Le pauvre étranger semble un peu déboussolé par l’attitude distante voire même hostile de la blondine qui ne se rend pas compte de son manque de tact. Elle a laissé les bonnes manières derrière elle le jour où sa sympathie envers les autres lui coûtait chèrement. À une époque, Arthur jalousait quiconque à qui elle pouvait s’adresser. Alors elle s’efforçait d’être déplaisante, histoire qu’on la laisse tranquille. Parler directement à quelqu’un, sans le couvert habituel et la censure qu’apportait son défunt mari lui est étrange. Tout autant qu’on discute avec elle. Elle s’en sent presque… normale. Et quelque part cette réalisation apaise un peu son hostilité. Puis Camille est près d’elle, méfiante à son habitude. Si sa cousine n’a pas pu la sauver par le passé, nul doute qu’elle ne laisserait rien lui arriver désormais. Cette perspective lui permet de se détendre un peu. Une discussion s’en suit, devant laquelle Leonys reste silencieuse. L’inconnu se présente comme étant un Silver Smith. La noble se questionne sur ses origines. S’il est un barde itinérant, a-t-il déjà visité Kuni ou est-il originaire de Sakai ? Si la curiosité naturelle l’emporte sur ses craintes, la jeune femme n’ose tout de même pas poser de questions malgré l’invitation du nouveau venu à le faire. Elle se contente d’observer les Pokémon de ce dernier, pour lesquels elle éprouve déjà une forme de sympathie. Avec les créatures de ce monde, c’est déjà plus facile pour elle.

Leonys s’éveille tout de même, un peu brusquement, en entendant tout le monde se présenter. Il semblerait que les choses se posent naturellement, que Silver est de plus en plus accepté par cette petite communauté. Ainsi, son arrivée ne sera pas temporaire. Il ne repartira pas rapidement comme la trésorière l’aurait souhaité au départ. Même si elle se sent plus à l’aise désormais, cela ne signifie pas pour autant qu’elle désire son contact. Un peu troublée, elle accepte tout de même de donner son nom, hésitant sur son nom de famille par manque d’habitude :

«Leonys… Valencia.»

Elle n’en dit pas plus. Néanmoins, elle suit désormais un peu plus la conversation, qui impliquerait une prestation de la part du barde et de certains de ces cousins. Cette fois, l’intérêt de la Valencia est piqué. Sensible à la musique, elle ne rechignerait pas du tout de découvrir sa voix et ses histoires.

«Monsieur Silver, je me doute que le voyage a dû être long et pénible et peut-être espérez vous un peu de repos. Il nous serait tout de même immensément agréable d’entendre un peu de musique en ces temps si gris et mornes. Connaissez-vous un air qui… une musique d’espoir ? Histoire de nous remonter le moral à tous ?»

La requête de Leonys pourrait paraître surprenante. Pourtant, à ses heures perdues, seule la musique lui a permis de garder le cap sur sa santé mentale. Elle et Aetius certainement, qui approuve la demande d’un petit grognement adorable.

«Puis je suis assez curieuse de voir comment ces créatures vous accompagnent dans vos prestations. Car c’est bien le cas n’est-ce pas ?»

Si ce ne l’est pas, ce serait bien dommage, pense-t-elle. Elle paraît moins pâle et distante tout à coup, presque douce dans ses propos mais surtout intéressée.

La musique fait partie de la vie de Leonys depuis longtemps. Oui, la musique est une part d’elle, une part d’elle ponctuée de souvenirs heureux parmi une enfance où on a tenté d’étouffer quelque spontanéité chez elle. À bien des égards, ce jeune homme lui est opposé : il est expressif, chaleureux et spontané ! Ce type de personne cause habituellement quelque malaise chez la jeune femme noble; elle préfère ne pas se mesurer à des personnes qui pourraient lui rappeler celle qu’elle était à une époque. Une enfant qui s’autorisait encore à rêver. Pourtant, Silver la ramène inexorablement en cette direction de par sa musique. Sitôt les premières notes que la blondine s’est campé à l’extrémité de son siège pour écouter, complètement absorbée par le spectacle qui s’offre à eux. Le petit cochon a encore une fois la majorité de son attention, ses danses et sa voix sont tout simplement magnétiques pour la Kunioise. Un sourire attendri, un vrai et sincère sourire, se peint sur son visage. Elle porte une main à son cœur, car elle est touchée par ce don que leur font Willow et Silver. Un instant de bonheur.

La chanson n’a pourtant rien d’émouvant, bien qu’elle soit comique et intéressante comme l’espérait Leonys. Totalement, elle écoute le récit chanté en se permettant même quelques rires par-ci et par là. Pour encourager les musiciens, elle tape des mains, parfaitement en rythme. Si elle n’a pas le talent des deux artistes, elle a longuement étudié la musique, particulièrement la harpe, pendant presque toute sa vie. D’ailleurs, il lui tarde de retrouver un instrument. Arthur ne la laissait que peu jouer, après tout. Alors que la chanson s’achève, Leonys se met à applaudir, un peu plus discrète cette fois.

«Merci. Merci sincèrement à vous tous.»

Car dans ce temps houleux, ce moment si sombre de sa vie, ils l’auront distrait, ne serait-ce que quelques instants candides, de ses démons intérieurs, et de la pluie qui s’est abattu sur sa vie. Alors que les conversations reprennent et qu’on s’active autour d’elle, Leonys se laisse choir contre son fauteuil, fermant les yeux d’aise. Alors qu’elle sombre dans un sommeil attendu, un sourire flotte encore sur ses lèvres.

Hors Jeu: