J’ai toujours vécu avec l’impression que Corvus connaît beaucoup plus sur les Pokémon que mes encore trop minces connaissances sur ce sujet. À la mention d’un Métamorph, j’arque un sourcil curieux. Je n’ai aucune idée de ce à quoi cette créature pourrait ressembler. Capable de se transformer en n’importe quoi hein ? C’est à la fois effrayant et très pratique d’avoir un compagnon tel que celui-ci. En espérant qu’il soit dépourvu d’un caractère trop belliqueux, sans quoi il pourrait jouer des tours assez cruels. Est-ce à Ran que le sakaien a rencontré cette créature et sa maîtresse ? Il me semble méconnaître le pays aride du sud de bien des manières, à débuter par leur faune si particulière. Un jour, je me promets, j’y retournerai. Je me souviens de mon dernier séjour là-bas, tragiquement mouvementé. Si je n’ai pas participé aux festivités de la Fête des Morts, j’ai entendu les cris et la panique dans les rues de Chevropolis jusqu’à tard dans la nuit, les vociférations des soldats patrouillant la cité et les aboiements de leurs chiens furieux. Encore ébranlée par ces événements, je n’en fais pas mention. Je me contente d’observer le Nucléos alors qu’il quitte un peu précipitamment, probablement intéressé par autre chose un peu plus loin.

Je reprends de ma bonne humeur devant les paroles flatteuses du jeune homme envers les Lucario, qui ne manquent pas de faire réagir positivement l’intéressée. Danaé n’est guère du genre vaniteuse, mais les compliments à son sujet la rendent toujours heureuse et gênée tout à la fois. Encore une fois, sa réaction m’amuse. Elle s’est presque arrêtée pour se tortiller sur place, sa queue fouettant l’air de grands mouvements qui trahissent son émotion et son embarras. Les paroles de Corvus me touchent; en un sens je peux y sentir aussi l’affection qu’il porte envers Danaé, son respect pour elle et la confiance qu’il place en elle… pour me protéger ? Ce n’est pas le mot le mieux choisi probablement, mais je peux comprendre ce qu’il tente de communiquer. Parmi mes pas parfois incertains, maladroits, je peux toujours compter sur elle. Le monde me paraît moins menaçant avec la Lucario à mes côtés. Je peux compter sur son indéniable loyauté, une loyauté d’ailleurs parfaitement réciproque.

«Tu as raison, j’ai une chance incroyable de l’avoir à mes côtés.» je fais en jetant un regard entendu en direction de la louve, qui sourit d’autant plus. «Pour ce qui est du Tyranocif, je ne serais pas trop envieux, c’était tout de même un très rude combat.»

Une moue s’est dessinée sur mon visage en repensant à ce combat, le plus intense de toute ma vie. J’espère ne jamais devoir répéter cet événement. Comme pour venir contrecarrer mes ambitions, un grondement surgit dans la brume, qui me tire un sursaut. Je mets quelques instants à réaliser qu’il s’agit de Salava, alertée par une présence à proximité. Voyant le soldat tirer son épée, je comprends qu’un danger imminent nous guette et dégaine ma propre lame, la main tremblante. Danaé s’est rapprochée de moi, m’agrippant le poignet tout en scrutant la brume. Ses oreilles se sont plaquées contre son crâne. Peu importe ce qui se dissimule parmi les ombres, ses intentions ne peuvent être pures au vu de la réaction de mon alliée. Puis, une silhouette et son ombre apparaissent devant nous. Je mets un moment à réaliser qu’il y en a deux, deux Magmar sifflant aux sourires narquois, nous intimidant de leur présence. Malheureusement, ils ne viennent pas seuls. Un autre Nucléos et un Feurisson les accompagnent. Je recule prudemment avant de me buter sur quelque chose. Un rire sinistre retentit à ma suite, me tirant un cri. Je bondis derrière Corvus, ma lame levée vers un Smogo qui déverse sur nous ses nuages de fumée toxique. Je me couvre le visage de ma tunique, le menaçant toujours de ma lame.

«C’est une embuscade ! Danaé est exposée contre ces types feu… Nous allons nous concentrer sur ce Smogo et sur le Nucléos.»

Puis la Lucario n’est pas la seule capable de nous aider dans cette mauvaise posture. Je fais appel à un deuxième allié, même si ici le plus utile se trouve au sommet de ce mont encore inaccessible. Oreste fait son apparition devant nous, les babines retroussées, crachant en direction des Magmar. Un instant, il baisse les yeux sur Salava, comme pour la jauger. La jugeant digne de l’accompagner au combat, il ne porte plus attention à elle, pour simplement attendre mes instructions. La Lucario, elle, s’est déjà mise en action, matérialisant entre ses pattes un long os de lumière, comme elle l’avait fait lors de son combat contre le Tyranocif. D’un bond, elle saute à la rencontre du Smogo. Son premier coup de masse manque sa cible, touchant un arbre qui déjà affaibli s’écroule à ses pieds. Sa deuxième tentative fait mouche, envoyant valser le Pokémon poison qui comptait sur ses brumes empoisonnées pour la ralentir. Malheureusement pour lui, Danaé n’est pas affectée.

Oreste, pour sa part, n’hésite pas une seule seconde. Il a repéré une faiblesse chez son adversaire, un des Magmar, qu’il compte exploiter. D’un bond, il est sur le grand Pokémon feu, mordant donnant un coup dans la chair tendre à l’intérieur de sa cuisse. Le mastodonte de feu crie de douleur et se recule, mais il en faudra plus pour l’impressionner puisqu’il riposte d’un Poing de Feu qui touche Ori à l’épaule. L’Absol encaisse le coup et se recule avec agilité, mais de toute évidence ce coup l’a ébranlé. Serait-il brûlé ? Une odeur de chair brûlée s’échappe de son épaule. D’où je suis, je ne peux constater véritablement l’étendue des dommages. Connaissant Oreste, de toute manière, il refusera d’arrêter de combattre. Je lui jette un dernier coup d’œil avant de donner un coup précis en direction du Nucléos de mon katana, pour l’intimider à partir. Il semble néanmoins très fidèle à son groupe. Qui en est véritablement le leader ? Nous le saurons bien assez tôt.

Modo combat:

A TALE OF TWO DRAGONS

Some say they never forget, but they
can go ahead, sometime. If it worth it.

A travers la brumes, bientôt, apparurent les investigateurs de ce remue-ménage, qui promettait déjà de les retenir dans leur entreprise d’atteindre le sommet de l’île. Corvus n’en était pas à son premier combat bien sûr, mais en son for intérieur il pressentait que les choses n’allaient pas se passer aussi facilement que d’habitude, si l’on pouvait bien sûr parler de facilité en de telles circonstances. Devant eux, deux Magmars se dessinèrent, d’abord indistinctement … est-ce qu’ils ricanaient ? Corvus n’en était pas certain, mais il entendait un son étrange émaner de leur bec. Ces deux pokémons, Corvus les connaissait de réputation seulement et son savoir à leur sujet se résumait aux maigres recherches que les sakaien avaient fait à leur sujet. Ces deux-là semblaient aller de pair et puisqu’un problème ne venait jamais seul, de la brume émergea un troisième pokémon, puis un quatrième. Perçant entre les deux Magmar, bien plus gros que Salava qui lui faisait face, Corvus trouvait au troisième pokémon un étrange air de ressemblance avec Solal, l’Héricendre de Leonys … était-ce l’une de ses évolutions ? Sans doute oui, et si le jeune homme ne manqua pas d’apprécier son aspect, force fut de constater que l’évolution n’avait pas rendu la créature très avenante : déjà, le furet de feu semblait avoir trouvé son adversaire en la personne de Salava, et au vu de la réaction de la Tritox le soldat compris bien vite que le Feurisson était du même genre que la lézarde, car Salava avait cette particularité-là, celle de détester singulièrement les autres femelles qui osaient lui faire face.

Corvus reconnu le quatrième pokémon, et pour cause : ils venaient d’en rencontrer un quelques instants plus tôt. Fier de ses compagnons de combat, un Nucléos virevoltait frénétiquement dans les airs, ajoutant une certaine agitation à la scène dont ils se seraient bien passés. Le sakaien pensait en avoir terminé avec les surprises, lorsque derrière eux apparut un cinquième et dernier pokémon, qui bouscula Leonys d’un air beaucoup trop triomphant. Bondissant vers l’avant, la kunioise fit volte-face pour lui faire face, découvrant un Smogo qui la gratifia d’une purédpois que Corvus ne connaissait que trop bien, car Salava elle-même était friande de ce genre d’attaques. Dans l’espoir de rendre le combat plus équitable, Oreste fit son apparition sur le terrain. Le coup d’œil qu’il jeta en direction de Salava n’échappa pas au sakaien, contrairement à la Tritox qui, trop occupée à fusiller la Feurisson du regard, ne fit pas même attention à l’arrivée de l’Absol. Par la suite la confrontation – inévitable – éclata comme un coup de tonner.

Son épée pointée dans leur direction, le soldat faisait face aux deux Magmar épaulé par Oreste, tandis que Leonys et Danaé s’affairaient à combattre le Smogo et le Nucléos. L’Absol s’octroya le luxe d’ouvrir les hostilités en assénant à l’un des deux Magmar un coup de crocs qui fit rugir de douleur le pokémon feu … mais il en fallait plus pour mettre à mal la créature : sans attendre, le cracheur de feu rendit à l’Absol la monnaie de sa pièce et le frappa de son poing enflammé, brulant au passage son pelage jusqu’alors blanc et plus encore sa chair. A cette vision, le cœur de Corvus se serra tandis qu’Oreste se reculait, blessé mais loin de s’avouer vaincu.

De leur côté, les deux femelles se jugèrent un moment du regard, cherchant chez l’une et l’autre la moindre faiblesse, la moindre vulnérabilité. Dans l’espoir de se rendre impressionnante, elles s’étaient gonflées pour paraître plus grande et loin de se laisser intimider, Salava ne cédait pas le moindre centimètre de terrain à la Feurisson qui, fatiguée de ces belliqueux préliminaires, fut la première à attaquer. Les flammes de son dos et de sa nuque crûrent soudainement jusqu’à l’envelopper, et elle s’élança alors en direction de la Tritox, véritable éclair de feu fondant sur son adversaire. Plus petite et rapide – et donc plus agile – Salava évita de peu la charge de la Feurisson. Loin de s’en contrarier, le furet de feu s’apprêtait déjà à charger de nouveau lorsqu’un étrange nuage, épais et violacé, l’enserra brusquement : c’était Salava qui, fidèle à elle-même, usait de la ruse plutôt que de la force. En proie à sa toxicité, la Feurisson se mit à tousser après quelques instants au cœur de cette purée de pois qui lui obstruait la vue. Vicieuse, Salava profita de sa perdition pour cracher dans sa direction une gerbe de poison, visqueux et insidieux. La brume de poison qui l’enveloppait – encore bien épaisse – dissimula la venue de l’attaque, si bien qu’il était déjà trop tard lorsque la Feurisson comprit ce qui l’attendait. Salava ? Combattre à la loyal ? Jamais de la vie. Le couinement qui s’en suivit ne manqua pas de satisfaire la Tritox et blessée tant physiquement que dans son orgueil, la Feurisson se retira vivement pour panser au loin ses blessures … mais l’ultime regard, qu’elle jeta en direction de Salava juste avant de disparaître, en disait long sur ses intentions : cette Tritox comptait-elle vraiment s’en sortir aussi facilement ? Tout cela n’était que partie remise ...

Corvus et Oreste, quant à eux, étaient loin d’en avoir terminé avec les deux Magmars. La blessure de l’Absol avait laissé un sourire narquois sur le coin du bec d’un des deux cracheurs de feu, et ils s’étaient mis à tourner autour d’eux tel deux loups à l’abord d’une proie. Sans bouger, Corvus les suivit du regard, constatant plus que jamais leur manque de grâce et – il fallait le dire – de charmes. Un peu plus loin, le sakaien entendait Danaé et Leonys en découdre avec leurs adversaires et du coin de l’œil, le jeune homme avisa Oreste, se demandant ce qu’il adviendrait si d’aventure sa maîtresse venait à être en difficulté. Abandonnerait-il sa danse avec les Magmars pour la secourir ? Tandis qu’il se questionnait, profitant de sa distraction l’un des Magmars fondit sur lui, ses serres acérée lancées dans sa direction. Les griffes de l’animal n’auraient pas manqué de lacérer sa chair si par chance, par reflexe ou par instinct – lui-même n’était pas tout à fait certain de ce qui l’avait fait réagir – le jeune homme n’avait pas user de sa magie pour arrêter son geste. L’avait-il déjà fait auparavant ? Non, jamais. Impulsive et irréfléchie, son action sortait du cœur et non de son esprit : sans l’avoir prémédité, sans ne jamais l’avoir tenté jusqu’alors, Corvus avait tendu une main en direction de cette patte qui filait vers lui, et alors qu’il s’y attendait l’impact n’était jamais arrivé : la patte du Magmar s’était figée dans les airs, retenu quelques instants par une force invisible. Qui des deux en fut le plus surpris – Corvus ou le Magmar – la question se posa vraiment, mais Corvus ne s’attarda pas pour obtenir la réponse : sans attendre il bouscula avec force le Magmar d’un coup d’épaule. S’en suivit une violente douleur à l’endroit du contact, qui fit grimacer le sakaien de douleur : avait-il vraiment oublié le talent si particulier des pokémons feu, vraiment ?  Outrepassant la brûlure, le soldat ne laissa aucun répit à son adversaire et tenta de lui asséner un coup de son épée, en vain. L’arme à lame rouge fendit l’air, frappant dans le vide : d’un bond déjà, le Magmar s’était éloigné, sifflant à l’encontre du sakaien qui lui donnait bien du fil à retordre.

De nouveau face à face, Corvus et les Magmars s’observèrent. Ceux qui semblaient être les deux leaders du groupe avaient perdu leur belle assurance, mais aucun des deux ne semblait disposer à capituler … bien au contraire. Rendu boiteux par la morsure d’Oreste, le Magmar blessé échangea un regard avec son compère, trahissant ses sombres desseins. Rancunier, le boiteux laissa un torrent de flammes se déverser de sa gueule, et ce que Corvus avait cru être une simple attaque se mua en véritable piège : le feu l’enserra bientôt dans une colonne tourbillonnante, qui lui barrait la route à chacun de ses pas. Bien en vain le jeune homme chercha une issue, jusqu’à ce que finalement tout ne fut plus que feu autour de lui.

Lorsque, enfin débarrassée de son adversaire Salava s’en rendit compte, il était déjà beaucoup trop tard : son maître était déjà piégé dans le tourbillon de flammes, à la merci des deux Magmars, qui regardaient tout ça d’un air triomphant. Paniquée, la Tritox s’approcha de la colonne de feu, tenta un instant de la traverser … Corvus, il fallait sortir Corvus de là ! Mais comment y parvenir, sans s’y piéger soi-même ? Tout ça était la faute de cette maudite, maudite fille ! Salava en était certaine. Que pouvait-elle faire maintenant ? A elle seule, la Tritox n’avait pas la force de battre ces deux Magmars, qui ricanaient toujours du malheur de leurs adversaires … pourtant – pourtant ! – elle se devait d’essayer, il le fallait. Elle ne pouvait pas abandonner Corvus, plutôt mourir ! Et puis, il y avait la fille … Salava la détestait, elle la détestait tellement ! Pourtant, au fond d’elle la Tritox savait : c’était Elle. Cet idiot d’humain l’aimait, l’aimerait toujours. La laisser mourir ? Mauvaise idée … Salava devait la protéger elle aussi ; elle devait déglinguer ces deux Magmars, ou périr en essayant. Abandonnant la colonne de feu derrière laquelle se tenait son maître, la Tritox prit une inspiration, se tourna un instant en direction de la kunioise. Ses yeux reptiliens se fixèrent un moment sur elle et, trahissant le courage de ce bout de lézard, la Tritox lui jeta un dernier regard avant de se tourner vers les deux cracheurs de feu. Fouettant l’air de sa queue, un grondement rauque s’éleva du fond de ses entrailles, marquant sa détermination … oui, elle allait déglinguer ces deux Magmars, ou périr en essayant.

HRP - RÉSUMÉ COMBAT:

L’air sent la fumée, le poison et la chair brûlée. Si je me croyais en mauvaise posture lors du combat contre le Tyranocif, rien ne me préparait à une lutte d’autant plus acharnée aujourd’hui. Nous sommes en infériorité numérique ici et forcés de nous impliquer physiquement nous-mêmes pour parvenir à nous offrir une chance mais… Est-ce que cela suffira ? Contre ces malfrats, je crains de faire appel à Hélios, Napoléon ou encore Solal, encore trop inexpérimentés. Puis Ariane aurait tôt fait de tomber contre ces types Feu… Non, l’allié dont j’aurais besoin se trouve au sommet de cette île, loin, très loin de nous. N’a-t-il pas pourtant juré de me protéger ? Paniquée, je parviens à lui en vouloir pour son absence, pour cette scène sur la plage qui nous menés ici et qui pourrait bien causer notre perte. Aussi attachée je sois envers Aetius, aussi dédiée lui sois-je, sa déraison ne devrait pas entraîner ma mort. Sa blessure ne justifie pas ce qui est en train de se passer. Et de cette rage émane une énergie nouvelle que je canalise à chasser cet impertinent Nucléos. Prenant un risque, je m’avance en direction du Pokémon Psy comme pour me lancer à sa poursuite, ma lame brandie. Cette fois mon coup passe si près de lui qu’il sursaute et prend peur. Un instant il reste figé et nous nous observons presque dubitatifs. Je remarque trop tard son ami le Smogo qui fonce directement vers moi de sa charge.

L’impact m’aurait potentiellement brisé les côtes sans l’intervention in-extremis de Danaé et de son bâton de lumière. L’impact projette le Pokémon de type Poison contre un arbre. Nous entendons un bruit sinistre de craquement et la créature s’affaisse, le regard vide, laissant lui échapper un peu de son gaz à travers une fente bien nette dans sa coquille. Un instant, il y a silence. Est-il… peut-il vraiment être… ? Nous n’avons guère le temps de nous attarder car un éclair de chaleur nous traverse. Nous faisons volte-face là où une grande colonne de feu a remplacé Corvus et Oreste. Triomphants, les deux Magmars nous observent, leurs horribles becs déformés de rictus. Le cri m’échappe mais je ne l’entends pas. Le temps semble s’être figé. Je cours en direction du feu, tente de m’en approcher mais un jet de flammes m’en empêche. Sans l’intervention de deux prunelles rivées vers moi, j’aurais probablement perdu la tête.

Corvus. Oreste.

Les yeux de Salava me parlent, ils disent qu’ils ne sont pas morts. Dans un sens qu’elle veillera sur moi en attendant leur libération. Désamparée, au bord des larmes je ne puis que m’écarter de son chemin. Elle est habitée d’une mission, une mission qui me dépasse. Ce combat forgera qui elle est pour toujours.

Oreste n’a pas prévu ce retournement de situation. Pourtant, il aurait dû. C’est un être sensible, détecteur de cataclysmes. Il gronde, déjà assailli par la chaleur accablante du tourbillon dont les parois semblent presque se resserrer sur lui et son compagnon d’infortune. L’Absol se fiche de l’autre humain. S’il l’a observé quelque temps assez pour pencher vers l’idée qu’il ne représente aucun danger pour sa maîtresse, son sort l’indiffère. Si ce n’est… si ce n’est de la ressemblance physique qu’il entretient avec son précédent maître. À vrai dire, le jeune homme a même une odeur assez semblable, bien qu’assez différente pour le convaincre qu’ils ne sont probablement pas reliés d’une manière ou d’une autre. Alors quoi ? S’ils sont dans ce bourbier tous les deux, ils devront probablement faire équipe pour s’en sortir. Quelle paire ils font d’ailleurs, brûlés par les Magmars et prisonniers de leurs sortilèges. La belle affaire.

Un peu par frustration, Oreste se concentrer sur ses pouvoirs psychiques, déterminé à une vengeance. Même si elle viendra plus tard encore, il compte la savourer pleinement une fois qu’il sera sorti de ce tourbillon. D’ailleurs, comment faire ? L’humain a certes une épée impressionnante, mais ces choses sont faites de métal. Couper du feu n’est guère la destinée de cette lame rouge. Non, il a peut-être une autre idée, plus sécuritaire. Néanmoins, il sait que ce faisant il se condamnera à rester un peu plus longtemps ici, dans l’inferno. Déjà, il peine à respirer convenablement et halète difficilement. L’humain a de la chance : il transpire. Ce n’est guère le cas du quadrupède. L’Absol jette un regard entendu vers l’homme à la chevelure noire, pour le préparer à ce qui vient. Pourvu qu’il aura la capacité de comprendre son message…

Il n’y a qu’une seule manière de savoir. Avec précision, Oreste projette son Tranche-Nuit tout près du soldat. Une ouverture se forme entre les flammes, probablement pas assez pour éviter de se brûler mais en faisant vite… Pourvu qu’il fasse vite.

Modération combat:

A TALE OF TWO DRAGONS

Some say they never forget, but they
can go ahead, sometime. If it worth it.

Partout où les yeux du sakaien se posaient se tenait un brasier, qui s’élevait autour de lui en une inextinguible colonne de flammes. Piège de feu, le tourbillon le tenait à l’écart du reste du monde, le coupait du combat qui faisait rage autour de lui. Aveugle, Corvus ne pouvait qu’entendre et deviner ce qui se passait à quelques mètres. Leonys s’en sortait-elle ? La mâchoire serrée, le regard du sakaien tomba un instant sur l’Absol, lui aussi piégé … de tous les pokémons de Leonys, il avait fallu que cela tombe sur lui. Pourquoi ? Pourquoi l’Absol et pas un autre ? Alors que la chaleur s’élevait drastiquement dans le tourbillon, le sakaien se perdit un instant à contempler l’œuvre du destin. Non, Kassian n’avait jamais quitté sa mémoire. Jamais.

Egal à lui-même, implacable Oreste demeurait stoïque, là où d’autres n’auraient pas manqué de perdre leur sang-froid. Les doigts serrés sur le manche de son épée, du regard Corvus chercha un instant une issue, un semblant de solution, tandis que sur son front perlaient, déjà, des gouttelettes de sueurs qui grossissaient à mesure que les secondes passaient. Combien de temps serait-il en mesure de supporter cette chaleur ? Etait-ce ainsi que la maison d’Eddar devait s’éteindre, dans le feu et la sueur ? Corvus ne pouvait se résoudre à laisser cela arriver, pourtant quel choix avait-il ? De nouveau, ses yeux se portèrent en direction d’Oreste, qui s’était plongé dans une intense concentration qui le rendait sinistre et étrangement absent … puis, à son tour, le pokémon jeta un regard vers son compagnon d’infortune, le fixa un instant. Qu’avait-il en tête ? Il y avait dans ses yeux une résignation qui ne plaisait pas à Corvus, une résignation non pas pour ce qu’ils subissaient mais plutôt pour ce qu’il s’apprêtait à faire. Que s’était-il décidé à faire, seul de son propre chef ? Corvus ne tarda pas à le savoir.

L’attaque de l’Absol fila dans sa direction, mais plutôt que de le percuter elle vint s’écraser contre la paroi de feu qui, l’espace d’un instant, s’ouvrit pour laisser paraître le jour. En comprenant l’intention de l’Absol, le cœur de Corvus fit un bond dans sa poitrine et sans réfléchir, le sakaien s’élança vers l’avant dans l’espoir de se glisser dans l’ouverture. Tandis qu’il franchissait le mur de feu, le sentiment d’abandonner l’Absol l’envahit durant une poignée de secondes, mais Corvus était un soldat et savait se raisonner en de telles circonstances : coincés tous les deux dans le tourbillon, ils n’étaient pas utiles. Oreste lui avait donné l’occasion de s’échapper et la saisir avait été le meilleur choix possible ; dehors, Corvus avait plus de chance de l’aider à son tour que dedans.

Le comité d’accueil ne se fit pas attendre. L’élan que Corvus s’était donné pour franchir le feu lui avait fait perdre quelque peu l’équilibre et le voyant apparaître, la Feurisson – jusqu’alors restée en retrait depuis la peignée que lui avait mise Salava – retrouva son adversité et s’élança tout feu tout flamme en direction du sakaien qui, rendu hagard par l’air nouveau qui remplissait ses poumons, ne la vit arriver que trop tard. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, elle percuta Corvus de plein fouet et son attaque n’aurait pas manqué de le renverser si l’assaillante n’avait pas été aussi légère. Pourtant lancée à pleine vitesse, les vingt kilos de la Feurisson ébranlèrent tout juste le cavalier qui, plus par manque d’appuis que d’autre chose, trébucha au sol en cherchant vainement à se rattraper. La créature était déjà loin lorsque le regard de Corvus se posa sur elle. Un peu vexée du faible effet de son attaque, la Feurisson grondait, grondait ! et sa colère se devinait au hérissement des flammes qu’elle portait derrière-elle. Bientôt, tout son corps en fut entouré et clairvoyant, Corvus perçut la menace de l’attaque qu’elle préparait. Alors que, couverte de flammes la Feurisson s’élançait de nouveau dans sa direction, Corvus chercha du regard une solution et avisa un amoncèlement de roches sur sa gauche. Et si … ? Tant pis pour le risque, il fallait essayer. La Feurisson fit un bond vers l’avant et brusquement Corvus leva sa main valide – la seconde tenait encore son épée – en direction des rochers, qu’il fit glisser sur le chemin du furet de feu. Plus par chance que par autre chose, les pierres roulèrent au passage du pokémon et l’engloutirent dans un enchaînement de chutes. Si tous les rochers n’eurent pas besoin de l’intervention de Corvus pour bouger, le sakaien sentit le poids de chacune de celle qui se murent grâce à cette force nouvelle qui, depuis qu’il s’en était vu doté, ne cessait de grandir en lui, lentement mais surement. S’il n’avait, jusqu’à présent, jamais pris le risque de l’utiliser en combat, le cavalier découvrait aujourd’hui l’infinité des possibilités qui s’offraient à lui à travers cela … mais comme tout, cette magie-là aussi avait un prix, un prix que son corps n’était pas encore tout à fait prêt à payer. Comme de l’eau coulant à travers ses doigts, Corvus sentit son énergie s’amoindrir à mesure que les pierres roulaient et tombaient pour barrer le chemin du pokémon feu. Ensevelis, Corvus ne vit pas ce qu’il advint d’elle car autour de lui le paysage se mit à tourner dangereusement. Le bruit des combats qui faisaient rage non loin ne fut plus qu’un écho lointain, et dans sa poitrine son cœur se mit à tambouriner farouchement. Dans l’espoir de reprendre contenance, le cavalier respira plus intensément, et presque absent Corvus sentit ses genoux toucher le sol. Non, il ne pouvait pas perdre pied, pas maintenant … pas maintenant.

De son côté, loin de renoncer Salava ne chômait pas. Fiers de leur manœuvre et d’avoir de ce fait pris au piège deux de leurs adversaires, les deux Magmars posèrent leurs yeux sur la Tritox qui, du haut de ses soixante centimètres, avait l’audace de leur faire face. Campée sur le chemin des deux mâles, la lézarde ne cillait pas malgré l’intensité des regards que lui jetaient ses adversaires. Ils étaient plus forts ? Qu’à cela ne tienne, Salava elle était plus maligne … du moins aimait-elle le croire. Sur son dos, ses marques se mirent à briller d’une lueur étrange et une senteur particulière en émana, destinée à bercer les mâles les plus crédules … mais loin de se laisser distraire, les becs des deux Magmars s’étirèrent en un rictus narquois. Se moquaient-ils d’elle ? Peut-être oui, surement, car le doux parfum qui plana un instant dans la zone n’eut pas l’effet escompter, pas le moins du monde. De toute évidence, il en fallait plus pour mettre à mal la détermination des deux leaders et Salava en faisait l’amer expérience.

L’apparition soudaine de Corvus hors du feu ébranla un instant l’assurance des deux Magmars qui, surpris, se figèrent l’espace de quelques secondes. Ah ! Croyaient-ils pouvoir se débarrasser de son maître aussi facilement ?! Bande de canards ignorants ! La suite, cependant, ne plût pas à Salava : de retour, la Feurisson s’attaqua à Corvus et la lutte le laissa dans un état étrange que la Tritox ne lui connaissait pas. Qu’avait-il ? Lèves-toi idiot, debout ! Pourquoi ne se relevait-il pas ? Son petit cœur de lézard tambourinait sauvagement dans sa poitrine tandis que son regard allait du Magmar à Corvus, de Corvus au Magmar. Voyant la faiblesse du sakaien, le bougre se rapprochait, toujours un peu boiteux mais pas moins déterminé. Salava s’apprêtait à les rejoindre lorsque le second Magmar lui rappela sa présence, ricanant sinistrement à son encontre. Ses poings, fermés et menaçants, étaient entourés d’un halo flamboyant qui ne laissait présager rien de bon. Bien décidé à lui couper la route et l’empêcher de porter secours à l’humain encore à terre, l’ennemi se dressait entre d’un côté Corvus et de l’autre Salava, Leonys et Danaé, toujours occupée avec le Nucléos. En proie à la peur, les flancs de la Tritox se soulevaient de manière effrénée … devant elle, au loin – trop loin – le tourbillon de feu continuait de tourner autour de l’Absol et le boiteux se rapprochait de seconde en seconde. Voyant le Magmar venir à sa rencontre, Corvus tentait péniblement de se relever, lentement, beaucoup trop lentement. Bientôt, dans le cœur de Salava la colère prit la place de la peur. Non, c’était injuste ! Pourquoi ne pouvait-elle rien faire ? Pourquoi n’avait-elle pas la carrure de cet idiot d’oiseau d’acier, pourquoi n’avait-elle pas la magie de ce pleurnichard d’Osselait désormais Ossatueur ? Hors d’elle, désemparée, Salava ne pouvait se résoudre à faire un choix. La Tritox aurait pu abandonner la fille pour aller sauver Corvus – et encore, même esseulé ce Magmar était beaucoup trop fort – elle aurait pu aussi faire une croix sur son maître pour permettre à la fille, peut-être, de s’en sortir, mais non, Salava ne voulait pas faire de choix. Tout comme elle avait su modeler Corvus durant sans enfance, Corvus lui aussi avait laissé son empreinte sur la Tritox : Salava voulait sauver tout le monde, même cette fille qu’elle détestait. La détestait-elle vraiment ?

De rage, Salava rugit à l’attention des deux Magmars. Elle gronda si fort que son cri résonna un moment dans l’esprit et le cœur de tous ceux qui avaient pu l’entendre, et lorsque qu’il s’éteignit enfin quelque chose en elle avait changé. Ses muscles s’étaient fait plus grands et ses pattes plus longues, et là où s’était tenu un petit lézard se tenait désormais un gracieux varan aux allures de dragon. Fière de sa nouvelle apparence, Salava fouetta l’air de sa queue, arqua son cou longiligne, fit claquer ses mâchoires. Les deux Magmars se figèrent en découvrant leur nouvelle ennemie, mais bien vite leur stupéfaction fut interrompue par une explosion macabre qui frappa le boiteux, initiateur du tourbillon de flammes. De surprise autant que de douleur, le pokémon feu hurla, tomba genoux contre terre. L’instant d’après, la colonne de flammes s’évapora pour laisser reparaître Oreste, toujours vivant malgré la tourmente ; plus que jamais blessé, désormais résigné, le Magmar éclopé savait bien ce qui l’attendait.

Lorsque, reprenant enfin ses esprit Corvus se releva finalement, le feu avait disparu, Oreste était libéré et Salava … Salava n’avait jamais été aussi furieuse. Raffermissant sa prise sur la poignée de son épée, Corvus avisa le dernier Magmar encore debout. Son excédante confiance avait disparu et dans le regard des deux leaders se dessinait désormais quelque chose de nouveau, tout à fait inédit. Encore un peu fébrile, un sourire s’esquissa sur le visage du jeune homme … la peur venait de changer de camp.

HRP - RÉSUMÉ COMBAT:

Tous mes sens se trouvent malmenés. Je suis hantée par la vision des flammes dansant sous mes yeux. Par le son encore frais de ma mémoire de la coquille du Smogo se fissurant brutalement contre l’arbre. Mon nez est victime de cette odeur doucereuse et entêtante émanant de la Tritox.

Pourtant, tout ce que je parviens à ressentir est ce poids au creux de ma poitrine, celui-là même qui me prive de tous mes réflexes, de ma raison. Animée par l’impuissance, je sens ce combat me filer entre les doigts. Mes doigts se referment sur le manche de mon katana jusqu’au blanchiment de mes jointures. Je refuse de laisser Corvus et Oreste à leur sort, sans rien tenter ! Je ne laisserai pas mal leur être fait, même si je dois trancher la gorge de ces Magmars un à un. La violence de Salava se réverbère en moi, prend écho, me fait trembler d’appréhension. Peu importe comment se dérouleront les choses, j’ai toute l’intention du monde de me montrer utile.

Je comprends rapidement néanmoins que ma tâche réside ailleurs. La véritable cible du Nucléos, se jouant de nous depuis tout est l’heure, n’est nulle autre que la Tritox. Avantagée contre elle, elle aurait tôt fait de la mettre hors d’état de nuire. Nous avons tous senti que la reptile aurait un rôle important à jouer dans les prochaines minutes, que pour ce faire elle devait restée concentrée à sa tâche. Mais Danaé peine à se débarrasser de ses assauts psychiques. La bulle est rapide, très mobile, et protégée par un sort lumineux qui s’active à chaque coup physique de la Lucario. Ma compagne est fatiguée, son dos s’est couvert de sueur et elle halète sous l’effort soutenu. Voyant le Pokémon Combat incapacité, le Nucléos dirige enfin son attaque Psyko en direction de Salava… Pour se voir brutalement interrompue par un corps qui encaisse tout le choc.

J’ai eu des idées plus brillantes, c’est vrai. Pourtant dans l’immédiat, je ne voyais aucune solution pour contrer cette attaque qui aurait facilement pu mettre la Tritox hors d’état de nuire. Dans l’urgence du moment, j’ai bondi en direction de la vague rosée se dirigeant droit vers elle pour l’intercepter, me prenant la totalité de la charge. Mon esprit, un moment, se contracte. Mon crâne paraît sur le point d’exploser et c’est dans un cri de douleur et de confusion que je m’effondre contre le sentier. Tout mon corps n’est plus que souffrance alors que je tente de récupérer ce qu’il reste de mon âme après cet assaut mental. La Nucléos vient de m’écarteler de l’intérieur; un long moment je ne peux plus bouger, peinant à respirer. Incapacité, je ne peux pas voir ce qui se passe derrière moi. J’ignore qu’une menace s’y prépare, tout comme Danaé dont l’attention furieuse s’est toute tournée vers le Pokémon Psychique.

Un son chaotique et métallique s’échappe de sa gueule. Il me glace le sang dans mon état semi-conscient et hautement sensible; longtemps, il s’entrechoque sous les parois de mon crâne. Un écran de lumière se forme derrière nous, mais nous ne pouvons y porter attention, car le Nucléos revient à la charge, prêt à en découdre. Si l’attaque Strido-Son ne semble pas l’avoir affectée, je sais très bien que c’est le cas. Dans les paumes de la Lucario se forme une Aurasphère de plus en plus grande qu’elle projette finalement sur son adversaire. Celui-ci ne parvient pas à l’éviter et se le prend en pleine gueule ! Une explosion survient, la seconde suivante la petite bulle est hors d’état de nuire sur le sol. Je peux sentir les bras de la Lucario me soutenir alors qu’elle vient à ma rescousse. Je profite de son aide charitable pour me remettre sur mes pieds, tremblante mais déterminée. En faisant volte-face, je réalise que Salava… n’est plus. Du moins pas sous la forme que je la connaissais jusqu’alors.

Un instant, je la regarde. Ainsi elle a agit dans l’objectif de nous protéger, et moi de même par mon action téméraire. Je lui adresse un rapide mouvement de la tête avant de reporter mon attention sur la colonne de flammes qui se dissipe enfin, laissant voir un Oreste furieux. Un instant ses prunelles rubis brûlent du même éclat que ce feu ardent autour de lui. Alors qu’il se précipite sur sa proie, j’ai un mouvement de recul. Son bond est précis, celui d’un prédateur. Ses crocs se referment sur la gorge du Magmar l’ayant brûlé et bientôt la créature s’affaisse non sans un dernier cri qui certainement hantera mes nuits.

Il ne reste plus que le deuxième Magmar. Pourtant, je n’ai aucun regard pour lui, alors que non loin une silhouette se redresse avec difficulté. Corvus ! Je me précipite vers lui, malgré la douleur qui accable toujours mon corps, mes veines, mon esprit. Je m’arrête à quelques centimètres à peine, posant simplement une main fébrile, animée de terreur et de soulagement tout à la fois.

«Merci, merci Lugia.» je fais dans un murmure à peine audible.

Ce combat aura fait deux victimes, heureusement pas dans mon camp. Il reste l’un d’entre eux, le Magmar qui désormais affiche une peur contrite. Il se sait vaincu et entouré. Danaé reste en retrait, me surveillant du regard. Qu’ai-je l’intention de faire ? En moi fume encore la rage, une rage que le décès de l’autre n’aura pas apaisé. Je lève les yeux vers Corvus. Je n’ai pas l’intention d’être un obstacle au projet qui les anime Salava et lui. Ainsi je me recule d’un pas, lui cédant la place. Dans ma main, ma lame tremble encore. Pourtant, il y a dans sa prise quelque chose de parfaitement décidé.

Modo combat:

Un regard entendu de sa part et j’ai parfaitement compris ses intentions. Je m’écarte, jetant un dernier regard vers le Magmar tandis que Corvus et Salava se dirigent vers lui d’un même pas. Détournant les yeux, je ne me risque toutefois pas à affronter ce qui suit; malgré moi l’idée de cette sanction me retourne l’estomac aussi nécessaire soit-elle. Qui encore aurait pu subir la violence gratuite de cette bande de malfrats faisant sa loi sur cette île ? Azmitia, Trixie et moi avons eu la chance de ne pas les croiser lors de notre premier passage ici. Je frémis un peu trop vivement au son de la lame traversant la chair et de celui, explicite, d’un corps rejoignant le sol. Avec prudence, je tente un regard vers ce dernier, plissant les lèvres devant le rouge qui se répand sur le sol. La coupure est nette, précise, mortelle. Un instant, le Magmar semble me scruter de ses prunelles vides, et c’est nauséeuse que je me détache de cette vision pour rejoindre le bourreau à quelques pas.

Il règne désormais un terrible silence sur cette île. Sa brume ne s’est qu’en partie dissipée; malgré tout je suis habitée de la certitude que notre chemin se fera sans entrave désormais. Depuis combien de temps ce duo et leurs acolytes règnent sur ces sentiers ? Épuisée, je range ma lame et observe les environs. Le combat a laissé ses traces, il me tarde de quitter cet endroit. Le jeune homme, fidèle à lui-même, s’enquiert de mon état. Je n’ai plus la force de jouer les dures, alors je me montre simplement sincère.

«Je me suis pris le Psyko du Nucléos, j’ai mal à la tête et à tout mon corps en réalité. Mais il faudra faire avec. Et toi ? Comment tu as réussi à sortir du tourbillon de feu ? Tu n’es pas brûlé ?»

Malgré la dureté de mon ton, il y a dans mes gestes une infinie douceur. Je caresse son bras, comme à la recherche d’une blessure. Puis je redresse les yeux, encore un peu traumatisée par l’attaque du Pokémon Psy. Celui-ci a dû fuir en voyant le combat tourner à leur désavantage, et puis tant mieux. Mon regard glisse jusqu’à Danaé, dont l’épuisement est parfaitement visible. Entre cette intervention sur la plage pour stopper Aetius et ce rude affrontement, il ne lui reste plus beaucoup d’énergie pour faire face au défi qui nous attend : l’ascension de l’île. Néanmoins, je comprends rapidement à l’œillade qu’elle m’adresse qu’elle n’acceptera pas d’être laissée de côté. Qu’une mission l’accable toujours, celle de ramener son ami à la raison. Je vais rapidement à elle, caressant sa tête tel que je le faisais du temps où elle n’était encore qu’une Riolu. L’inquiétude règne dans ses prunelles rubis, malgré mes sourires qui se veulent rassurants. Je n’irai pas mentir en lui assurant être dans ma meilleure forme. Au moins là-dessus nous pouvons nous entendre : si aucun risque supplémentaire ne sera pris, nous n’avons aucune intention de faire marche arrière à cet instant. Il faut continuer, tout simplement.

Mes attentions se tournent ensuite vers Oreste, qui se recule en grognant sitôt je m’approche. L’orgueil, ce vilain défaut. Je ne réagis pas même à sa tentative de m’échapper, le contournant pour constater l’étendue de sa blessure. J’ai un haut-le-cœur en voyant son épaule déchiquetée et brûlée, sa fourrure tachetée de sang. J’esquisse un geste vers lui, incapable de compléter ce contact. Une voix derrière moi me fait sursauter, celle de Corvus qui explique une part intime de son passé. Je me retourne vers lui en me redressant. Oreste a tourné son regard vers lui, aussi.

«On m’a raconté un passé particulier à son sujet. Il était autrefois le protecteur d’un noble du nord de Sakai, qu’il a perdu de manière tragique. Il t’observe souvent, tu sais ? J’ai l’impression que tu lui rappelles cet ancien maître, parfois.»

Je reviens vers le jeune homme. J’aimerais le rassurer quand à ce passé, ou du moins lui assurer qu’Ori est plus fort que n’importe quel tourbillon de feu. Néanmoins la vision de sa blessure me hante toujours, et c’est le cœur troublé que je reporte mon attention sur Salava, qui se pavane fièrement. Un mince sourire étire mes lèvres devant le changement de caractère soudain de la lézarde. Qui sait, peut-être l’évolution l’aura-t-elle assagi. Dans tous les cas, je n’ai guère le cœur à m’en réjouir à l’heure actuelle. Aetius nous attend.

«Oui, je l’espère. Mettons nous en route.»

Ma voix trahit le trouble que tout ce combat a causé. C’est sans un regard vers l’arrière que j’emboîte le pas à la Malamandre, encadrée d’Oreste et de Danaé. Malgré mes protestations, Ori refuse sa balle et marche à mes côtés d’une démarche boîteuse, avec toujours cette détermination -cette obstination !- au creux du regard. Sachant qu’il s’agit d’une lutte que je ne pourrai pas remporter, j’abandonne la joute, tout en restant attentive à la fatigue qui, nécessairement, le gagnera sous peu.

L’île retient son souffle. Ce silence m’assaille, me rend nerveuse et particulièrement prudente. Mon poing ne quitte plus le manche de mon arme. Je me suis enfermée dans un profond silence, contemplant les mots à prononcer une fois que nous aurons atteint notre objectif. Le chemin me paraît particulièrement pénible et long. Une fois au sommet de l’île, je jette un regard grave à Corvus. Ici, les signes de la présence du dragon sont évidents. Au sol, on peut repérer le passage de la bête, avec une destination claire en vue : la caverne qui nous fait face. Un instant, je sens ma poitrine se serrer.

«Je fais quoi s’il ne veut plus jamais me voir, Corvus ?» je souffle, vulnérable et terrifiée.

Ma main a quitté le katana pour rejoindre mon cœur, qui menace de se briser.

«Aetius ? Aetius ?»

Il y a cette voix faible dans l’obscurité. Cet appel qui s’échappe de ma gorge enrouée, cette voix diaphane parsemée de tremblements. Malgré le silence qui lui répond, il y a dans la pénombre une présence, un éclair orangé caché sous un meuble. Ses prunelles noires me scrutent, petits gouffres de désespoir où je plonge un instant, un instant à m’y perdre. Tout en moi frissonne; sa peur prend écho en la mienne. Sa souffrance accompagne la mienne, ensemble la douleur ne s’estompe pas mais s’apprivoise. Il faut encore plusieurs secondes, interminables, avant qu’un grondement familier me parvienne. Je ferme les yeux, bercée par ce son caractéristique de mes nuits les plus noires. Ses pas se rapprochent, plus silencieux que l’éclat de la lune. Sa langue râpeuse vient lécher cet hématome, contre mon bras, qui à la manière d’une goutte d’encre se répand sur l’épiderme. Mes doigts viennent jouer contre sa carapace. Chaleur. Réassurance. Il est l’est comme toujours, partenaire de mes infortunes. Ensemble nous nous assoupissons à même le sol, là où un autre nous a laissé. Notre geôlier demain reviendra; cette nuit pourtant nous appartient.

La bouche de la caverne semble presque se moquer de son rictus édenté. Je n’entends plus que les battements frénétiques de mon cœur. Contre ma nuque, il y a ce souffle encore chaud. Aujourd’hui, à l’orée de cette discussion que j’ai lâchement repoussé, ce ne sont pas les mots de réassurance de Corvus que j’entends, mais ceux cruels d’Arthur. Il y a cette peur qui lentement s’insinue sous ma peau, cette sensation que je n’avais pas ressentie depuis très longtemps. Celle d’être en danger imminent, celle de marcher sur des œufs. De devoir agir avec infinie prudence. Je n’ai pas crainte du dragon, j’ai peur du démon qui nous poursuit, inlassablement. J’ai peur de devoir l’affronter seule désormais.

Je ne suis pas prête.

Pourtant j’inspire longuement, avant de marcher en direction de la grotte sans un regard vers l’arrière. À l’entrée de la caverne, j’hésite un instant avant de plonger dans l’obscurité. Aussitôt, la présence m’enveloppe. Je le sais tapi quelque part ici. De la même manière qu’auparavant, je n’ai guère besoin de le voir pour le sentir à mes côtés. Je peux entendre sa respiration aussi, beaucoup plus profonde qu’à cette époque que nous tentons de mettre derrière nous.

«Aetius ? Aetius ?»

Ma voix n’est plus enrouée désormais. Elle est forte, à peu près assurée. Lentement, mes yeux s’habituent aux ténèbres. Je progresse prudemment à l’intérieur. L’espace est limité et le sol humide et chaud. Une odeur discrète mais désagréable de soufre a envahi l’endroit, me faisant plisser le nez. Dans la pénombre, je discerne une silhouette écailleuse, qui à mon approche se contracte, bouge et siffle. Un avertissement. Je m’arrête. Comme il le faisait pour moi jadis, je m’assois par terre et l’observe. Je discerne vaguement ses traits ici, ses prunelles intenses qui me jaugent. Pour ma part, je le scrute en silence, longtemps, avant de m’étendre contre le sol de la grotte. Ma tête se pose contre la roche et je ferme les paupières. Je l’entends roucouler, hésiter. Il sait ce que je veux dire. J’attendrai, j’attendrai oui tant qu’il aura peur.

Combien de temps tenons-nous ce rituel ? Le contact chaud du sol me fait du bien. L’attaque Psyko a laissé ses séquelles; la migraine me guette toujours. Ce sont des yeux fatigués que je lève vers Aetius à nouveau. Pour retrouver ces mêmes prunelles teintées de désespoir, ce même appel effrayé. Certaines ne changeront jamais; certaines insécurités sont tenaces. Certains réflexes aussi. Enfin, son corps se déplie, son cou s’étire, son museau me frôle. Je viens caresser son cou qui lentement m’entoure de doigts prudents avant de refermer mes bras contre lui. Sa tête se pose dans mon dos, où je l’entends soupirer, presque dans un sanglot.

«Je suis là.» je dis simplement.

Il est mon ancre et ma lumière. Je le tiens tout doucement, y laissant une part de moi. Il n’y a rien que je ne lui offrirais pas, car sans lui ma vie n’a plus aucun sens. J’ai besoin de lui malgré tous les progrès que j’ai pu faire. Je comprends qu’il en est de même pour lui, que si un jour nos chemins se séparent alors c’est que nous serons entièrement libres tous les deux. Ce jour n’est encore venu. Son cœur est lourd entre mes mains; je m’y raccroche. Je ne le laisserai pas tomber.

«Je ne laisserai plus jamais quiconque te faire du mal, Aetius. Tu le sais n’est-ce pas ? Le jour de sa mort, j’ai fait le serment qu’on ne nous y prendrait plus. Notre vie est différente maintenant.»

Aetius se redresse, quittant mon étreinte pour mieux m’observer. Pour ma part, je me suis redressée en position assise, caressant toujours son menton écailleux. Il tremble sous mes doigts.

«Il y a beaucoup de choses que je ne t’ai pas dites. Je t’ai vu évoluer sous mes yeux, devenir plus grand, plus sage, plus fort, puis prendre ton envol. J’ai voulu faire de même, mais tu sais c’est différent chez les humains. Je ne voulais pas te faire de peine, Aetius. Ni même te faire penser que tu pourrais courir quelconque danger. Si je ne t’ai rien dit, c’est justement car tout s’est produit de manière naturelle, comme pour toi.»

Le dragon a tourné le regard vers ses pensées. Peut-être cherche-t-il à éviter le sujet. Mais il est là. Nous devons nous y confronter.

«Je pourrais te jurer que je ne ferai plus d’erreur Aetius, mais je sais bien que je perdrais mon temps. J’ai perdu foi en mon jugement il y a longtemps. Or, il y a à l’extérieur de cette caverne une personne que j’ai en haute estime. Quelqu’un qui s’est immiscé dans ma vie là où pensais qu’il n’y avait plus que le vide qu’Arthur a laissé. J’ai peur de lui, Aetius. J’ai peur de ce que je ressens pour lui. J’ai peur de me sentir aussi bien, aussi… e-en sécurité à ses côtés. J’ai peur parce que je tombe amoureuse de lui. Parce qu’il est si semblable à moi. Parce qu’il est grand, et fort, qu’il pourrait me tuer s’il le voulait, il pourrait briser mon cœur à nouveau et… je… je ne sais pas si j’y survivrais. Je te jure, si j’avais pu l’éviter, si j’avais pu… Alors j’aurais pris une décision tout autre. Mais nous y sommes. Je l’aime. Et de plus d’une manière j’ai du mal à imaginer ma vie sans lui désormais.»

À mon tour de baisser les yeux. Je soupire. Ma tête est si lourde, mon cœur d’autant plus. Que comprend-il de mes discours ? Que peut-il comprendre de mes sentiments ? Lui aussi a aimé jadis, il aimait Arthur. Il voulait tant lui faire plaisir. Jamais il n’a réussi à le satisfaire pourtant ce n’est pas faute d’avoir tenté encore et encore de s’illustrer à ses yeux.

«Je ne sais pas ce que l’avenir nous réserve. Pour le moment, Corvus fait partie de mon existence. J’ai besoin de toi pour veiller à ce que je ne me perde pas à nouveau, Aetius.»

Je reste un moment silencieuse avant de me redresser. Le dragon a levé les yeux vers moi à nouveau, me jaugeant sans rien dire.

«Il est dehors présentement. Rejoins-nous. Étudie-le. Si tu le juges indigne, alors tue-le. Néanmoins rappelle-toi que tu ne l’as pas fait sur cette plage, tout à l’heure. Rappelle-toi que ton cœur a peur, qu’il peut influencer tes décisions.»

Je me suis retournée, marchant en direction de la sortie.

«Rappelle-toi que je veillerai toujours sur toi.»

Dans la pénombre, un objet luit d’un éclat surnaturel. Une sphère métallique qui brille et pulse devant son regard. Je ne me retourne pas, il saura quoi faire. Je l’espère. Alors que je rejoins les autres à l’extérieur, je me sens d’autant plus lourde. Je me réfugie contre Corvus sans rien dire; de toute manière je serais incapable d’articuler le moindre son sans menacer d’éclater en sanglots après l’intensité de ce moment. Je sens une paume contre mon épaule : Danaé est là. Ori, lui, n’a pas quitté son poste à quelques pas de nous, couché dans l’herbe sèche du sommet, à surveiller l’entrée.

J’ai le sentiment grandissant de devoir perdre l’un ou l’autre, à mesure que les secondes se mutent en minutes. Je ne parviens pas à me détacher du jeune homme tant je tremble. Est-ce vraiment fini ? Je ne me suis jamais sentie aussi seule.

Les oreilles de la Lucario frémissent. Au loin, presque tel un battement de cœur, j’aperçois une silhouette se dessiner. Je me détache de Corvus pour faire volte-face et le considérer. Aetius s’avance, ses pupilles ne sont plus que deux fentes rivées sur le sakaien. Il s’avance avec lenteur, se dirigeant tout droit sur lui. Dans sa mâchoire, la Captis Ball pulse à intervalles réguliers d’une lueur blanche. Son approche dure et dure et dure ce qui me semble des heures. Parvenu à notre hauteur, il s’arrête. Son regard s’est porté sur Corvus.

J’ai retenu mon souffle avant de m’écarter de son chemin. Ce que j’ai dit tout à l’heure est vrai. J’ai confiance en Aetius, plus qu’en moi-même. Peut-être a-t-il vu en Corvus un avenir sinistre, semblable à ce que nous avons laissé derrière nous. Dans tous les cas, sa respiration est calme, malgré la peur qui se lit toujours dans son regard. Que lui dit-il dans sa langue reptilienne et silencieuse ?

Ne nous fais pas de mal.

Finalement, l’instant se brise. Le dragon se retourne vers moi et pose dans ma paume la balle que je laissé à ma suite. Il expire d’un coup sec, comme pour chasser la tension. C’est fini, oui, mais pas de la manière que je l’ai cru d’abord. Il se recule d’un pas, venant mettre fin à la pression que nous ressentions tous. C’est à peu près à ce moment que je parviens à respirer de nouveau.

Danaé se précipite vers son ami, se pendant à son cou avec moults petits sons qui expriment l’étendue de sa culpabilité. Aetius pose sa tête contre son dos, comme il l’a fait tout à l’heure avec moi, et les deux s’étreignent longuement. Pour ma part, j’ai rangé la balle à sa ceinture, à sa place. Mes doigts viennent chercher ceux de Corvus, même si mon regard n’a pas quitté mon vieux compagnon.

«Ce ne sera pas la dernière fois.» je lui murmure.

La dernière fois de quoi ? D’une certaine manière, je pense qu’il a compris.

Il n’abandonnera pas. Comment peut-il en être si certain ? Corvus est de ces êtres qu’on n’ébranle pas facilement; néanmoins rien ne le prépare aux défis que peuvent représenter cette liaison. Au-delà des réserves de mon petit clan subsistent bien des difficultés, certaines si profondes qu’elles peuvent s’éclipser sournoisement à son regard. Les blessures qui marquent Aetius, qui me marquent moi, elles ne se résument pas en une poignée de mots et de la même manière on ne peut aspirer les déloger aisément. Pour ma part, certaines problématiques m’habitent depuis longtemps, toujours me semble-t-il. Peut-on naître fêlé ? Cassé ? Tous ces événements, la proximité de la mort, l’épuisement et la douleur m’ont laissée quelque peu pessimiste. Je lève un regard tendre mais aussi un peu fataliste en sa direction : à cet instant je ne parviens pas à imaginer un scénario dans lequel il choisit de rester à mes côtés après avoir vécu, au fil des mois voire des années, les contre-coups de mes démons. Jusqu’où s’étend sa patience ? À quel moment décidera-t-il de partir, de me laisser derrière ? Je ne pourrais que comprendre. Aujourd’hui il a tenu bon même si sa vie était en jeu. Il accepté de regarder le danger dans les yeux sans se défendre, pour moi… pour moi.

Arceus tout puissant, Corvus, pourquoi dois-tu être si obstiné ?

Ce que j’ai dit dans la grotte à mon compagnon est toujours aussi vrai. D’une certaine manière j’aurais préféré ne pas m’attacher à lui et pourtant. Il est bien plus que tout ce dont j’aurais pu rêver. Et nous y voilà. Alors quoi ? Maintenant que nous avons trouvé terrain d’entente, aussi précaire cette entente soit-elle, je me dois d’agir. De travailler sur moi-même. Durement. D’être à l’affût des signes qui pourraient me précipiter dans un cycle néfaste, tout en apprenant à aimer et faire confiance à nouveau. Tout un défi. Malgré tout, je me sens bien, très bien accompagnée. Aetius jette un nouveau regard en ma direction. Je sais qu’il n’aspire qu’à mon bonheur. Que malgré la menace qu’il a laissé planer au-dessus de la tête du sakaien aujourd’hui, que son cœur ne le porte pas à la violence. Il est encore ce petit Kraknoix, ce soutien dans l’obscurité. Ce pilier dans ma vie. Mes doigts se resserrent contre les siens avec plus d’intensité et un instant je me tourne vers lui pour simplement le regarder. Malgré l’épuisement qui me guette et la migraine lancinante qui me déchire les tempes depuis l’attaque du Nucléos, un sourire s’esquisse contre mes lèvres. Je me perds dans les eaux sombres de son regard, j’y plonge sans réserve et me laisse porter par les flots.

Je viens de trouver une autre lumière. J’aimerais lui exprimer toute l’étendue de ma gratitude, de mon affection pour lui. Je frissonne un instant, me sentant plus vulnérable et pourtant plus en sécurité que jamais. Puisses-tu ne pas partir tout de suite Corvus, parce que moi je n’ai pas l’intention de te quitter.

Je brise ce contact visuel si intime pour considérer sa proposition. Prendre mon envol. Je ferme les yeux en sentant la peur grimper en moi au souvenir du voyage à dos d’Airmure... Pourtant je sais qu’aujourd’hui je dois laisser mes craintes de côté.

«Je veux le faire. Je vais le faire.»

Ma voix trahit ma nervosité et pourtant c’est pleine de détermination que m’approche du dragon. Comprenant mon intention, il se penche pour se placer à une hauteur accessible. Avant de grimper sur son dos, je rappelle Oreste et Danaé à leur balle en me promettant de leur apporter les soins nécessaires une fois à la maison, même si je me doute que l’Absol fera le fier encore une fois. Ça tombe bien, je suis plus têtue que lui. Avec une grande inspiration, je grimpe sur le dos d’Aetius, qui se redresse. Soudainement je surplombe la clairière, Corvus et Salava, toute l’île. Je peux presque toucher le ciel.

«J’ai un peu la classe comme ça, tu dois l'avouer.» je fais avec un sourire malicieux.

Aller viens. Il est temps de prendre mon envol.