Pas d'erreur possible , nous étions chez l'habitant. Les arbres étaient brusquement devenus impeccables: pas une brindille de travers, des fleurs à foison, voire quelques fruits qui pendaient déjà... Le sol était bien entretenu. Pour le forestier habitué au chaos sylvestre que j'étais, c'en était presque dérangeant. Pour autant, l'endroit ne manquait pas de vie: la rivière n'était pas loin, et avec elle sa faune aquatique dont on pouvait parfois reconnaître le chant, à travers celui de l'eau.

Nous revenions tout juste d'un dans les forêts géantes, donc le contraste n'aidait pas non plus. Depuis notre crochet par Kashaï, c'était d'ailleurs le premier endroit potentiellement habité que nous visitions sur le chemin du retour. A vrai dire, dans d'autres circonstances, je serais resté au cœur de la forêt, sans chercher à suivre la rivière Audacieuse.
Seulement voilà: l'enthousiasme de mes nouveaux compagnons Noeunoeufs les avait conduits, pendant une pause déjeuner, à partir à la rencontre d'un Balignon qui leur avait éternué à la figure. Comme ils n'en étaient pas ressortis indemnes, je leur avais donné à chacun un bout de baie Pêcha pour chasser le poison, et un bout de baie Papaya pour les requinquer.
Mauvaise surprise: ces Noeunoeufs-là n'aimaient pas du tout la Papaya. Ou alors il l'aimaient trop, je n'en savais rien: toujours était-il que le fruit leur avait donné des nausées parfaitement inédites. Chacun des six individus s'étaient mis à délirer, à brailler avec toute l'énergie dont un œuf était capable, et à percevoir des menaces qui n'existaient que dans le jaune qui leur servait de cervelle.

Dans le jargon, on appelait cela de la "folie", et cette folie était de celles que l'on pouvait soigner avec un autre type de baie: une baie Kika. Evidemment, c'était l'une des seules que je n'avais pas sur moi. J'étais donc condamné à subir les lamentations de six Noeunoeufs en pleine confusion.

Comme il avait dû entendre mes prières - ou plus vraisemblablement les cris du Noeunoeuf -, Célébi avait placé cette auberge sur ma route, et avec elle son verger de compétition.
Parmi les arbres fruitiers, il y en avait un qui avait déjà terminé sa floraison, et sur chacune de ses branches pendaient des baies Kika en quantité aristocratiques.
Sans y songer, je m'approchai de l'arbre à baies , le saluai brièvement avec le respect qui lui était dû en m'inclinant un moment. J'attirai ensuite une branche vers moi, tira un peu sur un Kika qui se décrocha tout naturellement. Je le posai au pied de l'arbre.

Dans mon sac, Hex continuait à gémir. Je sortis chacune des six têtes d’œufs, posai un genou à terre et les plaça au sol l'un après l'autre, autour de la baie Kika. L’œuf le plus gros, celui que j'appelais le chef du clan, repéra le fruit le premier et se jeta dessus.

- Hé, laisse-en un peu pour les autres, tu vas... tu vas...

Il n'allait rien du tout. Aussitôt gavé de la chair du fruit, le chef des œufs arrêta de délirer, et immédiatement ses cinq congénères arrêtèrent également.
C'était un phénomène très curieux. Le lien psychique entre les six individus était tel que leur état de santé physique et mental était étroitement lié, de sorte qu'en guérir un revenait à les guérir tous. J'en venais à me demander s'il s'agissait bien de six têtes différentes, ou si c'était une façade, qu'il s'agissait d'une entité unique séparée en une demi-douzaine de petites coquilles.

La demi-douzaine en question, après avoir reprit ses esprits, leva vers moi si paires d'yeux pleins de surprise.

- Oe Oe!

- De rien.

- Oe Oe!!

- ... de rien encore?

Le temps de me retourner, je compris qu'ils n'étaient pas en train de me remercier, mais de m'avertir de l'arrivée imminente de la propriétaire. Une jeune femme blonde, en l’occurrence.

- Ha. Milles excuses! Je suis le garde forestier. D'habitude j'ai tout ce qu'il me faut sous la main, mais là j'étais en rade de baies Kika... les vôtres tombaient à pic pour mes six nouveaux compagnons.

Le fruit avait presque disparu, englouti par le chef.

- C'est le résultat d'une mauvaise rencontre en forêt... cela faisait des heures qu'ils gueulaient comme des Nosferaltos en chaleur, je n'en pouvais plus...

A bien y réfléchir, je ne me voyais pas revivre ça de si tôt. Il valait mieux anticiper.

- Si cela vous convient je souhaiterais recharger ma poche à baies et vous en piquer trois de plus. Combien je vous dois?

HEX

Ces baies qui nous avaient requinqués s'étaient révélées savoureuses. Mieux encore: la personne aux cheveux blonds avec qui monsieur Teion avait engagé la communication semblait, de toute évidence, disposée à lui en fournir de nouveau, ce qui était une excellente nouvelle. Nous n'étions pas stupides et tâcherions de ne pas nous précipiter à nouveau dans les spores des bulbes sauvages, mais nous avions beau être six, nous n'étions pas à l'abri d'un manque d'information sur un danger inconnu, ni d'un simple moment d'égarement.

Pour autant, la perspective de quitter les lieux prochainement se faisait toute nébuleuse. De drôles de bêtes, l'une aux poils clairs d'un beau gris-vert et l'autre au long cou avec des sortes de diamants scintillants dans l'abdomen, s'étaient mis en tête de nous tourner autour. Sans malveillance, mais avec une certaine appréhension, nous les regardâmes de nous douze yeux, avec la même curiosité.

- Nos hommages, gentes créatures... Nous avons mangé vos biens car la conjoncture l'exigeait, mais soyez-en sûres: nous sommes ici en paix.

Difficile de savoir si elles en avaient réellement quelque chose à faire, mais il fallait bien commencer par cela.

Monsieur Teion, quant à lui, jouait également les prolongations avec notre hôte humaine.

- Ma foi, mon compagnon va mieux, donc nous ne sommes plus spécialement préssés. C'est d'accord, comptez sur moi. Je m'appelle Teion, enchanté et merci pour la générosité, c'est apprécié.

Nous, Noeunoeufs, ne connaissions rien aux manières humaines, mais si la chose que monsieur Teion lui avait proposée avant - un "combien je vous dois" - avait été repoussée par notre bienfaitrice, il fallait trouver un moyen de la remercier. C'était là la moindre des politesses!

Comme ils entreprirent de se diriger vers la maison de la demoiselle, nous les suivîmes discrètement, échappant ainsi à l'immobilité gênante face à ces deux créatures au sang froid, qui d'ailleurs semblaient également attirer l'attention de monsieur Teion.

- Vos compagnons ne viennent pas d'ici, je présume? Je n'en ai jamais vu dans la forêt, leur morphologie n'y semble d'ailleurs pas très adaptée.

Il faisait sans doute référence au pelage fourni de l'une d'entre elles. Je me pris à vouloir retranscrire cet intérêt, et m'adressai donc directement à la boule de poils au petit groin:

- Nous ignorons d'où vous tenez cet élégant pelage, mais il doit être un peu encombrant dans les parages? Dans la jugnle où nous avons grandi, cela aurait fait de vous une cible plus lente et facilement traçable!

Peut-être en faisions-nous trop. Pas dit que le Marcarcin - c'était là le nom du spécimen - acceptât nos familarités.

Monsieur Teion, lui, ne s'encombrait pas d'autant de questionnements, il était déjà dans le concret. Pour lui et Madame, il s'agissait de déplacer des planches d'un côté à l'autre de la demeure.

- A trois. Un, deux, trois... Hmmpf.

Et comme par magie, par la force des deux bipèdes, des planches quittèrent le sol, habilement soulevées par leurs soins! Bravo! Quel exemple de synchronisation et d'effort physique! Si seulement, à l'instar de nos amis, nous avions moins de tête et plus de membres mobiles! Peut-être nous prendrait-on plus au sérieux. Le saurions-nous jamais?

Ils contournaient à présent la demeure.

- Au fait, quand nous aurons fini de déplacer tout cela: s'il s'agit de redimensionner des planches en les découpant, j'ai avec moi une amie Insécateur qui pourrait nous rendre la tâche beaucoup plus rapide.

Il faisait certainement référence à Feuille? Difficile à dire, certains de ses mots nous échappaient encore.

De notre hauteur d’œuf, nous étions parfaitement incapables de participer à l'effort, quel qu'il soit. Aussi, puisque nous étions rétablis, il nous fallait trouver une façon de nous rendre utiles.
Je m'adressai aux deux créatures qui venaient de loin:

- Camarades! Pardonnez ma franchise, mais puisque nous ne pouvons pas les aider à porter ces lourdes charges, ne restons pas les bras ballants, soyons exemplaires! Montons la garde.

Car tout autour, au delà de la sphère privée, des créatures habitaient cet espace verdoyant et proche de l'eau vive, et ce avec presque autant d'assurance que nous.

HRP:

HEX

Et parmi ces créatures, il y en avait une dont l'assurance débordait quelque peu. A l'inverse des petits êtres humides qui avaient le bon goût de nous regarder de loin, celle-ci semblait vouloir se faire remarquer, malgré les efforts d'un de ses petits compagnons blancs pour le retenir.

Plus tard, monsieur Teion me raconta qu'il s'agissait là d'une minuscule tortue, mais de notre point de vue d’œufs, c'était un dangereux dinosaure. Aussi, comme nous étions sur sa trajectoire, notre chlorophylle ne fit qu'un tour lorsqu'elle nous adressa la parole:

- S'cusez?

- ... oui?

- Dites, hey dites, s'cusez?

- Venez-en au fait!

- S'cusez, je peux?

- Quoi donc?

- Bah vous manger, pardi.

- AH!? Alors, comment vous dire... nous ne sommes pas spécialement commestibles! AAAAH! Fit-on alors que le spécimen s'approchait du plus fragile de nous six la gueule grande ouverte!

Une interruption salvatrice de monsieur Teion nous sauva les coquilles. Celui-ci avait lâché ses planches quelques instants pour voler à notre secours. Il se pencha sur la tortue avec un air intrigué.

- Par Viridium! C'est bien la première fois que je vois ce truc là. Fascinant...

Le Tortipouss s'immobilisa un instant, en entendant la voix du maître...
... avant de réavancer vers nous sans fermer la bouche.

- Hop hop hop! Pas touche à mes petits oeufs, ils sont pas là pour ça, fit notre sauveur en attrapant la tortue par le bord de la carapace et en la soulevant.

- Vous voyez, grand malade! Surenchérit-on à l'attention du prédateur. On vous avait pourtant prévenu!

La créature semblait évoluer dans un autre monde. Même à plus d'un mètre au dessus du sol, elle continuait à afficher le même regard rond, dans lequel nous avions de la difficulté à cerner la moindre lueur. Il dévisageait bouche bée monsieur Teion qui le tenait captif dans les airs, sans spécialement s'affoler de sa condition.

- Ces feuilles... ma parole, tu as un tilleul qui te pousse sur le crâne?

- Ti-tiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii!

- Non, tilleul.

- Ti-tiiiiiiiiiiiiiiiiii.

- ... à ta guise.

Il le reposa à terre, et le laissa gambader. La bête nous avait déjà oubliés, et pour une raison obscure sa faim s'était brusquement muée en un irrépressible désir de se rouler dans l'herbe. Monsieur Teion le regardait, penseur.

- Autant, je n'ai jamais eu de sympathie pour les Bulbizarres ou leurs évolutions, avec la relation parasitaire qu'ils ont avec leur plantes dorsale... Mais là, c'est différent. Quel drôle de machin.

Le machin en question avait fini de se rouler. A force de s'agiter dans tous les sens, sa faim l'avait rattrapée. D'un coup, il entreprit d'avancer vers nous à nouveau, mais cette fois nous étions prêts à faire feu sur lui en pilonnant sa carapace sans merci!
Nous n'en eûmes pas l'occasion. Une autre odeur attira instantanément son museau.

Monsieur Teion s'était accroupi, et avait dégainé une des baies Kika bienfaitrices que dame Trixie lui avait offert quelques instants plus tôt, pour lui agiter sous le nez! Sans se faire prier, la chose se jeta sur le fruit, et le dévora en quelques becquées.
Ah, quel gâchis.

- Hmm. J'avais pensé qu'il était perturbé par des spores ou une autre forme de folie passagère, mais non. Il est juste un perché.

- Tii, fit l'animal dans sa langue sans rien comprendre à ce que monsieur Teion venait de dire, avant de lui lécher affectueusement le dos de la main.

Monsieur Teion prit alors un air faussement dégoûté en examinant ses doigts baveux, mais nous n'étions pas dupes: il l'aimait bien.

Plus nous les regardions, plus l'avenir proche devenait limpide. Après tout, si monsieur Teion nous avait recueilli dans la forêt, c'était bien parce qu'il avait le désir d'élargir ses rangs! Dame Feuille et nous-mêmes n'étions probablement pas suffisant: nous allions donc, selon toute vraisemblance, devoir supporter l'attitude imprévisible de cette odieuse tortue végétalisée... et accessoirement la possibilité qu'elle nous dévore à chaque instant.

Mais monsieur Teion semblait gêné. Après plusieurs minutes d'hésitation, et à force de gratter la tête du petit animal, il s'adressa à dame Trixie.

- Excusez-moi, j'abuse quelque peu mais j'aurais un nouveau service à vous demander.
Je sens que quelque chose se passe avec cette bestiole et j'aimerais beaucoup l'employer, à la fois pour m'épauler dans mes travaux et pour étudier l'évolution de ce qui lui germe sur le dessus de la tête. Seulement, comme je n'envisage d'apprivoiser des espèces sauvages que depuis peu, je n'ai évidemment pas l'ombre d'une Captis Ball sur moi. Quant à le porter dans mon sac tout entier, je ne peux pas l'envisager, ce serait trop encombrant.

Il marqua une pause en se frottant la nuque, avant de poursuivre:

- Est-ce que je pourrais vous le laisser en pension complète une semaine ou deux? Je reviendrai vous voir prochainement pour le récupérer, si cela vous convient.

Nous n'avions, bien sûr, absolument rien compris. A part "germe" et "sauvage", des termes qu'il avait l'habitude de prononcer plusieurs fois par jour. Mais il n'y avait pas besoin de comprendre les mots pour comprendre que la tortue et nous ferions route séparée pendant encore quelques temps.

Aussi, nous l'apostrophâmes avec une forme de défi:

- La prochaine fois que nous nous croiserons, quadrupède, nous espérons que vous aurez la décence de ne pas essayer de nous croquer!

- Désolé, fit-il avec apathie.

- Ce n'est rien! Oublions ça.

- Dites...

- Quoi encore?

- Je peux cette fois-ci?

- Quoi?

- Vous manger.

Un silence gênant s'abattit. Il n'était donc pas seulement simplet, mais aussi un peu long à la détente.

- C'était pour rire.

Non, juste simplet au final. Et pas spécialement drôle.

"Fort gourmand" était approprié pour le Tortipouss, mais aussi un peu réducteur. A ce stade, je n'étais pas certain qu'il ait vraiment voulu croquer le Noeunoeuf: peut-être souhaitait-il simplement l'embêter un peu, par jeu ou même par simplicité d'esprit. Hex, dans tous les cas, était mal à l'aise. Par ailleurs, la perspective de voir ressurgir n'importe où le marcacrin doré qui s'était enfoui dans le sol après lui avoir tourné autour comme une tornade ne l'aidait pas à rester serein. Par sécurité je vérifiai une dernière fois qu'il ne manquait pas un oeuf sur les six, avant de porter le dernier tas de planches.

Tortipouss, sans crier gare, nous suivit un peu avec une petite démarche amusante. Il profita de passer près de la mare pour rejoindre le Nénupiot et son aîné domestique et se jeter dedans à son tour, en poussant un étrange et joyeux rugissement, sans oublier de les éclabousser abondamment.

- Alors merci infiniment. Au moins ici, il ne risque pas l'ennui ni la malnutrition.

L'heure était venue de passer au travail de découpe. Après avoir marqué les longueurs à conserver sur les planches, ce fut au tour de Feuille l'Insécateur de sortir de sa Captis.

- Dame Trixie, je vous présente Feuille, ma partenaire de Foresterie.
Feuille, désolé de te convoquer pour une besogne aussi basse, mais pourrais-tu découper ceci? Fis-je en indiquant du doit les endroits où nous avions déposé les planches.

Alors que je m'apprêtais à encaisser son agacement, je lus dans les yeux de Feuille beaucoup d'interrogation, voire une certaine inquiétude. Elle hésita quelques secondes, puis s'approcha du tas de bois, et leva la lame en l'air...

Au dernier moment je remarquai que le petit Marcacrin doré avait resurgi du sol, juste au niveau des planches.

- Whouplà, m'exclamai-je discrètement, en arrêtant le mouvement de l'Insécateur au dernier moment.

La sueur froide était passée, nous avions évité le haché d'Abigail. Sans se douter de rien celle-ci s'était déjà éloignée pour retrouver Noeunoeuf, tout comme Tortipouss qui n'avait pas tenu longtemps sans essayer de le manger.
Dame Trixie, plus préoccupée par la perspective de laver sa bête qu'autre chose, ne semblait pas avoir remarqué le drame qui venait d'être évité. Feuille et moi nous expliquâmes en silence: je lui montrai les planches, elle me montra le cochon en écartant les pattes pour me signifier sa confusion, je haussai les épaules avec un air gêné pour lui dire que je ne l'avais pas vu et que j'étais navré, après quoi elle poussa enfin son habituel soupir et se mit au travail en bougonnant.

Elle découpa avec application les larges morceaux de bois, en suivant précisément les traits que nous avions préalablement dessinés. Dés qu'elle avait fini une planche, nous la transportions au niveau du porche pour la clouer au bon emplacement. Les travaux se poursuivirent ainsi, dans ce cadre bucolique à souhaits, sous le regard curieux et les petits cris de jeu des bestioles sauvages et domestiques qui entouraient cette belle demeure bien entretenue.

Trixie était intrigante. Pleine de rires et d'énergie, elle incarnait cette authenticité simple et sans détours qui manquait à tant de citadins. Elle avait les pieds sur terre et semblait cultiver, en plus de son verger, un vrai sens de l'autonomie, ce qui avait le don pour me plaire. Comme elle était ravissante, je me surpris à m'imaginer revenir ici beaucoup plus régulièrement... avant de rapidement déchanter.
Au delà de ma conscience professionnelle qui m'incitait à rester loin de la sédentarité, une partie de moi se méfiait des gens trop joyeux. Sous ses airs de grande enfant débrouillarde, cette demoiselle avait certainement des fragilités et des fardeaux secrets, dont je n'avais ni l'envie ni le temps de m'encombrer.

Un grognement du Noeunoeuf me sortit de mes songes: Tortipouss essayait encore de lui grignoter la coquille. Jeu ou pas, c'était la fois de trop. Je rappelai Noeunoeuf dans sa Captis Ball. Du côté de la petite patrouille, Nenupiot, Lombre, Marcacrin et Amagara avaient entre temps été rejoints par les Moustillons qui s'étaient enfin habitués à la présence de tous.
En remerciant Feuille pour son aide, je lui proposai - sait-on jamais? - d'aller jouer avec les autres, au lieu de quoi elle préféra évidemment se prélasser dans les hautes herbes. Cela ne manqua pas d'attirer l'attention de Tortipouss, qui la rejoignit pour lui mordiller les ailes. Le malheureux ne savait pas à qui il avait affaire... Comme je n'étais pas sûr d'avoir envie de voir ce qui allait suivre, je reportai mon attention sur le porche qui, grâce à nos soins avait fière allure.

- C'est comme dans vos rêves? Demandai-je avec un sourire en coin. Si oui, il était question d'un jus de baies, l'offre tient toujours? J'ai grand soif.

J'avais surtout besoin de sucre. Comme à chaque fois que je me tourmentais pour rien.